Dictionnaire de théologie catholique/ANSALDI Chaste Innocent

Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 1.1 : AARON — APOLLINAIREp. 681-682).

puissance d’agir ou l’activité, hzpyv.a, séparable et communicable. C’est ràvEpyeîa, et non pas l’o-Jc-t’a, qui est en Dieu le principe de la paternité, et c’est aussi la participation de l’ivepyda ou puissance créatrice qui constitue la divinité du Fils, car elle l’élève au-dessus du niveau ordinaire des créatures et lui confère vis-à-vis des choses qu’il a créées le rang qui revient au créateur.

L’autre point de divergence se rapporte à la connaissance de Dieu. Arius considérait l’être divin comme incompréhensible. S. Athanase, De synod., loc. cit. Les anoméens. au contraire, proclamaient hautement l’intelligibilité absolue de l’essence divine : « Dieu ne sait de son être rien de plus que nous ; son être n’est pas plus clair pour lui que pour nous. Tout ce que nous savons de lui, il le sait également, et tout ce qu’il sait de lai-même, nous le trouvons pareillement en nous sans différence aucune. » Ce sont les propres paroles d’Eunomius, d’après Socrate, Hisl. eccl., iv, 7, P. G., t. lxvii, col. 474. Et l’anoméen Philostorge compte expressément l’opinion contraire parmi les erreurs d’Arius et d’Eusèbe de Césarée, Hist. eccl., I, 1 ; il, 3 ; x, 2, P. G., t. lxv, col. 461, 468, 583. Quelle put être la genèse de celle doctrine, c’est une question qui demanderait un plus long exposé des idées d’Eunomius sur la manière dont nous connaissons Dieu et sur l’origine divine et la portée des noms appellatifs. Voir Eunomius. Il suffit de remarquer ici une étroite connexion entre cette doctrine et les principes des anoméens sur l’àyevvrtria ; en soutenant que ce mot seul exprimait, et exprimait parfaitement l’essence divine, conçue d’ailleurs avec un caractère de simplicité absolue excluant toute distinction même virtuelle, ils se trouvaient facilement amenés à conclure qu’ils comprenaient pleinement l’essence divine comme le terme même d’àyevvYi<j(a. Cf. S. Grégoire de Nvsse, Contra Eunom., l. XII, P. G., t. xlv, col. 918, 930, 938.

A ces diverses erreurs les anoméens en joignirent d’autres dans l’ordre pratique. Ils rebaptisaient les catholiques et même jusqu’aux ariens qui n’étaient pas de leur secte ; de plus, à la triple immersion alors en usage ils substituaient une seule immersion, en mémoire de la mort de Jésus-Christ. Philostorge, x, 4, P. G., t. lxv, col. 585 ; Sozomène, Hist. eccl., vi, 26, P. G., t. lxvii, col. 1362 sq. Saint Épiphane ajoute qu’ils changeaient aussi la formule traditionnelle, en baptisant au nom du Dieu incréé, et du Fils créé, et de l’Esprit sanctificateur et procréé par le Fils créé. Hæres., hxwi, 6, P. G., t. xlii, col. 657. L’administration du baptême aurait même dégénéré chez eux en pratiques ridicules ou inconvenantes. Théodoret, Hæret.fabul., iv, 3, P. G., t. lxxxiii, col. 420. On reproche encore aux anoméens leur attitude irrespectueuse et rationaliste à l’égard des saintes Ecritures, S. Épiphane, loc. cit., et leur aversion pour le culte des reliques et des saints. Astère d’Amasée, Homil, x, P. G., t. xl, col. 331 ; S. Jérôme, In Vigilant., c. VIII, P. L., t. XXIII, col. 347. Enfin, leurs principes de morale, opposés à l’ascétisme chrétien, auraient été fort larges, comme saint Grégoire de Nysse le dit assez nettement, en défiant les anoméens eux-mêmes de lui porter un démenti. Contra Eunom., l. I, P. G., t. xlv, col. 266, 282.

I. Sources anciennes : les Histoires ecclésiastiq ues de Socrate, Sozomène, Théodoret et Philostorge citées au cours de cet article, et les écrits des Pères qui ont lutté contre les anoméens : S.Basile, Contra Eunomium libri V, les deux derniers livres étant vraisemblablement l’œuvre d’Apollinaire de Laodicée, P. G-, t. xxix, col. 498 sq. ; S. Grégoirede Nazianze, Oral-, xxxm-xxxvi, P. G., t. xxxvi, col. 214 sq. ; S. Grégoire de Nysse, Contra Eunom. libri XII, P. G., t. xlv, col. 243 sq. ; S. Épiphane, Hxres., lxxvi, P. G., t. xlii, col. 516 sq. ; S. Jean Chrysost., Homil., De incomprehensibili, P. G-, t. XLHI, col. 701 sq.

