Dictionnaire de théologie catholique/CAJÉTAN (Thomas de Vio, dit)

Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.1 : BAADER - CAJETANp. 662-666).

2. CAJÉTAN (Thomas de Vio, dit). —
I. Vie. II. Œuvres. III. Doctrines.

I. Vie.

Jeunesse et professorats.

Thomas de

Vio naquit à Gaète, le 20 février 1468, de François de Vio et d’Isabelle de Sieri, une noble famille de cette ville. Il reçut au baptême le nom de Jacques. Le sérieux, la piété et la précocité de l’esprit distinguèrent son enfance. A Fàge de seize ans, au grand regret de ses parents, il prit l’habit des frères prêcheurs dans le couvent de sa ville natale, dépendant de la congrégation de Lombardie. Son noviciat achevé, ses supérieurs l’appliquèrent aux études, successivement à Naples, à Bologne et à Padoue, où il arriva au printemps de 1491. J.-B. Flavius, ratio de vita R. D. Thomas de Vio, dans Bzovius, Annales ecclesiastici, t. xix, col. 900 ; Quétif-Echard, Scriptores ord. præd., t. il, p. 14 ; A. Cossio, Il cardinale Gætanoe la riforma, Cividale, 1902, p. 16.

Après avoir débuté comme étudiant à Padoue, il fut chargé d’interpréter le Livre des Sentences. Il remplissait cet office quand il fut fait bachelier le 19 mars 1493, avec dispense de temps pour sa lecture, et fut ainsi incorporé à l’université. G. Contarini, Notizie storiche circa li pubblici prof’essori nello studio di Padova scclli iall’ordine di San Donunico, Venise, 1769, p. 147. Les commentaires de Cajétan sur le Livre des Sentences, fruit de ce premier enseignement, sont restés inédits. Paris, Bibl. nat., lat. 3076. Pendant l’année scolaire 1493-1494, il remplit les fonctions de maître desétudiants conformément aux décisions du chapitre général de 1491. Monumenta ord. prædic. hislorica, t. viii, p. 404. Ce fut cette même année 1494 qu’il obtint la chaire de métaphysique à l’université. Contarini, op. cit., p. 139, 142 ; G. Mazzatinti, L’obituario del convento di S. Agostino di Padova, Venise, 1894 (extrait de Miscellanea délia R. Deputazione venela di sloria patria, 2e série, t. n), p. 34. La tenue du chapitre général de l’ordre à Ferrare, pendant les fêtes de la Pentecôte de 1494, fournit au jeune professeur de Padoue l’occasion d’un brillant succès. La dispute publique, à laquelle prit part Pic de la Mirandole, lui valut un véritable triomphe ; et le duc de Ferrare, Hercule, présent à ce tournoi, demanda et obtint, séance tenante, du maître général de l’ordre, Joachim Torriani, le titre de maître en théologie. Præfalio Ven. Palris Fratris Barlholommus de Spina, Pisani, en tête de l’édition du commer.aire de Cajétan sur la II" II*, Venise, 1518 ; Flaviu, op. cit., p. 901 ; Quétif-Echard, op. cit., p. 15.

L’université de Padoue, au temps o, s’y trouva Thomas de Vio, devenait de plus en plus un centre célèbre d’humanisme et de philosophisme..1. Paquier, Jérôme Aléandre, Paris, 1900, p. 22 ; Renan, Averroès et l’averroïsme, Paris, 1867, p. 352 ; L. Mabilleau, Etude historique sur la p/tilosopliie de la Renaissance en Italie, Paris, 1881, p. 106. Ce séjour marqua profondément son action sur l’esprit de Cajétan. Ses polémiques avec Antoine Trombetta, <>..M. (Hurler, Nonienclator litcrarius, t. jv, col. 925), titulaire de la chaire de métaphysique de Scot depuis 1468 (Quétif-Echard, op. cit., p. li), et la présence d’averroïsles célèbres, tels que Vernias, Pomponazzi et Niphus, orientèrent son attention et ses efforts vers les objections (lu scotisme et les problèmes philosophiques soulevés par raverroïMne padouan. Le traité De ente et essentiel, compose à ce moment,

vise à la fois le scotisme de Trombetta et quelques thèses des averroïstes contemporains.

Bien que la présence de Cajétan soit signalée par Barthélémy Spina dans les couvents de Vérone, Bergame, Brescia, Mantoue et Milan, entre son séjour à Padoue et sa nomination à Pavie, il ne quitta vraisemblablement sa chaire de l’université de Padoue, que pour monter dans celle de théologie de l’université de Pavie, où il fut appelé par le duc de Milan, Ludovic Sforza, au début de l’année scolaire 1497. Barthélémy Spina, op. cit. ; Cossio, op. cit., p. 51. Selon l’acte de nomination, Cajétan devait interpréler le texte des œuvres de saint Thomas. Memoriee documenti per la sloria dell’unii’ersilà di Pavia, Pavie, 1878, part. I, p. 190. Après deux années scolaires d’enseignement, il abandonna sa chaire, et il s’établit, dès la fin de 1199, au couvent de Sainte-Marie-des-Grâces, à Milan, appelé, sans doute par le duc Louis Sforza. Il passa l’année 1500 dans cette ville.

2° Cajétan aux hautes charges de l’ordre : procureur général (1500-1508) ; vicaire général (1507-1508) ; maître général (1508-1518). — Le procureur général de l’ordre, François Mei, étant mort le 28 novembre 1500, le cardinal Olivier Carrafa, protecteur de l’ordre, s’employa à lui faire donner le P. Thomas de Vio comme successeur. Cet oliice obligeant Cajétan à résider à Rome, il fut nommé professeur de philosophie et de théologie à l’université romaine fia Sapienza), et prononça, à ce titre, cinq discours devant Alexandre VI et Jules II, de l’avent de 1501 à l’avent de 1504. Quétif-Echard, op. cit., p. 14 ; Flavius, op. cit., p. 901 ; Cossio, op. cit., p. 63. A la mort de Jean Clérée (10 août 1507), général de l’ordre, dont le gouvernement n’avait duré que deux mois, Jules II, par ses lettres du 20 août, appela Thomas de Vio à prendre en main l’administration des frères prêcheurs, avec le titre de vicaire général, en attendant le prochain chapitre général. Bullarium ord. præd., t. iv, p. 218.

Le chapitre de l’ordre, tenu à Rome l’année suivante, désigna unanimement Thomas de Vio comme maître général, le 10 juin, veille de la Pentecôte. Quétif-Echard, op. cit., p. 15 ; Monum. ord præd. hist., t. ix, p. 86. Malgré son élévation au cardinalat, le 1 er juillet 1517, Cajétan continua à administrer l’ordre jusqu’à l’élection de son successeur, par le chapitre de Rome, lequel nomma, le 22 mai 1518, Garcia de Loaysa, précédemment procureur de l’ordre. Bull. ord. præd., t. iv, p. 345 ; Monum. ord. præd. hist., t. IX, p. 157.

Élu général de son ordre à quarante ans, en un temps où l’Eglise et les sociétés religieuses avec elle traversaient une crise historique des plus graves, Cajétan fut à la hauteur des circonstances et de ses fonctions. Avec un rare coup d’œil et une égale énergie il s’efforça de promouvoir la discipline religieuse et l’étude des sciences sacrées, moyens indispensables pour le but assigné par L’Église à l’ordre des frères prêcheurs. Les lettres encycliques adressées à l’ordre, à l’occasion des trois chapitres généraux qu’il présida, et les actes de ces chapilres eux-mêmes (Rome, 1508 ; Gênes, 1513 ; Naples, 1515) témoignent assez quel fut son programme et avec quelle fermeté il chercha à L’appliquer. Monum. ord. prsed. hist., t. ix, p. 81-155. Homme de grande doctrine, il rappela à son ordre l’obligation spéciale où il était, plus que tous les autres, de se vouer à l’étude des sciences sacrées. C’est ainsi qu’il écrivait à l’ordre, du chapitre général de Gènes, en 1513 : Gaudeant alii suis prærogativis, nos nisi sacra doctrina, commendet, de ordine nostro actum est. Monum. uni. præd. hist., loc. cit., p.91. On possède le registre de l’administration de Thomas de Vio pour les années 1507-1513. Rome, archives générales des frères prêcheurs. Le second volume, qui devait contenir les années [514-1518, est malheureusement perdu.

Un certain nombre de faits dans l’administration gé4315

CAJÉTAN

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néralice de Cajetan se rattachent à l’histoire du temps et l’on doit les signaler pour mémoire. C’est ainsi qu’il eut à intervenir dans les affaires de la congrégation de Saint-Marc de Florence à la suite du mouvement créé par l’action de Jérôme Savonarole, A. Gherardi, Nuovi documenlie studi inlorno a Girolamo Savonarola, Florence, 1887, p. 336 ; dans le meurtre judiciaire des dominicains de Berne, G. Rettig, Bie Ùrkunden des Jetzcrprozesses (Archiv des historischen Vcreins des Kantons Bern, Berne, 1886, t. xi) ; N. Paulus, Ein Justizmord an vier Bominikanern begangen. Aktenmâssige Bevision des Berner Jetzerprozesses vom Jahre 1509, Francfort, 1897 ; R. Steck, Der Berner Jetzerprozess (1507-1509) in neuer Beleuchtung, Berne, 1902 ; dans la querelle des humanistes avec les théologiens de Cologne, N. Paulus, Bie deutschen Bominikaner im Kampfegegen Luther (1518-1563), Frihourg-en-Brisgau, 1903, p. 89. Ce fut Cajétan qui fournit au roi d’Espagne Ferdinand, par l’intermédiaire de Jules II, les premiers missionnaires espagnols qui partirent pour l’Amérique et en commencèrent l'évangélisation. V. M. Fontana, Monumenta dominicana, Rome, 1675, p. 410 ; A. Touron, Histoire générale de l’Amérique, Paris, 1769, t. i. p. 213 ; A. Rose, Les dominicains en Amérique, Paris, 1878. Enfin, pendant le concile de Lalran (1512-1517), les prélats témoignant de leur mauvais vouloir à l'égard des ordres mendiants, ceux-ci remirent au maître général des frères prêcheurs leurs intérêts et le soin de leur défense, ce dont Thomas de Vio s’acquitta avec succès, mais non sans difficulté. Martène, Amplissima collectio, t. iii, col. 1264-1267.

