Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Chanteresse

Éditions Honoré Champion (IIp. 189).
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Chanteresse. Chanteuse. — (Subst.). Surena tiroit apres luy grans chariotz plains de Chanteresses et de femmes de joye. Seyssel, trad. d’Appien, Guerre Parthique, ch. 3. — L’Oye aymoit un jeune enfant, et le Belier une chanteresse. Pasquier, Opuscules de Plutarque, p. 154. — Les trois belles chanteresses Qui des hommes par leurs vois Estoient les enchanteresses. Ronsard, Odes, V, 3. — Et vous Pegasides Déesses, Et toy Dieu qui ces chanteresses Guides carollant en leur bal. O. de Magny, les Gayetez, p. 2. — Les neuf divines Chanteresses T’ont abrevé sur leurs coupeaux De la liqueur des saincts ruisseaux. id., ib., p. 56. — Lors qu’ils veulent folatrer et boire d’autant, ils… font venir les chanteresses et femmes dissolues. La Boetie, les Regles de Mariage de Plutarque, 16. — Je me suis ordonné Chantres de toutes parts, Chanteresses aussi, qui de leurs sons mignards Enchantoyent mes ennuis. R. Belleau, Discours de la Vanité, ch. 2 (II, 268). — Si des Muses la bande en est la chanteresse. Jodelle, l’Hymenee du Roy Charles IX (I, 295). — Les Roys de Perse… quand ils veulent jouer et boire d’autant jusques à s’enyvrer… font venir leurs concubines, et leurs chanteresses et baladines. Amyot, les Preceptes de Mariage, 16. — Doete de Troies chanteresse et Trouverre… est fort estimee par ledit autheur. Fauchet, Langue et Poesie franç., II, 80.

(Adj.). Telles seront à jamais… Les foles, qui desormais, Par leurs langues chanteresses, S’efforceront d’égaler Le Nectar de ton parler. Tahureau, Premieres Poesies, à Mme Marguerite (I, 25). — Homere a d’Agamemnon Et de la greque noblesse, Par sa muse chanteresse, Fait immortel le renom. Bereau, Ode 3. — Quand muettes seront les filles chanteresses. R. Belleau, Discours de la Vanité, ch. 12 (II, 293). — Le Dieu aux blondes tresses Qui sur ces filles chanteresses Retient l’empire souverain. id., les Amours des Pierres precieuses, l’Agate (II, 226). — A tant se teut ceste voix chanteresse. id., la Bergerie, 2e Journ., Chant de triomphe (II, 39). — Et quoi ! ma Muse chanteresse, Veux tu vieillir en ta paresse Sans jamais plus un vers chanter ? P. de Brach, Poemes, L. III, 146 vo. — Ainsi du Far Messin les Nymphes chanteresses Bouchent en vos faveurs leurs bouches charmeresses. Du Bartas, 1re Semaine, 5e Jour, p. 232. — Fuyez d’autour de moy, bouchez, belle jeunesse, L’oreille aux sales mots de ma voix chanteresse. id., 2e Semaine, 3e Jour, la Vocation, p. 457. — Encor que l’on apprenne aux filles chanteresses Du Roy Cecropien les chansons charmeresses Des scrupuleux soucis. P. Matthieu, Vasthi, III, p. 60.

Chanteresse qualifie la harpe, la lyre, ces mots étant employés soit au propre, soit au figuré. — Et sur la harpe chanteresse Confesseray qu’il n’est Dieu tel Que toy, Dieu immortel. Marot, Ps. de David, 28. — Despen du croc ma lyre chanteresse. Ronsard, Amours de Cassandre (I, 96). — J’ayme avec une jeunesse Sous ma lyre chanteresse… Boire de ce vin Gregeois. R. Belleau, Odes d’Anacreon (I, 35-36). — Faictes moy doncq’ ceste voix escouter, Dont la douceur j’aymerois mieux gouster Que d’Orpheus la harpe chanteresse. Du Bellay, les Amours, Sonn. 28. — [Anacréon qui montre] Comme il faut adjouster la lyre chanteresse Et le pere Bacchus à Cypris la Déesse. Ronsard, Poemes, L. II, à Christophle de Choiseul (V, 186). — Lyre. Chanteresse, phebeanne, douce, blandissante, jasarde. M. de la Porte, Epithetes, 249 ro. — Et pour un vers des tiens ma lire chanteresse En chantera cinq cens cent fois plus douloureux. P. de Brach, Poemes, L. I, l’Aimee, 11 ro. — Orphée ! Orphée ! conduy nous ; Dessous ta lyre chanteresse Tu charmeras les yeux de tous. id., Poemes et Meslanges, L. IV, Mascarade des ames. — A Dieu, muse, à Dieu fureur, A Dieu, lire chanteresse. P. de Cornu, Œuv. poet., p. 202.