Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Brigade

Éditions Édouard Champion (Ip. 712).
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Brigade. Réunion de personnes, troupe (sans idée militaire). — Et ainsi sadressa à Troye la noble brigade, devisant avec la Nymphe et ses gens des hautes fortunes de lenfant Paris. Lemaire de Belges, Illustr., I, 43. — Et sur belle herbe [les bergers] à monceaulx se coucherent, Affin d’entendre et promptement ouyr Ce dont devoit la brigade esjouyr. Guill. Cretin, Sur la nativité du dauphin François (p. 158). — Incontinent que toute la brigade Son armonie ouyt soubz la fueillade, Pan se teut coy, merveilles se donnant. Marot, Chants divers, 5. — Tes bocages soient tousjours pleins D’amoureuses brigades De Satyres et de Sylvains. Ronsard, Odes, II, 15. — Me voulez vous croire? — Ouy dea, respondit la brigade [des voyagiers]. Rabelais, V, 14. — Voyez comme, à l’entree Du Printemps gracieux, La brigade sacree Des Graces et des Dieux Le giron et le sein Porte de roses plein. Belleau, Odes d’Anacreon (I, 31). — De là tu pourras voir Paris la grande ville, Où de mes pastoureaux la brigade gentille Porte vendre au marché ce dont je n’ay besoin. Ronsard, Eclogue 2 (III, 397). — Où s’eslevoit à double pointe D’Helicon la montagne sainte, Et la brigade des neuf Sœurs. Belleau, les Amours des Pierres precieuses, l’Agate (II, 226). — Qui vit jamais la brigade en la danse Frapper des pieds a terre à la cadance… Il a peu voir les avirons egaux Frapper d’accord la campagne des eaux. Ronsard, Franciade, L. I (III, 40). — [Apollon au laurier] La brigade Pieride Des sœurs, dont je suis le guide, Qui tes rameaux aimera, De la source Pegaside Les eaux encourtinera. Baïf, Poemes, L. I (II, 54). — Là tu seras banny des brigades heureuses Du champ Elysien. id., ib., L. III (II, 125). — Voicy des filles la brigade Aux crins nouez, en simple verdugade. id., ib., L. IX (II, 423). — Achelois à bon droit s’appelle infortuné, D’avoir esté jadis par Hercule escorné : Bien que vostre brigade, à Nymphes, soit repue De l’Automne qui sort de sa corne rompue. Passerat, la Corne d’Abondance (I, 110). — Nous y rencontrerons une grande brigade de pedans. H. Estienne, Dial. du lang. franç. ital., I, 53. — Je vous confesse bien que parmi la grande brigade des courtisans se trouveront aucuns qui parlent comme perroquets en cage. id., ib., II, 245. — Vous avez dict, La grande brigade des courtisans. — Vrayement vous avez raison : j’ay merité d’estre censuré d’avoir dict cela devant vous, mais en la cour cela seret le meilleur et le plus beau langage du monde. id., ib., II, 246. — Je ne croiray jamais que l’Ouvrier Tout-puissant Ait peint de tant de feux le Ciel tousjours glissant, Pour servir seulement d’une vaine parade, Et de nuict amuser la champestre brigade. Du Bartas, 17e Semaine, 4e Jour, p. 191. — Adieu, brigade aimee, adieu cheres compagnes, J’entre vive en ma tombe. R. Garnier, Antigone, 2204. — Cestuy est œilladé d’une heureuse fortune, Qui ne suit de la Cour la brigade importune. P. Matthieu, Aman, I, p. 11. — Notre Seigneur est il monté au ciel, toute la sainte brigade Apostolique se relire chez saint Pierre, comme chez le commun pere de famille, St François de Sales, Controverses, II, vi, 7. — Jamais d’enfants joyeux une brigade belle Plus volontairement, en la saison nouvelle, Ne se trouva parmi les vermeillettes fleurs. Vauquelin de La Fresnaye, Art Poetique, III. — Toute ceste brigade ayant la fumée du vin montée en teste, comme fort begayer, avec propos et parolles mal ensemble. trad. de Folengo, Merlin Coccaie, L. I (I, 26). — Du depuis se trouva une nouvelle brigade, qui faisoit plus d’estat de bien parler que des sciences. E. Pasquier, Recherches, IX, 29.

(En parlant d’animaux). — Et la brigade muette Du peuple escaillé ell’ [la Nature] jette Dessous le marbre des eaux. Belleau, Petites Inventions, l’Huistre (I, 56). — Ainsy dedans un bois se taist comme charmée Des autres oyselets la brigade emplumée Quand quelque Rossignol fait redire aux buissons Les amoureux accens de ses douces chansons. Bertaut, Elegie sur les œuvres de M. Desportes, p. 517. — Il faut, parmy l’espais des forests ombrageuses, Faire un beau sacrifice au chevre pié Faunus : Soit qu’il vueille un petit des brigades laineuses, Soit qu’il vueille un chevreau qui court aux prez connus. Cl. de Morenne, Poes. prof., p. 108 (G., Compl., Chevre-pied).

(En parlant des choses). — La brigade errante Des estoiles du ciel. Belleau, Prognostiques et Presages (II, 350). — [L’amour de l’esprit]. Tout pur, tout beau, tout franc il s’évole là haut, Il quicte de ce corps la scene et l’eschauffaut, Il voisine du ciel la brigade estoilee. P. Matthieu, Clytemnestre, III, p. 32. — Entre les astres ou brigades Des estoiles sont les Hyades. Aubigné, Poes. relig. (III, 308). — La brigade des vents sa voix obeit. Du Bartas, 2e Semaine, 2e Jour, l’Arche, p. 172. — Leur envoiant la paix, sa bain aimée fille, Qui menoit quand et soy la brigade gentille Des sacrées vertus. J. Bereau, Complainte de France, p. 165. — L’avarice et le luxe, qui traisnent après eulx une brigade de toutes sortes de vices et corruptions. L’Hospital, Reformat. de la Justice, 4e part. (IV, 236).

H. Estienne prenait brigade pour un vieux mot français. — Le premier sera Brigade. Car nous trouvons ce mot en quelques Rommans, et nommément en celuy de Perceforest… Voyla comment nous pouvons mieux de droit user de Brigade que Boccace de Brigata, en le prenant de nostre ancien langage. Precellence, p. 268.