II. Synthèses historiques ou dogmatiques : Tillemont, Mimoires, Paris, 1704, t. VI, p. 501-516 ; Klose, Geschichte und

Lehre des Eunomius, in-8o, Kiel, 1833, p. viii-68 ; Nemwan, The arians ofthe fourth century, c. iv, sect. iv, 4e édit., Londres, 1870 ; Hefele, Hist. des conciles, §77, trad. Leclercq, Paris, 1907, t. i, p. 880 ; Schwane, Dogmengeschichte (1er patristiclien Zeit, 1’eu t., Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 19-31, 128-129. Voir aussi les ouvrages cités aux articles Aétius et Eunomius.

X. Le Baciillet.

1. ANSALDI Chaste Innocent. Né à Plaisance, le 7 mai 1710, prend l’habit des frères prêcheurs à Parme, le 6 septembre 1726. Appelé à Rome en 1733 par le général de son ordre, il suit les études de la Minerve et se lie surtout avec le cardinal Orsi. En 1735, il va enseigner la philosophie à Naples dans le couvent de Sainte-Catherine de Formelo. Il obtient l’année d’après la chaire de métaphysique de l’université. Ses succès font créer en sa faveur, en 1737, par le roi de Naples, une chaire de théologie qu’il n’occupe qu’une année. Il publie en 1738 le premier de ses ouvrages dont la longue série devait lui faire une haute réputation. En 1745, il est nommé premier professeur de théologie dans le couvent de Brescia, et en 1748, professeur d’Écriture sainte. Il est appelé, en 1750, à la chaire de théologie de l’université de Ferrare, qu’il quitte, en 1756, pour occuper, sur la demande du roi de Sardaigne, celle de l’université de Turin. Il y enseigne 14 ans et meurt dans cette même ville, les premiers jours de mai 1780. La plupart des ouvrages d’Ansaldi sont empreints d’une grande érudition et visent d’ordinaire la critique rationaliste et la philosophie anti-chrétienne de son temps. La liste suivante contient ses principales publications : — 1° PatriarchseJosephi, jEgypti olini Proregis, Religioa criminationibus Basnagii vindicata, in-8o, Naples, 1738 ; rééditée sous ce titre : De veteri A£gyptiorum idolatriaac moribus dissertalio, in qua palriarch. Joseph, ab criminationibus Basnagii vindicatur. Eclitio altéra pi urimum emendata et aucta (dans la Raccolla d’opuscoli, du P. Calogerà, Venise, 1741, t. xxiii), in-8o, Brescia, 1747. — 2° De caussis inopiee veterum monumentorum pro copia martyrum dignoscenda, aduersus Dodmvellum dissertatio, 1 vol. in-8o, Milan, 1740 ; — 3° De prin cipiorum legis naturalis traditione libri III, 1 vol. in4°, Milan, 1742. — 4° De romana tutelarium deorum in oppugnationibus urbium evocatione liber singularis, in-8% Brescia, 1743 ; in-8o, Venise, 1753, 1761 ; Oxford, 1765. — 5° De marty ribus sine sanguine, altéra aduersus Dodvellum, in qua et romani martyrologii loca a criminationibus Bselii vindicanlw, 1 vol. in-8o, Milan, 1744 ; Venise, 1756, avec le De caussis inopiee. — 6° DeforensiJudseorum buccinacommentarius, l vol.in-8 », Brescia, 1745 ; Venise, 1763, dans le t. xxvii du Thésaurus antiquitatum sacrarum d’Ugolini. — 7° Herodiani infanticidii vindiciee. Accedit dissertatio de loco Joltannis aliter atque habet Vulgata a nomudlis Patribus lecto, 1 vol. in-4°, Brescia, 1746. — 8° De aulhenlicis sacrarum Scripturarum apud SS. Patres lectionibus libri duo, 1 vol. in-4o, Vérone, 1747. —9° De futuro sseculo ab Hebreeis ante captivitatem cognitn, adversus Johannem Clericumcommentarius, vol. in-8 ii, Milan, 1748.

