Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Ruffien

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Ruffien. Débauché, coureur. — Tu hantes ruffiens, pillars, Pypeurs et joueurs de hazars Où il n’y a sens ne raison. Gringore, St Loys, l. VI (II, 194). — Gens soubzmis… à Venus, comme… ribleurs, rufiens, caignardiers. Rabelais, Pantagr. Prognost., ch. 5. — Je plus fort ruffien et plus infame cor, je diz bordelier, qui oncques feut. id., Pantagr., III, 12. — N’est ruffien, forfant, scelerat… qui violentement ne ravisse quelque fille il vouldra choisir. III, 48. — Un ruffien quand il voudra seduire quelque jeune femme ou quelque fille, il n’usera point de meschans termes et vileins, car il sçait qu’elle les auroit en horreur… Calvin, Serm. sur l’Ep. aux Galates, 1 (L, 277). — Ce bon ruffien s’aime tant Qu’il se va tout par tout vantant (Et le croit) que les femmes meurent Pour son amour. Baïf, Brave, I, 2. — Telles sont les compagnies… des ruffians suyvans plaisirs infames. Le Roy, tr. Aristote, I, 1, Comment. — Ses ordonnances estoient telles… que sauf les ruffiens, à homme ne loise porter en son doigt anneau d’or, ny robbe delicate. Montaigne, I, 43 (I, 369). — Me ressouvenant sur ce propos de Mehemed… je ne sçache point où ces passions se trouvent plus egalement balancées : pareillement indefatigable ruffien et soldat. II, 33 (III, 156). — Offrant nombre d’escus disant qu’un ruffien Luy retenoit sa femme et beaucoup de son bien. Papillon, Nouvelle (VII, 487). — César… estoit un fort grand ruffian, et l’appelloit-on le coq à toutes poules. Brantôme, Dames, part. II (IX, 27). — Dy-moy pourquoy, vieille maudite, Des rufians la calamite, As-tu sitost quitté l’enfer ? Regnier, Œuv. posth., Ode sur une vieille maquerelle.

Amant. — Comment as tu perdu ce drap ? tu l’as donné à ton ruffien. Nic. de Troyes, 51, p. 243. — Que diray je de la pernicieuse Clitemnestre, laquelle avecques l’aide de son ruffien Egiste, tua son loyal et innocent mari Agamemnon ? Tahureau, Prem. Dial., p. 15. — Elle introduit dans ma maison Son ruffien, qui sceut fort bien Faire son profit de mon bien. Grevin, Esbahis, I, 1. — Je laisse à Felicité, mon amoureuse, une metairie… affin qu’elle puisse avoir sa vie et ses vestemens, et se donner du plaisir et bon temps avec ses rufiens. Larivey, tr. Straparole, X, 4. — Le mariage leur est interdit… De concubines, ils en peuvent avoir leur saoul : et les femmes autant de ruffiens. Montaigne, III, 5 (III, 327). — L’accointance et la couche que la femme preste à son ruffien est directement et capitalement contraire à l’amour et loyauté qu’elle doit à son mary. Charron, Trois Veritez, III, 14, Adv. — L’avez-vous jamais veue au sermon sans dormir, à vespre sans parler, et à la messe sans son rufien ? Aubigné, Divorce satyr. (II, 682). — Tels présents en argent sentoyent plustost leurs femmes communes, qui donnent à leurs ruffians, que non pas leurs grandes et honnestes dames. Brantôme, Dames, part. II (IX, 109). — Le prince est trop atteint de fascheuse sagesse Qui n’est que le ruffien d’une sale princesse. Aubigné, Tragiques, II (IV, 941).

Malfaiteur, filou. — Si quelque ruffien a tué un homme de bien : ilz disent qu’il a executé le conseil de Dieu. Calvin, Instit., VIII, p. 506. — Or ne se sont contentez ces galans de faire et dire en temps et lieu pis que tous les ruffiens qui entrèrent jamais au huleu de Paris. Estienne, Apol. Herod., ch. 21 (II, 16). — Ils ont troupes de valets et rufiens accoustrez et armez comme soldats. La Planche, Estat, II, 68. — Affin de… bannir les vagabonds, les faitneants, les voleurs, les pipeurs, les ruffiens, qui sont au milieu des gens de bien comme les loups entre les brebis. Bodin, Republ., VI, 1. — Si j’estoy rencontrée à l’improveue par ces rufiens et tireurs de laine qui ne demandent que chappe cheute. Larivey, Morfondu, II, 1. — Les ruffiens de Montrouge et de Vaugirard, les vignerons de Sainct-Cloud… sont devenuz maistres-és-arts, bacheliers, principaux. Sat. Men., Har. du recteur Roze, p. 139. — Il n’avoit pour compagnons que des ruffiens, des bravaches, des coureurs, des guetteurs de chemins. Anon., tr. Folengo, l. IV (I, 85).

Entremetteur. — Une qui se nommoit Colette, laquelle un ruffien… qui l’entretenoit en une maison à Camaldoli, prestoit à louage. Le Maçon, tr. Decameron, IX, 5. — Si nous les souffrons [les paillardises], et qu’elles soyent nourries par nostre nonchalance, nous serons tenus devant Dieu comme maquereaux et rufiens. Calvin, Serm. sur Job, 113 (XXXIV, 113).

Ruffienne. Femme de mauvaise vie. — Dis, et nous recite les pieges des rufiennes et leurs rets araigneux. Anon., tr. Folengo, l. XVI (II, 61).