Dictionnaire de théologie catholique/CAMPION, CAMPIANUS, le Bienheureux Edmond

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 67-68).

1. CAMPION, CAMPIANUS, le Bienheureux Edmond, de la Compagnie de Jésus, né à Londres, le 25 janvier 1540 ; élève, puis maître es arts à Oxford, il se distingua par ses talents au point d’être réputé l’homme le plus éloquent d’Angleterre. L’influence et, pour ainsi dire, la fascination qu’exerçait sur lui l’évêque de Gloucester, Cheyney, sorte de puséiste au XVIe siècle, lui fit accepter des mains de celui-ci le diaconat anglican. Cependant ses idées, catholiques au fond, lui rendant le séjour d’Oxford de plus en plus difficile, il partit en 1569 pour Dublin, où l’appelaient d’ailleurs des amis iniluents, qui cherchaient à faire revivre l’ancienne université de cette ville et souhaitaient qu’il en prit la direction. C’est là qu’il composa, en trois mois, une histoire abrégée de l’Irlande, qui fut publiée, après sa mort, par sir James Ware, in-fol., Dublin, 1633. Mais devenu de plus en plus suspect de papisme, il n’évita la prison qu’en se cachant. En 1571, il s’échappa d’Irlande sous un déguisement et rentra à Londres, qu’il quitta bientôt, non sans nouveaux risques, pour passer en France et entrer au collège anglais de Douai, fondé en 1568 par Guillaume Allen. Il s’y réconcilia avec l’Eglise et se préoccupa dès lors de ramener à la vraie foi les amis qu’il avait laissés en Angleterre. On possède encore une lettre très forte et très touchante qu’il adressa dans cette vue à l’évêque de Gloucester. Voir Études religieuses, février 1888, p. 239. Au noviciat de Roehampton, près de Londres, on garde un exemplaire de la Somme théologique de saint Thomas, découvert par le chanoine Jules Didiot en France, et dont les m sont chargées de miles que Campion y inscrivit durant son séjour à Douai., 1. Didiot, Lu Somme d’un martyr, le II. Edm, Campion « Douai, Amiens, 1887, Cependant

le désir d’une perfection plus haute le conduisit < Rome,

où il arriva dans l’automne de l.">7’2. quelques jours avanl la morl de Bainl I rani oia de Boi que le

successeur de ce saint, comme général ^ -. fut H 19

CAMPION

1150

nommé, en avril T. ?, . Campion se présenta à lui pour demander son admission dans la Compagnie. Il lut i ii, t envoyé à Prague en Bohême, puis à Brûnn en

ivie, pourj taire son noviciat. On l’appliqua i n à enseigner la rhétorique et la philosophie i Prague.

