Dictionnaire de théologie catholique/CALIXTE III. Le contrat du cens d'après la bulle Regimini (1455)

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 19-24).

II. CALIXTE III. Le contrat du cens d’après la bulle Regimini (1455). Cf. c. II, t. III, De empt. et vendit., lit. v. Extravag. com., DenLinger, doc. LXXIV. — 1. Texte et traduction de la constitution Regimini. II. Définition, nature du cens. 111. Division. IV. Licéité au point de vue du droit naturel du cens réel, person-. ml. Y. I)u cens avec pacte de revente et de rachat. VI. Circonstances historiques qui ont occasionné cette bulle. VII. Conditions du contrat du cens approuve par Cfit" constitution. VIII. Valeur juridique de ta décision du pape '" casu IX. Le rouirai du cens d’après la bulle Cum onus de saint Pie Y : conditions nécessaires de droit posilif.

1. Tl.XTE ET TRADUCTION DE LA CONSTITUTION REGIMINI.

tanto tempore, cuius contrarii memoria non exsistit, in diversis Alemaniae partibus pro communi hominum utilitate interhabitatoreset incolas partiumearumdem talis inoleverit, hactenusque observata fuerit… consuetudo, quod ipsi habitatoreset incoke, sive illi ex eis quibus id pro suis statu et indemnitatibus expedire visum fuerit, super eorum bonis, domibus, agris, prædiis, possessionibus et hæreditatibus annuos marcarum, florenorum, seu grossorum monetæ in partibus illis currentis, reditus seu census vendentes, pro singulis ex marcis, florenis sive grossis hujusmodi ab eis, qui illas vel illos, sive reditus sive census ipsos emerint, certum competens prelium in numerata pecunia secundum temporisqualitatem, prout ipsi vendentes et ementes in contractibus super his inter se firmaverunt, recipere soliti fuere ; illa ex domibus, terris, agris, prsediis, possessionibus et hæreditatibus prædictis, quae in hujusmodi contractibus expressa fuerunt, prædictorum solutioni redituum et censuum eflicaciter obligantes ; in illorum vendentium favorem hoc adjecto, quod ipsi pro rata, qua hujusmodi per eos receptam dictisementibus restituèrent in toto vel in parte pecuniam, a solutione redituum, seu censuum, hujusmodi restitutam pecuniam contingentium, liberi forent penituset immunes ; sed iidem ementes, etiamsi bona, domus, terra ;, agri, possessiones et hoereditates hujusmodi processu temporis ad omnimodas destructionis sive desolationis reducerentur opprobrium, pecuniam ipsam etiam agendo repetere non valerent. Apud aliquns tamen hæsitationis versatur scrupulus, an hujusmodi contractus liciti sint censendi. Unde nonnulli illos usurarios fore prætendentes, occasionem quærunt reditus et census hujusmodi ab eis débites non solvendi…

Nos igitur… ad omne super his ambiguitatis tollendum dubium, prsefatos contractus licites jurique conformes, et vendentes eosdem ad ipsorum solutionem censuum et redituum juxta dictorum contractuum tenores, remoto contradictionis obstaculo, efficaciter tenon, auctoritate apostolica piieseutium série declaramus.

… Nobli nuper exhibita peUtlo continebat, rpiod, liect a

… La supplique, qui Nous a été récemment adressée, Noua

exposait le cas suivant : Depuis très longtemps, et de mémoire d’homme on ne se souvient pas du contraire, dans diverses parties de l’Allemagne, pour le bien commun de la société, parmi les habitants de ces mêmes contrées s'était établie et avait été gardée jusqu'à présent la coutume suivante : Les habitants, ceux du moins à qui leur condition et leur avantage suggéraient de pareils contrats, grèvent leurs biens, maisons, champs, fonds, possessions et héritages, en vendant à d’autres des revenus ou rentes annuelles en marcs, florins ou gros, monnaies qui ont cours en ces pays, et pour chaque marc, florin, ou gros de rente ils ont coutume de recevoir en espèces des acquéreurs de ces rentes ellesmêmes, servies en marcs, florins ou gros, un certain prix convenable, variant selon les époques, d’après les conventions intervenues à ce sujet entre vendeurs et acheteurs. Comme garantie du paiement de ces rentes, ils donnent en gage (soit, ils hypothèquent) celles de ces maisons, terres, champs, fonds, possessions et héritages, dont il a été convenu. On ajoute au contrat en faveur des vendeurs la clause que voici : S’ils restituent aux acheteurs en tout ou en partie la somme qu’ils ont reçue comme prix, en proportion de cette restitution, ils sunt entièrement libérés de l’obligation de payer les arrérages de rente afférents à la somme restituée (donc au prorata). Il n’en est pas de même des acheteurs : alors même que les biens, maisons, terres, champs, possessions et héritages viendraient avec le temps à être entièrement détruits ou dévastés, les acheteurs n’ont pas le droit de recourir aux tribunaux pour recouvrer la somme, qu’ils eut donnée comme prix… Plusieurs cependant sont inquiets, hésitants, et se demandent Ni des contrats de ce genre sent licites. C’est pourquoi quelques débiteurs, les considérant comme usuraiies, en prennent occasion de refuser le paiement des arrérages qu’ils doivent…

NOUS donc…, peur lever à

ce sujet toute équivoque, toute Incertitude, en vertu de Noti e

autorité apostolique, .Non, déclarons par les pré que les contrats susdit licites et conformi que ces mêmes vei sant toute

fectlvement n la te au paiement us et des '

II. DÉFINITION, nature ni CENS. — Le mot « cens » peut être pris dans différentes acceptions.

I)ans la constitution Regimini de Calixte III. le cens indique une espèce de contrat de vente et d’achat, On peut le délinir ; Jus peixipiendi annuam pentiontm ex 1353

CALIXTE III

re vel persona alteriut. Lessius, De justifia et,

I. II, c. xxii. dub. i, ii. -l. Pirhing, I. V. tit. six, n. "> C’est le (/ ;.(/( de percevoir une pension annuelle d’un Lien d’un autre on (l une personne. Ou encori droit d’exiger d’un autre une rente annuelle, qui a comme garantie immédiate ou un bien productif, champ, r, vigne, bétail, appartenant à cette personne, ou la personne elle-même, à raison de son industrie, de son travail, de son art, de son talent spécial.

