Dictionnaire de théologie catholique/APOCALYPSES APOCRYPHES

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 758-767).

II. APOCALYPSES APOCRYPHES. Nous grouperons:
I. les apocalypses juives ;
II. les apocalypses chrétiennes ; mais dans chaque groupe, nous ne parlerons que des apocalypses dont le texte est publié.

I. Apocalypses juives.

Ces écrits apocalyptiques, composés ordinairement en hébreu ou en araméen, quelquefois en grec, par des Juifs palestiniens ou hellénistes, constituent un genre littéraire à part, une manière de présenter, sous le couvert des grands noms du passé, les leçons et les instructions qui conviennent au présent. Ils nous font connaître la pensée des Juifs orthodoxes au ier siècle avant Jésus-Christ et au ier siècle de notre ère. Leurs auteurs continuent l’œuvre des prophètes et entretiennent dans l’esprit de leurs contemporains la foi au Messie et l’espérance dans un avenir meilleur. Mais tandis que les prophètes, remplis de l’inspiration divine, s’adressaient directement au peuple et présentaient leurs paroles et leurs écrits comme des oracles divins, les écrivains apocalyptiques empruntent les noms de personnages antérieurs et font parler les anciens patriarches, Hénoch, Moïse, Esdras. Leurs livres sont donc pseudépigraphes. Cette pseudonymie est l’indice que le temps de la prophétie est passé. L’objet des apocalypses juives est très varié. L’histoire ancienne est racontée sous forme de prédiction jusqu’à l’époque de l’écrivain. La réalisation des faits antérieurs est de nature à donner de l’autorité aux avertissements du soi-disant prophète, et de la certitude à ses espérances messianiques. Les pécheurs sont réprimandés et blâmés, les justes consolés et encouragés. On y trouve aussi la révélation des mystères des cieux, de la nature, ou la solution des problèmes théologiques qui préoccupaient alors les esprits, et en particulier ce qui concerne la fin des temps. W. Bousset, Die Offenbarung Johannis, Gœttingue, 1896, p. 1-11, et art. Apocalyptik jüdische dans Realencyklopädie für protestantische Theologie, 3e édit., Leipzig, 1896, t. i, p. 612-615, a essayé de synthétiser les éléments constitutifs de l’apocalyptique juive. Cf. Revue biblique, t. vii, 1898, p. 455-456.

Ces enseignements si divers sont présentés sous forme de révélations symboliques, souvent énigmatiques. Ainsi, les personnes paraissent sous la figure d’animaux, et les événements historiques sous l’image de phénomènes naturels. Le sens en est parfois expliqué, ou se laisse plus ou moins clairement deviner ; d’autres fois, il reste obscur et enveloppé de mystère. Ces voiles, plus ou moins transparents, cachent et manifestent une pensée politique : la haine contre l’étranger, le païen, oppresseur du peuple juif. Composées pour la plupart à une époque de trouble, alors que les Juifs gémissaient sous la domination romaine, les apocalypses juives reflètent bien la situation. Leurs auteurs font ressortir le contraste qui existe entre l’idéal de la nation et la triste réalité présente, entre les antiques promesses de Dieu et l’asservissement de son peuple sous le joug des païens persécuteurs ; mais ils gardent la foi la plus inébranlable dans l’avenir. Aussi leur but est-il éminemment pratique. Ils veulent réveiller ou faire naître chez leurs contemporains la fui qui les anime. Dieu n’éprouve son peuple que pour le purifier et le récompenser davantage. Israël n’est pas fait pour servir, mais pour régner. Les apocalypses exercèrent une influence puissante et efficace ; elles entretinrent dans le monde juif l’opposition à l’empire romain et provoquèrent plusieurs fois la révolte. Au point de vue religieux, elles ne sont pas le manifeste d’un parti, d’une secte ou d’une école. Leurs auteurs ne sont ni des pharisiens ni des esséniens ; ce sont des individus animés d’un grand esprit de religion, qui cherchent à raviver la foi de leurs compatriotes et représentent le judaïsme orthodoxe. Ils reprochent les infractions faites à la loi mosaïque et recommandent la pratique de la religion juive. Il ne faut donc pas chercher leurs inspirations dans des sources étrangères. Leurs doctrines et leurs symboles ne sont pas empruntés aux vieux mythes chaldéens ou iraniens, comme l’a prétendu Gunkel, Schöpfung und Chaos, 1894. Ils dérivent de la tradition juive, complétée par le travail de la pensée juive et de l’exégèse juive. Les éléments eschatologiques et apocalyptiques ont été fournis par les anciens prophètes et se retrouvent pour le fond et l’ensemble dans Isaïe, Ézéchiel et Daniel. Cf. Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1897, t. ii, p. 467-468. L’Apocalypse de saint Jean n’appartient pas à ce genre littéraire. Les symboles qu’elle a de commun avec les apocalypses juives ont été puisés aux mêmes sources traditionnelles. Elle a des éléments originaux et elle donne du relief aux idées reçues de la tradition hébraïque. Elle n’est pas pseudonyme ou pseudépigraphe. A l’exemple des anciens prophètes, l’auteur se nomme ; il a d’ailleurs la conscience très nette de son inspiration prophétique. Cf. Revue biblique, 1898, t. vii, p. 456-457. Voir E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi, 3e édit., Leipzig, 1898, t. iii, p. 181-185.

I. livres d’hénoch.

1. Livre éthiopien.

Ce livre, dont le texte original était hébreu ou araméen, a été conservé intégralement dans une version éthiopienne, rééditée par Dillmann, Liber Hénoch æthiopice, 1851, traduite en allemand par le même, Das Buch Henoch übersetzt und erklärt, Leipzig, 1853, et en anglais par Charles, The Book of Henoch, Oxford, 1893. Il a été partiellement retrouvé en grec dans un tombeau d’Akhmîm et édité par Bouriant, Fragments grecs du livre d’Hénoch, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Caire, t. ix, 1892, fasc. 1er , p. 93-147, et traduit par A. Lods, Le livre d’Hénoch, Paris, 1892. Une édition critique a été publiée par Flemming, Leipzig, 1902, et une traduction allemande par Flemming et Radermacher, Leipzig, 1901. Cette Apocalypse, d’une étincelante poésie, est, dans son état actuel, une compilation qui se compose de deux morceaux principaux : une vision historique datant du règne de Jean Hircan, de l’an 110 environ, et trois paraboles messianiques, du temps d’Hérode le Grand (404 avant J.-C), avec de sensibles retouches chrétiennes.

La vision historique comprend les chapitres i-xxxvi et lxxii-cv. Les trente-six premiers chapitres contiennent la vision qu’Hénoch a eue, par l’intermédiaire des anges, sur le jugement dernier. Les cinq premiers servent d’introduction. Hénoch annonce que Dieu lui-même jugera tous les hommes, même les justes, à la fin du monde, avec dix mille de ses saints ; il punira les méchants et bénira les élus. Le patriarche justifie les jugements divins en montrant que, tandis que l’ordre règne partout ailleurs, les hommes se livrent au désordre et à l’iniquité. Au chapitre vi, il raconte la prévarication de deux cents anges qui eurent un commerce charnel avec les filles des hommes, engendrèrent les géants et livrèrent au monde des secrets et des connaissances funestes. La terre se remplit de violence et les âmes des morts élevèrent leurs cris vers le ciel. Les bons anges demandèrent vengeance au Très-Haut et le déluge fut décidé. Hénoch fut enlevé de terre et il fut chargé d’annoncer

aux anges tombés leur condamnation : ils devaient être enchaînés sous terre jusqu’au jour du jugement. Hénoch s’acquitte du message, et les condamnés le supplient d'écrire en leur faveur une supplique à l’Eternel, parce qu’ils ne peuvent plus parler à Dieu, ni lever les yeux au ciel, par honte des péchés qu’ils ont commis et pour lesquels ils sont condamnés. Hénoch rédige la supplique et va la lire au pays de Dan. Il reçoit la réponse dans son sommeil, et elle forme un petit livre « des paroles de justice ». La prière des anges tombés ne peut être exaucée, et une sentence définitive a été prononcée contre eux. Ils ne remonteront jamais au ciel et ils seront enchaînés jusqu'à la (in du monde. Dieu qu’Esdras a vu dans sa gloire, assis sur un trône, au milieu du feu et entouré de myriades d’anges, lui a dit la sentence des anges déchus : « Vous deviez intercéder pour les hommes, et non les hommes pour vous… Vous étiez des saints, des esprits vivants, éternels… Vous étiez dans le ciel et vous connaissiez tous les secrets… Il n’y a pas de paix pour vous. » A partir du chapitre XVII, Hénoch raconte les voyages qu’il a faits, sous la conduite des anges, aux extrémités du ciel et de la terre, et il décrit les merveilles qu’il a contemplées. Il a vu la prison des anges où se réunissent les âmes des hommes avant le jugement. Il y a un emplacement réservé aux esprits de ceux qui, comme Abel, demandent justice, un autre pour les pécheurs eux-mêmes où ils seront tourmentés jusqu’au jour du grand jugement, et un troisième pour ceux qui, n’ayant été ni pieux ni impies, méritent d'être assimilés aux pécheurs sans être punis autant qu’eux. Un lieu lumineux, placé sur la même montagne, est destiné aux justes. C’est sur une autre montagne, dont le sommet ressemble au trône de Dieu, que le Seigneur viendra s’asseoir quand il visitera la terre. Là, se trouve l’arbre de vie, dont le fruit sera après le jugement la nourriture des justes, et l’arbre sera lui-même transplanté en un lieu saint, près de la maison de Dieu, le roi du monde. Au milieu de la terre, il y a un lieu béni, auprès duquel se voit une vallée maudite, où seront rassemblés les blasphémateurs. Bien loin, à l’orient, au delà de la mer Erythrée, Hénoch visite « le jardin de la justice », c’est-à-dire le paradis terrestre, planté de grands arbres, entre autres l’arbre de la science.

