Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Marinier

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Marinier (adj.). De la mer. — Pour tenir la route en Cytheres Dessus les rides marinieres. R. Belleau, Petites Inventions, la Tortue (I, 67). — Sans toy, Pallas, qui la premiere tranchas l’eschine mariniere, Vogant l’esperance au danger Pour tirer l’or de l’estranger. id., ib., la Cerise (I, 72). — Soit ou qu’il se trouve enclos De mille piques guerrieres, Ou qu’aux ondes marinieres Il soit assiegé des flots. R. Garnier, Porcie, 691. — Neptune ouyt la Troyenne priere A chef haussé sur l’onde mariniere. Ronsard, Franciade, I (III, 16). — Les rayons de ses yeux Estoient pareils à cest astre des cieux, Qui, bien nourry de l’humeur mariniere, Respand au ciel une rousse lumiere. id., ib., IV (III, 131). — Neptune le roy Des marinieres eaux. R. Garnier, Hippolyte, 1824. — Des fontaines se font les ruisseaux murmurans, Des murmurans ruisseaux les ravageux torrens, Des torrens ravageux les superbes rivieres, Des rivieres se font les ondes marinieres. Du Bartas, 1re semaine, 3e Jour, p. 108. — Char cloué de rubis, coche de la lumiere, Fui-t’en, recache toy dans l’onde mariniere Pour ne voir ce spectacle. id., 2e Semaine, 3e Jour, les Peres, p. 315.

Marin (adj.). — Priant ainsi, Venus la mariniere D’oreille prompte entendit la priere. Ronsard, Franciade, II (III, 62). — Les Bretons enfermez au royaume liquide Du marinier Neptune ont pris de moy la bride. R. Garnier, Cornelie, 1346. — Jupiter n’attendoit sinon voir la lumiere D’un feu roux ambraser la flotte mariniere. Am. Jamyn, Iliade, XV, 67 ro. — Des monstres mariniers le fluctueus empire. Chassignet, le Mespris de la vie, sonn. 383.

Voisin de la mer. — Mais peu vescu ont en ceste maniere, Et peu jouy de l’amour mariniere. Marot, Leander et Hero (III, 262).

Chausses à la mariniere, v. Chausse 1, t. II, p. 229, col. 2.

Marinier (subst.). Marin. — Ou par fortune, ou par la faute et ignorance de leurs pilots et mariniers… ilz furent transportez en la mer Syrienne. Lemaire de Belges, Illustr., II, 11. — Le marinier qui prend terre et s’arreste Pour la fureur de l’orage et tempeste Desancre alors que les cieulx sont amys. Marot, Epistres, 48. — Les mariniers, qui par toutes mers vont et viennent. Des Périers, Des mal-contens (I, 98). — Aussi tost que les mariniers eurent levé les anchres… le vent, l’oraige et la tempeste esmeurent… les vagues de la mer. Amadis, II, 10. — Nous estans sus le moule, et de loing voyans les mariniers et voyagiers dedans leurs naufz en haulte mer. Rabelais, III, 21. — Je suis semblable au marinier timide Qui, voyant l’air çà et là se troubler… Pense le ciel et la mer s’assembler. Du Bellay, l’Olive, 41. — Et les thesors que l’Inde riche donne Au marinier qu’avarice conduit. id., ib., 57. — Phares. Haultes tours sus le rivaige de la mer, esquelles on allume une lanterne on temps qu’est tempeste sus mer, pour addresser les mariniers. Rabelais, Briefve declar. (III, 197). — Sus icelles pres le rivage de la mer lon allumoit du feu pour luyre aux mariniers on temps de tempeste. id., ib. (III, 201). — Artemis aux veneurs, Mars preside aux guerriers, Vulcan aux mareschaux, Neptune aux mariniers. Ronsard, Hymnes, L. I, Hymne de Henry II (IV, 193). — Comme le marinier que le cruel orage A long temps agité dessus la haulte mer. Du Bellay, les Regrets, 34. — Le vaisseau auquel il estoit, moyennant la bonne diligence et l’effort que feirent les pilotes et mariniers… gaigna la coste de l’Italie. Amyot, Pyrrhus, 15. — Le vent se tourna du costé de la pleine mer, qui emeut une grosse tourmente, et craignoyent les mariniers que leur vaisseau… ne peust pas resister à la violence des vagues. id., Marius, 36. — Les mariniers… s’apperceurent que la tourmente alloit jetter leurs vaisseaux contre l’isle de Cercina, qui est en la coste de la Libye. id., Dion, 25. — Les mariniers pendus aux vagues de Neptune, Que la maudite soif d’amasser un tresor Aux naufrages expose à la suite de l’or. Ronsard, Poemes, L. II, Discours contre Fortune (V, 145). — De pareille vapeur une flamme aparante Esclaire aux mariniers quand ils sont en tourmente. Baïf, le Premier des Meteores (II, 18). — Le marinier a peur de la tempeste fiere, D’un escueil, d’un abord, d’un rocher, d’un corsaire. R. Belleau, la Bergerie, 2e Journ., les Pescheurs (II, 60). — Le marinier par la mer se promeine Sans craindre rien. Ronsard, Bocage royal, 2e part. (III, 301). — Le marinier ancien disoit ainsin à Neptune en une grande tempeste. Montaigne, II, 16 (III, 10). — On ne voit plus que la mer et le ciel, et les mariniers, en chantant, se reposent. Trad. de Folengo, L. XII (I, 326). — Elle y vist entrer en plaine mer et tout à coup… s’enfoncer un navire devant elle… et la plus part des mariniers se noyer. Brantôme, des Dames, part. I, Disc. 3, la Reyne d’Escosse (VII, 416). — Je me suis retiré, Voulant d’oresnavant demeurer asseuré, Et comme un marinier eschappé de l’orage, Du havre seurement contempler le naufrage. Regnier, Sat. 16.

L’exemple suivant montre que le mot marinier pouvait aussi s’appliquer à ceux qui naviguaient sur les rivières, ce qui est son seul emploi aujourd’hui. — Sainct Christofle… est fort propre aux mariniers, tant par mer que par les rivieres. Trad. de Bullinger, la Source d’erreur, I, 34, p. 449.

(Prononc.). — Apres avoir receu ces pauvres marigniers. J. Le Blond, trad. de Th. Morus, l’Isle d’Utopie, L. I, 32 ro.