Le généralat de Cajétan fut pour l’ordre dominicain un des plus féconds, et son successeur, Garcia de Loaysa, pouvait dire en prenant possession de sa charge : Predecessor quantus extiterit et nostis et novi. 1s enim collapsum ordincm sapienlia, virtute et prudentia instauravit, ut præclara ejus gesta omittam, qui : commune Ecclesisecommodum attulerunt, elntulto amplius expectantur allatura, cum dignis ejusdem meritis ad senatum illum supremum eveclus est. Prxfuit is ut diligentissimus pater, lotis incumbens viribus subditorum saluli atque titititali ordinis, ob quod et satis et opus fore mihi non dubilo ejus semper inhserere vestigiis, et csepta sectari ; atque utinam mihi desuper concedatur ut dignus inveniar tanti patris ac ducis operum emulator, ut ordinem ab eo ereclum servare, ab eo tutatum manutenere, ac décore ditatum sub ejusdem alis servare valeam. Monum. ord. præd. Itisl., t. ix, p. 157.

3° Le conciliabule de Pise-Milan (1511-1512) et le concile de Lalran (1512-1517). — La politique de Jules II à l'égard de Venise lui ayant aliéné la France et l’empire, Louis XII et Maximilien se prévalurent du serment fait par Jules II, le jour de son élection, de convoquer un concile dans l’espace de deux ans, pour le sommer, à la fin de 1501, de tenir sa parole. Cette tentative d’intimidation n’ayant pas abouti, cinq cardinaux rompirent avec le pape et convoquèrent (16 mai 1511), de concert avec le roi de France et l’empereur, un concile qui de-~ vait s’ouvrir à Pise le 1 er septembre. Il n’y tint que trois sessions du 4 au 12 novembre. Paquier, Jérôme Aléandre, p. 59.

En présence de ce mouvement schismatique, Jules II consulta le maître général des frères prêcheurs pour savoir quelles mesures il devait prendre. Cajétan lui conseilla de lutter contre le synode de Pise, et de convoquer lui-même un concile. Flavius, op. cit., p. 901. Dans cette entreprise, acceptée par Jules II, Thomas de Vio prêta au pape le plus utile appui. Dès le 6 septembre 1511, il adressait à tout l’ordre une circulaire par laquelle il défendait, sous les peines les plus graves à tous ses religieux de prêter leur concours aux entreprises schismatiques de Pise. Begistre de Cajétan,

fol. 55. Il envoyait d’ailleurs au couvent dominicain de Sainte-Catherine, le plus influent de Pise, plusieurs religieux de valeur, qui organisèrent la résistance contre le conciliabule. Ils furent assez heureux pour entraîner les autres réguliers et le clergé séculier lui-même. Le concile dut quitter Pise et se transporter à Milan. V. Marchese, Scritti vari, Florence, 1860, t. i, p. 356.

Cajétan, de son côté, attaqua vigoureusement les prétentions de l’assemblée de Pise par son traité Auctoritas papæ. et concilii sive Ecclesise comparata, Rome, 19 novembre 1511. Le coup porta. Le 10 janvier 1512 les prélats, rassemblés à Milan, déférèrent l'écrit de Cajétan à l’université de Paris pour en obtenir la condamnation ; et le 19 février, le roi de France appuyait leur demande. On désigna une commission pour procéder à cet examen, mais les délégués ne purent se mettre d’accord. Un jeune docteur, Jacques Almain, entreprit la réfutation de Cajétan avec son Libellus de auctoritate Ecclesise, Paris, 1512. Cajétan y répondit aussitôt par son Apologia tractatus de comparata auctoritate papee et concilii, Rome, 29 novembre 1512. Paquier, op. cit., p. 59. La faculté de théologie de Paris ne procéda pas, contrairement à ce que l’on dit d’ordinaire, à la condamnation de l’ouvrage de Cajétan. Elle prit connaissance, le Il juin 1516, des lettres du roi de France, qui lui enjoignaient de ne pas s’occuper davantage de l’ouvrage de Thomas de Vio. Elle déclara respectueusement surseoir à l’affaire. L. Delisle, Notice sur un registre des procès-verbaux de la faculté de théologie de Paris pendant les années 1505-1533, Paris, 1899 (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxxvi), p. 39.

Jules II convoqua un concile à Latran pour le 19 avril 1512. Ainsi que nous l’avons indiqué plus haut, le maître général des frères prêcheurs eut à y défendre contre les prélats les intérêts des ordres religieux qui l’avaient commissionné à cet effet. Dans la solennité de la seconde session, le 16 mai 1512, Cajétan prononça un discours devant le concile. Après avoir répudié les entreprises schismatiques de Pise, il arrêta ses regards sur le concile de Latran, et fit entendre de graves vérités aux Pères. Elles témoignent chez l’orateur d’une connaissance claire des besoins de l'Église de son temps, de beaucoup d’indépendance, et d’un sentiment très vif des dangers que courait alors la société ecclésiastique. « Et maintenant, disait-il, je ne puis en aucune façon merallier à ceux des Pères qui, ayant entendu le seul nom de concile, estiment aussitôt qu’ils ont fait une œuvre sainte et utile… Nous sommes en un temps où l’on attend et où il est nécessaire de faire beaucoup : par-dessus tout, réformer l'Église, restaurer les mœurs déchues, étouffer les commencements de schisme, convertir les infidèles, ramener les hérétiques, fortifier les bonnes lois et les sanctions qui intéressent toute la chrétienté… Il faut, mes Pères, pourvoir à ces choses avec application ; il faut les établir rapidement et avec un soin extrême : aujourd’hui je ne puis dissimuler ces exigences, ni sous aucun prétexte les passer sous silence. » Opuscula, t. iii, tr. I, orat. vi.

Cajétan intervint encore dans les affaires du concile à l’occasion du décret de condamnation de l’averroïsme et de la question de la conception immaculée de la B. Vierge Marie. Nous signalons pour mémoire la délégation que Thomas de Vio avait reçue du duc Georges de Saxe (9 lévrier 1513) de le représenter au concile. Brieger’s Zeilschrift fur Kirchengescliichte, t. iii, p. 603, 606 ; W. Buddee, Nikolaus von Schônberg, Greisswald, 1891, p. 3.

4° Cajétan cardinal (1517) et légat pontifical en Allemagne (1518-1519). — Cajétan ne put achever de gouverner l’ordre des frères prêcheurs jusqu’au chapitre de la Pentecôte de 1518. Le cardinal Alexandre Farnèse envoyé le 3 mars comme légat en Allemagne, étant

tombé malade en chemin, Thomas de Vio, cardinal de Saint-Sixte, dut le remplacer. Le 29 avril 1518, Léon X l’autorisa à se substituer un vicaire pour administrer l’ordre jusqu’au chapitre général. Bull. ord. præd., t. iv, p. 360. Le 26 avril, Cajétan avait reçu du pape sa nomination comme légat, et il quitta Rome, avec les cérémonies accoutumées, le 5 mai suivant. A. de Altamura, Bibliotheca dominicana, Rome, 1677, p. 259 ; A. Pieper, Zur Entstehungsgeschickte der stândigen Nuntiaturen, Fribourg-en-Rrisgau, 1894, p. 60 ; M. Armellini, Il diario di Leone X <li l’aride île Grassi, Rome, 1884, p. 67, Cajétan avait pour mission de faire accepter à l’empereur Maximilien et aux électeurs de l’empire le projet <le croisade contre les Turcs patronné par Léon X. Il devait en même temps apporter le chapeau cardinalice à Albert de Brandebourg, électeur et archevêque de Mayence, ainsi que l'épée et le casque bénits par le pape, à l’empereur. Le légat se rendit à Augsbourg, où était réunie la diète de l’empire, et remit, le 1 er août, leurs insignes au cardinal et à l’empereur. Il s’appliqua à l’aire prévaloir les vues du saint-siège et à défendre l'Église romaine contre les violences d’Ulric de Hutten. Mais l’agitaiion religieuse qui travaillait déjà l’Allemagne et la mort de l’empereur, 12 janvier 1519, devaient rendre inefficace le projet de croisade contre Soliman. Raynaldi, Annal, eccles., an. 1518 ; Bzovius, Annal, eccles., an. 1518 ; Cossio. op. cit., p. 269.

Les troubles religieux provoqués en Saxe par Luther, dés la fin de 1517, avaient pris un développement rapide ; et Cajétan allait se trouver le premier face à face avec le novateur, au nom de l'Église romaine.