Dans les chapitres lxxii-cv, il y a moins de doctrine que dans les précédents. L’ange Uriel explique à Hénoch les phénomènes astronomiques, le cours du soleil, de la lune et des étoiles. Des anges dirigent les étoiles et président à leurs mouvements, à leurs phases et à leurs conversions, lxxii-lxxxii. Hénoch raconte ensuite à Mathusala, son fils, deux visions qu’il a eues. La première est relative au déluge ; la seconde est une description allégorique de l’histoire d’Israël, depuis l’origine jusqu'à la fin des temps. Les personnages sont représentés sous la figure d’animaux. L’allégorie est assez facile à comprendre jusqu’au temps de la captivité. A partir de là, la pensée est obscure. Il semble qu’il y est question d’anges qui, chargés de veiller à ce que les nations païennes n’oppriment et ne persécutent pas les Juifs au delà de ce que Dieu avait décrété, négligèrent leur mission, laissèrent les nations frapper Israël plus qu’il ne convenait et furent jetés dans le feu de l’enfer avec les anges déchus. Le jugement arrivera à l'époque de l’auteur ; les païens et les pécheurs seront punis. Dieu transportera ailleurs la ville de Jérusalem et élèvera sur son emplacement une nouvelle ville, plus grande et plus haute que la première. Le Messie, figuré par un jeune taureau blanc, naît enfin et devient la terreur des bêtes féroces et des oiseaux de proie. Les derniers chapitres de cette section renferment une exhortation morale à pratiquer la justice, parce qu’il est écrit sur les tablettes célestes, dans le livre des saints, qu’une grande récompense est préparée aux justes, lxxxiii-cv.

Les trois paraboles, qui composent la vision de sa gesse, xxxvii-lxxi, à part quelques passages concernant Noé, qui y ont été insérés plus tard, forment un tout, bien distinct des autres parties du livre par la doctrine sur les anges, les fins dernières et le Messie. La première parabole décrit la demeure des élus & sous les ailes du Seigneur des esprits », et les quatre anges, qui se tiennent devant Dieu : Michel, le miséricordieux et le patient ; Raphaël, préposé aux douleurs et aux blessures des hommes ; Gabriel, préposé aux forces du monde, et Phanuel, préposé à la pénitence et à l’espérance. Hénoch voit les secrets des cieux. Un rapport mystérieux existe entre les noms des étoiles et ceux des justes. La sagesse était venue habiter parmi les enfants des hommes, mais elle n’y a pas trouvé de séjour ; elle est revenue au ciel et elle y habite avec les anges. L’injustice s’est dès lors établie sur la terre. La seconde parabole concerne le juge suprême, nommé l'Élu, et le Fils de l’homme qui l’accompagnera. Avant que fussent créés le soleil et les étoiles, ce Fils de l’homme était appelé par son nom devant le Seigneur des esprits. Il sera la lumière des peuples et l’espérance des affligés. Tous les habitants de la terre se prosterneront en adoration devant lui. La personne du Messie est fortement mise en évidence au moyen de traits empruntés aux descriptions messianiques de l’Ancien Testament. Le fond est certainement juif ; mais une main chrétienne l’a retouché et y a peutêtre inséré la dénomination du Fils de l’homme. Une invasion des Mèdes et des Parthes en Palestine précédera la fin du monde. La troisième parabole décrit encore le bonheur réservé aux justes, le grand jugement et les phénomènes célestes. Dans une révélation faite à Noé, il est de nouveau question des anges prévaricateurs et des secrets qu’ils ont fait connaître aux hommes.

GfrÔrer, Prophetx veteres pseudepigraphi, Stuttgart, 1840 ; Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1856, t. I, col. 393514 ; Charles, The book of Enoch, Oxford, 1893 ; Loisy, L’enseignement biblique, 1893, chronique, p. 116-128, 133-138 ; Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, 3e édit., t. iii, p. 190209 ; Philippi, Das Buch Hénoch, sein Zeitalter und sein Verhàltniss zutn Judasl » iefe, 1868 ; Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. ii, p. 217310 ; F. Martin, Le livre d' Hénoch. traduit sur le texte éthiopien, Paris, 1906.

2. Livre slave.

Le livre des secrets d' Hénoch, en slavon, publié par MM. Morlill et Charles, The Book of the Secrets of Enoch, Oxford, 1896, est différent du livre éthiopien. Conservé en cinq manuscrits qui ont été copiés en Bulgarie et en Russie aux XVIe et xviie siècles, il se présente à nous en deux recensions, l’une plus développée qui est le véritable texte de la version slavonne, l’autre plus courte qui est un abrégé de la première. Le texte primitif était probablement grec, quoique certaines parties aient pu être rédigées en hébreu. L’ouvrage semble avoir été composé en Egypte, dans la première moitié du I er siècle de notre ère, par un juif helléniste. Il ne contient pas la moindre trace de christianisme ni aucune préoccupation messianique. On peut le diviser en trois parties. Dans la première, nous avons le récit du voyage d’Hénoch à travers les sept cieux sous la conduite de deux anges. Au premier ciel, le patriarche voit entre autres les deux cents anges qui gouvernent les étoiles, et ceux qui gardent les magasins de la neige et de la glace, les réservoirs des nuages et de la rosée. Au second ciel, il aperçoit, au milieu de sombres ténèbres, des anges qui n’ont pas obéi aux préceptes de Dieu, ont pris conseil de leur propre volonté et ont été rélégués du cinquième ciel, où ils habitaient. En attendant l'éternel jugement, ils sont plongés dans la douleur et ne cessent de pleurer. Ils demandent à Hénoch d’intercéder pour eux auprès de Dieu. Au troisième ciel se trouve un jardin avec l’arbre de vie au milieu. Du pied de cet arbre, partent quatre fleuves qui descendent au paradis terrestre et se répandent sur 1-483

APOCALYPSES APOCRYPHES

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terre. Un olivier distille perpétuellement une huile merveilleuse, l’huile d’immortalité. Trois cents anges gardent le jardin et louent Dieu sans cesse. Ce lieu est le séjour réservé aux justes. Dans un endroit ténébreux et obscur, tout rempli d’un feu sombre qui brûle et glace en même temps, des anges terribles tourmentent sans pitié des prisonniers au visage farouche. C’est la place préparée pour ceux qui n’ont pas honoré Dieu et ont fait le mal sur la terre, en particulier ceux qui ont opprimé les pauvres ou ne les ont pas secourus. Les idolâtres sont aussi damnés. Le paradis et l’enfer sont donc ainsi placés l’un en face de l’autre. Au quatrième ciel, sont le soleil, la lune et les étoiles. Quinze myriades d’anges sortent avec le soleil et l’accompagnent pendant le jour, et mille pendant la nuit. Cent anges veillent à l’entretien de sa chaleur et de sa lumière. Quand l’astre arrive à une des portes de l’occident, quatre cents anges lui ôtent sa couronne et la portent devant le Seigneur ; ils la lui remettent quand il arrive à une des portes de l’orient. Au milieu du ciel, sont des anges armés qui louent le Seigneur avec accompagnement de cymbales et d’orgues. Au cinquième ciel, llénoch voit les troupes innombrables des Gregoris, qui sont tout tristes, silencieux et inactifs. Les anges révoltés contre Dieu, qui sont rélégués au second ciel, les trois d’entre eux qui descendirent sur le mont llermon, s’unirent à des femmes, donnèrent naissance aux géants et furent condamnés à rester sous terre jusqu'à la fin du monde, habitaient avant leur chute au cinquième ciel. Depuis lors, leurs frères, demeurés fidèles, sont dans la douleur. Hénoch a vu les anges enfermés sous terre et a vainement intercédé auprès de Dieu en leur faveur. Il blâme les anges du cinquième ciel, de ce qu’ils ne louent plus le Seigneur. Aussitôt ils se forment en quatre groupes et se mettent à chanter au son des trompettes ; mais leurs voix montaient vers Dieu avec un accent triste et doux. Les sept groupes des archanges occupent le sixième ciel. Tous sont parfaitement semblables. Leurs fonctions consistent à surveiller la marche des astres et le gouvernement de l’univers. Ils sont supérieurs aux anges et tiennent en sujétion tous les êtres qui vivent au ciel et sur la terre. Ils ont en main les registres où sont écrites les actions des hommes. Au milieu d’eux, sont sept phénix, sept chérubins, sept créatures à six ailes (séraphins), louant Dieu d’une seule voix. Au septième ciel, le plus brillant de tous, sont les armées des grands archanges, des puissances spirituelles, des dominations, des principautés, des vertus, des chérubins et des séraphins, des trônes et des vigilances aux yeux nombreux. Tous ces esprits se tiennent perpétuellement devant le trône de Dieu pour accomplir sa volonté. Les créatures à six ailes, sont rapprochées du trône et l’ombragent en chantant : « Saint, saint, saint est le Seigneur ! » Hénoch est enlevé par l’archange Gabriel et déposé devant Dieu qui rassure le patriarche effrayé. Il ordonne à l’archange Michel de lui ôter sa robe terrestre, de l’oindre de l’huile sainte et de lui mettre un vêtement de gloire. Hénoch ressemble alors aux êtres célestes. Puis, il écrit sous la dictée d’un archange, pendant trente jours et trente nuits, trois cent soixante-six livres, extraits des livres divins, qui contiennent tout ce qui regarde le gouvernement du monde et des hommes.