— 10° De baptismale in Spiritu Sancto et Igni commentarius sacer philologico-criticus : cui accedunt orationes duee in Ferrariensi Atltenmo habitée, vol. in-4°, Milan, 1752. — 11° De sacro et publico apud Elhnicos tabularum pictarum cultu, lvol. in-4, Venise, 1753 ; Turin, 1768(édit. augmentée). — 12° Vindiciee Maupertuisanee ab animadversionibus viri Cl. Francisci M. Zanotti quibus quantum philosophiee morali stoicorum preestet religio ininfelicitate vitx minuenda demouslratur, 1 vol. in-4o, Venise, 1754. — Difesa del Signor di Mauperluis dalle censure del Signor dot tore Francesco Maria Zanolli, tradotla dal latinodel P. C. I. Ansaldi in linguaggio italiano da Lorenzo Dorighi Ferrarese, 1 vol. in-4o, Venise, 1756, et dans le t. i de Raccolla di traitait didiversi auluri, concernenii alla Religion naturale, cd allamorale filosofia de’cristiani, Venise, 1756. — 13 » Lettera del P. C. 1. Ansaîdi al Signor ZK F. M. Zanoiti, in riposta ai tre discorsi da quesfultimo stanipati contro la difesa del Signor di Maupertuis, 1 vol. in-8o, Venise, 1755, et dans Raccolta di traltati, t. il, Venise, 1757. — 14° Parère del P. Pio Tommaso Scliiara dell’ordine de’predicatori sopra il libro inlilolato, Vindiciæ Mauperluisanx, diretto al P. C. I. Arisaldi (publié par Ansaldi avec une longue préface de lui), 1 vol. in-4o, Venise, 1756. — 15° Délia nécessitae verilà délia religione naturalee rivelata, 1 vol. in-8o, Venise, 1755.

— 16° De Theurgia, deque theurgicis elhnicorum mysteriisadivo Paulo memoratis commentarius, vol. in-8o, Milan, 1761. — 17° Multiiudo maxima eorumqui prioribus Ecclesiee seeculis christianam religionem professi sunt, adversits Davidem Clarksonum, aliosque qui illos exiguo fuisse numéro constituant, ostensa et vindicata, 1 vol. in-8o, Turin, 1765. — 18° Délia speranzae délia consolazionc di rivedere i cari noslri nell’altra vita, 1 vol. in-8o, Turin, 1772. — 19° Saggio intorno aile immaginazioni e aile rappresentazioni délia félicita somma, 1 vol. in-8o, Turin, 1775. —20° Ri/lesswni sopra imezzi di perfezionare la filosofia morale, 1 vol. in-8o, Turin, 1778. — 21° De profectione Alexandri Bierosolyma, i vol. in-8o, Turin, 1780. — 22° Preelectiones theologicee de re sacramentaria habitée in Taurinensi universilale, nunc primum in lucem éditée cura et studio Fr. Dominici Mariée Federici, 0. P., 2 vol. in-4o, Venise, 1792.

Au commencement du De profectione Alexandri se trouve une biographie due au P. Vincent Fassini, O. P., professeur à l’université de Pise et ami d’Ansaldi. Une liste complète des écrits d’Ansaldi est dressée à la fin du même ouvrage. Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée, à l’article Ansaldi rédigé par le P. Fabricy, O. P. ; Hurter, Nomenclator literarius, t. iii, col. 64.

P. MANDONNET.

2. ANSALDI Pierre-Thomas, prévôt de l’église cathédrale de Saint-Miniat, n’est connu que par sa docte dissertation De divinitate D. N. Jesu Christi, in-8o, Florence, 1755, qui, à la différence de celles qui avaient paru jusqu’alors, emploie exclusivement les preuves tirées de l’archéologie, de la numismatique, de l’épigraphie et de la linguistique.

Glaire, Dictionnaire des sciences ecclésiastiques, Paris, 1868, t. I, p. 112 ; Hurter, Nomenclator literarius, Inspruck, 1895, t. III, col. 64 ; Journal des Savants, année 1756, p. 569.

C. Toussaint.

1. ANSELME DE CANTORBÉRY (Saint). - I. Saint Anselme. II. Argument de saint Anselme.

I. ANSELME (Saint). — I. Vie. II. Œuvres : chronologie et authenticité. III. Œuvres : idée et contenu. IV. Traits caractéristiques.

I.Vie. — Dans Anselme, le théologien est inséparahle de l’homme et du moine. Il faut donc jeter un coup d’œil sur cette belle vie, non pour tout dire, mais pour dégager ce qui peut servir à comprendre et à juger les écrits et la doctrine. Eadmer, le fidèle compagnon d’Anselme et son consciencieux biographe, est là pour nous guider.