L’archevêque de Mayence, inculpé par les attaques de Luther contre les instructions officielles qu’il avait publiées pour la prédication des indulgences, avait porté' l’affaire à Rome. Le saint-siège avait constitué pour l’examen des doctrines du moine augustin une commission qui fut défavorable. L'évêque d’Ascoli, Jérôme Ghinuci, auditeur général de la chambre apostolique, avait lancé, le 7 août 1518, un monitum citant Luther à Comparaître en cour de Rome, dans un délai de 60 jours, sous l’inculpation d’hérésie. L'électeur de Saxe, Frédéric, fauteur secret des entreprises de Luther, s'était employé pour que l’affaire suivit son cours en Allemagne. Par ses lettres du 23 août adressées à l'électeur, Léon X déclarait que les doctrines de Luther étaient hérétiques, et il sommait Frédéric de remettre Luther au légat. Le pape écrivait le même jour à Cajétan, le chargeant de traiter cette affaire, de s’assurer de la personne de l’accusé pour qu’il put comparaître devant le saint-siège, en usant, s’il le fallait, des censures ecclésiastiques contre le clergé, et de l’interdit contre l’autorité civile.

Cajétan, qui semble s'être rendu un compte très exact de la situation religieuse en Allemagne, renonça à laire usage de la rigueur et de ses pouvoirs judiciaires. Il consentit que l’on délivrât un sauf-conduit à Luther et prit le parti de traiter le novateur par voie paternelle. Luther était arrivé à Augsbourg, le 7 octobre, où la diète de l’empire venait d'être close. Dès le 10 du mois, il comparaissait devant le légat, Contrairement aux prétentions de Luther, Cajétan lui déclara qu’il n’avait pas mission de disputer, mais de recevoir sa rétractation et de ! ' réconcilier avec l'Église. Luther, malgré ses déclarations publiques contraires, était résolu à ne pas se soumettre à l’autorité ecclésiastique, et ne cherchait que des faux-fuyants pour gagner du temps. Le cardinal, par condescendance, se laissa aller à discuter quelques points avec lui, mais en maintenant qu’il attendait sa soumission. Il ne put rien obtenir de Luther. Les amis de ce derniers 'employèrent auprès du légat pour qu’il lui permit de remettre un mémoire justificatif. Le cardinal y consentit encore, et le mémoire lui fut présenté le 14 octobre. Cajétan, qui ne se luisait pas d’illusion sur

l'état d’esprit de Luther, lui montra l’inanité de sa prétendue justification. Luther ne voulut rien entendre. Il écrivait d’ailleurs le même jour à un de ses amis qu’il ne révoquerait pas une syllabe et qu’il préparait son appel. Le soir du même jour, le légat lit appeler Jean Staupitz, le supérieur de Luther, pour lui demander d’intervenir auprès de son subordonné. Le résultat de cette intervention fut une lettre écrite, le 17 octobre, par Luther au légat, et dans laquelle il témoigne tout son respect pour le cardinal, reconnaît qu’il a dépassé la mesure dans ses critiques contre le pape, mais déclare qu’il ne peut rien retirer ; il prie en outre le légat de porter cette cause à Léon X pour que l'Église, qu’il désire entendre et suivre, détermine les doutes doctrinaux. Mais dès la veille il avait fait rédiger un appel notarié de tout ce qui avait été fait contre lui. Le 18 octobre, Luther écrivait une fois encore au légat pour lui annoncer qu’il quittait Augsbourg et qu’il en appelait du pape mal informé au pape mieux informé. Le 25 octobre, voyant que tout espoir d’aboutir avait disparu, le légat écrivit à l'électeur de Saxe, pour lui faire un bref récit de ce qui s'était passé, et lui déclarer qu’il dégageait sa responsabilité.

Quelques auteurs, mal renseignés ou imbus de préjugés, ont cru pouvoir accuser Cajétan d’avoir manqué de souplesse dans cette affaire. Si un grief pouvait être articulé contre le légat, ce serait d’avoir porté à l'égard de Luther une extrême condescendance, car il resta bien en deçà des instructions pontificales. Mais la vérité est que Cajétan se rendait parfaitement compte que la seule chance de succès en traitant avec Luther était l’indulgence et la bonté. Malheureusement, le plan de Luther était dès lors arrêté dans son esprit, et son obstination et ses subterfuges devaient tenir en échec la bonne volonté du légat. N. Paulus, Johann Tetzel der Ablassprediger, Mayence, 1899, p. 30 sq. ; W. de Wette, Dr. Martin Luthers Briefe, Berlin, 1825, t. I, p. 142 sq. ; C. Burkhardt, Dr. Martin Luther Briefwechsel, Leipzig, 1866, p. 11 ; Lutheri opéra lalina, Iéna, 1556, t. I, fol. 187 sq. ; Bzo vius et Raynaldi, Ann. ceci., an. 1518 ; G. G. Evers, Martin Luther, Mayence, 1883, t. I, p. 365 sq. ; t. II, p. 3 sq. ; Hergenrœther, Uist. de l'Église, Paris, 1880, t. v, p. 202 ; Cossio, op. cit., p. 291 sq.

Une affaire de première importance sollicita encore l’attention et les soins de Cajétan pendant sa légation : l'élection de l’empereur. Au milieu des compétitions passionnées que soulevait la succession de Maximilien, Cajétan eut à faire prévaloir près des électeurs les vues de Léon X. L’indécision du pape d’abord, puis sa ferme adhésion à la candidature du jeune Charles-Quint trouvèrent un fidèle interprète dans son légal près de la diète de Francfort, et peut-être les conseils de Cajétan, en lace des affaires intérieures de l’Allemagne, furent-ils prépondérants dans les résolutions finales du pape. Le légat eut à subir la mauvaise humeur et les colères des partis qui l’estimaient contraire à leurs ambitions. Le

28 juin 1519, Charles était élu empereur à l’unanimité. Le nouveau souverain, conscient des services que Cajétan avait rendus à sa cause, lui adressait de Barcelone, le

29 juillet, une lettre de très vifs remerciements. [Ruscelli, ] Letlere di principi, Venise, 1581, t. i, p. 60 sq. ; Flavius, op. cit., p. 905 ; Bzovius et Raynaldi, Ann. eccles., an. 1519 ; Bull. ord. pnvd., t. IV, p. 381 ; G. de Leva, Storia documentata di Carlo V, Venise, 1864, 1. 1, p. 391- '125 ; t. il, c. i, passim ; Cossio, op. cit., p. 373 sq.

5° Cajétan, évêque de Gaète (13 avril 1519). Retour d’Allemagne et séjour à Rome. — Cajétan revint d’Allemagne à la fin de l'été' de 151 !) et fui reçu solennellement à Rome par Léon X au consistoire du 5 septembre. Le pape l’accueillit avec une extrême bonté et lui donna pour sa résidence le palais de Sainte-Marie in Via Lohi. Cajétan avait accepté en commende l’archevêché de l’alerme, le 8 février 1518, et il le résigna entre les mains

de Léon X, le 19 décembre 1519. Pendant qu’il était encore en Allemagne, le pape l’avait nommé, le 13 avril 1519, au petit évêcbé de Gaète, sa ville natale. Cajétan, mécontent de l’esprit qui régnait à la curie où il avait vainement, depuis assez longtemps, cherché à persuader la nécessité de réformes ecclésiastiques importantes, demanda, sans l’obtenir, semble-t-il, de pouvoir être exonéré d’assister aux consistoires, sauf pour les cas d’affaires importantes. Son attitude sévère et quelque peu protestatrice lui aliéna l’esprit du monde d’humanistes qui gravitait autour de Léon X. Le pape avait toutefois une confiance illimitée dans ses conseils. C’est ainsi que le cardinal prit une part très active à l’examen des affaires luthériennes et dut se rendre au consistoire du 23 mai 1520, tout malade qu’il était, parce qu’on devait y traiter ces matières et en particulier la condamnation solennelle de l’hérésiarque. C’est de ce consistoire que sortit la célèbre bulle Eocurge Domine du 14 juin suivant. A. de Altamura, Bibliotheca dominicana, p. 259 ; Pallavicini, Hist. du concile de Trente, 1. 1, c. xxi ; Gams, Séries episcopor uni, Batisbonne, 1873, p. 881, 952 ; Pieper, Zur Entslehungsgesch., p. 61 ; Flavius, op. cit., p. 905 ; Quétif-Echard, op. cit., p. 173 ; Cossio, op. cit., p. 391 ; P. Kalkoff, Zu huiliers rômischen Prozess (Brieger’s Zeilschrift fur Kirchengeschichte, t. xxv [1904], p. 90-147).

(i° Cajétan électeur d’Adrien VI (9 janvier 1522) et légat en Hongrie (1523-1524). — La mort de Léon X, 4 décembre 1521, ouvrit une succession des plus difficiles. Les cardinaux divisés semblaient ne pouvoir s’entendre pendant le conclave. Le cardinal Cajétan, poursuivant ses vues de réformes ecclésiastiques, fit prévaloir la candidature du cardinal Adrien d’Utrecht qu’il avait connu pendant sa légation en Allemagne. Il servit aussi d’appui au nouveau pape dans ses tentatives de réformes, et supporta avec lui les critiques que les gens de la curie firent tomber sur ces propagateurs de l’esprit chrétien.