La seconde partie comprend un long discours, dans lequel Dieu lui-même explique à llénoch l'œuvre de la création. Cette révélation n’a pas été faite aux anges. Avant l’existence des choses visibles, Dieu seul suivait sa course parmi les choses invisibles, il créait tout et méditait la fondation du monde. Les créatures parurent successivement en six jours sur des ordres de Dieu. La création des esprits célestes est rapportée au second jour ; leur nature est de feu. Un archange détourna de l’obéissance les anges dont il était le chef ; il voulait

mettre son trône au-dessus des nuées et égaler Dieu en puissance. Il fut précipité des hauteurs avec ses anges et il vole continuellement dans les airs au-dessus de l’abîme. Le paradis terrestre fut planté le troisième jour. Le sixième, l’homme seul fut créé. Dieu ordonna à sa sagesse de le former de sept substances ; le septième, son esprit, vient de l’esprit de Dieu et du vent. L’homme a une double nature, spirituelle et matérielle, qui explique sa mort, sa vie et tout ce qu’il est. Il fut placé sur la terre comme un second ange. Dieu lui donna sa sagesse et la liberté ; il lui montra deux chemins, celui de la lumière et celui des ténèbres, le bien et le mal. Le créateur voulait savoir si l’homme l’aimerait ou non. Il connaissait la nature de l’homme, mais l’homme lui-même ne la connaissait pas. Cette ignorance fit son malheur, car de là vint qu’il pécha, et Dieu lui infligea la mort comme punition du péché. Les âmes ont été créées de toute éternité, avant la création du monde. C’est par la femme, formée d’une côte de l’homme, que la mort entra dans le monde. Dans le jardin d’Eden, Adam devait suivre la loi du Seigneur et garder ses instructions. Les cieux étaient ouverts audessus du jardin et Adam pouvait entendre les chants des anges. Le diable, le mauvais esprit des régions inférieures, voulut déranger l’ordre établi par Dieu, parce qu’il voyait que tout sur la terre était soumis à l’homme. Bien qu’il ait changé de nature, après avoir quitté les cieux, il conservait l’intelligence du bien et du mal. Satan dont le serpent semble avoir été la forme naturelle, trompa Eve, mais ne toucha pas Adam. Dieu maudit Satan ; il ne maudit pas l’homme, la terre, les créatures, qu’il avait bénis, mais le mauvais fruit de l’homme et ses œuvres. L’homme ne sera pas détruit ; il retournera à la terre, de laquelle il a été tiré et où Dieu pourra le prendre lors de sa seconde visite, au jour du jugement. La durée du monde sera de sept jours de mille années ; six précéderont le jugement, puis, il y aura un jour ou mille ans de repos ; après quoi, viendra un temps où il n’y aura aucune computation. Hénoch, redescendu sur terre, devra mettre par écrit le discours du Seigneur pour l’instruction de ses enfants.

Dans la troisième partie, Hénoch décrit à sa famille ce qu’il a vu dans les cieux, la face de Dieu, le monde, les astres, les phénomènes atmosphériques. Il a mesuré la hauteur du septième ciel et la profondeur de l’enfer ; il a copié le jugement de chaque homme sur le registre de l'Éternel. Il a vu ses ancêtres avec Adam et Eve dans l’enfer et il a été touché de leurs souffrances ; il a vu ceux qui tiennent les clefs et gardent les portes de l’enfer, et à cette occasion, il s'écrie : « Faut-il, pour avoir un peu péché en cette vie, souffrir toujours dans l'éternité? » Il a visité l'Éden, qui est ouvert sur le troisième ciel et fermé du côté de ce monde. Des anges de flamme, qui chantent des cantiques de triomphe, gardent les portes de l’orient par lesquelles passeront Adam et les patriarches, à l'époque du dernier avènement. Dieu les enverra chercher pour les introduire en paradis. A la fin du monde, Dieu viendra pour le jugement. Les âmes des justes entreront dans le paradis. Le discours se continue en longues recommandations morales en rapport avec celles de l’Ecclésiastique. Hénoch fait un nouveau discours, dans lequel il dit qu’aucune des âmes que Dieu a faites ne doit périr avant le jugement et que l'âme de la bête déposera contre l’homme qui l’aura mal soignée. Il est permis et louable d’offrir en sacrifice des animaux purs ; mais c’est un crime de tuer, en l'étouffant, une bête qu’on doit manger. Il faul faire toutes choses en son temps, car il n’y a pas de place après la mort pour le repentir. Enfin, avant d'être enlevé par les anges, llénoch répète le but de Dieu, en créant l’homme ; il conseille de garder les commandements divins. Tout homme comparaîtra pour le grand jugement devant le Seigneur. Ensuite, il n’y aura plus

de temps, mais une éternité où tous les justes seront réunis pour vivre toujours heureux dans un paradis incorruptible. On a joint aux secrets d’Hénoch une légende de Melchisédech, remarquable par son étrangeté et rédigée par une main chrétienne.

A. Hamack, Geschichte der altchristlichen Literatur bis EuseUius, Leipzig, 1893, t. i, p. 913-914 ; A. Loisy, Un nouveau livre d’Hénoch, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1896, t. i, p. 29-57 ; Schurer, Geschichte des judischen Wolkes, 3e édit., t. iii, p. 209-213 ; A. Ehrliard, Die altchristliche Litteratur, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 177.

II. Assomption de moïse. — Un fragment considérable de cet apocryphe a été découvert en version latine et publié par Ceriani, Monumenta sacra et profana, Milan, 1861, t. i, fasc. 1, p. 55-64, et réédité par Charles, The Assumption of Moses, Londres, 1897, avec une traduction anglaise, une introduction et un commentaire. Ce fragment, qui est comme le testament de Moïse, a probablement constitué d’abord un livre à part et a été joint de très bonne heure à l’assomption proprement dite, c’est-à-dire au récit de la sépulture du législateur d’Israël. La version latine a été faite sur le grec ; mais certains indices font supposer un original sémitique, hébreu plutôt qu’araméen. Le livre a dû être écrit en Palestine par un pharisien, qui attendait de Dieu seul la délivrance d’Israël et condamnait toute révolte contre l’autorité romaine, au sentiment de M. Charles, ou par un zélote qui parle des pharisiens comme l’Evangile. Il est de très peu postérieur à la mort d’Hérode, 4 avant J.-C. C’est une apocalypse où l’histoire d’Israël est passée en revue depuis le temps de Josué jusqu'à la mort d’Hérode. Le discours est mis sur les lèvres de Moïse. Le monde a été créé pour Israël. L’histoire de ce peuple prédestiné est sommairement résumée jusqu’au règne d’Hérode. Ce roi arrogant et cruel châtiera les Juifs à cause de leurs crimes et de leurs divisions. Ses fils régneront quelque temps ; mais les cohortes romaines détruiront une partie du temple. Aussitôt après surviendra la fin des temps. Des hommes funestes et impies, qui se disent justes, mais sont trompeurs, amateurs de festins et cupides, domineront en Israël. La vengeance et la colère de Dieu se manifesteront contre « ux. Les traits des châtiments des derniers temps sont empruntés à la persécution d’Antiochus Épiphane. Un roi des rois mettra en croix les circoncis et les forcera à porter en public des idoles et à prononcer des paroles blasphématoires. Un homme de la tribu de Lévi conseillera à ses sept fils de jeûner pendant trois jours, puis de se réfugier dans une caverne pour y mourir plutôt que de transgresser les ordres de Dieu. Alors le royaume de Dieu s'établira dans le monde entier ; Satan disparaîtra et avec lui l’angoisse et la souffrance. Le roi du ciel se lèvera de dessus son trône. La terre tremblera, le soleil ne répandra plus sa lumière et les cornes de la lune seront brisées. Le Très-Haut jugera les peuples, Israël sera, heureux et glorifié, et ses ennemis seront confondus.

Schurer, Geschichte des judischen Volkes, t. iii, p. 213-222 ; Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1898, t. iii, p. 470471 ; Hilgenfeld, Messias Judseorum, Leipzig, 1869, p. 437-468 ; Fritzsche, Libri V. T. pseudepigraphi selecti, Leipzig, 1871 ; Rosenthal, Vier apokryphysche Bûcher aus der Zeit und Schule R. Akiba’s, Leipzig, 1885 ; Deane, Pseudepigrapha, Londres, 1891, p. 95-130 ; Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. ii, p. 311-331.

/II. quatrième LIVRE d’esdras. — Ce remarquable apocryphe était primitivement écrit en grec ; mais le texte original est perdu. Une ancienne version latine, rééditée par Bensly et James, The fourth Book of Ezra, tlte Latin version edited from the manuscripls, Cambridge, 1895, comblant la lacune des anciennes éditions, cf. Bensly, The missing Fragment of the Latin translation of tlie fourth book of Ezra, Cambridge, 1875, et

S. Berger, Notice sur quelques textes latins inédits de l’A. T., Paris, 1893, p. 29-31 (tiré des Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxxiv, {{rom-maj|II)e part., p. 143-145) ; une version syriaque, publiée et traduite par Ceriani, Monumenta sacra et profana, Milan, 1866, 1. 1, fasc. 2, p. 99-124 ; 1868, t. v, fasc. 1 « ', p. 41111 ; une traduction éthiopienne, éditée par Laurence, Quarli Ezrx libri versio œthiopica, Oxford, 1820 ; une version arabe, publiée par Gildemeister, Esdrx liber quarlus arabice, Bonn, 1877 ; une traduction arménienne, rendue en latin par Petermann et reproduite par Hilgenfeld, Messias Judxorum, Leipzig, 1869, p. 378-433 ; une ancienne version allemande, éditée par Walther, Die deutsche Bibelùbersetzung des Miltelalters, Brunswick, 1889, nous ont conservé cette intéressante apocalypse. Les deux chapitres premiers et les deux derniers ont été ajoutés plus tard par des mains chrétiennes. L’ouvrage primitif, que les critiques datent du règne de Domitien (81-96), ou de celui de Néron (96-98), comprend sept visions qu’Esdras aurait eues trente ans après la ruine de Jérusalem par Nabuchodonosor. Leur récit a ordinairement la forme d’un dialogue entre Esdras et l’ange Uriel. Si on ne considérait que la substance du livre, on pourrait le définir « un traité du jugement dernier considéré tant en lui-même que dans les circonstances qui doivent le précéder, l’accompagner et le suivre ». Le Hir, qui donne cette définition, la justifie en ces termes : « Annoncer la proximité du jugement divin et y préparer la terre, tel est l’objet principal et le but essentiel de cette composition. Dans ce dessein l’auteur embrasse et traite avec une certaine étendue toutes les questions qui se peuvent soulever à propos de ce grand acte de la justice suprême. Le jugement divin est nécessaire, inévitable ; quelles sont les causes qui le diffèrent ? Exposer ces causes, c’est dévoiler l'énigme de la providence dans le gouvernement des choses humaines, et cette matière occupe ici une grande place. Le jugement de Dieu est proche, et le monde touche à son terme ; à quels signes pourra-t-on reconnaître qu’il s’avance ? Ce jugement enveloppera dans une commune condamnation presque toute la masse du genre humain ; comment concilier les attributs divins avec ce dogme du petit nombre des élus ? Ce jugement sera sans appel ; pourquoi l’intercession des amis de Dieu, aujourd’hui si puissante, sera-t-elle alors sans effet ? Dans quel état sont les âmes des morts qui attendent ce jour suprême ? Enfin par qui s’exercera le jugement de Dieu et quelles en seront les suites pour les bons et pour les méchants ? » Éludes bibliques, Paris, 1869, t. i, p. 155156.

