Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Tyran

Tyrande  ►

Tyran. Bourreau. — Mais lendemain en fist soubdainement Decapiter ou dessus des carneaulx Une partie par tirans et bourreaux. Gringore, Folles entreprises (I, 30). — Alors saint Jehan Jesus mercye ; Le col baisse moult doulcement ; Le tiran fiert, n’en doubtés mye ; Le chef lui trenche entierement. Anc. Poésies, X, 303. — Quand la feste de sainct Estienne venoit, on aroit aussi bien de chappeaux et afficquetz les images des tyrans qui le lapidoient (car ainsi les appelle on en commun language) comme la sienne. Calvin, Traicté des reliques (VI, 452). — Le bourreau, le tyrant, l’esgratineur de diables. Rabelais, IV, 47. — Il sembloit, quand ilz y oyoient parler de moy, qu’ilz avoient le bourreau à la queue ; aussi m’appeloient-ilz ordinairement le tyran. Monluc, l. V (II, 408). — Dieu sçait si elle [la reine de Navarre] me vouloit mal, et comme elle me baptisoit, m’appelant le tyran, avec toutes les injures du monde (II, 443). — Nous oyons nos martyrs crier au tyran, au milieu de la flamme, C’est assez rosti de ce costé-là… recommence de l’autre. Montaigne, II, 2 (II, 21). — Il y avoit un seigneur qui faisoit sauter du haut de son chasteau en bas ceux qu’il prenoit de faction contraire… Un soldat ja cogneu tomba entre ses mains… Ce soldat… luy demande : Monsieur, faut-il que je saute tout d’un coup ? Le seigneur luy respond qu’ouy. Tout d’un saut ! repliqua le soldat. Par Dieu, mon capitaine, je vous le donne en trois. L’asseurance du soldat… ploya si bien l’affection de ce tiran qu’il luy sauva la vie. G. Bouchet, 25e Seree (IV, 108).

Meurtrier, assassin, criminel. — Tibere print en amour et sollicitude… de chasser tous larrons et meurtriers, bateurs de pavé et autres tyrans. G. Michel, tr. Suétone, III, 114 vo. — Ainsi quil convoitoit… faire perir ung senateur… il suborna aucuns satrapes et tyrans qui le debvoient invader a lentree de la court ainsi quil passeroit. IV, 148 ro. — Depuis que s’esleva le tyrant Catilina. La Grise, tr. Guevara, III, 34. — Car les fils du tyran [Caïn], qui dans le sang germain Premier osa tremper sa detestable main. Embrasserent les arts, les sceptres et les loix. Du Bartas, 2e Sem., 2e J., Arche, p. 178. — (Fig.). Le grand meurtrier et tirant de bouteilles, L’anti Bacus, le cruel vinicide. G. Colin, 248.

(Fém.). — Mais vous, belle tyranne, aux Nerons comparable. Desportes, Diane, I, 16. — Et de grands ongles retors… M’offrirai, ombre sans corps, Harpant voz faces tyranes. La Porte, tr. Horace, Epodes, 5. — C’est le vice le moins blasmable à une reyne… et si est le moindre si qu’elle puisse avoir ; mais très-grand est-il celluy, quand elle est mauvaise, vicieuse, vindicative et tyranne. Brantôme, Jehanne II, reyne de Naples (VIII, 193). — En ce temps-là usurpoit le royaume la tyranne Garonince. Beroalde, Hist. vér., p. 660. — L’arrogance barbare, Qui de son naturel est tyrante et avare. Ronsard, Bocage royal (III, 217).