Ainsi défini le cens, c’est le droit lui-même de percevoir une pension annuelle, mais non la pension ellemême, ni le bien sur lequel elle esi assurée. Par conséquent, celui qui vend un cens ne vend pas de l’argent, ni des fruits qui proviennent de sa propriété, comme quelques-uns l’ont supposé, mais le droit d’exiger le paiement annuel ou d’une certaine somme d’argent ou d’une certaine quantité de fruits. L’olijet du contrat entre le vendeur et l’acheteur, c’est le droit à la pension annuelle. L’acheteur paie une certaine somme d’argent et acquiert ainsi le droit à une rente annuelle, assurée sur le bien ou sur la personne du vendeur. Et remarque justement Villalobos, Somme de la théologie morale et canonique, tr. XXIII, difficulté l re, pour constituer un cens proprement dit, il faut qu’il y ait vente et achat ; car, <i quand le roi, par exemple, donne quelque rente annuelle à quelqu’un en récompense de ses services, ce n’est point un cens ; il le serait, s’il y avait achat. »

A noter aussi que le vendeur garde le plein domaine du bien sur lequel est constitué le droit à la pension annuelle : « Celui, dit encore Villalobos, loc. cil., qui charge son bien de quelque rente ne vend pas ledit bien (quoi qu’en dise Antoine Gomez avec quelques autres), mais seulement une partie du droit qu’il a sur ce bien, en la même façon que celui qui le charge de quelque servitude, vendant par exemple le passage par son pré, ou la permission de faire des fenêtres qui regardent dans sa cour. »

Le cens diffère évidemment du prêt (mutuum). Dans le prêt on n’achète rien ; le cens, au contraire, est un droit acquis par contrat de vente et d’achat : l’acheteur moyennant un certain prix acquiert le droit de percevoir une rente annuelle d’un bien productif d’un autre ou d’une personne. De plus, la rente est perçue à raison d’un capital, que le débiteur n’est pas tenu de rendre au créancier, tandis que dans le prêt proprement dit, la chose prêtée, par exemple la somme d’argent, doit être rendue au créancier. Cf. Wernz, Jus Décrétai., t. m. tit. IX, n. 261 ; Iîallerini-Palmieri, De justifia et jure, n. 478 ; Rambaud, Éléments d'économie politique, part. III, c. ii, p. 485.

De même, il ne faudrait pas confondre ce cens avec le cens dont il est question en matière de biens ecclésiastiques ; celui-ci, eu effet, indique une redevance que les églises ou instituts ecclésiastiques devaient payer principalement en signe de sujétion. Cꝟ. 1. 111, X. tit. xxxtx ; Wernz, loc. cit.

Dans le contrat du cens, le vendeur de la rente, qui dans le cas devient débiteur (débi-rentier), est communément appelé censuarius, et l’acheteur, qui devient créancier (crédi-rentier), censuista ou censualista ; licet, ajoute Ferraris, Pronipta bibliotheca, y Census, n. 5, atn appellent creditorenx ipsum censuarium etcénsualistam, et alii utroqtie nomine utrumque appeUari posse dica>it.

III. Division.

Ainsi entendu, le cens, si l’on considère la manière dont le contrat se fait, est réservatif, ou consignatif soil désignatif.

Le cens est dit réservatif, lorsque par donation, vente. legs, etc., quelqu’un transfère à un autre le plein domaine

sur ses lueiis.se n servant BUT eux une pension annuelle. Par exemple. Tilius possède une terre ; il la vend à Gains, et se réserve comme prix une pension annuelle

de 50 écus, que doit ha Bervir Csius : c’est un cens

réservatif. Ce cens est nettement distinct de Vemphytéote et du /ieI. Le maître et le seigneur, en

Gèrent à l’emphytéote et an vassal que le domaine utile, et conservent le domaine direct, tandis que hcens réservatif, ! « propriétaire transfère à un autre le domaine direct et utile sm >, . biens.

Le cens, au contraire, est Consignatif ou désignatif, lorsque quelqu’un vend à un autre un droit à une i annuelle, mais ce droit est directement constitué ou sur la personne du vendeur, ou sur ses biens productifs, qui restent sa propriété. Par exemple Tilius moyennant 5000 francs acheté de Caius le droit de percevoir chaque année de la vigne de Caius 5 hectolitres de vin ou leur valeur en argent. C’est un cens cou si -natif. Il diffère également de l’emphytéote et du fief, précis. -ment parce que le vendeur garde le domaine direct et utile du : «  sur lequel est fondé le droit à la pension, tandis que le maître et le seigneur cèdent à l’emphytéote et au vassal le domaine utile, etc. C’est celui dont parlent principai lient les docteurs, et dont il est question dans la constitution de Calixte III.

Le cens consignatif ou désignatif se subdivise luimême en plusieurs espèces : — 1° Si l’on considère la chose sur laquelle la rente est constituée, il est réel, personnel ou mixte. — Réel, si le droit à la pension annuelle est directement assuré sur un certain bu n productif, de telle sorte que celui-ci venant à périr en tout ou en partie, la rente cesse par le fait même ou subit une réduction proportionnelle. Dans ce cas. la rente est tellement inséparable du bien lui-même qu’elle le suit toujours, en quelque main qu’il passe, quand même il serait vendu à un autre, comme une charge qui lui est inhérente, jusqu'à ce qu’il en soit légitimement dégrevé. Il est évident que dans ce contrat, avec l’obligation réelle qui pèse sur le bien, il y a une obligation personnelle, qui atteint le propriétaire, parce que la charge qui grève le bien retombe sur le propriétaire. — Personnel, si le droit à la pension est directement constitué sur la personne même, qui s’oblige, à raison de son travail, de son industrie, de son art, de son talent, à payer une rente annuelle. Mais, pour plus de sécurité, le cens personnel peut avoir comme garantie une hypothèque sur les biens de la personne : c’est alors l< personnel avec hypothèque. Dans ce cas. l’hypothèque n’intervient pas en vertu du contrat censuel lui-mémo : c’est seulement un contrat subsidiaire ; l’hypothèque n’est exigée que pour la sécurité du premier contrat, et par conséquent on ne doit recourir à l’hypothèque pour le paiement de la pension que dans le cas où l’on ne pourrait absolument pas l’obtenir de la personne ellemême. Lessius, De justifia rt jure, 1. U.c. XXII, dub. il, n. 7 ; De Lugo, De justifia et jure. disp. XXVII, sect. I, n. i. Par exemple. Titius est habile artisan, mais il n’a pas d’argent. Il demande à Caius de lui avancer un capital de 10000 francs. Par contre il s’engagea payer à Caius une rente annuelle de 50 écus. ùms cous. ut. C’est un cens consignatif personnel. Toutefois, pour a-surer ce premier contrat, Caius expe comme garanti.' de son droit une hypothèque sur une terre OU une maison que possède Titius. (.'.'est un un. 1 avec