La première vision débute par une prière d’Esdras, par une plainte vive sur l’abandon dans lequel gémit son peuple. Israël, objet de la prédilection divine, est au pouvoir des païens ; il est coupable, sans doute ; néanmoins n’est-il pas meilleur que les païens, malgré ses fautes ? L’ange Uriel répond que les desseins de Dieu sont insondables. Esdras insistant, l’ange dit qu’il faut attendre que le mal soit arrivé à son comble et que le nombre des élus soit complet. Les âmes des justes n’ont pas encore reçu la récompense de leurs bonnes œuvres. L’ange ignore le temps de leur rétribution ; il en indique à Esdras les signes précurseurs : la foi amoindrie, l’iniquité déchaînée, les éléments bouleversés, le règne de l’Antéchrist. La deuxième vision commence aussi par une fervente prière d’Esdras : Si Dieu voulait châtier les Juifs, pourquoi les livrer aux impies et ne pas les punir de sa propre main ? L’ange affirme au prophète que l’amour de Dieu pour son peuple persévère et qu’il se manifestera un jour avec éclat. D’ailleurs, l’heure est proche. Esdras demande par qui s’exercera le jugement de Dieu sur le monde. Dieu répond : « Je visiterai le monde par le fils de l’homme d’abord, et enfin par moimême. » Le siècle futur, qui sera le règne du Messie,

succédera immédiatement au siècle présent. De nouveaux signes de la fin des temps sont donnés. Ce sont des épreuves extraordinaires. Ceux qui y survivront seront sauvés et verront le salut de Dieu. Hénoch et Elie paraîtront sur la terre d’où le mal aura disparu et où fleuriront la foi et la vérité. Au début de la troisième vision, Esdras demande pourquoi les nations oppriment le peuple de Dieu et pourquoi ce peuple, qui a reçu le inonde en héritage, n’en a pas la possession. L’ange répond que, depuis la faute d’Adam, les hommes n’arrivent que par un étroit sentier, entre le feu et l’eau, au séjour large, spacieux et tranquille de la vie future. La patience est nécessaire aux justes. Leur afiliction sera courte. L'Épouse paraîtra comme une cité. Le Messie viendra combler de délices, pendant quatre cent trente ans, ses fidèles serviteurs. Après cette période, le Messie, fils de Dieu, mourra et tous les hommes avec lui. Le monde restera désert pendant sept jours. Mais alors la terre rendra les corps qu’elle a reçus, les morts ressusciteront et le siècle de l’incorruptibilité commencera. Le temps de la miséricorde sera passé, et la justice seule présidera à la distribution des châtiments et des récompenses. Le juge suprême siégera sur son tribunal. Le jour du jugement durera une semaine d’années. Le paradis et l’enfer sont l’un en face de l’autre : ici, la joie et le bonheur ; là, le feu et les tourments. L’auteur expose, dans la suite de l’entretien, la doctrine du petit nombre des élus, dont la sainteté compensera l’innombrable multitude des damnés. Pendant sept jours après la mort, les âmes peuvent visiter les régions éthérées, le séjour du bonheur et des supplices. Cet intervalle écoulé, les âmes des bons sont admises dans un lieu de paix et de joie ; celles des méchants errent sans asile et endurent sept genres de tourments. L’intercession des saints en faveur des damnés est sans efficacité ; le sort des hommes est irrévocablement fixé. Dans la quatrième vision, Esdras voit une femme en deuil qui se métamorphose en ville et qui représente Jérusalem. La scène se passe dans une plaine déserte pour signifier qu’aucun élément humain, qu’aucun mélange de mal n’entrera dans la nouvelle Jérusalem. La cinquième vision est celle de l’aigle, symbole de l’empire romain, dont l’orgueil sera abaissé. Dans la sixième vision, Esdras voit le Fils de Dieu combattre contre tous ses ennemis et les dévorer, ramener de l’exil les dix tribus d’Israël et les établir aux confins de la terre, où elles vivront dans la fidélité à Dieu et l’exacte observation de sa loi. Dans le dernier acte, Esdras écrit, avant de mourir, la loi de Moïse et les livres des prophètes qui avaient été livrés aux flammes, et d’autres livres, remplis d’une doctrine plus profonde et plus cachée.

Gfrdrer, Prophète veteres pseudepigraphi, Stuttgart, 1840 ; Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1856, t. i, col. 569648 ; Le Hir, Du IV' livre d’Esdras, dans les Études bibliques, Paris, 1869, t. I, p. 139-250 ; Hilgenfeld, Messias Judseorum, Leipzig, 1869, p. 36-433 ; Fritzsche, Libri V. T. pseudepigraphi, Leipzig, 1871 ; Penan, Les Évangiles et la seconde génération chrétienne, Paris, 1877, p. 348-373 ; Kabisch, Dos IV Buch Esra auf seine Quellen untersucht, Gœttingue, 1889 ; Schiirer, Geschiclde des jUdischen Volkes, t. iii, p. 232-250 ; Bévue d’histoire et de littérature religieuses, 1896, t. i, p. 193-194 ; F. Rosenthal, Vier apokryphysclie Bûcher aus der Zeit und Schule B. Akiba’s, Leipzig, 1885 ; Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. il, p. 331-401.

iv. apocalypse du barucu. — 1° Version syriaque. — Une première apocalypse de Baruch, qui a dû être composée en grec, n’existe plus qu’en syriaque. Ceriani, Monumenta sacra et profana, Milan, 1866, t. i, fasc. 2. p. 73-98 ; 1871, t. v, fasc. 2, p. 113-180, en a publié le texte complet, qui a été' traduit en anglais par Charles, The Apocalypse of Baruch, Londres, 1896. Elle est postérieure à la ruine de Jérusalem, et on l’attribue à la dernière période du régne de Trajan († 117). Baruch, qui parle toujours à la première personne, raconte ce

qui lui est arrivé avant et après la destruction de Jérusalem par les Chaldéens, et quelles révélations il a reçues. Pour répondre à la pensée de Baruch qui s'étonne de la ruine du peuple choisi, Dieu annonce que les païens seront punis. Quant aux justes, si le siècle présent ne leur apporte que des soull’rances et des angoisses, le siècle à venir leur réserve une couronne de gloire. Dieu détermine la durée du siècle présent. Quand elle sera écoulée, le Messie paraîtra et établira sur terre une ère de joie et de magnificence. Le temps de la manifestation du Messie est fixé dans la belle vision de la forêt et de la vigne, à la disparition du quatrième empire. Le Messie lui-même condamnera, et mettra à mort le dernier chef de cet empire, et son, règne durera jusqu'à la lin du monde. Dans une nouvelle révélation, Baruch connut les souffrances des derniers temps et les signes précurseurs de la fin. Le feu dévorera ceux qui ont méprisé les ordonnances de Dieu. La résurrection des morts précédera immédiatement le jugement dernier. Les morts ressusciteront tels qu’ils étaient durant leur vie et on pourra ainsi lesreconnaître. Mais après le jugement, ils changeront. Les méchants deviendront laids et repoussants ; les bons seront beaux et revêtiront la splendeur des anges, et ils verront le monde invisible. Dans une dernière vision, Baruch voit une nuée qui laisse pleuvoir douze fois alternativement des eaux obscures, puis des eaux claires. Cette succession de phénomènes symbolise l’histoire du monde présent. Les dernières eaux obscures représentent les calamités et les catastrophes des derniersjours. L’anarchie et la confusion existeront ici-bas ; il y aura des guerres, puis des fléaux naturels, qui feront périr beaucoup d’hommes. Les survivants seront livrés aux mains du Messie. Sa manifestation est figurée par la chute des dernières eaux claires. Il jugera les nations et exterminera celles qui ont opprimé son peuple. Son règne sera éternel ; il existera sur terre et répandra partout la paix et la félicité.

Fritzsche, Libri V. T. pseudepigraphi, Leipzig, 1871, p. 654099 ; Langen, De apocalypsi Baruch, Fribourg-en-Biïsgau, 1867 ; r.enan, L’Apocalypse de Baruch, dans le Journal des savants r avril 1877, p. 222-231 ; Schiirer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. iii, p. 223-232 ; Rosenthal, Vier apokryphysche Bûcher, Leipzig, 1885 ; Deane, Pseudepigrapha, p. 130-162 ; Kautzsch, Die Apocryphen and Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. il, p. 404-446 ; R. Duval, La littérature syriaque. Corrections : et additions à la première édition, Paris, 1900, p. 18-19 ; M. Kmusko, dans Patrologia syriaca, de M « ' GralTin, Paris, 1907, t. ii, col. 1057-1207.