Le projet de croisade contre les Turcs ayant échoué par suite de l’agitation luthérienne, Soliman avait poursuivi sa marche de conquête et les frontières orientales de la chrétienté se trouvaient en extrême danger. Pour parer à cette situation, Adrien VI envoya, le 1 er juin 1*523, le cardinal de Saint-Sixte comme légat en Hongrie, Bohême, Pologne, Allemagne et autres lieux frontières. Il était porteur d’une première somme importante, destinée à être employée contre les Turcs. Malheureusement, l’état intérieur de la Hongrie et surtout le peu de confiance que son jeune roi Louis inspirait au légat comme à ses sujets ne permirent pas d’obvier aux dangers qui menaçaient le royaume de saint Etienne. Le légat fit distribuer l’argent dont il disposait pour aider les villes de Dalmatie et de Croatie proches de l’ennemi. Il prit une part active aux négociations de Wiener-Neustadt, au mois d’octobre 1523, où la Pologne, la Hongrie et l’Autriche projetèrent une expédition pour le printemps de l’année suivante. La mort d’Adrien VI, 14 septembre 1523, surprit Cajétan en pleine légation. Clément VII le rappela à Borne. Flavius, .. op. cit., p. 906 ; Bull. ord. prxd., t. iv, p. 413 ; H. von Hôfler, Papstvdrian VI, Vienne, 1880, p. 90, 237, 417 ; Cossio, op. cit., p. 404, 419.

7° Dernières années de Cajétan (1524-1534). — Bentré à Borne, Thomas de Vio se livra plus que jamais à une vie d’étude qu’il n’avait d’ailleurs jamais abandonnée. Ne pouvant servir l’Église en faisant prévaloir ses conseils, il lui fournit le concours d’une activité littéraire intense. La politique malheureuse de Clément VII vint lui rappeler, une fois encore, qu’il semblait voué à être le proche témoin des désastres de l’Église et, malgré ses avertissements, à ne pouvoir les empêcher. Au mois de mai 1527, Rome fut mise à sac par les troupes du connétable de Bourbon. Le cardinal de Saint-Sixte fut

fait prisonnier, couvert, comme plusieurs de ses collègues, des plus basses humiliations par une soldatesque forcenée, et condamné à payer pour sa rançon 5000 pièces d’or. Cajétan, qui était pauvre, dut recourir à l’emprunt pour satisfaire aux exigences des vainqueurs, et recevoir même des vêtements en aumône. Pour acquitter ses dettes autant que pour détourner ses regards des événements publics, il se relira dans son évêcbé de Gaète. [1 y resta jusqu’à l’automne de 1529, et revint alors à Borne, où les malheurs de l’Église commençaient à tourner les esprits vers des projets plus sérieux de réforme.

Dans la grave affaire du divorce du roi d’Angleterre, Clément VII commit au cardinal de Saint-Sixte l’examen des mémoires écrits sur cette question. Cajétan, dans sa consultation datée de Borne, 13 mars 1530, conclut contre les prétentions d’Henri VIII. Il adressa, quelques années plus tard, le 27 février 1534, un mémoire au roi d’Angleterre, à l’occasion de son mariage avec la veuve de son frère.

Les projets d’un futur concile firent porter les yeux de plusieurs vers Cajétan. Le cardinal Sadolet s’inlorrnait près de lui de ce qu’il fallait penser de cette affaire. Quand en 1534 Clément VII tomba malade, le nom du cardinal Cajétan fut mis en avant comme pouvant être celui du pape des réformes. Mais le cardinal de Saint-Si. vte se sentait gravement atteint et se préparait, avec une admirable résignation, à la mort. Elle survint le 10 octobre 1534. Il fut enseveli, en simple habit religieux et sans aucune pompe, selon ses désirs, sous le porche de l’église de la Minerve. Poursuivant jusque dans la mort ses idées réformatrices, il n’avait pas voulu contribuer à un abus qui encombrait, disait-il, de dépouilles mortelles des temples que l’on devrait réserver à la seule sainteté de Dieu. Flavius, op. cit., p. 906 ; J. Sadoleli Epislolx proprio nomine scriptse, Borne, 1760, part. I, p. 301, 319 ; C. Milanesi, Il sacco di Ronia del mdxxvii, Florence, 1867, passim ; C. Bavioli, Le guerre dei sette anni sotto Clémente VI, Borne, 1883, p. 79 ; A. Ciaconius, Vit se et res gestx pontif. roman, et S. R. E. cardinalium, t. iii, p. 392 ; Bullar. ord. prxd., t. iv, p. 466 ; Quétif-Echard, Script, ord. prxd., t. il, p. 15 ; Cossio, op. cit., p. 425-472.

II. Œuvres. — L’activité littéraire de Cajétan a été très considérable, et l’on aurait peine à comprendre qu’un homme, qui occupa si longtemps de hautes charges administratives, et dut prendre part aux plus graves affaires de son temps, ait pu la fournir, si l’on ne savait que Cajétan ne cessait d’étudier et d’écrire, même au milieu des occupations les plus absorbantes. Comme presque tous ses écrits portent la date à laquelle ils ont été achevés, il est aisé de voir comment leur composition coïncide quelquefois avec les moments où il aurait dû être le plus absorbé par les affaires extérieures ou le moins libre d’esprit. C’est ainsi que dix de ses opuscules portent les dates de divers jours du mois d’octobre 1518, c’est-à-dire du temps où il eut à traiter avec Luther à Augsbourg ; que la Summula peccatorum et les Jentacula furent écrits pendant sa légation de Hongrie ; qu’il continuait ses commentaires sur l’Écriture au milieu des horreurs du sac de Borne, en 1527.

Les écrits de Cajétan peuvent se diviser en œuvres philosophiques, théologiques et exégétiques. Dans leur ensemble elles ont été composées dans cet ordre, et nous l’adopterons dans le catalogue qui va suivre. Comme presque toutes les compositions de Cajétan sont datées, nous donnerons entre parenthèses, après le titre, ce renseignement fourni par l’auteur lui-même. Quétif-Echard ont dressé le catalogue de 82 opuscules théologiques selon leur ordre chronologique, p. 19-26 ; et Cossio, p. 497-501, a réuni, en une suite semblable, 114 titres d’ouvrages. Nous rapprocherons de préférence, ici, les écrits de Cajétan d’après leur affinité naturelle. Il n’existe malheureusement pas d’édition complète des œuvres de Cajétan. Cependant certaines parties ont été réunies ensemble, telles les œuvres exégétiques publiées à Lyon, 1039, en 5 in-fol. On a aussi cherché’à rassembler ses divers traités, grands ou petits, en diverses collections auxquelles on a donné le nom d’opuscules ; mais aucune édition n’est complète, et le groupement du contenu n’est opéré ni selon l’ordre chronologique ni selon la nature des sujets. Dans rénumération que nous en ferons plus loin, nous les rapprocherons selon l’ordre des matières, et nous renverrons, à la suite de Quétif-Echard, aux deux éditions d’Anvers, 1612, et de Lyon, 1541, parce qu’elles se complètent. La première, que nous indiquerons par A, est divisée en trois livres ; et la seconde, que nous désignerons par L, est divisée en quatre livres. Pour plus de commodité nous donnerons ici tout d’abord les principales éditions d’opuscules.

I. opuscules.

Opuscula aurea de diversis ac curiosissimis materiis tam practicis quam speculativis, in-4o, Paris, 1511. Cette collection contient une trentaine d’opuscules. — Quxstiones quodlibelales cum aliquot asserlionibus contra lutheranos, et aliis difficullatum theologarum enodationibus in communem studiosorum usum non mediocri labore nusquam antea in talem ordinem digestis, in-8o, Paris, 1530. Contient plusieurs opuscules qui ne sont pas dans les deux grandes collections. — De commitnione, confessione, salisfactione, invocatione sanctorum adversus lutheranos tractatus, Rome, 1531. — Opuscula adversus lutheranos, videlicet, de fide et operibus, de communione, de confessione, de salisfaclione, de invocatione sanctorum, responsiones ad septemdecim quæsila, in-8°, Lyon, 1536. — Opuscula, quæsliunes et quodlibeta, in-fol., Lyon, 1541. — Opuscula omnia tribus tomis distincta, in-fol., Lyon, 1558, 1567, 1581, 1588 ; Venise, 1588, 1612 ; Anvers, 1612. Collection de 59 opuscules.

II. œuvres philosophiques. — 1° Commentaria super tractation de ente et essentiel Thomæ de Aquino ; super libros posterioruni Aiistotelis et prsedicamenta ; tractatus de analogia nominum ; quæslio de subjecto philosophiæ ; tractatus de cambiis, in-fol., Venise, 1506.

— 2° In prædicabilia Porphyrii, prsedicamenta et libros posterioruni anahjticorum Aristotelis casligatissima commentaria, in-8o, Venise, 1587, 1599. — 3° Super libros Aristotelis de anima (Rome, 1512), quæsliones de sensu agente et de sensibilibus ; de substantia orbis Jo. de Gandavo cum quæstionibus ejusdem, in-fol., Venise, 1514 (deux éditions différentes, Panzer, t. VIII, p. 418, 422), in-fol., Paris, 1539. — 4° Metap/iysica contracta a Thoma Maria Giovio, in-4°, Lologne, 1688. — 5° De nominum analogia (Pavie, 1 er septembre 1498), A, iii, 5. — 6° De subjecto naturalis philosophise, an sit ens mobile (s. d.), A, iii, 4. — 7° Super duo de conceptu enlis qusesita (Home, 27 février 1519), L, il, 16 ; A, ni, 6. — 8° De Dei infinitate (Pavie, 10 septembre 1499), A, iii, 2. — Quétif-Echard signalent, p. 17, comme manuscrits existant de leur temps dans la Bibliothèque royale à Paris : 9° Commentarii in octo libros physicorum (cod. 4824) ; 10° Commentarii in libros Aristotelis quatuor de cœlo et mundo (cod. 5124). — Léandre Alberti connaissait : 11° les Commentarii super metaphysicam (Quétif-Echard, op. cit.), probablement l’ouvrage abrégé par T. M. Giovio, indiqué ci-dessus.

