Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Maistre

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Maistre, titre honorifique. — Quelqu’un vint dire : « Ha! le povre Berthaud qui est mort. » Alors mon homme se leva. « Vous en avez menty, dit-il, il y a bien du maistre pour vous… » Voilà comment maistre Berthaud ressuscita, pour ce qu’on ne l’appelloit pas maistre. Des Périers, Nouv. Récr., 68. — Lors vint maistre Helisabel, un chyrurgien tresexquis. Amadis, III, 9. — Ayons pour theologien nostre pere Hippothadée : pour medicin nostre maistre Rondibilis. Rabelais, III, 29. — En la ville de Pau en Béarn, y eust ung appothicaire que l’on nomnmoit maistre Estienne. Marg. de Nav., Heptam., 68. — L’un d’entre eux… alla s’adviser… de faire l’un de ses enfans maistre Jean, ou maistre Pierre : et l’ayant faict instruire à escrire en quelque ville voisine, en rendit en fin un beau notaire de village. Montaigne, II, 37 (III, 227). — De nostre ville… se sont depuis trente cinq ans retirez et perduz ces beaux et honnestes mots maistre, pour le regard des gens de justice : et de sire, en l’endroit des marchans. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 31 (II, 125). — Le premier et plus apparent d’entre eux se nommoit en son village Aliboron, joli monsieur, ou maistre pour le moins. Supplement du Catholicon, ch. 1, dans Tricotel, édit. de la Sat. Men., II, 19. — Ils pourchasserent la mort de maistre Anne du Bourg, l’un des cinq conseillers prisonniers, lequel fut executé à mort devant l’Hostel de ville de Paris. E. Pasquier, Lettres, XV, 19. — Cf. E. Pasquier, Recherches, VIII, 11.

On dit aussi monsieur maistre. — A monsieur maistre Jehan Jacques, lieutenant civil du Roy en la prevosté de Paris. Michel d’Amboise, les Cent Epigrammes, 54 ro. — Monsieur maistre Barthelemy Faye, conseiller du Roy en sa court de Parlement… Monsieur maistre Jacques Verjus, aussi conseiller en ladicte court. Dans la trad. de Columelle par Cotereau, Au lecteur. — Comme doctement l’escrit monsieur maistre, Jacques Rollier, docteur en medecine, en son livre de la matiere de chirurgie. Ambr. Paré, XXV, 11.

Maistre ès arts, terme de moquerie. — _ Autant en est-il advenu à ce mot de maistre, qui n’estoit anciennement attribué qu’aux dignitez authentiques, et maintenant est venu en tel raval que, quand on se veut mocquer d’un homme, on l’appelle un maistre és arts. E. Pasquier, Recherches, VIII, 19.

Maistre, au sens militaire. Cavalier. — Je feys deux trouppes de noz gens à cheval. Que entre tous pouvyons estre de cent à six vingtz maistres. Monluc, Commentaires, L. V (II, 436). — Montgommeri, qui estoit parti de l’armée, non avec deux cens chevaux, comme on a escrit, mais avec onze maistres seulement, se faisant conduire par les garnisons, arrive à Castres. Aubigné, Hist. univ., V, 14. — Si nous donnons témérairement dedans le logis du général, deux cents harquebusiers et cent vingt maistres que nous avons, pour le moins y porterons nous de la confusion. id., ib., XIV, 22.

Maistre de famille. Maître de maison. — Au theatre à Rome, les maistres de famille avoient des pigeons dans leur sein, ausquels ils attachoyent des lettres, quand ils vouloient mander quelque chose à leurs gens au logis. Montaigne, II, 22 (III, 86).

Maistre des chevaliers, trad. de magister equitum. — Cesar… accepta la dictature, ayant esleu Antoine pour son maistre des chevaliers. Deroziers, trad. de Diuon Cassius, Hist. Rom., L. XLII, ch. 37 (70 vo).