2° Texte grec. — Une seconde apocalypse de Baruch s’est conservée dans le texte original grec, publié par James, Apocrypha anecdota II, dans Texts and Studies, Cambridge, 1899, t. v, n. 1, et dans une version slavonne de basse époque. L'éditeur la présente comme une apocalypse chrétienne du {{rom-maj|II)e siècle ; mais elle pourrait bien avoir été écrite dans un milieu juif hellénistique, épris de romanesque et de merveilleux sentimental. Au chapitre iv, il y a une interpolation chrétienne dans laquelle Dieu encourage Noé à planter la vigne, parce que la vigne, dont le fruit a fait chasser Adam du paradis, sera bénie et son fruit deviendra « sang de Dieu » et « par Jésus-Christ Emmanuel les hommes y participeront à la vocation d’en haut ». Un ange conduit Baruch à travers les cieux et lui montre les mystères de Dieu. Dans une immense plaine, qui est le premier ciel, se trouvent les hommes qui ont bâti la tour de Babel ; ils ont des têtes de bœufs. Au second ciel, ceux qui ont fait bâtir cette tour ont des têtes de chiens. Au troisième, il y a le dragon, dont le ventre est l’enfer ; le lieu de l’aurore, d’où sort le soleil, et le lieu du couchant. Au quatrième, il y a un lac, des oiseaux, la source de la rosée, le séjour des justes. L’arcbistratège Michel vient ouvrir la porte du cinquième ciel. Des anges y apparaissent qui portent des corbeilles de fleurs, c’est-à-dire les vertus des justes ;

d’autres anges pleurent, les mains vides ; ce sont les anges des hommes mauvais. Michel confie aux premiers les bénédictions de Dieu et aux seconds ses menaces.

Revue biblique, 1898, t. VII, p. 303-304 ; Bulletin critique, 2* série, 1897, t. iii, p. 413-415 ; Harnack, Geschichte der altchrist. Literatur, t. I, p. 91C ; Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. il, p. 446-457.

v. paralipomènes de baruch. — Cet apocryphe, publié dans une version éthiopienne par Dillmann, C lirestomathia œthiopica, Leipzig, 1866, et dans le texte grec original par Ceriani, Monumenla sacra et profana, Milan, 1^68, t. v, fasc. 1 er, p. 9-18, et par Rendel Harris, The rest of the words of Baruch, Londres, 1889, n’est pas, comme le croit ce dernier éditeur, une œuvre chrétienne, « le dernier adieu de l'Église à la synagogue. » C’est plutôt un ouvrage juif, composé en l’an 136 de notre ère et retouché par un chrétien. Il a pour but de préparer la restauration de Jérusalem par la conversion des Juifs prévaricateurs. Baruch et Abimélech, à la fin de la captivité de Babylone, écrivent à Jérémie que si le peuple captif veut entendre la parole du Seigneur, il sera ramené à Jérusalem. Jérémie reçoit l’ordre d'éprouver le peuple dans l’eau du Jourdain. L'épreuve consiste à abandonner les œuvres de Babylone et en particulier à rompre les mariages contractés avec des Chaldéens. La moitié du peuple seulement accepta ces conditions et suivit Jérémie, qui mourut en offrant au temple un sacrifice. Mais le troisième jour, il ressuscita et il. prophétisa en ces termes : « Glorifiez Dieu et le Fils de Dieu, Jésus-Christ, qui est la lumière des siècles et la vie de la foi. Encore quatre cent soixante-dix-sept années et il viendra sur la terre. L’arbre de vie planté au milieu du paradis fera germer des fruits sur les arbres stériles. Il viendra et il se choisira douze apôtres qui porteront la bonne nouvelle aux nations. » A cause de cette prédiction, Jérémie fut sur-le-champ lapidé par le peuple.

Bulletin critique, 1890, t. XI, p. 261-263 ; Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. iii, p. 285-287 ; Basset, Les apocryphes éthiopiens. I. Le livre de Baruch et la légende de Jérémie, Paris, 1893 ; Harnack, Geschichte der altchristlichen Literatur,

i, p. 852, 916.

vi. apocalypse d’abraham. — Cette apocalypse, conservée dans un texte slave, a été traduite en allemand par Bonwetsch, Die Apokalypse Abrahams, Leipzig, 1897. C’est une œuvre juive, dont la date n’est pas déterminée et qui a été un peu retouchée par un chrétien. Le patriarche, scandalisé de l’idolâtrie de Tharé, son père, attira sur lui la bienveillance du Dieu éternel et fort, qui lui envoya un ange pour l’instruire. L’ange lui apprit à offrir des sacrifices et l’emmena au ciel avec lui. Abraham y apprit par révélation l’histoire de sa race. Cette race choisie sera réjouie par le sacrifice et le don de justice dans le séjour des justes, tandis que ses ennemis brûleront dans le feu de l’enfer. Au chapitre xxix, l’homme injurié et frappé, en qui les païens espèrent, est certainement le Messie ; mais ce passage est peut-être une retouche chrétienne.

Schurer, Geschichte des jùdischen Volkes, t. iii, p. 250-252 ; Harnack, Geschichte der altchrist. Lit., t. I, p. 914.

VU. APOCALYPSES D’EUE ET DE SOPHONIE. — Des

fragments coptes, provenant d’Akmîm et contenant des passages d’une apocalypse, ont été publiés et traduits par Bouriant dans les Mémoires de la mission archéologique française au Caire, 1893, t. I, fasc. 2, sous le nom d’Apocalypse de Sophonie. D’autres feuillets, acquis par le musée de Berlin, contenaient la souscription : « Apocalypse d'Élie. » Steindorff, Die Apokalypse Elias, dans les Texte und Untersuchungen, 2e série, Leipzig, 1899, t. ii, fasc. 3, a étudié les divers fragments et y a reconnu des morceaux de trois apocalypses, probablement d’auteurs différents. Les versions coptes ne sont pas originales et dérivent de textes grecs.

1. Une apocalypse anonyme, malheureusement incomplète, contient une description du séjour des damnés et de celui des bienheureux. C’est un écrit juif, plus ancien que l’apocalypse de Pierre et composé probablement en Egypte. C’est peut-être un fragment de l’apocalypse de Sophonie. Il y est parlé de deux catégories d’anges, ceux du Seigneur tout-puissant, qui inscrivent les bonnes œuvres des justes, et ceux de l’accusateur, qui est sur la terre. Ceux-ci tiennent note des péchés des hommes qu’ils font connaître à leur chef pour qu’il les écrive sur son registre et qu’il puisse les reprocher à leurs auteurs, lorsqu’ils sortiront de ce monde. Les anges qui châtient les impies sont innombrables ; ils ont en mains des fouets enflammés, et avant de conduire les âmes au lieu du supplice, ils leur font parcourir les airs, pendant trois jours. L’ange qui accompagnait l’auteur changea de forme avant d’entrer avec lui dans l’enfer. C’est un étang de feu, dont les vagues sont des flammes de soufre et de poix. Un ange terrible, dont le corps ressemblait à celui des serpents, voulait entrelacer le visionnaire : c'était l’accusateur. Mais Érémiel, préposé à l’abîme et à l’enfer, ne le lui permit pas. Le visionnaire voulait adorer son libérateur. Le grand ange le lui défendit en disant : « Je ne suis pas le Seigneur tout-puissant. » L’accusateur avait un rouleau dans sa main, il l’ouvrit, et le visionnaire y lut, dans sa langue, tous ses péchés qui étaient des omissions d'œuvres de miséricorde et de jeûne. Un autre ange ouvrit un autre rouleau qui, vraisemblablement, était le registre des bonnes œuvres. Des milliers d’anges conduisent ensuite le visionnaire sur un bateau à travers l’abîme qui sépare l’enfer du séjour des élus. Il prend un vêtement d’ange, et un esprit céleste célèbre, au son de la trompette, la victoire du passager sur l’accusateur et le loue de ce que son « nom est écrit sur le livre des vivants ». Cet ange s’entretient amicalement avec les patriarches. Le ciel s’ouvre, et le voyant aperçoit l’enfer. Les âmes sont plongées dans une mer de feu, et divers châtiments font expier les différentes catégories de fautes. Les patriarches implorent la miséricorde divine en faveur des damnés, et cette prière se renouvelle tous les jours à la même heure. Le voyant désire pénétrer d’autres mystères ; mais l’ange qui l’accompagnait, lui déclare qu’il n’est pas en son pouvoir de lui en montrer davantage jusqu’au jour du grand jugement, alors que, dans sa colère, le Seigneur viendra détruire le ciel et la terre et faire reconnaître à toute chair son empire.

2. L’apocalypse d'Élie, qui existe à peu près en entier, est une prophétie qui annonce l’apparition de l’Antéchrist et celle du Messie. C’est un écrit juif, composé en Egypte avant Jésus-Christ, mais ayant subi diverses retouches chrétiennes. Il débute comme les prophéties : « La parole de Dieu vint sur moi. » Le Seigneur reproche aux Juifs leurs fautes ; mais un chrétien a ajouté à ce discours que le Fils de Dieu est venu dans le monde pour sauver les coupables. A la lin des temps, le Seigneur marquera les siens, et le fils de l’iniquité n’aura pas puissance contre eux ; les pécheurs seront frappés de consternation. Il y aura alors de nombreux apôtres de l’erreur, dont les enseignements ne seront pas de Dieu. Ils condamneront le jeûne et soutiendront que Dieu ne l’a pas institué. Mais le Seigneur recommande le jeûne et la prière, accomplis avec un cœur pur et des mains innocentes. Les malheurs qui précéderont la venue de l’Antéchrist sont décrits sous l’image des luttes des rois de Perse et d’Assyrie en Egypte. L’Antéchrist dira mensongèrement qu’il est le Christ et fera des prodiges pour faire réussir son imposture. Toutefois, il ne pourra pas ressusciter les morts, parce qu’il n’a pas puissance sur l'âme. Les marques physiques, auxquelles on le reconnaîtra, sont indiquées. La vierge Tabithe viendra l’apostropher à Jérusalem ; il la poursuivra, sucera son

sang, et en versera sur le temple ce qui sera salutaire pour le peuple. Elle ressuscitera le lendemain et elle déclarera à l’Antéchrist qu’il n’a plus pouvoir ni sur son corps, ni sur son âme, parce qu’elle vit dans le Seigneur. Selon M. Steindorff, cet incident serait une interpotation chrétienne. Hénoch et Élie viendront aussi combattre l’Antéchrist. Après sept jours de combat, les deux prophètes seront tués et leurs corps demeureront trois jours et demi sur la place. Le quatrième jour, ils ressusciteront et la lutte recommencera. Le fils de l’iniquité, ne pouvant rien contre eux, s’acharnera sur les justes, qu’il fera périr dans d’affreux supplices. Leurs cadavres seront préservés de toute atteinte jusqu’au jour du jugement. Ils ressusciteront alors. Soixante d’entre eux, armés de la cuirasse de Dieu, attaqueront l’Antéchrist à Jérusalem, et beaucoup se détacheront de lui. Le Christ enverra ses anges enlever ses élus, avant le jour de sa colère. La nature se transformera, les pécheurs reconnaîtront que le fils de l’iniquité les a trompés. Lui-même pleurera, puis se mettra à la poursuite des saints. Les anges lutteront contre lui. Le feu du ciel dévorera les pécheurs et le diable, et le jugement commencera. Tous les péchés seront révélés au lieu où ils ont été commis. Les justes verront les pécheurs punis, et les pécheurs contempleront le séjour où les justes seront récompensés de leurs bonnes œuvres. Élie et Hénoch, déposant leur chair de ce monde, prendront leur chair spirituelle et tueront le fils de l’iniquité, qui sera anéanti, et tous ceux qui ont cru en lui seront engloutis dans les profondeurs de l’abîme. Le même jour, le Messie, descendu du ciel avec les saints, créera une nouvelle terre où il n’y aura pas de diable, et il y régnera mille ans avec les saints.