/II. œuviies THÉOLOGIQUES. — 1° Commentarii in Jara partem Summse tfœologicse S. Thomæ de Aquino (Home, 2 mai 1507), in-fol., Venise, 1508 ; Paris, 1514.

— 2° In /"" 11" (Rome, 29 décembre 1511), in-fol., Venise, 1514. — 3° In 11™ 11* (Rome, 26 février 1517), in-fol., Venise, 1518 ; in-4o, Paris, 1519 ; Venise, 1522, 1537, etc.- lu HI* m partem (Rome, I9décembrel520)…, 1523 ; in-fol., Lologne, 1528 ; Venise, 1533 ; Lyon, 1558.

Pour suppléer à la partie qui manque à la Somme de saint Thomas, Cajétan a ajout.’1 les questions suivantes qui ne se trouvent pas dans toutes les éditions citées : 1. De allritione et contritione ; 2. De confessione ; 3. De satisjactione ; 4. De ministro sacramenti pœnilentiæ ; 5. De indulgent iarum thesauro ; 6. De causa indulgentiarum ; 7. De suscipientibus indulgentias ; 8. De modo tradendi seu recipiendi sacros ordines ; 0. De contractu matrimonii ; 10. De usu matrimuuii ; 11. De delectatione morosa. — 5° Commentaria in Summam théologies S. Thomæ. Les éditions intégrales du commentaire ont paru tantôt seules, tantùt avec le texte de la Somme de saint Thomas : 4 in-fol., Lyon, 1540, 1541, 1552 ; Rome, 1570, dans l’édition complète des œuvres de saint Thomas, dite édition de saint Pie V ; 4 in-iol., Lyon, 1575 ; Stelsii, 1577 ; Lyon, 1581 ; Rome, 1588 ; 5 in-4o, Venise, 1588 ; 7 in-8° Rergame, 1590 ; Venise, 1596, avec les commentaires de Javelli et de Capponi ; Anvers, 1612 ; Padoue, 1698 ; 10 in-fol., Rome, 1773 ; Lyre (1892), sur la I ro partie de la Somme, édit. de H. Prosper ; Rome, 1888, dans l’édition léonine des œuvres de saint Thomas, t. iv sq. — 6° Summula de peccatis (en Pannonie, 15 juin 1524), in-8°, Rome, 1525 ; Venise, 1525 ; Paris, 1526, 1530 ; Lyon, 1529, 1539, 1550, 1565, 1581 ; Venise, 1584 ; Douai, 1613, studio Gaugerici Hispani, 1627. — 7° An in rébus naturalibus detur potentia neutra, et an potentia receptiva actuum supernaturalium sit naturalis, A, iii, 3. — 8° De ftde et operibus adversus lutheranos, in-4o, Rome, 1532, A, iii, 10. — 9° Vtrum homo homini superiori teneatur obedire in his in quibus oportet se exponere periculo morlis (Rome, 27 novembre 1522), A, iii, 8. — 10° De preecepto eleemosynse mentem S. Thomse quam quidam in sua Summa sequius inlcrpretabantur, declarans (1196), A, il, 5 ; L, m, 4. — 11° Vtrum liceat maleficium solvere opéra male/ici ad hoc parati utendo (Milan, 26 mars 1500), L, iii, 10, q. iv ; A, II, 12. — 12° Utrum volum non nubendi œquivaleat voto castilalis (Milan, 18 décembre 1500), A, II, 11. — 13° Vtrum per votum quo quis promittit offerre aliquid cuidam imagini B. V. sit acquisitumjus illi Ecclesiæ (Mantoue, 13 mars 1500), L, iii, 10, q. m. — 14° Vtrum emissurum professionis votum possit absolute renunciare propinqui hæreditatem quam probabilité)’dubitat maie adepto aère infectant (Milan, 29 septembre 1500), L, iii, 10, q. II. — 15° An ingressus religionem cum proposito deliberato perseverandi, ad religionem teneatur (Rome, Il novembre 1512), L, il, 4, R. 3. — 16° An Judseis in nullo culpabilibus possit negari ingressus religionis (Sienne, 21 septembre 1514), L, il, 4, R. 6. — 17° An religiosus foetus episcopus teneatur debito legali ad observantias rcgulares (Rome, 13 février 1518), L, il, 3, q. xxii. — 18° Vtrum Peints consignons centum /lorenos apud Paulum mercatorem ut ei pro parle lucri, capitali salvo, assigne ! per annum quinque jloretios residuo lucri Paulo mercatori servato, licite contrahat (Rome, 1 er avril 1515), L, II, 4, H. 11.— 19" De usura, quæstiones sex (Milan, 2-24 avril 1500), A, il, 8 ; L, iii, 7. — 20" De cambiis (Milan, 9 décembre 1499), A, il, 7 ; L, ni, 6. — 21° De monte pietatis (Pavie, 13 juillet 1598), in-4o, Rome, 1515 (existe une édition antérieure d’une dizaine d’années), A, II, 6 ; L, ni, 5. — 22° Circa empiionem rerum raptarum in bcllo injusto (Rome, 27 novembre 1519), L, il, 4, R. 17. — 23° Quæsliones de sacramentis (ce sont celles indiquées plus haut qui forment le complément des commentaires à la 1 1 I a de la Somme théologique), A, i, 4 ; L, il, 1. — 24° De obligatione prxcepti (Rome, 14 février 1518), A, i, 25 ; L, il, 3-, q. xxi. — 25° De voto et unilate vel pluri/icatione nurnerali peccati actus exterioris propter disconlinuatioucm actus interioris voluntatis (Florence, 27 août 1508), L, ii, 35. —26° Anjuslus timendo pœnam peccet (Augsbourg, 24 octobre 1518), A, i, 21. —

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 2.2 : CAJETAN - CISTERCIENSp. 5-8).

27° Utrum quilibet utens spirituali, seu aclus spirituelles exerçons in peccato mortali, peccet mortaliter (Rome, 24 août 1506), A, ii, 10 ; L, iii, 9. - 28" Circa dispositionem ad confessionem (Augsbourg, 8 octobre 1518), L, il, 3, q. viii. —29° De confessione venialium et omnium mortalium (Augsbourg, 29 septembre -1518), L, II, 3, q. IX. — 30° Utrum in confessione circumstantia diei festi sit necessario confitenda (Milan, 24 avril 1500), L, il, 3, q. x. — 31° Quando guis obligatur ad contritionem peccatorum mortalium (Rome, 4 mars 1518), A, i, 17 ; L, il, 3, q. vu. — 32° De fide ad fructuosam absolutionem sacramentalem necessaria (Augsbourg, 26 septembre 1518), L, ii, 3, q. n. — 33° De impletione injunctse psenilentise, si non impleatur in liac vita, num exsolvenda sit in alia (Augsbourg, 30 septembre 1518), A, I, 20 ; L, ii, 3, q. xii. — 34 » De effectu absolutionis sacramentalis seu de confessione quæstiones quinque (Augsbourg, 1 er octobre 1518), A, I, 18 ; L, il, 3, q. XII. — 35° Utrum confessor teneatur occultam servare deliberationem confitentis se omnino occisurum regem aut pontificem summum (Rome, 13 septembre 1514), A, i, 21 ; L, il, 3, q. xv. — 36" De pollutione ex auditione confessionis proveniente (Florence, 13 octobre 1509), A, i, 22 ; L, ii, 3, q. xvi. — 37° De indulgentiis (Rome, 8 décembre 1517), A, i, 15 ; L, il, 2. — 38° De thesauro indulgentiartim (Augsbourg, 7 octobre 1518), L, ii, 3, q. il. — 39° De acquisitione indulgentiartim (Augsbourg, Il octobre 1518), L, il, 3, q. il. — 40° De acquirendis rursum indulgentiis (Augsbourg, 7 octobre 1518), L, ii, 3, q. m. — 41° De effectu indulgentise (Augsbourg, 29 septembre 1518), L, ii, 3, q. iv. — 42° An papa auctoritate clavium det indulgentiamanimabus m purgatorio (Augsbourg, 15 octobre 1518), A, I, 10 ; L, ii, 3, q. vi. —43° De indulgentia plenaria concessa defunctis (Rome, 20 novembre 1519), L, il, 3, q. v. — 44° De erroribus contingentibus in sacramento eucharislise (Rome, 1515), A, il, 6. — 45° De celebratione missse. Utrum sacerdos sumpta ablulione licite possit sumere reliquias eucharislise in calice, vel extra rémanentes (Pise, 26 novembre 1519), A, ii, 3 ; L, ni, 3, q. vu. — 46° Utrum sacerdos celebrans pro pluribus satisfaciat pro singulis (Rome, 1 er décembre 1510), A, il, 3 ; L, iii, 3, q. il. — 47° De valore orationum diclarum ab audienlibus missam in festo (s. d.), A, il, 4 ; L, ni, 3, q. m. — 48° De missse sacrificio et ritu adversus lulhcranos (Rome, 3 mai 1521), in-’t°, Rome, 1531 ; A, iii, 9. — 49° Jnstruclio nuntii circa errores libclli de cœna Domini per capita juxta ordinem libclli (Rome, 1525), L, iii, 2. — 50° De communione sub ulraque specie. De integritate confessionis. De invocatione sanctorum adversus lutheranos (Rome, 25 août 1531), in-4o, Rome, 1531 (avec les n. 50 et 8) ; in-8o, Lon, 1536 ; A, iii, 2. — 51° De validitate malrimonii ajuvene post religionis ingressum etegressum contracta (Gaète, 22 octobre 1505), L, ii, 4, R. 3.

