Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Gent 2

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Gent 2. Gentil, joli, gracieux. — Je ne voy rien qui me donne asseurance Que son gent corps y face demeurance. Marot, le Temple de Cupido. — Chere Venus, après Venus la gente, Noble Pallas, après Pallas prudente. id., Leander et Hero. — Plus je pense estre aimé de vos gentes beautez, Plus je sens de vos yeux les rares cruautez. R. Belleau, Petites Inventions, Complainte (I, 139). — Nous t’estimons une déesse, Gente grenouille, qui sans cesse Au fond des ruisselets herbeux Te desalteres quand tu veux. Ronsard, Pièces retranchées, Poemes (VI, 221). — Aussi je les compare à ces femmes jolies Qui par les affiquets se rendent embelies, Qui, gentes en habits et sades en façons, Parmy leur point coupé tendent leurs hameçons. Regnier, Sat. 9.

Gentaille, mot collectif. Gens. — Le nombre des adventuriers estoit jusques à soixante mille, le reste de toute sorte de gentaille. Thevet, Cosmogr., VII, 1.

Gente. Nation. — Tulle Servie, au temps passé povre homme, Fut roy aussi de la gente togalle. Michel d’Amboise, Epistres veneriennes, 12.

Contrée, pays. — Je suis d’Anjou de gente clere et franche. Germain Colin à J. Bouchet, dans les Epistres familieres du Traverseur, 66.

Gentefemme. Femme noble. — [Periandre] commanda qu’elles fussent despouillées toutes, tant gentefemmes qu’autres. Saliat, trad. d’Hérodote, V, 92.

Gentelet, dimin. de gent 2. — Et autres cent espèces d’oiselets, Tous vertueux, jolis et gentelets. Lemaire de Belges, 2e Epistre de l’Amant verd (III, 31). — Hé ! que vous estes proprelet ! Tout vous siet tant bien ! — Ah ! ma dame, Vous le dictes ; mais sotelet ! — Ennemen, non, mais gentelet. R. de Collerye, Monologue du Résolu.

Gentement. Gentiment, gracieusement. — La tunique, qui est gentement mise Dessus son corps, signifie netteté. Gringore, les Folles Entreprises (I, 84). — Puis meit en terre un genouil gentement. Marot, Epistres, 11. — Bon jour, bon soir te donnerois D’un petit quatrain gentement. Ch. Fontaine, les Ruisseaux de Fontaine, p. 99. — Vous avez les cheveux Entre bruns et chatains, frisez de mille nœuds, Gentement tortillez tout autour de l’oreille. Ronsard, Amours de Marie (I, 132). — Puis elle approchant le rivage Esgaye son cueur gentement. R. Belleau, Odes d’Anacreon (1, 42). — D’or sont liez les cheveux gentement. Des Masures, Eneide, IV, p. 168. — La beauté gentement et richement paree est double beauté. H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., II, 51. — Frize mignardement sa perruque tressee, Et l’ayant sur le front gentement redressee, Retrousse sur l’aureille un monceau de cheveux. P. de Cornu, Œuv. poet., p. 15. — Les prés De mille belles fleurs gentement diaprez. id., ib., p. 136.

Gentes-hommes. Gentilshommes. — Cent gentes-hommes nays aux lustres anciens. L. Papon, Pastorelle, I, 1.

Gentifemme, v. Gentilfemme.

Gentil. Noble par naissance ou moralement, brave. — Tout le monde veult estre noble, Tant de race villain soyt il. Chascun se dict estre gentil, Fust il plus vilain c’un rat mort. Sotties, III, 36. — Vineus, je ne vis one si plaisante province, Hostes si gracieux, ny peuple si humain Que ton petit Urbin, digne que sous sa main Le tienne un si gentil et si vertueux prince. Du Bellay, les Regrets, 132. — C’estoit ung des plus gentilz cappitaines et des plus vaillans. Monluc, Commentaires, L. VII (III, 343). — Messire Robert de la Marche a esté un gentil et vaiilant capitaine. Brantôme, Cap. franç., Robert de la Marche (III, 189).