I. Premières années.

Anselme naquit dans la cité d’Aoste en 1033 ou 1031, quelques-uns disent le 6 mai 1033, de parents riches et nobles. Son père, Gondulfe ou Gandolfe, étail Lombard ; en attendant qu’il se fit moine pour mourir sous le froc, il était tout aux choses du siècle, libéral d’ailleurs et bienfaisant, au point de passer pour prodigue. Sa mère, Ermemberge, était, dit Eadmer, une parfaite mère de famille. C’est elle qui fut la première éducatrice d’Anselme, et « l’enfant, dans la mesure de son âge, prêtait volontiers l’oreille aux leçons maternelles ». P. L., t. ci.viii, col. 50. Un trait de ces touli - premières années montre 1res bien ce qu’il était cl l’.iit présager ce qu’il sera. Entendant dire qu’il y avait là-haut dans le ciel un Dieu maître de tout, il se figura, ulpote puer inter montes nutritus, que le ciel reposai ! mii la montagne, et qu’en allant au sommet on arrive rait à la cour de Dieu. Cette idée lui trotta longtemps par la tête, et il cherchait à la réaliser. Un jour, il rêva l’avoir fait, et « le matin, sicut puer simplex et innocens, il croyait vraiment avoir été au ciel et y avoir mangé le pain du Seigneur ». Ibid., col. 51. Cependant il grandissait, chéri de tous. Sur ses demandes instantes, il fut mis à l’école. Mais le maître, un parent, ne sut pas prendre cette riche et délicate nature, et l’enfant passa par une terrible crise d’hypocondrie, qui mit sa raison même en danger. Il fallut pour le guérir tout le tact et tout l’amour de sa mère. Enfin, il se rouvrit et les désirs d’étude revinrent. Cette fois il fut confié, semble-t-il, aux bénédictins d’Aoste, et dans cette douce atmosphère, demi-monacale et demi-maternelle, les progrès furent rapides. Ce fait, qu’il racontait plus tard à ses moines du Bec, contribua sans doute beaucoup à former l’admirable éducateur que fut Anselme. (Eadmer n’en dit rien. Pour savoir comment nous le connaissons, voir Ragey ci-dessous, t. i, p. 11.) Il n’avait pas 15 ans qu’il voulait déjà être moine : c’était pour lui la vie idéale. Mais vinrent les attraits du monde : plus de ferveur, presque plus d’étude. Sa mère le retenait un peu. Elle mourut, et « la barque de son cœur, ayant comme perdu son ancre, fut emportée sur les flots du siècle ». Ibid., col. 52. Dieu y pourvut : son père, on ne sait pourquoi, se mit à lui faire la guerre, autant ou plus, dit le biographe, pour le bien qu’il faisait que pour le mal. Bref, Anselme s’éloigna, en compagnie d’un seul clerc, du donjon paternel. « Après trois ans passés partie en Bourgogne, partie en France, il vient à Avranches et y demeure quelque temps » — le biographe ne donne pas d’autre détail ; — de là il se rend au Bec, « pour voir Lanfranc, lui parler, rester près de lui, » comme faisaient tant de clercs, et non des moindres, que le renom du maître attirait de toutes les parties du monde. Le voilà élève de Lanfranc, et bientôt son élève chéri. Nuit et jour il travaille, in lillerarum studio ; non seulement il écoute Lanfranc, mais il se prête volontiers à aider lui-même ses condisciples. Sa vie était celle d’un moine. « Si j’étais moine, se dit-il, je n’aurais pas plus à souffrir et je serais sûr du mérite. » Ibid., col. 53. Le voilà donc uniquement soucieux de plaire à Dieu : il sera moine. Mais où ? « Si j’entre à Cluny ou au Bec, pensait-il, le temps que j’ai donné à l’étude des lettres est du temps perdu. A Cluny, pas d’études ; au Bec, la place est prise par Lanfranc. Il faut que j’aille là où je pourrai montrer mon savoir et rendre service à beaucoup. » — « Je n’étais pas encore dompté, disait plus tard Anselme en racontant cela, je n’avais pas encore le mépris du monde. » Des idées plus hautes et plus justes lui vinrent bientôt, des idées de sacrifice. « Est-ce donc vouloir être moine cela que de vouloir être préféré, plus honoré, plus estimé ? A bas la superbe ! sois moine là où, comme il convient, tu sois mis après tous pour Dieu, compté pour moins que tous, moins estimé que tous… Et donc, au Bec… Là sera mon repos, là j’aurai en vue Dieu seul, là son amour sera toute ma contemplation, là son bienheureux et continuel souvenir ma consolation et mon rassasiement. » Ibid., col. 53. D’autres fois, il se demandait s’il ne devait pas se faire ermite, ou encore rentrer chez lui et vivre de son patrimoine en faisant le bien. Il s’ouvrit de tout à Lanfranc, qui, ne voulant rien décider, l’adressa au saint évêque de Rouen, Maurille. L’évêquc opina pour le Bec. Anselme acquiesça. On voit que cet homme d’idéal et de sentiment, ce primitif et ce spontané, savait être pratique et réfléchi.

2. Le moine.

Anselme avait 27 ans quand il devint moine au Bec (1060). Trois ans après, il remplaçait Lanfranc comme prieur et profilait des libertés de sa charge pour être de plus en plus à Dieu et aux sciences célestes. Il se préparait, dit Eadmer, par ces divines spéculations à résoudre, Deo reserante, les questions les plus obscures