hypothèque. — Mixte, si le droit a la rente est immédiatement constitué à la fois et sur la personne ellemême, et sur un bien productif, qui lui appartient, de telle sorte que le bien venant à périr, la personne I cependant soumise à l’obligation du cens ; c’est justement le contraire dans le cens réel ; si la chose vient a périr en tout ou en partie. le cens se perd avec elle. OS

réduit proportionnellement

-i Ion considère la manière dont la rente se paie, le cens est frucluaire ou pécuniaire : frucluaire. quand la pension se paie en fruits, par exemple, en blé, vin. etc. ; pécuniaire, si elle consiste en une somme d argent.

3° Au point de vue de la nature de la rente, le cens se divise en certain et incertain : certain, quand la pension est bien déterminée, par exemple 10 hectolitres de vin, ou 15 écus de rente ; incertain, au contraire, quand la rente est indéterminée, par exemple quand elle consiste en la 3e, 4e, 5e partie des fruits d’un champ, d’une vigne…, comme fit Joseph en Egypte. Gen., xlvii, 24.

4° Enfin, si l’on considère la durée de la pension, le cens est temporaire ou perpétuel : perpétuel, s’il est à perpétuité ; temporaire, s’il n’est que pour un temps, ou un temps déterminé, par exemple pour 10 ans, 20 ans, ou pour la vie d’un homme (c’est ce qu’on appelle census vitalitius). Le cens perpétuel est rachetable ou non suivant que le vendeur peut à son gré racheter le cens, en remboursant la somme versée par l’acheteur, ou non.

Molina, De justifia et jure, tr. II, disp. CCCLXXXI.CCCLXXXIII ; Lcssius, De justitia et jure, t. II, c. xxii, dub. Il ; de Lugo, De justilia et jure, disp. XXVII, sect. I, n. 2 sq. ; Barbosa, Collectai, in l. III Décrétai., De censibus, tit. xxxix, n. 4 sq. ; Pirliing, t. V, tit. xix, sect. iii, n. 66 ; Reiffenstuel, t. V, tit. XIX, n. 129 sq. ; Ferraris, Bibliotheca, v Cens us ; Schmalzgrueber, t. V, tit. xix, § 4, n. 156 sq. ; Vitlalobns, Somme de la théol. mor. etcan., tr. XXIII, diflîc. 1 ; Ballerini-Palmieri, De justifia et jure, n. 471 sq. ; Devoti, Inst. can., t. ii, t. IV, tit. xvi, De usuris, n. 21 sq. ; Wernz, Jus Décrétai., n. 201 ; Ojeti, Synopsis juria canonici, 1e édit., v° Census.

IV. LlCÉITÉ DU CENS AU POINT DE VUE DU DROIT NATUREL.

A ne considérer le cens qu’au point de vue du droit naturel, on peut affirmer d’abord, selon le sentiment commun des docteurs, que le cens réel est licite, pourvu qu’il n’y ait rien dans le contrat qui blesse l'équité naturelle, c’est-à-dire en définitive, pourvu qu’on achète le cens à juste prix. Lessius, loc. cit., dub. xii, n. 74. Si chacun, en effet, a le droit de vendre tous ses biens, il a évidemment le droit d’en vendre une partie, par exemple les rentes qui en proviennent ; si je possède un champ, pourquoi ne pourrais-je pas aliéner une partie des droits que j’ai sur ce champ, par exemple le droit de percevoir une rente annuelle de ce champ, puisque je puis vendre le champ lui-même ? En outre, ce cens a été expressément déclaré licite par les souverains pontifes Martin V, const. Regimini (1425), Galixte III, const. Regimini (1455), et Pie V, const. Cum onus (1569).

Cependant quelques anciens docteurs avaient soutenu la thèse contraire. Il est assurément permis, disaient-ils, de constituer un cens par donation, legs, etc. ; et il est loisible à chacun de vendre ou d’acheter un cens ancien ainsi établi. Mais, ajoutaient-ils, il est illicite de constituer un cens réel nouveau par contrat de vente et d’achat ; un tel contrat n’est qu’un prêt usuraire pallié, et est manifestement contraire à la justice. Par exemple, dans le cens perpétuel, la somme des rentes payées par le débiteur dépassera bientôt le capital versé par le créancier ; et celui-ci, sans titre spécial qui justifie ce gain, recevra ainsi plus qu’il n’a donné ; cette raison vaut même pour le cens temporaire, toutes les fois que la somme des rentes arrivera à dépasser le capital versé par le créancier. De plus, lorsque le débiteur veut se libérer de toute obligation en rachetant le cens, il doit restituer le capital primitif dans son intégrité, sans tenir compte des arrérages régulièrement payés jusqu’alors. Il n’y a donc pas égalité cuire le prix donné et la chose achetée, entre l’acheteur et le vendeur. Ainsi raisonnaient Henri de Gand, Quodlibet, I, q. xxxix ; VIII, q. XXIII, xxiv ; Holtomann, Observât., t. II, c. xv, et quelques autres, qui, conséquents avec eux-mêmes, tendaient au contrat de rente la prohibition dont le prêt ; i intérêt ('tait frappé de leur temps. On cite également en faveur de cette opinion Jean André, Innocent, Antoine de liutrio, Alexandre de Nevo, etc., quoique, irque Schmalzgruebei nrs ne la soutiennent

pas ouvertement. L. V, tit. xix, n. 165, 166.

