Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Recteur

◄  Rectangle
Rectifier  ►

Recteur. Celui qui dirige, qui conduit. — Le bon pasteur doit ses brebis congnoistre, C’est leur recteur, docteur, ducteur et maistre. Gringore, Folles Entreprises (I, 69). — Homme qui veult par subtille manière Oppinion tenir particulière, En delaissant doctrine des recteurs De militaire esglise et sainctz docteurs. id., Blazon des heretiques (I, 297). — Si ceste puissance est comparée avec celle de laquelle se vantent les tyrans spirituelz, qui contrefont les evesques et recteurs des ames, il n’y aura nulle meilleure similitude que entre Christ et Belial. Calvin, Instit., XV, p. 726.

Pilote. — La navire sans recteur est deserte et delaissee. Calvin, tr. Instit., III, 1.

Guide, protecteur. — Dieu Terminus, des fins le conducteur… Je vous suply, venés à mon secours, Car dès present, je vous fais mon recteur. Anc. Poésies, XII, 58. — O Cupido ! d’amours recteur, Aux escolliers donnez lyesse. V, 180. — Aussi je te les donne [ces vers] à cell’ fin que tu sois La deffense et l’appuy de mon livre françois, Et que de mon Magny, mon attente non vaine, Tu sois doresnavant le recteur et Mecene, Comme je soulois estre ains ro descendre icy. Magny, Odes, Ombre de Salel (I, 57).

Chef qui dirige, qui gouverne. — Il n’y a… recteur et conducteur de republique, ny autre, quel qu’il soit, qui se vueille gouverner par raison et conseil, qui, administrant de grans affaires, mesprise cependant ceux qui sont de petite conséquence. Anon., tr. Bullinger, I, 3, p. 41. — Car quand les princes et recteurs Font oppressions inciviles Sur les bourgeois habitateurs, C’est ce qui perd les bonnes villes. Corrozet, tr. Ésope, 119. — Mais ilz ne sont si nobles comme princes, Comtes et ducz, ou recteurs de provinces. J. Bouchet, Ep. mor., II, iii, 3. — Pour gouverner ta France et pour estre le roy, Mais plustost le recteur des peuples et de toy. Ronsard, Eclogues, 1 (III, 376). — Charles empereur, Caesar invincible, recteur de l’empire romain. Fauchet, Antiq., VII, 12.

Magistrat. — Au lieu des preteurs feist aucuns recteurs et prevostz qui administreroient en sa presence lestat de la chose publique. G. Michel, tr. Suétone, I, 35 ro. — Ilz preposerent et mirent par escript les noms des legaulx et recteurs consulaires qui estoient par tout en celluy temps, mais ilz ne trouverent personne qui leur fust plus capable que Vaspasian. X, 251 vo.

Maître. — L’autre estoit ton frere germain le bon roy Charles huytiesme… Lequel les sainctz recteurs de ce temple voulurent prendre en la plus verde fleur de son aage, pour plus tost lassumpter a ceste gloire triumphante. Lemaire, Temple d’Honneur (IV, 227).

Directeur, président. — Pericles… ayant esté luy mesme eleu recteur desdicts jeux, pour adjuger le pris à ceulx qui l’auroyent gaigné. Amyot, Périclès, 13. — Estant escheut le temps que lon celebre en la ville d’Argos la feste de Nemea en l’honneur de Hercules, Titus fut eleu juge et recteur des jeux qui s’y font. id., Flaminius, 12.

Précepteur d’un enfant. — Aux enfans nobles qui portoient lhabit nommé pretexta donna son ranc, et le prochain et second aux regens, recteurs et pedagogues. G. Michel, tr. Suétone, II, 68 ro.

Le nom de recteur à Dieu, et aussi à Jupiter. — Dieu supernel, hault et puissant. Toutes choses fut commençant… De tout par tout il est recteur. Anc. Poésies, V, 190. — O tres grand et tout puissant createur et recteur du ciel. Anon., tr. Flammette (1537), ch. v, 71 vo. — Elle fait Dieu recteur du monde. Calvin, Instit., VIII, p. 502. — Ce hault et celeste recteur. Habert, Deplor. de Du Prat, p. 27. — Contempler le hault recteur des cieulx…? id., Exposit. morale, p. 49. — O seigneur Dieu… Merveilleuse est et grande la haulteur de toy recteur. Des Autels, Autre dial. moral, p. 99. — Je te supply, recteur du hault empire. Philieul, tr. Pétrarque, l. III, Chant 1. — L’homme doit et est tenu de jetter sa veue, son esperance, son appuy sur Dieu, son pourvoyeur, son recteur et protecteur. Charron, Disc. chrest., I, 8. — Comme Pallas est du cerveau sortie De Juppiter, recteur des autres Dieux. Bugnyon, Erotasmes, sonn. 76. — Le fils titanian sentit bien sur sa teste Rien estre plus puissant que la dure tempeste Du supresme recteur, lorsqu’aux champs phlegreans Il fut écarbouillé de maints coups foudroyans. Romieu, Estrenes, p. 81.

Recteur. Celui qui vient le premier. — Des douze moys en general Fault dire chose quelle. Janvier, le recteur capital, Sera froit, si neige ou si gelle. Anc. Poésies, XII, 151.

Rectrice. Celle qui dirige. — Autres on voit de ceux cy separez Auxquels douleur fait tous-jours dure presse ; Elle les rend de plaisirs esgarez, Et est d’iceux la rectrice et maistresse. Marot, Riche en povreté (I, 89).