— 52° De reddilione debiti uxoris ad virum adultemm (Rome, 14 mars 1513), L, ii, 3, q. xxvi. — 53° An adulter ipso facto sit privatus jure exigendi debitum a conjuge innocent (Rome-, 20 décembre 1513), A, i, 29 ; L, II, 4, R. 4. — 54° Utrum malrintonium légitime contractum inter christianos per verbade pressenti, possit ante carnalem copulam dirimi auctoritate papas dbsque religionis ingressu (Rome, 21 janvier 1507), A, I, 28 ; R, ii, 3, q. xxv. — 55" Ad Henricum VIII Angliæ regem de conjugio cum rclicla fratris sententia | Rome, 27 janvier 1534), A, m. 12. — 56° De conjugio régis Anglix cum relirta fratris sut ad Cletnentem VII (Rome, 13 mars 1534), A. iii, 13. — 57° Décollations ordinis preesertim presbyteratui ab episcopo (Pise, 20 novembre 1509), A, i, 26 ; L, ii, 3, q. xxiii. — 58° Utrum pontifex summus possit dispensare cum saccrdole o xidenlalxs Ecclesise ui accipiat uxoretn (Rome, 12 avril 1505), A, i, 35 ; L, ii, 3, q. xxiv. —


59° De venditione annuse pensionis ex beneficio ecclesiastico débitée (Rome, 16 février 1518), L, il, 4, R. 10.

— 60° Utrum emplio benefteiorum ecclesiasticorum sit simoniaca quia prohibita, vel proliibita quia simoniaca (Rome, 28 décembre 1514), A, il, 9 ; L, ni, 8, q. I.

— 61° Utrum emens et acquirens cpiscnpatum non iiilendendo solvere promissam pecuniant sit simoniacus (Rome, 4 janvier 1504), A, il, 9 ; L, iii, 8, q. il. — 62° An is qui in choro sic divinum officium persolvit, t/uod sui chori versus submisse sibi i}>si soli dicit, alterius vero chori versus audit tantummodo, satisfaciat præcepto de persolvendis horis canonicis (Rome, 3 novembre 1514), L, ii, 4, R. 8. — 63° De auctoritate papse et concilii ulraque invicem comparata (Rome, 12 octobre 1511), in-4o, Rome, 1511 ; in-4o, Cologne, 1512 ; A, I, 1 ; L, I, 1. — 64° Apologia tractatus de comparata auctoritate papæ et concilii (Rome, 29 novembre 1512), A, i, 2 ; L, i, 2. — 65° De Ecclesia et sijnodorum differentia coram Julio II in secunda sessione concilii Latcranensis oratio dicta xvi maii 1512, in-4o, Rome, 1512 ; A, iii, 1. — 66° De primatu romanæ Ecclesise, ^, „ ad Leone m X (17 février 1521), in-4o, Rome, 1521 ; A, i,

3 ; L, i, 3. — 67° Utrum vacante sede et quætântil/us omnibus pontificatum per f as et nefas, propterantbitionem et avariliam ac Ecclesise ruinant, liccat yiro probo et digno quscrere pontificatum, adhibendo prômissiones et exhibendo temporalia et bénéficia, etc., pro suffragiis propler hune finem, ut in sede positus Ecclesise prosit et illam reformet (Rome, 26 décembre*’1512), A, ii, 9 ; L, iii, 8, q. m. — 68° An apostolica sedes in sacris canonibus abutatur verbis sacrse Scriptursc (Mayence, 22 mars 1519), A, I, 30 ; L, ii, 3, q. XXVII. — ("9° De criminum occidlorum inquisitione (Rome, 5 novembre 1519), L, ii, 4, R. 5. — 70° De effectu excommunicationis (Augsbourg, 29 octobre 1518), A, I, 19 ; L, ii, 3, q. xiii. — 71° An imperfecta caritas necessario déférât secum post mortem linwrom pœnalem (Augsbourg, 14 octobre 1518), L, II, 3, q. xix. — 72° An omnes animas in purgatorio sint cerise de suo salute (Augsbourg, 25 septembre 1518), A, i, 23 ; L, il, 3, q. xviii. — 73° An in purgatorio possit esse meritinn (Augsbourg, 27 octobre 1518), L, il, 3, q. xvii. — 1°Dc festo quod dicitur Spasmus B. V. matris Dei (Rome, 17 juillet 1506), A, ii, 23. — 75" De conceplione £. Virginis ad Leonem X, Rome, 1503 ; A, il, 1 ; L, iii, 1. — 76° Ad très quæstiunculas scilicet de usura, tic poriinacia in veniali et de publico delicto (Florence, 13 octobre 1509), L, ii, 4, R. 9. — 77° De quinque dubiisseu casibtis conscientiæ, quorum primum est, nu sit simpliciter de necessitale salulis panilente contai de singulis peccatis in eadent specie, etc. (Rome, 2 mai 1501), L, ii, 4, R. 12. — 78° Damnati sensusarticulorum quinque expositio ad Leonem X (Rouie, 6 juin 1521), L, ii, 4, R. 1. — 79" Super sex propositionibus iti conimendationem B. Joseplt a quoihuu tlteologo assortis (s. d.), L, ii, 4. — 80" Explicatio quorumdam quæ visa f itérant in commentarits Cajolant in Sunimam S. Thomas roi contradictoria vel minus e.rposita (Rome, 9 février 1521), L, ii, 4, R. 13. — 81" Rursus de similihus contradictoriis apparentibus (Rome, Il juin 1522), I, . ii, 1, R. 14. — 82" Quæstio una do quibusdam obscuris (Rome, 23 novembre 1522), A. iii, 7. —82° Responsionesad quosdam articulas nomine theologorum Parisious-iuni éditas (Rome, 30 décembre 1533), A, m. 11.

IV. ŒUVRES EXÉGÊTIQUBS. — I".lonlaotila Xon To stamenti : expositio litéralis sexaginta quatuor notabilium sententiarum Novi Testamenti m capita

distincta (pendant la légation de Hongrie, achevé le 15 juin 152V), Rome, 1525 ; Paris, 1526 ; Lyon, 1529, 1539 (avec la Stminiula), I5j j v _L5(>.">, 1584 ; Douai, 1613.— Qpyta sensum literalem

vTWjçJ’ans 1539. - : ’.' In

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commentarii, IjjÉ^’S I

libros JeJtosuèéSud

Pnjtti. Paralipome II.

u Ottawa non, Uetra, Nechemiæ et Esther juin 1531

19 juillet 1532. Rome, 1533 ; Paris, 1 -~* i * " - V In librum

21 m. us 1533), Rome, 1535. ", Jnpialmoi (Rome, Pâques 1527), Venise, 1530 ; Paris, 1532. 8 1 Tn parabolat Salomonit, in Ecclesiasten, in Esaia tria a capitft, Rome, 1542 ; Lyon, lôiô ; Paris, 1587. — 7 /// Evangelia Matthai G-aète, 13 novembre 1527), Marci (Gaète, 2 décembre 1527 te, 25 janvier

1528), Joan. 16 mai 1528. Venise, 1530 ; Paris,

1536, 1542 ; Lyon, 1574. - v In Acta apostolorum Gaète, 29 juin 1529), Venise, 1530 ; Paris (avec les Évangiles), 1536. — 9° In Epistolas Pauli (Gaète, 16 août 1519), Paris, 1532, 1537, 1540, 1542. - 10 » ". omnia quotquot in sacra Scriptura expositionem reperiuntur, cura atque industria insignis collegii S.Thoma Complutensis ord. prsed., 5 in-fo !., 1639.

V. DISCOURS ET LETTRES. —

1° Sex orationcs Romm habita (1501-1512), A, iii, I. Le sixième discours a été édité à Rome, 1512. — 2° Lettre à l’électeur Frédéric de Saxe, Augsbourg, 25 octobre 1518. Lutheri opéra latina, [éna, 1556, t. i. fol. 205 r ; Archivio storico haliano, , ’j" série, t. xxvi, p. 192. — 3° Lettres à Léon X sur l’élection de Charles-Quint, Francfort, 29juin et 7 juillet 1519, [Ruscelli, ] Letlere di principi, t. i, Venise, 1581, p. 60, etc. — 4° Lettres encycliques à l’ordre des frères prêcheurs. Monumenta ord. preed. Iiislorica, Rome, t. ix (1901), p. 88, 93, 124.

III. Doctrines.

— Cajétan a été le plus grand théologien de son temps, et un des premiers parmi ceux qui ont honoré l’Église. Il a été le conseil intellectuel de quatre pontificats, depuis Jules II jusqu’à Clément VII, (luis des circonstances exceptionnellement graves et difficiles. Il a laissé’une œuvre des plus éti ndues destinée, dans sa pensée, à subvenir aux besoins intellectuels de l’Église, les plus urgents à son époque.