DICT. DE TIltOL. CATUOL.

Les théologiens et les canonistes, répond de Lugo, disp. XXVII, sect. ii, n. 12, rejettent commmunément cette opinion. Voir Molina, disp. CCCLXXXV ; Lessius, c. xxii, dub. m ; Schmalzgrueber, I.V, tit.xix.n. 165 sq. La raison sur laquelle elle s’appuie est dénuée de fondement. Nous l’avons déjà dit, il y a une différence essentielle entre le cens et le prêt proprement dit. Dans le prêt, l’obligation principale, qui incombe au débiteur, c’est de rendre la chose prêtée, le capital ; tandis que, dans le cens, le débi-renlier est principalement obligé de payer la pension annuelle, et il n’est pas tenu de rendre le capital pendant qu’il paie les rentes. « Le prêt, dit M. Rambaud, implique essentiellement une exigibilité du capital, et par elle le débiteur est toujours sous le coup d’une menace de spoliation : or, rien de semblable avec la rente. » Éléments d'économie politique, part. III, c. il, p. 485. Ensuite, dans ce contrat l'égalité est fort bien gardée entre le vendeur et l’acheteur. Pendant que le cens dure, le débiteur pour la somme reçue paie un prix convenable (on le suppose). Lorsque le débiteur veut se libérer de toute obligation en rachetant le cens, il restitue au créancier ce qu’il a reçu : rien de plus juste ; ce droit à la pension annuelle, quand il est revendu au débi-rentier, vaut autant que lorsqu’il fut vendu la première fois au crédirentier. Et ainsi l'égalité persiste.

A la vérité, il pourra se faire à la longue que les rentes perçues dépassent de beaucoup la somme versée. Mais dans le contrat, cette inégalité n’est pas sans compensation, et il n’est pas vrai de dire que, si l’acheteur de la rente a quelques avantages, il n’a aucun titre pour les justifier. L’acheteur, en effet, ne court-il pas fréquemment le danger de perdre et le capital versé et la pension annuelle ? Il en devait souvent être ainsi au moyen âge, où l'état social offrait moins de stabilité qu’aujourd’hui. Les cens ont beau être perpétuels, l’expérience, observe justement de Lugo, montre qu’en fait ils ne sont la plupart du temps que temporaires, à cause des multiples accidents, de la mobilité, de l’inconstance des choses, qui peuvent occasionner leur perte totale ou partielle. C’est pourquoi, dans l’estimation des hommes, ils valent beaucoup moins que la somme des rentes que l’on pourrait en obtenir. Rien d'étonnant donc que le capital versé soit inférieur à l’ensemble, au total des pensions, qui pourraient être payées. De Lugo, disp. XXVII, sect. il, n. 16 ; Lessius, loc. cit., dub. V, VI. En outre, l’acheteur, par ce contrat, ne se met-il pas dans l’impossibilité de recouvrer jamais la somme versée, même si elle devait lui êlre utile pour réaliser un bénéfice, éviter un dommage ? Schmalzgrueber, t. V, tit. xix, n. 172. Il y a donc égalité entre le vendeur et l’acheteur ; le contrat est parfaitement conforme à la justice.

La question relative au cens personnel est plus complexe. C’est qu’en effet, le prêteur s’enrichit par l’industrie d’autrui ; or, c’est un axiome des anciens moralistes que le fruit de l’industrie profite à son auteur, même s’il était de mauvaise foi. Le cens personnel ne semble donc être qu’un contrat déguisé de prêt à intérêt : c’est pourquoi beaucoup de théologiens le condamnaient. D’autres, au contraire, le regardaient comme licite. Ainsi Lessius, après une longue discussion, conclut que le cens personnel est permis. Pourquoi, en effet, quelqu’un ne pourrait-il pas vendre le droit qu’il a de percevoir un bénéfice de son travail, de son industrie, de son art, de son talent spécial ? Et nous avons déjà dit qu’il y a une différence essentielle entre le cens et le prêt proprement dit (mutuum), Même conclusion pour le cens personnel avec hypothèque il le cens mixte. Lessius, toc. cit., dub. iv, n. 15-23. Hon nombre de docteurs sont du même avis que Lessius au sujet du cens personnel : Solo, De JUStltia, I. VI, q. v. a. 1, concl. 4 ; A/or, Jnsl. mor., part. III, I. X, c. v, q. i ;

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Tamburini, t. IX, tr. ii, c. ii, g 1 ; Beiffenstuel, I. V, tit. xix, n. 157 ; Leurenius, Forum eceletiast., I- ^. lit. xix, q, ccclx ; Schmalzgrneber, I. V. tit.xix.n. 180 ; Ballerini Palmieri, Dr ju$t. et jure, n. 479, p. 728 ; Lehmkuhl, T/teol. tnor., t. i. n. 1094 ; Wernz, Jus Décrétai.^. iii, n. 281, p. 282 ; Bucceroni, Theol. mor., 1. 1, n. 346, etc. Saint Alphonse de Liguori défend cette opinion et l’appelle plus commune et ; lus probable. De contract., dub. rc, n. 839.

