Dictionnaire de théologie catholique/CLÉMENT VI, pape

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 3.1 : CLARKE - CONSTANTINOPLEp. 43-44).

6. CLÉMENT VI, pape, successeur de Benoit XII, élu le 7 mai 1342, décédé le 6 décembre 1352.

Le cardinal Pierre Roger, que le conclave choisit iours après la morl il.’Benoit, appartenait à l’ordre aédictins. Ancien garde des sceaux du roi de 1 rance, puis archevêque de Rouen, il était tout dévoué à Philippe de Valois dont les intérêts formèrent le pivot i politique. L’année même de son élévation, il prit ronlre les villes de Flandre révoltées contre le roi de France leur suzerain, puis, intervenant non connue pape, pour « donner sentence » , mais, suivant les termes imposés par le roi Edouard d’Angleterre, « comme per-Bonne privée, ; i titre d’ami commun des deux souverains, il lit consentir aux deux rois pour trois ans la’b' Malestroit (19 janvier 1343). Plus tard, il prévenir la rupture de la trêve et au lendemain de la défaite de Crccy (29 août 1346) il B’entremii de ] forces en faveur de la France.

Di - succès plus apparents couronnèrent sa politique en Allemagne oii il poursuivit à outrance la guerre

entreprise par ses prédécesseurs contre Louis de Bavière. Repoussant toutes les ouvertures du prince que l’âge, les déceptions d’une lutte qui durait depuis vingt ans inclinaient à la conciliation, il exigea une soumission sans réserve ; par des négociations habilement menées avec certains électeurs, il lui suscita un rival à l’empire en la personne de Charles de Luxembourg (20 juillet 1346). La mort inopinée de Louis de Bavière, qui arriva le Il octobre 1317, celle de Gunthcr de Schwarzbourg, que les adversaires de Charles avaient porté à l’empire et qui mourut au mois de mai 1319, iiàtèrent le succès de « l’empereur des prêlres » . Mais Charles IV lui-même s’était rendu compte de la nécessité de soustraire l’élection impériale au contrôle et à la ratification du pape, considérés désormais comme une intervention étrangère. Le divorce de l’empire et de la papauté devenait d’autant plus raisonnable, que l’Italie se constituait de plus en plus en un agrégat de républiques et de petites souverainetés où l’empereur n’avait plus d’autorité réelle. Mais la Bulle d’or de Charles IV ne fut publiée qu’en 1356, sous le pontiiicat d’Innocent VI.

Des négociations eurent lieu entre le saint-siège et les Grecs et Arméniens d’Orient (1. Il et 1351) ; l’union avec l’Église romaine servait d’entrée en matière pour obtenir des secours contre les Turcs ; mais rien de définitif ne fut conclu, ni aucune croisade entreprise.

Clément VI ne fit aucune tentative pour reporter le siège pontifical à Rome. Il en avait été pourtant prié au commencement de son règne par une ambassade des Romains où figurait Pétrarque. Tout en protestant de ses bonnes intentions pour l’avenir, le pape s’excusa sur l’inopportunité présente et accorda seulement aux Romains de fixer à l’année 1350 le retour du jubilé qui ne devait primitivement se célébrer que tous les siècles. L’Italie abandonnée par le saint-siège voyait se lever des podestats, tyrans au petit pied, qui sur le terrain mouvant des cités populaires essayaient de fonder leur pouvoir. Milan avait ses Visconti, Rome n’aurait-elle pas les siens ? On put le croire en voyant l’obscur Nicolas Rienzi accomplir l’œuvre de restauration qu’il avait vainement prié Clément VI de venir entreprendre. Devenu maître du gouvernement de Rome sous le titre de tribun en 1317, il réorganisa l’administration et la police de la ville, leva une milice, lit régner le bon ordre et la justice au point de mériter de Clément VI un bref d’encouragement. Il conçut l’idée d’un congrès des villes italiennes où seraient jetées les bases d’une confédération. Malheureusement une si haute fortune tourna la tête à l’aventurier qui se mit à trancher du maitre, du « tribun auguste » , de « l’ami de l’univers » , s’attaquant au pouvoir temporel du pape, citant les empereurs rivaux à son tribunal, battant monnaie à son efligie, rêvant de devenir le chef d’un véritable empire italien. Clément VI mit fin à ces folies en le frappant des censures et en poussant les nobles à se révolter. Bienzi dut s’enfuir après huit mois de pouvoir, abandonné" par le peuple (lin de l’année 1357).