<m ! té prêtre en 1578, il est rappelé i Rome en

et associé au groupe de missionnaires que le pape i, i goire UII envoie en Angleterre, pour soutenir la foi des catholiqnes et relever ceux qui ont faibli. Rentré dans sa patrie à travers les plus grands périls, en 1580, il attira immédiatement des foules à ses prédications dans Ks assemblées secrètes des catholiques. Aussi le gouvernement ne tarda point à s’alarmer et à le faire poursuivre activement. Peu après son retour, il avait composé un petit écrit, où il exposait « son but, comment il était venu, ce qu’il cherchait, quelle guerre il déclarait et à qui » ; il protestait que la politique n’entrait pour rien dans ses vues, et s’offrait à soutenir toute discussion publique, pourvu qu’on lui accordât sûreté de la vie. Il portait toujours sur lui cette pièce écrite de sa main, afin qu’elle fût prise avec lui, s’il était arrêté ; mais une copie qu’il en avait donnée à un ] ami se répandit dans le public. Cette sorte de manifeste fit grand bruit. Deux prédicants, Hanmer et Charke, essayèrent d’y répondre. Campion dédaigna de relever leurs injures contre sa personne et contre les jésuites en général ; elles furent d’ailleurs réfutées par son confrère et collègue dans la mission, le P. Parsons. Il se contenta de justifier le défi qu’il avait porté aux ministres hérétiques. C’est ce qu’il fait dans un opuscule, adressé aux universités d’Oxford et de Cambridge, et intitulé d’abord RationPs oblati certaminis redditse academicis Angliæ. Ce petit chef-d’œuvre de controverse fut imprimé clandestinement parles presses privées d’un gentilhomme catholique, Stonor, en 1581. Il a eu, depuis, de nombreuses rééditions, ordinairement sous le titre : Rationes deceni quibus fretus cerlamen Anglican » Ecclesise ministris obtulit in causa fidei Edmundus Campianus. Il a été aussi traduit en plusieurs langues ; notamment, Migne en a inséré une traduction française, peu exacte, au t. xiv des Démonstrations érangéliques, col. 1179. L’opuscule de Campion montrait, de la manière la plus claire et la plus pressante, l’anglicanisme et tout le protestantisme condamnés par l’Écriture sainte et la tradition ecclésiastique, aussi bien que par l’histoire et la raison. Répandu jusque dans les salles de cours des universités, il provoqua une grande émotion et détermina de nombreuses conversions. Cependant traqué de toutes parts et dénoncé par l’apostat Elliot, Campion fut arrêté le 17 juillet 1581, et conduit à la tour de Londres, le 22, au milieu des manifestations de joie de la populace. Jeté dans un cachot étroit, où il ne pouvait se tenir qu’accroupi, il en est tiré, après quatre jours, pour être conduit en grand secret chez le comte de Leicester, où la reine Elisabeth se trouva elle-même pour entendre le prisonnier. Elle lui demanda s’il la reconnaissait comme reine légitime d’Angleterre ; il répondit oui. Il pouvait le faire sans hésitation et en toute sincérité, quoique le pape l’ie v, en 1570, eût déclaré Elisabeth excommuniée et déchue du trône, et eût interdit aux catholiques, sous peine d’excommunication, de lui obéir comme à leur souveraine, lui ellet, Campion et ses compagnons de mission avaient obtenu de Grégoire XIII, avant leur départ de Home, la déclaration formelle que cette interdiction ne liait pas les catholiques anglais, dans la situation présente, el qu’ils pouvaient en conscience rendre hommage et soumission à Elisabeth comme à leur reine, en matière civile. I>. l’.arloli. l.’lnghilterra, I. 1, c. ix ; 1. 11, c. vi, Rome, 1667 ; Th. Knox, Letten and mémoire of W. card. Allen, Londres, 1882, p. xxix. Le jésuite serait sorti de celle entrevue libre et comblé d’honneurs, s’il avait voulu trahir sa foi catholique. Ramené en prison et soumis trois fois à une cruelle torture, il n’en resta pas moins invincible. Ce fut quand on le crut (puis, par la souffrance et la faim, qu’on feignit d’accepter --on défi et de lui accord < r La dispute publique qu’il avait demandée. En dépit de sa faiblesse physique, la science et l’éloquence du confesseur de la foi firent regretter leur hardiesse aui ministres qui se présentèrent pour le combattre. Enfin, on en vint, le 14 novembre, à un simulacre de procès, où furent apportées non des preuves d’aï tes coupables, mais des déclamations calomnieuses contre le catholicisme. Campion soutint brillamment, pendant onze heures de suite, sa défense et celle de ses compagnons. Cependant, le 20 novembre, fêle de saint Edmond, la condamnation à mort fut prononcée contre lui, contre cinq autres prêtres et dix laïques. La sentence portait qu’ils étaient convaincus de rébellion ; en réalité, ils étaient punis seulement pour avoir refusé de reconnaître la matie spirituelle de la reine. Le Bienheureux répondit au verdict par le chant du Te Deum. Tous les condamnés furent pendus à Tyburn. le l « décembre 1581, puis leurs corps taillés en pièces et exposés aux portes de Londres. Le pape Léon XIII a confirmé le culte de 51 martyrs anglais, parmi lesquels Edmond Campion, le 9 décembre 1886. Après la mort du Bienheureux, on a publié un manuscrit de lui sous ce titre : Litaniæ Deiparæ Virginia Maris ex Patribus et Scriptura collectée a RR. PP. Ed. Campiano in Anglia pro fide catholica mortuo et Laurentio Maggio, Societatis Jesu sacerdotibus, et ab iisdem per singulos hebdomadez dies distributæ Paris, 1633, 1887.

Les ouvrages où il est question, plus ou moins en détail, do Campion, sont nombreux. Sans parler des histoires générales d’Angleterre, dont les plus sérieuses, même si les auteurs sont protestants, constatent généralement, aujourd’hui, l’injustice de la condamnation du Bienheureux ; voici les principales de ces publications : Robert Parsons, S. J., Life and martyrdotnof Father Edm. Campion, notes d’un compagnon du Bienheureux rubliées dans la revue Letters and notices, RoehampUm, 1877, t. xi, xii ; Bombinus, S. J., Vila Campiani, Anvers. : Morus, S. J., Historia missionis anglicse, Saint-Omer, 1660 ; Dan. Bartoli.S. J.. Dell’istoria délia Compagnia di Giesù. LlnghiUerra, 1. II-III, in-fol., Rome, 1667 ; Possoz. S. J., Le ftremier jésuite anglais martyrisé en Angleterre, Lille. : Hich. Simpson, Edmund Campion, Londres. 1867 ; J. Forbes, S. J., Edmond Campion, dans les Études religieuses, t 18, 82, p. 212-248 ; ld., Une accusation contre Edm. Campion, dans la Revue des questions historiques, 1892, t. i.n, p. 545563 ; L. Delplace, S. J., L’Angleterre et la Compagnie de Jésus avant le martyre du B. Edmond Campion. 15404581, Bruxelles, 1890, p. 51 sq., extrait des Précis histori Dictionary of national biography, de Lestie Stephen, Londres. t. viii, art. Campion. Sur les ouvrages d<’ceux

des adversaires qui ont tenté de le réfuter, voir de Backer et Sommervogel, Bibliothèque de la Cde Jésus, t. H, col. 586597 ; Hurter, Xomenclator, 1. 1, p. 54.

II. DlTOl QIET.