De Lugo, après avoir clairement établi l'état de la question, expose les deui opinions, cite les auteurs <|ui les soutiennent, discute leurs raisons, et conclut luimême en disant : « Celte opinion (qui nie la licite du cens personnel) me paraît plus probable. » Disp. XXVII. sect. H, § 1, n. 25 sq. La raison principale qu’il fait valoir, c’est que, dans le cens personnel, on ne vend nullement le droit à une pension, comme dans le cens réel, mais bien la pension elle-même. Par exemple, celui qui pour une somme d’argent qu’on lui verse s’engage à livrer un cheval, vend réellement le cheval, et non pas seulement le droit au cheval ; ainsi, celui qui pour une somme d’argent reçue s’oblige à payer une pension annuelle, vend réellement la pension elle-même, et non pas simplement le droit à la pension. Dans le cens personnel, ce serait donc l’argent qui, de soi, immédiatement produirait de l’argent, rapporterait un intérêt à l’acheteur, qui n’aurait aucun titre spécial pour justifier ce gain : ce n’est autre chose que l’usure. Quant* obrem, dit Benoit XIV, De synodo diœc, t. X, c. v, n. 4, censum personalem emenli, aurum ex auro per se et immédiate nasceretur, in quo tota consistit usurarii contraclus nequitia. Le cardinal de Lugo donne une longue liste de docteurs, soutenant cette opinion, que Molina appelle plus commune. Voir Molina, De justitia et jure, tr. II, disp. CCCLXXXVIII, n. 7 ; Villalobos, Somme de la théol. mor. et can., tr. XXIII, diflic. 2. Benoit XIV expose les deux opinions, mais ne se prononce pas. De synodo diœc., t. X, c. v, n. 4.

V. CENS AVEC PACTE DE REVENTE OU DE RACHAT. —

Est-il permis d’acheter ou de constituer des cens rachetables au profit du vendeur ou de l’acheteur'.' — On peut supposer deux cas :

i « r cas. — Titius peut-il donner mille écus à Caius en rente constituée, avec pacte que ledit Caius pourra se décharger de cette rente quand il lui plaira, en remboursant à Titius la somme de mille écus ? c La réponse est affirmative, comme il appert de la pratique constante. » Villalobos, loc. cit., diflicult. 4. A la vérité, pas de difficulté sur ce point ; les docteurs sont généralement d’accord pour affirmer que le débiteur, à s’en tenir au contrat lui-même, a la faculté de racheter le cens et de se libérer : Per se et ex natura rei, census, saltem ex parle debitoris, redinii vel exstingui potest. Wernz, Jus Décrétai., t. iii, n. 261. Je suppose, dit Lessius, loc. cit., dub. iv, n. 15, que l’achat d’un cens réel, rachetable au gré du vendeur, c’est-à-dire avec pacte que le vendeur pourra racheter le cens quand il lui plaira, est licite, car, de même que l’achat d’un champ avec pacte de revente est permis, ainsi l’achat du droit de percevoir une rente annuelle de ce champ avec pacte de revente, est licite ; ce droit à la pension annuelle n’est qu’une partie des droits que le maître possède sur ce champ. D’ailleurs, spécialement pour leçons réel, rachetable au gré du vendeur, la question est positivement résolue : ce sont exactement des pactes de ce genre, qui ont été approuvés par les papes Martin V, Calixte 1Il et Pie V. Cf. Ballerini-Palmieri, De justilia et jure, n. 479 ; Bucceroni, Theol. mor., t. i, n. 348.

8 « cas. — Peut-on mettre dans le contrat que Caius (débi-ivntier) sera obligé 1 île racheter la rente, en remboursant les mille écus dans un temps déterminé, 5 ans, par exemple, ou même dès qu’il plaira à Titius (créancier) de les réclamer'.' Lessius donne nettement une

réponse affirmative à cette question ; et selon lui, ' opinion est plus probable et ipéculativement plus vraie que la négative. Loc. cit., dub. x, n. 55, 56. Le débiteur,

dit l'émment théologien, peut vendre un cens en vaut la faculté dl ter quand il lui plaira, et en

imposant a l’acheteur l’obligation de le lui rendre qo il le réclamera : tout le monde 1 accorde. Donc le ci cier peut de son côté aduler un cens, en se réservant la faculté de le revendre, et en imposant au débiteur l’obligation de le racheter quand il lui plaira. La conclusion.impose, car la raison est la même dans les deux cas. Si le vendeur, en effet, peut imposer au créancier une pareille obligation et se réserver ainsi le droit de recouvrer à son gré une chose qu’il aliène, pourquoi le créancier ne pourrait-il pas imposer au débiteur une semblable obligation, et se réserver ainsi le droit de rentrer en possession d’une somme qu’il aliène ? Il y a égalité entre le vendeur et l’acheteur. Lessius. loc. cit., dub. x, n. 56 sq. ; Laymann. 1. III. tr. IV, c. xviii, n. 8 ; Tamburini. I. IX, tr. II, De censibus, c. iv. s. 2 ; Diana, t. vi, tr. III, De contract., résolut. 58 ; Ballerini-Palmieri, Dejnst. et jure, n. 479. p. 729 ; Bucceroni, Tk mor., t. i, n. 350. Saint Alphonse de Liguori dit : ll.ee sententia, spectata rei natura, salis probabilis mihi videtur. De contract., dub. ix, n. 843.

Cependant, l’opinion contraire est plus commune, au moins quand il s’agit du cens rachetable au gré de l’acheteur ; car, dit Solo, il n’y a dans ce contrat qu’une usure palliée. Titius (créancier) obligeant Caius (débiteur) à racheter la rente et à lui rendre le capital quand il lui plaira, et dans l’intervalle jouissant de la rente aurait les mêmes avantages que celui qui, ayant prêté une somme à intérêt, en recevrait quelque gain chaque année, .et pourrait exiger son capital quand bon lui semblerait. Si venditor et [emptori) tenetur pretîum redlubere, mutuatum cent ère tur, ac subinde usura esset emptorem quidpiam ultra capitale rec ip ere. Soto, t. VI, q. v, a. 3, concl. 1 ; cf. Molina. De put. et jure, tr. II, disp. CCCLXXXV, n. 1 ; Rebel, part. II, 1. X. q. ult., diflic. 4, n. 4, 5 ; Covarruvias, Var., t. III, c. IX. n. 4 ; Villalobos, loc. cit., diflic. 4, n. 2 ; Benoit XIV. De * ; /nodo diœc, t. X, c. v. n. 4, p. 361 ; S. Alphonse de Liguori, De contiact., n. 813, etc.