Cajétan est un homme de transition. Élevé dans la culture de la philosophie et de la théologie du moyen âge, il s’est trouvé en pleine révolution intellectuelle et religieuse, mêlé’de très près aux événements. Il a compris que pour faire face à une situation nouvelle il fallait s’adapter aux exigences de son temps. C’est ainsi que sa carrière scientifique est successivement dominée par les préoccupations philosophiques, théologiques et exegétiques ; et que, dans ces différents domaines, il met au jour des tendances et des opinions qui ont surpris beaucoup de ses contemporains, moins libres d’esprit ou moins au fait des besoins nouveaux. Il a, en conséquence, trouve’", jusque dans son ordre, des adversaires résolus et quelquefois injustes, lue.Unie impartiale nous montre que Thomas de Vio a eu une rare perspicacité’en mettant le doigt sur un grand nombre de problèmes ouverts aujourd’hui encore, et dont il avait abordé- la solution avec une franchise qui peut encure quelquefois paraître audacieuse.

Cajétan est un esprit pénétrant et subtil. La fréquentation de Scot et de son école, contre lesquels il a spécialement lutté en philosophie et en théologie, semble avoir quelquefois influé sur lui, dans la nécessité où il était de suivre ses adversaires sur leur propre terrain. D’ordinaire il est clair et profond, et embrasse la totalité d’un problème avec une remarquable maîtrise. Dans ses nombreux écrits polémiques, où il agite les questions 1rs pins irritantes de son temps, il procède avec une parfaite sen nité, traitant des choses et des doctrines, sansblesser les personnes. Quoique vivant en plein humanisme, son Blyle n’a rien de littéraire et est parement scientifique. Melchior Cano l’a un peu déprécié en parlant de la styli quasi ingenilam obscuritaten de Cajétan. De locis theologicis, I. VI, c. îv. Mais Cano est un écrivain <l une élégance extrême, peu bienveillant

pour la langue de l’école.

Nous pouvons d’ailleurs transcrire ici l’éloge tempéré de critiques que ce théologien a l’ait de Cajétan : E, jo

uirutn hune, ut tape u< tum, un

iiki.i mu. Plurinium enim f

rit juvit. Longutn est autem hon

)>< ti-si : Cajetanum tummii sedifii parem este potuitte, nisi quibusdam en mini suan qua uni leprx admi -las se/, vel et curiotitatit

dexteritate confisus, Met « s denium abi train

ime quidem /

quibusdam lacis, acutiut tane multo quant feU-Op. cit., 1. Vil. c. m.

1 » Philosophie. —

En philosophie comme <-n théologie Cajétan s’attache fidèlement au système « le saint Thomas d’Aquin. Son séjour à Padoue le mit simultanément en présence de scotistes et d - de marque, et c’est contre eux. en général, que la partie polémique de ses écrits philosophiques. I problèmes scotistes et a - il d’ordre métaphysique, Cajétan excelle dans ces matières. commentaire « lu De ente et etsentia de saint Thon un ouvrage de prime jeunesse, est de tous ses écrits le plus subtil et le plus abstrus.

Les idées, ou plutôt l’attitude personnelle de Cajétan, dans certains problèmes philosophiques, vise surtout le rationalisme averroïste de son temps. L’université de Padoue, centre principal de ces doctrines, et la célél croissante de Pierre Pornponazzi, le principal fauteur de ces idées, amenèrent le concile de Latran à prendre position sur ces matières. Cajétan. toujours en éveil, avait pris les devants et composé, en 1512, son commentaire sur le De anima d’Aristote. Tout en maintenant en soi les idées psychologiques de s : i i n ; Thon le commentateur est d’avis qu’Aristote a cllectiveim nt professé la doctrine qu’Averroès lui a attribuée : l’unité d’une âme intellectuelle unique pour l’humanité i mortalité de l’âme individuelle. L. III. c. il. Le concile de Latran, ayant cru devoir réagir énergiquement contre les progrés de l’averroïsme, porta son célèbre décret du 19 décembre 1513 contre cette doctrine. Pour mieux atteindre ses fins, le décret exigeait que tous les professeurs publics de philosophie justifiassent dans leurs leçons les conclusions de la foi clin-tienne. Ca.j< tan opposa son non placetk cette partie du décret, en o tant que cet office était celui des théologiens et non des philosophes. Bzovius. Ann. eccles., t. tx. p. 199. Avec les années, la pensée personnelle de Cajétan semble avoir fait un pas de plus. Sans qu’il nous ait long son opinion, il paraît bien que le philosophe, chez lui, ait conçu des doutes véritables sur la porte de la raison humaine pour prouver par elle seule l’inm. lité de l’âme, et peut-être même l’existence de la providence. Ces vérités, dans sa pensée, semblent être entrées dans le domaine de la loi chrétienne. Il écrit effet, dans son commentaire de l’Épitre aux Romains, c. îx : Sicut nescio mysterium Trinitatit AiflMAM IMMORTALBM, sicut nescio Verbum car, , faclum est, et similia, qua tamen omnia credo. Opéra o in S. Scripturam, t. v, p. 58. Et dans secommentaires sur saint Luc. c. xii : Spécial ad imnxensitatenx provident I ri, 1ère singuia quxque indi viduætewam illorum habere… Nec hoc est vertendunt in (lithium apud christianos, quamvis philosopha hoc n, , n credant, mbtibntbs obi providbuti m bx ii Al’l l> HOS COGNOSCMUS. (’/ ». cit., t. IV. p

Cajétan trouva un adversaire résolu et même violent dans la personne d’un (te ses confrères, Barthélémy Spina, de Dise. L’agression s’explique d’autant m

au premier abord, que Spina avait été chargé par I tan de surveiller l’édition de son commentaire sur la IIa-IIæ, imprime à Venise, en 1517, et qu’il avait f.iit précéder d’un éloge du cardinal des plus Hat : Spina, a la suite de la publication du De umnortalitatc animse de Pomponnzzi, Cologne, 1516, et de son Apologia, ibid., 1517, crut devoir entreprendre une réfutation du célèbre averroïsant. Craignant sans doute que la position prise par Cajétan dans son commentaire du De anima ne fût considérée comme une concession aux tendances averroïstes du temps, il entreprit la réfutation de Cajétan et de Pomponazzi dans trois traités publiés simultanément : Propugnaculum Aristotelis de immortalitate animæ contra Thomam Cajetanum ; Tutela veritatis de immortalitate animée contra Petrum Pomponatium Mantuanum, cognominatum Perreltum ; Flagellum in très libros apologise ejusdem Perretti de cadem matcria immorlalitatis animse, in-fol., s. 1., 1518. Quétif-Echard, t. ii, p. 126 ; F. Fiorentino, Pietro Pomponazzi, Florence, 1868.

Ce sont ces faits qui ont induit en erreur Gui Patin. Renan, qui l’a suivi, écrit à son tour cette énormité : « Le célèbre Thomas de Vio Cajétan lui-même enseignait selon Averroès, et s’il faut en croire Gui Patin, si bien au courant des bruits qui couraient à Padoue, ce fut de cet enseignement que Pomponat tira son venin. » Renan, Averroès et V ave r rots tue, 3e édit., Paris, 18C7, p. 351.

Théologie.


Cajétan est considéré à juste titre comme l’un des premiers théologiens de l’école thomiste. Léon XIII a traduit lui-même ce sentiment en ordonnant, par ses lettres du 15 octobre 1879, de joindre les commentaires de Cajétan à la Somme théologique, dans l’édition officielle des œuvres de saint Thomas publiée par ses ordres : Conjunctim vero edendas curabimus clarissimorum ejus interpretum, ut Thomse de Vio cardinalis Cajetani et Ferrariensis, lucubrationes, per quas, tanquani per uberes rivulos, tanti viri doclrina decurrit. S. Thomee Aquinatis opéra omnia, Itome, 1882, t. i, p. xxi. Les commentaires de Cajétan sont donc considérés comme une œuvre classique. Les traités de Cajétan sur le pape et les indulgences représentent également une doctrine classique dans la théologie catholique.

Les commentaires sur la Somme de saint Thomas sont l’œuvre capitale de Cajétan eii théologie. La première partie ayant été achevée le Il mai 1507, et la dernière le 10 mars 1522, on peut les considérer comme ayant été écrits dans une vingtaine d’années, c’est-à-dire pendant le temps où Cajétan occupa de hautes charges administratives dans son ordre et dans l’Église. Il semble avoir été conduit à cette entreprise par le fait que le texte de la Somme théologique tendait à devenir, depuis la fin du xv n siècle, un texte scolaire. Ses commentaires sont les premiers qui aient été écrits sur la Somme de saint Thomas. Ils sont contemporains de ceux du dominicain allemand Conrad Kôllin, dont une partie ? de l’œuvre seulement a été publiée, Ia-IIæ, in-fol., Cologne, 1512, prévenu sans doute par l’apparition des commentai ri s de Cajétan. Quétif-Echard, op. cit., t. il, p. ICO ; N. Paulus, P".’deutschen Dominikancr im Kampfe gegen Luther, p. 115. Dans ses commentaires Cajétan a particulièrement en vue la défense des doctrincs de saint l homas contre les attaques de Scot. Dans la troisième partie, a cette préoccupation vient s’ajouter (lie de défendre la doctrine catholique contre le lnthérani-i

Bien que Cajétan soit un fidèle interprète de la doctrine de saint H il a néanmoins émisun certain nombre d’opinions particulières qui lui sont personnelles, mais qui ne touchent pas les idées systématiques île on école Saint Pie Y, en un temps où les progrès de l’hérésie avaient rendu l’autorité ecclésiastique Bévère, lit supprimer divers passages des commentaires de la troisième partie dans l’édition des œuvres de saint Thomas, donm e.i 11e par ses ordres, en 1570. On trouve l’indication di jadis supprimés dans l’édition intégrale des commentaires de Cajétan qui accompagnent la Somme théologiijue de l’édition léonine des œuvres de saint Thomas. La plupart des passages supprimés nous paraissent aujourd’hui bien inoffensifs. Le plus connu est celui (q. lxviii) où Cajétan traite en deux articles des enfants qui meurent sans baptême. Ils peuvent, d’après lui, être sauvés par la foi des parents qui donnent une protestation extérieure de leur foi, par exemple s’ils font le signe de la croix sur l’enfant en invoquant la sainte Trinité.