3. Le court fragment de l’apocalypse de Sophonie, en dialecte sahidique, a beaucoup de traits communs avec l’apocalypse anonyme, tellement qu’il n’en est peut-être qu’une partie. Il est question d’une Ame pécheresse qui, tourmentée par cinq mille anges, recevait d’eux cent coups de fouet chaque jour.

Zahn, Gesobischte des Neutestamentlichen Kanons, Erlanger), 1892, t. ii, p. 801-810 ; Schisser, Geschichle des sodischen’olkes, t. iii, p. 267-272 ; Harnack, Geschichte der atlchrist. Literatur, t. I, p. 853-854, 918-919 ; Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1899, t. IV, p. 172-176 ; Revue biblique, 1900, t. IX, p. 128-130.

Outre les ouvrages cités, on peut encore consulter pour l’ensemble du sujet, des apocalypses juives, Volkmar, Handbucli au den Apocryphen, Leipzig, 1867 ; Nicolas, Les doctrines religieuses des Juifs, Paris, 1860 : Maurice Vernes, Histoire des idées messianiques, Paris, 1874 ; E. de Faye, Les apocalypses juives. Essai de critique littéraire et théologique, Paris, 1892 ; Vigoureux, Dictionnaire de la Bible, Paris, 1897, t. I, col. 756-764 ; A. Sabatier, L’apocalypse juive et la philosophie de l’histoire, conférence publiée dans la Revue des études juives, 1900.

II. Apocalypses chrétiennes.

Les chrétiens ne se sont pas contentés de lire, de retoucher et de remanier la plupart des apocalypses juives. Harnack, Gescltichte der altchrist. Literatur, t. r, p. 86L’Ils ont encore imité ce genre littéraire qu’ils aimaient et dont ils subissaient l’influence. Plusieurs écrivains, dont quelques uns se rattachaient à des sectes hérétiques, s’y sont exercés et ont produit des apocalypses sous le nom d’un personnage de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Les apocalypses chrétiennes sont moins anciennes que les apocalypses juives et présentent un moindre intérêt doctrinal. Elles ne sont souvent que de pâles imitations d’apocryphes antérieurs, et leur texte ne nous est pas parvenu dans sa pureté première.

I. Ascension d’isaie.

Livre composite, formée de deux écrits d’origine différente réunis par une main chrétienne, elle existe dans une version éthiopienne, éditée par Dilmann, Ascensio Isaise eethiopice et latine, Leipzig, 1877, dans une version latine, dont il reste quelques fragments et dans un remaniement grec, décou vert et publié par von Gebhardt, dans la Zeit solivifl fi’tr wissenschaflliche Théologie, 1878, t. xxi, p. 330-353. Le premier de ces écrits, d’origine juive, raconte le martyre du prophète Isaïe et n’a rien d’apocalyptique. Le second, l’ascension proprement dite, aurait été rédigé par un judéo-chrétien gnosticisant, dans la première moitié du iie siècle. Isaïe raconte au roi Ézéchias une vision qu’il a eue. Sous la conduite d’un ange du septième ciel, il a traversé successivement le firmament, où sont les mauvais anges, les six cieux dans lesquels de bons anges, de plus en plus brillants, louent Dieu ; puis, avec l’autorisation du Christ Jésus, il a pénétré au septième ciel, où se trouvent les saints. Ils sont vêtus d’une robe céleste et environnés de splendeur comme les anges ; mais ils n’ont encore ni couronnes, ni trônes ; ils ne les recevront qu’après l’incarnation du Christ. Isaïe vit les livres dans lesquels les actions des hommes sont écrites ; il vit aussi les robes, les couronnes et les trônes destinés aux hommes qui croient au Messie. Il contempla la sainte Irinité. L’incarnation du Verbe dans le sein de Marie et la naissance de Jésus à Bethléhem lui furent révélées avec des détails singuliers.

Gfrorer. Prophetx veteres pseudigraphi, Stuttgard, 1840 ; Deane, P seuil epigrapha, 1891, p. 236-275 ; Basset, L’Ascension d’isaie, Paris, 1894 ; Schisser, Geschichte des sodischen Volkes, t. III, p. 280-285 ; trad. allemande du Martyre, dans Kautzsch, t. il, p. 119-127 ; trad. anglaise par Charles, Londres, 1900 ; trad. française par Tisserant, Paris, 1909.

II. apocalypse de Pierre

De cette apocalypse, autrefois si célèbre, il ne nous restait que de courts fragments, réunis par Hilgenfeld, Novum Testamentum extra canonem receptum, 1884, p. 71-74. L’un, cité par Macarius Magnés, concerne le jugement dernier. Un autre, reproduit par Clément d’Alexandrie, Eclogx ex Scripturis propltetiers, 41, 48, P. G., t. ix, col. 717, 720, dit que les avortons sont confiés à un ange nourrice pour être élevés et instruits comme s’ils avaient vécu. Un fragment grec, plus considérable, a été découvert à Akhmim, dans le tombeau d’un moine grec et édité par Boursant, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française au Casse, Paris, 1892, t. ix, fasc. 1, p. 142-146. Il débute par les derniers mots d’un discours de Jésus aux apôtres. Le Sauveur y signale, comme présage de la fin du monde et du jugement dernier, l’apparition de faux prophètes. Étant allés tous ensemble prier sur une montagne, vraisemblablement celle de la transfiguration, les douze apôtres demandent au Maître de voir un de leurs frères justes, sortis de ce monde, afin d’affermir leur espérance et d’encourager les hommes qui les écouteront. Deux défunts leur apparurent, et ils ne pouvaient les regarder tant étaient brillants leurs visages et leurs vêtements. Sur la demande de Pierre, Jésus montra, en dehors de ce monde, la région lumineuse et fleurie dans laquelle les justes habitaient avec les anges dans la gloire et louaient joyeusement Dieu. En face du séjour des bienheureux, les pécheurs étaient punis et châtiés dans un lieu ténébreux par des anges au vêtement sombre. Les blasphémateurs, les juges injustes, les adultères, les meurtriers et leurs complices, les prêteurs à intérêt, les riches insensibles, les faux témoins et d’autres coupables encore recevaient des châtiments proportionnés à leurs péchés. Les âmes des assassinés contemplaient le supplice de leurs meurtriers, et disaient : « O Dieu ! ton jugement est juste. » Cette apocalypse a été composée entre 110 et 160, dans un milieu palestinien ou égyptien. Elle a été en usage principalement à Rome et à Alexandrie. Elle a de nombreux rapports avec la seconde Épitre de saint Pierre et elle a beaucoup influé sur les apocalypses d’Esdras, de Paul et de Baruch, aussi bien que sur le Pasteur d’Hermas. L’appropriation et l’équivalence des supplices avec les péchés commis ont été empruntés à la mythologie 1493 APOCALYPSES APOCRYPHES 1494

grecque ; les saintes Écritures ne décrivent rien de semblable.

Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Leipzig, 1892, t. ii, fasc. 2, p. 810-820 ; A. Lods, Evangelii secundum Petrum et Pétri Apocalypseos qvæ supersunt. Paris, 1892 ; Id., L’Évangile et l’Apocalypse de Pierre, Paris, 1893 ; A. Robinson et Rhodes James, The Gospel according to Peter and the Révélation of Peter, Londres, 1892 ; A. Harnack, Bruchstùcke des Evangeliums und der Apokalgpse des Petrus, dans Texte und Untersuchungen, Leipzig, 1893, t. ix, fasc. 2 ; O. von Gebhardt, Das Evangelium und dit Apocalypse des Petrus, Leipzig, 1893 ; A. Loisy, L’enseignement biblique, n. 10, juillet-août 1893, chronique, p. 112-110 ; Jacquier, Travaux récents sur quelques apocryphes, dans l’Université catholique, octobre 1894, p. 242248 ; Dietrich, Beitriïge zur Erkliirung der neuentdeckten Petrus-Apokalypse, Leipzig, 1893 ; Harnack, Die Petrusapokalypse in der alten abendldnd. Kirchc, 1895 ; Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature grecque, Paris, 1897, p. 61-62.