Jusqu'à présent, en parlant de la licéité du cens, nous n’avons traité la question qu’au point de vue du droit naturel. Mais ce genre de pacte offre un véritable danger d’abus, d’usure ; toutes les controverses, que nous venons d’indiquer, agitées précisément au sujet de la licéité' du cens, le prouvent surabondamment. Aussi, l’autorité légitime, ecclésiastique ou civile, a-t-elle pu à bon droit intervenir, prohiber peut-être ce contrat, ou tout au moins exiger, comme garantie. des conditions positives. Beste donc à déterminer les conditions dans lesq ;  : le cens a été approuvé spécialement par Calixte 111. dans sa constitution Regimini. Grâce aux notions générales qui précèdent, il sera facile d’en donner un commentaire clair et succinct. Remarquons immédiatement que la bulle de Calixte III ne détermine pas quelles sont les condij tions nécessaires de droit positif ecclésiastique. Sans I doute, elle approuve le contrat dans certaines conditions, et nous allons les indiquer ; mais elle ne déclare pas ces conditions nécessaires, obligatoires. C’est Pie V. qui par sa constitution Cum omis (1569 fixa les conditions nécessaires, obligatoires de droit positif pour la lii du cens.

VI. Circonstances historiques on ont ocovs :

    1. CETTE BULLE##


CETTE BULLE. — L’usure a toujours été condamn

énergiquement combattue par l'Église. Dana un prêt de consommation proprement dit (nmtuum), pour justifier

l’intérêt, il fallait toujours un litre spécial, la cessation d’un gain, an dommage à risquer, etc. Souvent les souverains pontifes liaient intervenus pour abaisser le taux de l’intérêt, qui parfois dépassait le 30, le 40 p. 100,

voire même allait au 100 p. 100. Card. J.-B. de Luca, De usuris et intéresse, dise. VI, n. 1. Aussi déjà au moyen âge et plus tard, sous l’influence des lois ecclésiastiques et civiles, qui interdisaient sévèrement l’usure, vit-on peu à peu se substituer au prêt à intérêt d’autres modes d’utiliser l’argent, comme le cens, le contrat de compagnie ou de société. Toutefois, dans le contrat du cens (nous ne parlons que du cens consignatif ou désignait), l’acheteur donne une somme au vendeur, qui doit en retour lui payer une pension annuelle : n’y avaitil pas là plus qu’une analogie avec le prêt à intérêt ? Aussi les docteurs du temps, moralistes et canonistes, en France, en Espagne, en Pologne, discutaient-ils beaucoup sur la légitimité de ce contrat ; et un certain nombre, Henri de Gand, Hottomann, Jean André, Innocent, Antoine de Butrio, et d’autres, cités par Schmalzgrueber, t. V, tit. xix, n. 166, ne voyaient dans le cens consignatif réel qu’un prêt usuraire mal déguisé. Et si le désaccord existait déjà à propos du cens désignatif réel, il s’accentuait fortement au sujet du cens personnel, voir Lessius, loc. cit., dub. iv ; de Lugo, loc. cit., disp. XXVII, sect. ii, n. 22 sq. ; Villalobos, loc. cit., tr. XXIII, diffic. 2 ; et célèbre fut en Allemagne la discussion entre théologiens et canonistes sur la licéité du cens personnel avec hypothèque. J.-B. de Luca, De censibus, dise. XXXII, n. 8.

Sur ces entrefaites, en 1414, se réunit à Constance le concile, qui mit fin au grand schisme d’Occident par l'élection du pape Martin V en 1417. Les Pères du concile se préoccupèrent de la question du cens ; ils la traitèrent cependant en dehors des sessions conciliaires. Et ce ne fut pas seulement la question de la quotité de la renie permise qui fut discutée à Constance, mais bien la question de droit naturel. Le cens était-il, oui ou non, un contrat licite au point de vue du droit naturel ? Après mûr examen, les Pères du concile se prononcèrent pour la licéité du contrat. Mais ce jugement n’a pas la portée d’un acte, d’un décret conciliaire, puisqu’il n’a pas été rendu dans une session régulière du concile. Après cette décision, il y eut un moment de calme, qui ne dura guère.

En effet, en 1425, sept ans à peine après le concile de Constance, la controverse reprit, moins sur la question de fond, résolue au concile, que sur la quotité de la rente permise. Et sous prétexte d’usure, un certain nombre de débiteurs refusaient de payer les arrérages, au grave préjudice des créanciers, ecclésiastiques ou civils. C’est alors que le pape Martin V intervint, et par la constitution Regimini, en 1425, c. i, t. III, De empt. et vendit., tit. v, Extravag. com., déclara légitime le cens consignatif, rachetable au gré du vendeur, et fixa le 10 p. 100 en moyenne comme quotité de la rente annuelle. En 1452, Nicolas V, second successeur de Martin V, à la demande d’Alphonse I er, roi des Deux-Siciles, par une bulle spéciale, const. Sollicitudo pastoralis, étendit à ce royaume la disposition de son prédécesseur, relative à la quotité de la rente annuelle (le 10 p. 100 en moyenne) ; et ainsi, remarque le cardinal de Luca, loc. cit., dise. XXXII, n. il, approuva implicitement la licéité du contrat lui-même. Tamburini donne un commentaire dél lillé de cette constitution. L. IX, tr. II, De censibus, c. v, n. 2 ; c. vi. Cf. S. Alphonse de Liguori, De contract., n S', :, .

Malgré toutes ces décisions pontificales, certains esprits ne se montraient pas satisfaits. Principalement en Allemagne, ceux qui jusqu'à présent avaient douté de la légitimité des contrats censuels étaient loin de s’avouer vaincus. Dans de telles conjonctures, rien d'étonnant de voir la discussion renaître. Elle (ut vive en Allemagne, surtout dans quelques diocèses. Pour mettre fin à i malheureuse querelle, qui engendrait un malaise génétal, parce qu’elle avail une répercussion Gâcheuse sur la direction des ron'-ricnrr’s et sur les affaire ! ellesmêmes, lévêque de Mersebourg (Haute-Saxe) avec son |

clergé recourut au souverain pontife, lui exposa dans une supplique l'état de la question et lui demanda une décision. C’est pour répondre à cette supplique que Calixte III, en 1455, publia la bulle Regimini. Comme l’indique l’inscription historique, lnscript. Iiist., c. ii, t. III, tit. v, Extravag. com., édit. Friedberg, elle fut adressée aux clergés de Magdebourg, de Nuremberg et d’Halberstadt. (Mersebourg était un évéché suffragant de Magdebourg.)