On trouvera un certain nombre d’opiniQns particulières de Cajétan dans son opuscule où il répond à la critique faite à Paris de seize de ses propositions, et dans l’ouvrage d Ambroise Catharin, écrit contre lui, et dont nous parlerons plus loin.

Exégèse.


Cajétan ayant achevé ses commentaires sur la Somme se livra avec ardeur aux travaux exégétiques. Dès la fin de 1523, pendant sa légation en Hongrie, il commença la composition de ses Jentacula, ou exposition d’un certain nombre de passages du Nouveau Testament. De retour à Rome, il travailla, jusqu’à la fin de sa vie, à la traduction et aux commentaires de la sainte Ecriture. La mort le surprit ayant achevé tout l’Ancien Testament jusqu’aux prophéties d’Isaïe, dont il interpréta seulement les trois premiers chapitres, et le Nouveau Testament, moins l’Apocalypse, à laquelle il renonça, se déclarant incapable d’en entendre le sens littéral.

Thomas de Vio fut conduit à cette entreprise, pour laquelle il semblait peu préparé, à la vue des travaux des humanistes sur le texte des Écritures, mais plus encore en présence du mouvement luthérien, qui, ayant rompu avec l’autorité de l’Église et la tradition, prétendait se placer sur le seul terrain des Écritures pour la détermination de la foi. Cajétan comprit que les théologiens devaient se munir d’armes adaptées à un besoin nouveau. Pour donner une base stable à son entreprise, il travailla avec le concours de spécialistes, ne pouvant le faire par lui seul, à une traduction littérale de la Bible, d’après l’hébreu et le grec. Voir la préface aux Psaumes, et les débuts du commentaire de saint Matthieu. Quétif-Echard, op. cit., p. 18. Le résultat de cette traduction fut meilleur que d’aucuns n’ont voulu dire, car Richard Simon, peu suspect de bienveillance, écrit de Cajétan : « Bien qu’il n’eût aucune connaissance de la langue hébraïque, il ne laisse pas d’en parler beaucoup mieux que plusieurs traducteurs de la Bible, qui ne l’ont sue que médiocrement. » Histoire critique du Vieux Testament, t. II, c. xx, Rotterdam, HiST>, p. 310.

Quant aux commentaires, Cajétan fait à la lois œuvre de critique et de théologien.

Comme critique, il s’attache au seul sens littéral, ainsi qu’il le déclare dans sa dédicace à Clément VII, en tête de son édition des Évangiles, dédicace supprimée dans l’édition complète des œuvres exégétiques. Sous cette préoccupation, il ne craint pas d’adopter un sens nouveau a torrente doctorum sacrorum alienus, pourvu qu’il soit conforme au texte et non en opposition à l’Ecriture el à la doctrine de l’Église. Préface au Pentateuque. Melchior Cano a vivement combattu ce poinl de vue. De lods theologicis, I. VII, c. m. Pallavicini observe, avec raison, que ci tte doctrine n’est pas contraire aux décrets de Trente, llist. du munir de Trente, I. VI, c. xvin. Cf. Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, I. III, c. XII, p. 119-421. Bien plus, on peut dire qu’elle est aujourd’hui la méthode commune parmi les exégètes catholiques.

On peut dire encore que saint Jérôme a été le conseil scientifique de Cajétan, surtout pour juger de l’authenticité des lu rea ou de lents parties. Responsionet ad’/uns dam articulot nominetheologorum Parisiensiuni edilot, n. 4. Cajétan a aussi utilisé les scolies d’Érasme sur le Nouveau Testament. Un échange de lettres entre ces deux hommes, si dissemblables de caractère, témoigne que le théologien avait montré- beaucoup de bienveillance a l’ombrageux humaniste, et que celui-ci en avait ét< touché. Cossio, op. cit., p.’217.

Portant dans l’interprétation critique de la Bible nne grande liberté d’esprit et s’astreignant très p □ au interprétations Bcripturaires devenues classiques chei les Pères de l’Église <’t les théologiens médiévaux, Cajétan devait mettre au jour un grand nombre de jugements qui parurent hardis et même téméraires à plusieurs lises contemporaine. Sa critique va rejoindre, en passant trois Biècles et demi à pieds joints, la critique actuelle. Ce n’est pas ici le lieu d’énumérer un grand nombre de ses jugements. Je rappellerai cependant, parce qu’elle est plus connue, son interprétation allégorique des premiers chapitres de la Genèse ; et à titre d’échantillon, ses doutes sur l’authenticité du dernier chapitre de saint Marc, sur la valeur de la désignation des auteurs de plusieurs Épitres, Heb., .lac, II Pet., II et III Joa., Jud., sur l’authenticité du passage des trois témoins, 1.loa., v, 7, etc.

Cajétan trouva un adversaire violent et injuste dans la personne d’Ambroise Catharin, un juriste devenu dominicain, polémiste habile et acerbe, grand propagateur de nouveautés théologiques, mais intolérant pour les innovations des autres. Peut-être n’est-il pas étranger à la censure des théologiens de Paris, en 1533, à laquelle Cajétan répondit le 30 décembre 1533. Catharin vint à Paris en 1531, sinon plus tôt, et y publia l’année d’après ses Annotationes in excerpta quxdam de commentariis Reverendissimi cardinalis Cajetani S. Xisti dogmata. Il réédita, en l’augmentant, cet ouvrage à Lyon en 154-2. La faculté de théologie de Paris censura, le 9 août 1544, les commentaires de Cajétan et sa réponse aux seize articles. Quétif-Echard. t. ii, p. 145.

Les critiques de Catharin sont une œuvre de passion qui dépasse toute mesure. Cano, qui combat vivement quelques-unes des idées fondamentales de Cajétan. n’a pas hésité à écrire : Calharinus eum, ut seepe alias’, sine causa reprehendit. De locis theologicis, t. XII, c. xiv. Sixte de Sienne déclare dans sa Bibliotlieca sancta que Catharin cherche chicane à Cajétan et se trompe souvent lui-même. Quétif-Echard, op. cit., p. 17. Richard Simon a pris aussi la défense de Cajétan contre son critique. Histoire critique du Vieux Testament, t. III, c. xii ; Histoire critique des principaux commentateurs du Nouveau Testament, c. xxxvii. On peut se servir avec profit de la Bibliotlieca sancta de Sixte de Sienne pour comparer les opinions personnelles de Cajétan avec celles des Pères de l’Eglise.

Cajélan a aussi ajouté à ses commentaires scripluraires des observations théologiques importantes. Elles sont quelquefois d’une remarquable synthèse et peuvent être lues utilement, même après les commentaires sur la Somme.

J.-B. Flavius, Oratio et carmen de vitti viri maximeque Keverendi domini Thomm de Vio Cajetani, cardinalis Sancli Sixti, ill-fol., Home, 1535 ; réédition dans A. Bzovius. Annales ecclesiastici, t. i., p. 900-009, et en tête des œuvres expliques de Cajétan, Lyon, 1639 ; Éloge de Cajétan par Barthélémy Spina, en tête du commentaire de la II" II", Venise, 1518 ; biographie par Antoine Fonæca, au commencement des commentaires de Cajétan sur le Pentateuque, Paris, 1539 ; 1,. Albert !, De nris illustribus ord. prssd., Bologne, 1517 ; a. Ciacconius, Vitm et nsgestu tifteum romanorum et cardinalium, Home. 1075, t. m. p, 892. Ughelll, Ualia sacra, Venise, 1717, t. i, p. 543 ; V. M. Fontana, Monumenta dominicana, Rome, 1675 ; a. de Altamura, Bibliotheca dominicana, Rome, 1677 ; Quétif-Echard, Scriptores ord. prmd., Paris, 1719, t. ii, p. 14 ; a. Touron, Histoire des hommes illustres (if l’ordre de Saint-Dominique, Paris, 1743, t. iv. p, 176 ; » Contarlnl, ffotisie storiche drea U pubblici professori nello studio di Padova ecelti doit’ordine di Sun Domenico, Venise, 1769 ; m. Limbourg, Kardinal Cajétan, dans Zeitschrifl / « » katholische Théologie, bmsbruck, t. rv(1880), p. 189-179 ; A. Cobsio H cardinale Oæluiwe Ut riforma, Civiilale, 1903.

P. Ma.nuu.VNU.