Maistre des œuvres. Bourreau. — Et furent tous ses enfans mis à mort par decret du senat, estant premierement sa fille occise par le maistre des œuvres. id., ib., L. LVII, ch. 122 (255 ro).

Maistre des tribunes. Tribun. — De rechef fut a Tibere donnée la puissance du maistre des tribunes pour cinq ans. Michel de Tours, trad. de Suétone, III, 104 vo.

Grand maistre. Préfet des cohortes prétoriennes. — La cause et commencement vint de Elius Seianus, qui pour lors estoit grand maistre. Ét. de la Planche, trad. des cinq prem. liv. des Annales de Tacite, L. IV, 131 ro. — Il augmenta la puissance de grand maistre, laquelle auparavant estoit mediocre. id., ib., 131 vo.

Petit maistre. Diable, démon. — Les sorciers et sorcieres flattent leur petit maistre, qui est le diable. Le Loyer, Hist. des Spectres, VIII, 5. — Les sorciers et sorcieres ne sont point si bien ouïs et obeïs de leurs petits maistres, qu’ils appellent, comme estoient les payens de leurs dieux. id., ib.

Maistre-escole. Écolâtre. — Il estoit desdié à l’Esglise, et longtemps a-il porté le nom et le titre de maistre-escole de Xainctes, qui est une dignité canonniale. Brantôme, Couronnels franç. (VI, 171).

Maistre doigt. Chacun des trois doigts qui sont entre le pouce et le petit doigt. — L’Angloys… levant les deux n1ains en l’air, les tint en telle forme que les troys maistres doigtz serroyt un poing… et les doigtz auriculaires demouroient en leurs extendues. Rabelais, II, 19.

Médius. — Panurge mist les deux maistres doigtz à chascun cousté de la bouche. id., ib. — [Panurge] posa la main guausche ouverte, exceptez le maistre doigt. id., III, 20. — Entre la tierce joincture du maistre doigt et du doigt medical. id., ib. — Passant le pouce entre les doigtz maistre et indice. id., ib. — Le diable… luy mist un anneau on maistre doigt. id., III, 28.

Maistre Miton, Maistre Mousche, Maistre pantoufle, Maistre passé, voir Miton, Mousche, Pantoufle, Passer.

Servir son maistre, v. Servir.

Maistresse-chorde. — (Fig.). L’humilité et la charité sont les maistresses chordes ; toutes les autres y sont attachees. Il faut seulement se bien maintenir de ces deux-la ; l’une est la plus basse, l’autre la plus haute. St François de Sales, Lettres, 885 (XIII, 263-264).

Maistresse. Femme aimée et courtisée. — La femme est tousjours estimée avoir le dessus et avantage sur celuy qui luy fait la cour (estant appellée maistresse, luy serviteur). E. Pasquier, Monophile, L. I (II, 742). — Il ne m’en reste que deux [mots] que je vous puisse fournir : qui sont correlatifs, serviteur et maistresse… Aujourd’huy maistresse est celle à qui on fait l’amour pour mariage, soit de faict, soit d’apparence : et serviteur est celuy qui le luy fait. H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., II, 116-117. — Elle se déclaira à luy [Jehan de Saintré], et qu’elle vouloit estre sa dame et amoureuse ; car de ce temps ce mot de maistresse ne s’usoit. Brantôme, des Dames, part. II (IX, 705).

Faire maîtresse, faire une maîtresse. S’attacher à une femme à qui l’on fait la cour. — Quelcun (que soit-il maudit) T’a-il dit Qu’ay fait maistresse nouvelle ? Baïf, les Amours de Meline, L. II (I, 88). — Alors que tout le sang me bouilloit de jeunesse. Je fis aux bords de Loire une jeune maistresse, Que ma Muse en fureur sa Cassandre appelloit. Ronsard, Elegies, Disc. 1 (IV, 16). — Et n’avez-vous fait qu’une maistresse à Paris ? Aubigné, Faeneste, II, 10.