(En parlant des choses). Où il y a de la noblesse morale, de la grandeur. — C’est un discours auquel il donna nom : La Servitude volontaire… Il court pieça és mains des gens d’entendement, non sans bien grande et meritee recommandation : car il est gentil, et plein ce qu’il est possible. Montaigne, I, 27 (1, 228). — La gentille inscription dequoy les Atheniens honorerent la venue de Pompeius en leur ville se conforme à mon sens. id., III, 13 (IV, 282). — (Ironiquement). Que craignez-vous encor? Sont-ce les os de Troye, ou les cendres d’Hector ? — Nous redoutons sa race. — Helas elle est esteinte ! — Si en avonsnous peur. — O la gentille crainte ! R. Garnier, la Troade, 758.

Marbre gentil. — Le marbre gentil, c’est le blanc sans taches ny veines, fort dur. E. Binet, Merv. de nat., p. 323 (G. Compl.).

Gentil. Faucon de la meilleure espèce. — Le faulcon que on dict le gentil, qui est le premier, car en cueur et en courage il est vaillant. J. de Franchières, Fauconnerie (Sainéan, Rev. du XVIe siècle, IV, 301). — Les François mettent le faucon gentil en premier lieu… Entre les faulcons, celuy qu’on nomme gentil, les faulconniers le louent pour estre bon heronnier et à toutes manieres d’oyseaux de riviere. Belon, p. 107 et 116 (Sainéan, ib.).

Gentilastre. Gentilhomme. — Lors commença le pauvre Lymosin à dire. Veedicou, gentilastre. Rabelais, II, 6.

Gentil-done. Femme noble. — A propos des dames venitiennes (notez que je vous parle des gentil-dones principalement, non pas des courtisanes). H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., I, 243.

Gentile. Variété d’olivier. — Ainsi estans nommés les oliviers boutignan, bequerut, daurades… gentiles. O. de Serres, Théâtre d’agric., VI, 26.

Gentilfemme. Femme noble, de haut rang. — Ilz sapenserent que quelque gentilfemme amoureuse, de l’hostel de la royne, le pourroit bien avoir emprunté davantage. Lemaire de Belges, Illustr., I, 20. — Il nest pas bien seant quune nymphe ou gentilfemme seule tienne si longues paroles à aucun homme mortel. id., ib., I, 24. — Ilz… sesbahirent beaucoup, par quel moyen une si grand gentilfemme [la nymphe Pegasis Œnone] sestoit peu et voulu condescendre à prendre le berger Paris pour son espoux. id., ib., I, 26. — La bonne gentil femme sortit… et fist venir son fils. Le Loyal Serviteur, Hist. de Bayart, ch. 2. — Ilz devindrent extremement amoureux de deux gentifemmes espagnolles, mariées à de nobles chevaliers du pais. Des Périers, Nouv. Récr., 128. — Si vous me voulez promettre, comme loyalles gentifemmes, de le tenir secret… voluntiers je le vous diray. Amadis, I, 14. — En la ville d’Allençon… y avoit un procureur… qui avoit espouzé une gentil-femme du païs. Marg. de Nav., Heptam., 1. — De quelle punition diriez vous qu’elle est digne, elle qui se dit estre gentifemme, et neantmoins encore est adultere ? Amyot, Hist. Æthiop., L. I, 5 vo. — Si estes vous tenu par le devoir De noble sang et de chevallerie De resister à fraude et menterie, Et de tant plus à ceux qui par diffames Rendent suspect l’honneur des gentifemmes. Melin de St Gelays, Genevre (II, 333). — Un grand nombre de gentifemmes et autres belles filles avoyent esté menées en ce monastère. H. Estienne, Apol. pour Her., ch. 24 (Il, 56). — Et me feust monstré par des gentilz-hommes siennois plus de quarante gentilzf emmes des plus grandes de la ville, qui pourtoinct le panier sur la teste, plein de terre. Monluc, Commentaires, L. III (II, 55). — L’empereur… ne voulut condescendre à plus douces conditions… que de permettre seulement aux gentilsfemmes qui estoient assiegees avec le duc de sortir leur honneur sauve. Montaigne, I, 1 (I, 4). — La signora Veronica Franca, janti fame venitienne, envoia vers lui pour lui presenter un petit livre de lettres qu’elle a composé. id., Journ. de voyage,