III. apocalypse de moïse. — Cette révélation, soi-disant faite par Dieu à Moïse, est le récit de la vie et de la mort d’Adam et d’Eve. Le texte grec a été publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, Leipzig, 1866, p. 1-23, et par Ceriani, Monumenla sacra et profana, Milan, 1868, t. v, fasc. 1, p. 19-24. L’ouvrage rentre dans la catégorie des livres d’Adam. Dans son état actuel, il ne remonte qu’aux environs du Ve siècle ; mais l’auteur a utilisé des documents juifs antérieurs. Adam, sur le point de mourir, confesse sa faute devant tous ses enfants rassemblés. Il dit que, pour tenter Eve, le démon attendit l’heure où les anges qui la gardaient étaient remontés au ciel pour louer le Seigneur. Eve et Seth vont aux portes du paradis terrestre solliciter en sa faveur quelques gouttes de l’huile de la miséricorde afin d’adoucir ses angoisses. En chemin, Eve raconte longuement à son fils sa tentation, sa faute et son châtiment. Seth rapporte seulement la promesse que cette huile sera accordée au monde vers la fin des temps, quand viendra le règne heureux du Messie. Adam meurt et tandis qu’Eve se lamente et prie, un ange l’invite à lever les yeux pour voir monter vers Dieu le corps de son époux. Elle voit les sept cieux ouverts et le Seigneur qui, entouré de légions d’anges, vient au-devant du défunt. Les anges brûlent des parfums et intercèdent pour Adam. Dieu le plonge dans les eaux de l’Achéron pour le purifier et l’en retire après trois heures. L’archange Michel a l’ordre de conduire Adam au troisième ciel. Mais, par une contradiction évidente, qui fait supposer la combinaison de deux récits différents, Dieu descend sur la terre avec ses anges pour ensevent le corps d’Adam au paradis terrestre, à l’endroit même d’où avait été pris le limon dont ce corps avait été formé. Dieu lui-même prédit à Adam sa future résurrection, ses glorieuses destinées et son triomphe final sur le démon. Six jours plus tard, Eve mourut à son tour et l’archange prit soin de sa sépulture. Michel dit à Seth que tout homme mort devrait être enseveli de la même manière jusqu’à la résurrection, et que le deuil des défunts ne durerait que six jours parce qu’au septième jour Dieu et ses anges se réjouissent de ce qu’une âme juste est venue de la terre au ciel. La doxologie finale rend gloire à Dieu le Père et au Saint-Esprit éternel et vivificateur.

Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudepigraphen des A. T., Tubingue, 1900, t. ii, p. 311-331 ; Le Hir, Études bibliques, Paris,’1869, t. ii, p. 111-120 ; Schisser. Geschiche des jiidischen Volkes, t. iii, p. 220 et 287 ; Harnack, Geschichte der altchrist. Lit., t. 1, p. 856-857.

IV. apocalypse d’esdras.

Le texte grec a été publié par Tischendorf, Apocalypses apocryphse, p. 24-33. C’est un ouvrage de basse époque, dont la date n’est pas précisée, ve —vnie siècle, et qui n’est qu’une très pâle imitation du IVe livre d’Esdras, avec certaines réministences du livre d’Hénoch. Préparé par de longs jeûnes, Esdras fut admis à contempler les secrets de Dieu. Enlevé au premier ciel, il vit une grande troupe d’anges. Il entendit sortir de l’enfer une voix qui lui demandait son intercession auprès de Dieu. Alors, commence un long dialogue entre Esdras qui réclame pitié pour les chrétiens pécheurs, et le Seigneur qui soutient les droits de sa justice. Sur sa demande, le prophète descendit aux enfers et il vit Hérode qui avait fait périr les enfants ; il entendait la voix des pécheurs, sans les apercevoir euxmêmes. Il y vit l’Antéchrist, qui se dit a le Fils de Dieu, fera des prodiges, dont la venue précédera la résurrection des morts. En apprenant de la bouche de Dieu ce qui arrivera à la fin des temps, Esdras s’écrie : « Seigneur, ayez pitié de la race des chrétiens. » Remonté au ciel, il assiste au jugement et il plaint les hommes qui doivent être jugés. Il désire voir le paradis. Les anges le conduisent à l’orient et lui montrent Hénoch, Élie, Moïse, les apôtres, les justes et les patriarches. Dieu lui fait connaître les noms des anges. Les anges redemandent alors à Esdras son âme. Sa couronne est prête ; mais il refusé longtemps de mourir ; il veut continuer sur terre son rôle d’intercesseur et d’avocat contre Dieu. Il cède enfin, quand il a l’assurance qu’il remplira avec plus d’efficacité son ministère dans la vie future.

Le Hir, Études bibliques, t. ii, p. 120-122 ; Schùrer, Geschichte, t. iii, p. 245.

Une autre apocalypse d’Esdras, en syriaque, relative à la durée de l’empire des musulmans, a été publiée avec une traduction allemande par Bœthgen, dans la Zeilschrift sur dit altestament. Wissenschaft, 1886, p. 199-213, et avec une traduction française par Chabot, dans la Revue sémitique, 1894, t. ii, p. 242-250, 333346. Une version arabe a été éditée par Gottheil, dans Hebraica, 1888, t. iv, p. 14-17. Une traduction anglaise a été faite par Hall, Presbyterian quarterly, 1886. Cf. Isolin, Apokalyptische Sludien, dans la Théol. Zeilschrift aus der Schweiz, 1887, p. 60-64, 130-136 ; Schùrer, op. est., t. iii, p. 245 ; R. Duval, La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 93-94.

V. Apocalypse de Paul. — Différente de l’Ἀναβατικὸν Παύλου, qui, d’après saint Épiphane, Hæres., xxxviii, 2, P. G., t. xti, col. 656, était aux mains des caïnites, cette apocalypse a été citée par saint Augustin, Tract, in Joa., 98, P. L., t. xxxv, col. 1885, et par Sozomène, H. E., vii, 19, P. G., t. lxvii, col. 1480. Elle a été publiée en grec par Tischendorf, Apocalypses apocrypliæ, p. 34-69. La traduction anglaise d’une version syriaque plus développée a été donnée dans The journal of sacred literature and biblical record, 1865, p. 372. Cet apocryphe, composé peu après la mort de Théodose (395), est le récit de ce que vit saint Paul, lorsqu’il fut ravi au troisième ciel. II Cor., xii, 4. D’après la préface, il aurait été trouvé à Tarse dans la propre maison de l’apôtre. Saint Paul l’aurait écrit pour porter les hommes à faire pénitence de leurs péchés. Le soleil, la lune, les étoiles et la mer ont souvent demandé à Dieu de venger les crimes dont ils sont les témoins. L’apôtre recommande aux humains de louer le Seigneur, au coucher du soleil, parce que c’est l’heure où les anges gardiens vont adorer Dieu et lui rendre compte des actions des hommes. Les anges des méchants demandent d’être relevés de leur service ; mais Dieu les renvoie sur terre, se réservant le jugement. Saint Paul, ravi en esprit, va sous la conduite d’un ange visiter le séjour des justes. Dans le firmament, il voit de grandes puissances, chargées de punir les pécheurs, et au ciel, des anges brillants qui amènent à Dieu les âmes des justes. L’impiété lui apparaît comme un nuage de feu qui couvre toute la terre. Il assiste à la mort d’un juste et d’un pécheur. Les bons et les mauvais anges sont présents. Les mauvais anges ne trouvant rien à reprendre dans le juste, les bons conduisent son âme au lieu du 4495 APOCALYPSES APOCRYPHES 1496

repos. A l’inverse, ceux-ci laissent les mauvais anges emmener l’âme du méchant dans l’enfer. L’ange gardien de cette âme l’accuse au tribunal de Dieu. Le temps de la pénitence étant passé, Dieu la destine aux ténèbres extérieures et à cause de ses péchés, l’envoie au Tartare jusqu’au jour du grand jugement. Les anges louent la justice de la sentence. Saint Paul voit sous une seconde forme (à moins qu’on n’admette ici une interpolation) les deux séjours des bons et des méchants. La demeure des justes ressemble à une ville. Hénoch, « témoin du dernier jour, » en sort en pleurant, parce que les hommes ne font pas la volonté de Dieu. A côté de la ville, l’apôtre voit la terre, où habitent ceux qui pleurent, mais qui seront consolés, et l’Achéron ou l’étang dans lequel les âmes tout pénitence de leurs péchés. La pénitence de ces derniers étant achevée, l’archange Michel les introduit dans la ville de Dieu, qui est remplie de justes. Paul pénètre dans cette ville qu’il décrit. Ceux qui ont accompli leurs actions par vaine gloire séjournent devant les portes de la ville sous des arbres touffus, qui n’ont point de fruits. Les prophètes, les enfants qu’Hérode a fait périr, les patriarches occupent différents lieux, réservés à ceux qui ont pratiqué différentes vertus. Au milieu de la ville, David chante Alléluia auprès d’un autel. Quand le Christ fera son second avènement, David et tous les saints l’accompagneront. Le sacrifice du corps et du sang du Christ ne peut être offert sur terre, sans que David chante au ciel Alléluia. A l’extrémité de l’occident se trouve la région des ténèbres, où souffrent les damnés. Les supplices sont diversifiés d’après les crimes. Dans l’étang du feu, il y avait un évêque qui n’avait pas rempli ses devoirs envers les pauvres, un prêtre et un diacre qui avaient mangé et bu avant le service de l’autel. Dans le puits de l’abîme sont ceux qui ne confessent point que sainte Marie est mère de Dieu et disent que le Seigneur ne s’est pas incarné d’elle et que le pain de l’eucharistie et le calice de bénédiction ne sont pas sa chair et son sang. Ceux qui nient la résurrection des morts sont là où il y a des pleurs et des grincements de dents. Le ciel s’étant ouvert, les âmes qui étaient jugées supplient l’archange Gabriel d’intercéder pour elles, puis le Seigneur Jésus d’avoir pitié d’elles. Le Sauveur leur accorde comme repos de leurs souffrances la nuit et le jour du saint dimanche auquel il est ressuscité des morts. On ne voit pas clairement si cette intermittence dans les souffrances est accordée aux damnés chaque dimanche ou le jour de Pâques seulement. Dans le paradis terrestre, où il est ensuite conduit par l’ange, Paul voit sainte Marie, la mère du Seigneur, qui lui recommande de prêcher la parole de Dieu dans le monde. Il s’entretient aussi avec les patriarches. Moïse pleure l’aveuglement de son peuple qui, loin de reconnaître le Fils de Dieu, l’a fait mourir sur la croix. Les prophètes Isaïe, Jérémie et Ézéchiel expriment les mêmes regrets. Paul voit enfin Noé, Hénoch et Élie.