VII. Conditions du contrat du cens approuvé par cette constitution. — Dans cette constitution, le pape expose d’abord le cas soumis à son jugement. Il s’agit dans l’espèce d’un contrat censuel passé dans certaines conditions que nous indiquons, en tenant compte de la const. Regimini de Martin V, qu’elle confirme :

1° Celui qui vend la rente ou plutôt s’en charge, désigne quelque maison, ou possession, ou quelque autre bien productif, sur lequel la dite rente est fondée, constituée : Ma ex domibus… ef/icaciler obligantes. Il s’agit donc d’une rente consignative réelle, ou d’un contrat par lequel moyennant une somme convenable versée, le crédi-rentier acquiert le droit à une pension annuelle, constituée sur un bien productif du vendeur (débi-rentier).

2° La seule chose désignée et spécifiée dans le contrat demeure obligée et hypothéquée pour la rente, et non pas les autres biens ni la personne : illæx domibus…, prœdiis… quæ in hujusmodi contractibus expressa fuerunt…, efficaciter obligantes.

3° Celui qui achète ou constitue la rente doit payer un prix juste, qui peut varier selon les époques, nous dirions aujourd’hui selon la valeur du loyer, de l’argent, du taux de l’intérêt : certum competens pretium…, secundum temporis qualitatem.

4° L’acheteur doit payer immédiatement, argent comptant, en espèces, in numerata pecunia.

5° Celui qui se charge de la rente peut la racheter en toutou en partie, quand il lui plaira ; in illorum voidentium favorem hoc adjecto, quod ipti pro rata, qua hujusmodi per eos veceptam dictis emenlibus restituèrent intotovel in parte pecuniam, a solutione redituum seu censuum, hujusmodi restitutam pecuniam contingentiunt, liberi forent penitus et immunes. C’est aussi ce qu’indique le sommaire : Contractum quemdam emplionis et venditionis, præcedenli similem. Summar., c. il, t. III, tit. v, Extravag. com. Or le précédent, approuvé par Martin V, était un contrat de cens consignatif réel, avec faculté pour le débiteur de se libérer en tout ou en partie quand il lui plairait. C. i, t. III, tit. v, Extravag. com.

6° Celui qui constitue la rente (le crédi-rentier ou l’acheteur) ne peut pas obliger l’autre (le débi-rentier ou le vendeur) à racheter la rente en tel temps ou quand il lui plaira ; cette condition est clairement indiquée dans la constitution de Martin V : Sed ad hoc hujusmodi vendentes inviti nequaquam per emptorcs arclari vel adstringi râlèrent. C. I, t. III, tit. V, Extravag. mm.

7° Si le bien hypothéqué périt en tout ou en partie, la rente se perd également, ou subit une réduction proportionnelle ; les acheteurs ou crédi-rentiers n’ont pas le droit de recourir aux tribunaux pour recouvrer la somme qu’ils ont donnée comme prix : Sed iidem émeutes, etiamsi bona, domus, terr.r, agri, possessiones et hxreditates hujusmodi, processu temporis <nl omwimodiB destructionis sive desolationis reducerentur <> ; >probrium, pecuniam ipsam etiam agendo repelere non valerent.

8° La rente ne doit pas excéder le revenu du bien hypothéqué', et régulièrement les arrérages sont payables chaque année : annuos… redilui seu census vendentes.

vin. Valeur juridique de la décision du pape ta

. — Dans cette constitution, Calixte Ml déclare qu’un

contrat censuel, fait dans ces condition*, est licite, et

comme Martin V. à la (in il presse les débiteur ! de satisfaire aux obligations qu’ils ont justement contrai î Mais le pape ne dit pas que ces condition ! son ! n sairrs, et que sont elles les rentes sont injustes. Evidemment, puisque le pape déclare licites les contrats faits dans ces conditions, il est sur qu’ils ne contiennent rien de contraire à la justice, qu’ils sont eu harmonie avec le droit naturel. Mais il ne détermine pas non plus quelles sont les requîtes de droit /

pour l’achat du cens, puisqu’il ne dit pas que ces conditions sont nécessaires. En d’autres termes, la décision du pape est une réponse à la question posée. Dans l’espèce, il ne s’agissait que du cens consignatif réel, rachetante au gré du vendeur… ; le pape répond que le cens, établi dans ces conditions, est licite ; il approuve donc le cens consignatif réel, rachetable au gré du vendeur, etc. ; et ce cens n’a par conséquent rien de contraire à la justice. Mais il ne s’ensuit pas que le pape condamne le cens personnel ou le cens mixte, puisqu’il ne déclare pas ces conditions obligatoires. Bref, dans la constitution Régir mini de Calixte III, il n’est pas question du cens personnel ou du cens mixte, et le pape ne détermine pas quelles sont les conditions requises Je droit positif pour l’achat du cens. C’est Pie V qui ûxera le droit sur ce point.

Parmi les docteurs qui regardaient le cens personnel comme illicite au point de vue du droit naturel, quelques-uns s’appuyaient précisément sur les bulles de Martin V et de Calixte III pour prouver leur opinion. Dans leurs constitutions, disaient-ils, ces papes n’ont approuvé que le cens réel ; donc le cens personnel n’est pas permis. La conclusion, ajoutaient-ils, ressort plus clairement de la bulle Cum onus de Pie V, par laquelle le saint pontife exige formellement que le cens soit fondé sur un bien productif du vendeur, et ainsi n’autorise que le cens réel.