L’aventure si tut dénouée était un indice du péril que l’absence des papes faisait courir à la souveraineté temporelle du saint-siège. De fait, après 1350, Clément fut impuissant à relever le parti guelfe en Italie et a récupérer la ville de Bologne qu’il dut céder pour douze ans à l’archevêque de Milan qui la lui disputait (1352). C’est pourtant après la chute de Bienzi que le pape Clément VI sembla consolider son siège à Avignon en acquérant la seigneurie de la ville. La reine Jeanne de Naples, qui était aussi souveraine de la Provence et à ce titre d’Avignon, était accusée par la rumeur publique d’avoir trempé’dans l’assassinai de son mari André de Hongrie, Mise en fuite par son beau-frère Louis, roi de Hongrie, elle comparut devant le pape qui l’entendit en consistoire et la déclara innocente. La 71

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céda li ville d’Avignon au pape pour une aomroe il. 80000 florini d’oi 19 juin L34t !. toutefoii lea habitante de la ville mécontente ne reconnurent la louveraineté du pape que bous le régne d Innocent VI.

Le pape Clément VI avait lea raœurt 1 1 lei défauts d’un grand » igni ur. Il était bon, lilx rai, généreux ; il montra l’exemple du courage pendant la grande peste des années 1348 et 1349 ; il tint bon dans la ville d’Avignon au moment où le fléau décimait la population, portant partout des aumi consolations ; plue tard, quand le peuple, un peu partout, s’en [.rit aux juifs de la peste, qu il lea massacrait ou les brûlait Bans pitié, le pape écrivit aux évoques d’excommunier ceux qui les molesteraient. Nulle p irt lea juifs ne furent mieux protégés que dans les terres d’Église. Mais à d’autres égards, le pontificat de Clément VI fut dommageable à l’Église. Meilleur politique et meilleur prince que pontife, il eut bientôt dépensé en constructions, en fêtes luxueuses, le trésor amass par le pape Lienoit XII : il agrandit et lit décorer de peintures le palais di papes ; mie table richement servie, îles réceptions brillantes où 1rs dames étaient admises, une libéralité dégénérant en prodigalité, contrastaient avec les efforts de son prédécesseur pour introduire une certaine réforme. Les besoins d’argent du pape, sa légèreté dans la distribution des grâces l’amenèrent à se réserver un nombre de plus en plus considérable de bénéfices, d’évéchés, d’abbayes. Les plaintes les plus vives se produisirent. En défendant leur clergé et leur peuple contre ces abus, les rois se donnaient pour les protecteurs des vrais intérêts de l’Église. Le roi Pierre d’Aragon demanda à Clément VI de renvoyer les prélats de son royaume qui séjournaient à Avignon et de ne plus conférer de bénéfices dans ses États à des clercs étrangers (1351). En Angleterre, Edouard III avait fait arrêter et chasser du royaume les procureurs venant prendre possession de bénéfices au nom des cardinaux nommés. C’est à l’occasion de ses démêlés avec le roi d’Angleterre sur ce sujet, que Clément VI émit la prétention qui était depuis longtemps à la base de toutes les pratiques de la papauté absolutiste ; c’est qu’il appartient au pape de disposer des prélatures et des bénéfices de toute la chrétienté. Ad romanum pontïficem omnium ecclesiarum, dignitatum, personatum, officiorum cl beneficiorum ecclesiaslicorum plenaria dispositio noscitur pertinere (Il juillet 1344). Vers le milieu du xive siècle, il se produisit une recrudescence d’écrits polémiques contre la papauté’et contre les mœurs de la cour d’Avignon. Clément VI, trop indulgent par caractère pour réprimer les désordres autour de lui, avait du moins la franchise de les reconnaître, et il prit contre les prélats de son entourage la défense des religieux mendiants dont la conduite pendant la peste avait été admirable et qui avaient recueilli de grands biens, objet de jalousie et d’envie.

Don théologien, esprit ouvert et cultivé. Clément VI ne perdait pas de vue les questions théologiques : après la mort de Louis de Bavière, il reçut la soumission de Guillaume Occam et des franciscains fanatiques qui acceptèrent enfin la constitution de Jean XXII : parmi eux l’on mentionne François d’Ercolo. Clément VI condamna les flagellants dont les excès désolaient la chrétienté.

Les grands voyages de découvertes du xive siècle, avaient amené une extension de l’Église à des contrées nouvelles. Le pape Clément VI. à la requête du prince Louis de la Cerda, lui accorda l’investiture de la souveraineté sur les iles des Canaries, avec le titre de prince de Fortunia (vers 1344) ; le prince ne pat se maintenir ; en 1351, Clément donna un évoque aux Canaries en la personne d’un religieux carme, le P. Bernard. Clément VI mourut le’i décembre I Son successeur fut le pape Innocent VI.

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-..Die pàpstliehenKollektorien in Deutêchland uàhrend des xirJahrhunært » , Paiierborn. IS’J’i ; ld.. Die papslliclienvnnaten in Deutêchland wàhrend des xiiJainhunderts, l’adertinrn, 11**4 (collection des QueUen und Forschuni/en au » dem Gebiete der GeechiclUe) ; ld.. Die Verwallung der Annaten unter Klemens VI, dan Quartaltchrift, 1902, p. tfi 151 ; J. de Love, Les archives de la Chamhre apostolique au xir" siècl", I" partie, Inventaires. ] Klicrnan. Monu menta Vaticana re » geetat ISohemicas UlustranUa, t. i, Acla Clemenlis VI (ii

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