Le Hir, Études bibliques, t. ii, p. 122-129 ; Wright, Syriac itecturure, dans l’Encylopædia britannica, t. xxii, p. 826 ; Ruhens Duval, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 96 ; Harnack, Geschichte der aUchrist. Literatur, t. 1, p. 910-911.

VI. apocalypse de jean.

Œuvre de basse époque, {{rom|vi)e —vine siècle, et sans grande valeur, cette apocalypse apocryphe, éditée dans son texte grec par Birch, Auclarium codicis apocryphi N— T., 1804, p. 245-260, et mieux par Tischendorf, Apocalypses apocryphes, p. 7094, est un dialogue que Jean tint avec Notre-Seigneur après l’ascension sur le mont ïhabor sur la fin des temps, ses signes avant-coureurs, sur le jugement dernier, les tourments des damnés et le bonheur des élus. Le portrait de l’Antéchrist est grotesque. Hénoch et Élie reviendront combattre ce monstre. Au son des trompettes, tous les morts ressusciteront, ayant tous la même forme et le même âge ; ils seront comme les anges de Dieu. La terre sera changée, et il n’y aura plus de péché en elle. Le signe du Fils de l’homme paraîtra dans les cieux avec puissance et gloire. Les cieux disparaîtront, et le jugement aura lieu. Les esprits impurs seront précipités dans l’abîme et dans les ténèbres ; les païens iront dans l’enfer, les juifs, qui ont fait mourir Jésus, seront dans le Tartare ; les chrétiens baptisés, demeurés justes, seront placés à la droite du juge et brilleront comme le soleil ; les pécheurs seront punis suivant la nature de leurs péchés. Le nombre des anges est aussi grand que celui des hommes. Après le jugement, il n’y aura plus ni maux, ni vices, ni diable ; il n’y aura qu’un, seul troupeau et qu’un seul pasteur.

Le Hir, Études bibliques, t. ii, p. 129-130.

VII. apocalypse du TESTAMENT de n.-s.

Une apocalypse anonyme est reproduite au début du Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont Mo r Rahmani, patriarche syrien d’Antioche, a publié intégralement une version syriaque, faite par Jacques d’Édesse, en 687 de notre ère, Testantentum Domini nostri Jesu Christi, Maycnce, 1899, p. 2-19. Des extraits en avaient déjà été édités par Paul de Lagarde, Reliquise juris ecclesiastier anliquissimi syriace, Leipzig, 1853, et retraduits en grec, leur langue originale, par le même, Reliquiee juris. eco. ant. græce, Leipzig, 1856, p. 80-84. Les chapitres VI, vu et xi existent en latin dans un manuscrit du vine siècle, conservé à la bibliothèque de Trêves, n° 36, et ont été édités par James, Apocrijpha anecdota, dans Texts and sludies, t. ii, 1893, p. 151-154. L’existence d’une version éthiopienne est signalée dans des manuscrits de Paris, Catalogue raisonné des manuscrits éthiopiens, appartenant à Antoine d’Abbadie, 1859, n. 51, 199, p. 61, 199, et de Londres, Wright, Catalogue of the ethiopic manuscripts in the British Muséum, 1877, n. 361, 362, p. 270-276. Jésus ressuscité apparaît aux apôtres. Thomas, Matthieu et Jean le palpent pour s’assurer de la vérité de sa résurrection. Epouvantés, les apôtres tombent sur leur visage et restent sans parole. Jésus leur impose les mains, relève leur courage et leur insuflle le Saint-Esprit. Pierre et Jean l’interrogent sur les signes de la fin du monde. Complétant les instructions qu’il leur a données à ce sujet avant de mourir, le Seigneur prédit les signes précurseurs de la venue du fils de perdition. Après les lamines, les pestes, les troubles déjà annoncés, surgiront des rois cupides, menteurs et sanguinaires, dont les armées répandront beaucoup de sang. En Occident, il s’élèvera un roi barbare, athée, ennemi et persécuteur des fidèles. Puis il y aura des signes dans les cieux et sur la terre : des bruits, des apparitions, des enfantements monstrueux. Les églises seront troublées, leurs pasteurs, iniques, avares, bavards, orgueilleux, amis de la bonne chère et des plaisirs. Les vices se multiplieront, les vertus disparaîtront, certains chrétiens apostasieront, mais les fidèles seront récompensés. Il y aura des disettes, de rudes hivers et rareté du numéraire. Le fils de perdition cherchera à tromper la terre entière et persécutera les justes. La Syrie sera pillée ; la Cilière lèvera le cou jusqu’à ce que vienne son juge ; la fille de Babylone boira le calice qui lui sera préparé ; la Cappadoce, la Lycie, la Lycaustie courberont le dos. Les armées barbares couvriront la terre de leurs chars ; elles feront des massacres et des captifs dans le Pont, la Hythinie.la Lycaustie, la Pisidie, la Phénicie et la Judée. L’Orient tout entier sera conquis par l’Antéchrist, dont le portrait est retracé. Ce sera le signe que le dernier jugement est proche. Les élus seront marqués d’un sceau, et le juge leur sera favorable. Le Seigneur Jésus prescrit aux apôtres d’annoncer ces choses. James, Apocrypha anecdota, 1893, et Harnack, Gesobischle der aUchrist. Lit., Leipzig, 1893, t. 1, p. 779, pensaient que le fragment apocalyptique latin dépendait de l’apocalypse de Pierre, qui est du iie siècle. Mais la publication du Testament syriaque enlève tout crédit à cette conjecture ; il n’y a rien de commun entre les deux documents et leur genre est sensiblement différent. Paul de Lagarde, dans les Analecta Antenicæna de Bunsen, t. ii, 1854, p. 38, rapportait cette apocalypse aux temps de Géta (211) et de Caracalla (211-217). Neumann, dans le Literarisches Centralblatt, 1894, p. 707, reconnaît dans le roi barbare Maximin le Thrace (235-238), et dans les guerres celles de Sapor Ier (241-272). Cf. dom Morin, Revue bénédictine, janvier 1900, p. 11-13. Le Père Brucker, Études, 20 novembre 1899, p. 529, voyait dans la description des pasteurs prévaricateurs un esprit rigoriste qui lui rappelait le montanisme du iiie siècle. Funk, Das Testament unseres Herrn und die verwandten Schriften, Mayence, 1901, p. 83-88, 308, estime que cette apocalypse fait allusion, non pas aux persécutions des païens contre les chrétiens, mais aux luttes doctrinales des chrétiens entre eux, et il reconnaît, dans le roi barbare, un prince arien, Alaric ou Odoacre. L’apocalypse ne serait donc que du commencement du ve siècle et elle aurait paru en Syrie. L’auteur du Testament l’aurait composée lui-même, comme il aurait pu se servir d’une source antérieure. Cf. Bulletin de littérature ecclésiastique, Paris, 1900, p. 51-54.

VIII. autres apocalypses. — Elles n’ont pas encore été publiées en entier. 1o  Une Apocalypse de Pierre, en arabe, dont il existe plusieurs manuscrits syriaques, est une compilation de différents apocryphes, qui traite de la création du monde, du testament d’Adam, de Moïse, d’Aaron, de Jésus-Christ, des apôtres, de l’Antéchrist et de la fin du monde.

Tischendorf, Apocalypses apocryphæ, p. xx-xxiv, en a donné l’argument. Cf. R. Duval, La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 96-97.

2o  Une Apocalypse de Barthélémy, en copte, dont un fragment a été traduit en français par Dulaurier, Fragment des révélations apocryphes de S. Barthélémy, etc., Paris, 1835, et reproduit dans le Dictionnaire des apocryphes, de Migne, t. ii, col. 160-162, et par Tischendorf, Apocalypses apocryphæ, p. xxiv-xxvii.

Harnack, Geschichte der altchrist. Lit., t. i, p. 919.

3o  Une Apocalypse de Marie, en grec, est une œuvre récente. Se trouvant sur le mont des Oliviers, la sainte Mère de Dieu demande de voir les mystères de l’autre vie. L’archange saint Michel lui montre l’enfer et lui fait connaître les pécheurs qui y souffrent. Marie veut aller auprès du Père invisible solliciter la grâce des pécheurs. L’archange répond que sept fois par jour et sept fois par nuit les anges font inutilement cette prière. Marie persiste dans son dessein, recourt à l’intercession des saints et finit par obtenir la rémission des péchés. Les chérubins l’emportent en paradis ; elle y voit les justes, et l’archange lui révèle leurs vertus. Des fragments de cet écrit ont été publiés par Tischendorf, Apocalypses apocryphæ, p. xxvii-xxx.

Gidel, Étude sur une apocalypse de la Vierge Marie. Manuscrits grecs n. 390 et 1631 de la Bibliothèque nationale, Paris, 1871 ; James, Apocrypha anecdota, Cambridge, 1893.

4o  Une Apocalypse de Daniel, dont quelques extraits grecs ont été donnés par Tischendorf, Apocalypses apocryphæ, p. xxx-xxxiii. Elle traite de la fin du monde. Le règne de la vérité et de la paix commencera alors sur terre ; malheur à ceux qui n’auront pas fait pénitence de leurs péchés. Les phénomènes de la fin des temps sont décrits ainsi que les derniers événements. Les morts ressusciteront ; les justes iront dans le paradis et les pécheurs subiront la peine éternelle. Cette apocalypse est une œuvre de basse époque.

Harnack, Geschichte der altchrist. Lit., t. i, p. 856 ; R. Duval, La littérature syriaque, p. 93 ; F. Macler, Les apocalypses apocryphes de Daniel, Paris, 1895, p. 89-99.

5o  Une Apocalypse de Zacharie, père de saint Jean-Baptiste, dont l’existence et quelques extraits probables sont signalés.

Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, Leipzig, 1892, t. ii, fasc. 2, p. 776 ; Harnack, Geschichte des altchrist. Lit., t. i, p. 856 ; A. Berendts, Studien über Zacharias-Apocryphen und Zacharias-Legenden, Leipzig, 1895 ; Analecta Bollandiana, 1897, t. xvi, p. 92-93 ; Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, t. iii, p. 265.

E. Mangenot.