Vain sophisme, et la réponse est facile. Les constitutions de Martin V et de Calixte III ne déterminent pas les conditions dans lesquelles le cens doit être établi ; elles approuvent simplement le cens établi dans les conditions proposées dans l’espèce, sans les déclarer obligatoires. Quant à Pie V, il exige sans doute que le cens soit constitué sur un bien productif ; mais si de droit positif il prohibe le cens personnel, il ne le déclare pas pour cela contraire au droit naturel. C’est ce que dit avec autorité saint Alphonse de Liguori, lorsqu’il répond à ce même argument : Ad bnllas autem Martini Y et Callixti 1Il respondetur, quod ibi minime reprobatur census personalis, seu quia ibi tantum agebatur de censibus rcalibus, de quibus quæsitum fuerat, an liciti essent ; ideo pontifices eos tantum approbarunt, llinc bene aiunt Lessius, Salmanticenses, pnrfalas buttas non obligare, cum non sint preeceptivæ, sed tantum approbalivse conditionum in eis expressarum. In bulla autem S. PU V præcipitur quidem non constitui censuni nisi super restabili, non tamen declaratur census personalis illicitus de jure naturali. De contract., dub. ix, n. 8U). Voir aussi Lessius, loc. cit., dub. xii, n. 75, 7(> ; Pirhing, t. V, lit. xix, n. 82 ; Schmalzgrueber, 1. Y, tit. xix, n. 205 sq. ; Villalobos, loc. cit., dil’lic. 6 ; Azor, Inst. nior., part. 111, I. X, c. v.

IX. Le contrat du cens d’après la bulle Cum oxrs DE SAINT Pis V : CONDITIONS REQUISES de droit positif POIR la lu i m ni cens. — Cette déclaration de Calixte III n’apaisa pas complètement l’agitation, qui régnait dans ces provinces d’Allemagne. Loin de là, peu après, elle reprit plus ie que jamais, et s'étendit même en France, en Italie et dans d’autres contrées. Card..1.B. de l.uca. DecensibuS, dise. XXXII. n. lit. Pour apporter un remède efficace au mal. Pie V. dans sa constitution

Cum onua s en 1589, détermina expressément les conditions nécessaires, reguises < !, droit positif, pour constituer un cens, lus rendit obligatoires, et déclara qui

ces conditions le contrat était nul et présumé usuraire.

E. Rodrigue, Tract, super const. l’ii V, à la suite de ! ' cation de la bulle Cruciatæ, ; Lessius, De justifia et jure, I. II, C. xxii, dub. xii, ti. 76 iq. ; de Logo, l>r justifia et j’ire, disp. ll, mcL iv ; c ; ird J.-B. de l.uca. De censibus, dise. XXXII, n. 13 s(|. ; Relffenstuel, I. v, tit. xix. n. 1*x) » q. ; Ferraris. Prompta biblioth. v Census, l. V, tit. xix, n. 83 ; Schmalzgrueber, I. V. tit. xix. n. 2(7 sq. ; Azor, mor., part MI, I. X. c. ; Ben t XIV, De synod. diœc, L X, c. V, n. 4, 5 ; S. Alphonse de Li| mtract., dub. ix, n.84 « sq. ; BaUerinl-PaUnll ri. D just. et jure, t. iii, n. 482 sq. ; Wernz, Jus Décrétai., t. ni. p. j-s-289.

Toutefois, cette constitution de Pie V, lorsqu’elle parut, ne fut pas partout acceptée, et (par tolérance du saintsiège) n’obligea que les pays où elle a : î t été reçue. Elle n’exprime plus la discipline actuelle de l'Église sur cette question. En tant qu’elle contient un droit purement positif, elle est depuis longtemps tombée en désuétude.

Enfin, de nos jours, le prêt à intérêt étant lui-même considéré comme licite, voir Usure, la question du cens n’ollre plus de difficulté, à la condition, bien entendu, que tout dans ces contrats, dans le prêt comme dans le cens, soit légitime, reste dans une juste mesure. Hodie, dit Génicot, cum univei-sim liceat moderatum fenus e pecunia, tanquame re frugifera, percipere, jam in constituendis censibus nulla est per se moralis difficultas. Serrandæ sunt regulx quæ de moderato auctario positæsunt et quæde justo pretio in emptionevenditione traduntur. Tlteologia moralis, De censu, n. 621, p. 607.

Voir les canonistes sur le c. In civitate, in VI', t. V, tit. XIX, De usuris ; spécialement Innocent, Henri de Suze (Hosticnsis), Nicolas de Tudescbis, Jean André, Fagnani ; Ferraris, Prompta bibliotheca, v Census ; Barbosa, Collecta » , in t. III Décrétai., De censibus, tit. xxxix, n. 4 sq. ; card. J.-B. de Luca, De censibus, dise. XXXII ; Leurenius, Forum eccl., t. V, tit. xix, q. ccclix sq. ; Schmalzgrueber, t. V, tit. xix, S 4. n. 154 sq. ; Villalobos, Somme de la théot. mor. et can., tr. XXIII ; Salas. Tract, de censibus, dub. î ; Soto, De justilia, i. VI, q. v ; J. de Médina, Tract, de censibus ; Azor, Inst. mor., part. IIL 1. X ; Diana, t. vi, tr. III, De contract., résolut, lvi sq. ; Tambunni, 1. IX. tr. II. De cettsibus ; Molina, De justifia et jure. t. ii, disp. CCCLXXXI sq. ; Lessius, De justilia et jure. 1. II. c. xxii ; de Lugo, De justifia et jure, disp. XX VU ; S. Alphonse de Liguori, De contract.. dub. IX, n. 830-849 ; Ballerini-Palmieri. De justifia et jure, n. 469 sq. ; Lehmkuhl, Theot. mor.. t. î. n. 1094 sq. ; Benoit XIV, De synodo diœc. t. X, c. v ; Devoti, Instit. can., t. ii, p. 363 ; Wernz, Jus Décrétai., t. iii, tit. ix, n. 261 ; Marianus de Luca. Institut, can.. De rébus, n. 488 sq. ; Santi-Leitner. t. III, tit. xxxix, n. 1, p. 412 ; Bucceroni, Theot. mor., t. I, n 341 sq. ; Gury-Bumas. Theol. mor., t. î, n. 931 ; CL Marc, Inst. mor.. t. i, n. 1146 ; Génicot, Theol. mor., t. I, n. 621, p. 606 ; Ojeti, Synopsis juris can., 2e édit., v Census.

L. C.HOIPIN.