Dictionnaire de la Bible/Méliton

Letouzey et Ané (Volume IVp. 941-942-947-948).
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MÉLITON

MÉLITON, écrivain ecclésiastique. Tous les renseignements biographiques qu’on possède sur lui se bornent aux points suivants : il vécut pendant la seconde moitié du iie siècle et fut évêque de Sardes, en Lydie. Sur son activité littéraire, on a un certain nombre de témoignages. Polycrate d’Éphèse, dans sa lettre à Victor de Rome, écrite en 194 ou en 195 et citée par Eusèbe, H. E., V, 24, 5, t. xx, col. 496, mentionne « Méliton l’eunuque (c’est-à-dire ici « celui qui n’est pas marié »), agissant en toutes choses selon la direction de l’Esprit Saint et qui repose à Sardes dans l’attente de la possession des cieux, pour laquelle il ressuscitera d’entre les morts ». À en croire Eusèbe, H. E., IV, xxvi, 4, et cf. VI, xiii, 9, t. xx, col. 393 et 548, Clément d’Alexandrie aurait composé son ouvrage Περὶ τοῦ πάσχα, à cause de Méliton qui aurait écrit sur le même sujet un traité en deux livres. On ne s’accorde pas sur le sens exact de l’expression ἐξ αἰτίας τῆς τοῦ Μελίτωνος γραφῆς, « à cause de l’écrit de Méliton. » Hefele, Conciliengeschichte, 1874, t. i, p. 29 ; Weitzel, Passafeier, 1848, 26, 74 ; Steitz, Studien und Kritiken, année 1856, p. 778, et Thomas, Melito von Sardes, 1893, p. 11-12, pensent que l’écrit de Méliton donna simplement occasion à la composition de celui de Clément d’Alexandrie. Harnack, Texte und Untersuchungen, 1883, t. i, p. 24, admet que le traité de Clément fut dirigé contre celui de Méliton. Le témoignage de Tertullien sur Méliton nous a été conservé par saint Jérôme, De viris illust., 24, t. xxiii, col. 644, où il dit : Huius elegans et declamatorium ingenium Tertullianus in septem libris quos scripsit adversus ecclesiam pro Montano cavillatur dicens eum a plerisque nostrorum prophetam putari. Il résulte de cette citation que, si d’une part Tertullien tourne en dérision le caractère élégant et déclamatoire de l’esprit de Méliton, de l’autre, il atteste sa fécondité d’écrivain, déclare que l’évêque de Sardes, ne fut pas montaniste et enfin qu’il était, conformément à l’assertion de Polycrate d’Éphèse, un prophète rempli de l’esprit de Dieu. On a essayé d’expliquer les mots a plerisque nostrorum, du texte de saint Jérôme par « les Montanistes ». Voir Schwegler, Montanismus, 1841, p. 171, 223 ; Hilgenfeld, Der Paschastreit der alten Kirche, 1850, p. 273. Cette interprétation ne tient pas debout, comme l’a démontré Harnack, Texte und Untersuchungen, 1883, t. i, p. 241-242. L’auteur inconnu, peut-être saint Hippolyte, du « Petit Labyrinthe », cite avec honneur Méliton. Après avoir rappelé que Justin, Miltiade, Tatien, Clément et d’autres sont des témoins de la divinité du Christ ; il ajoute : Τα γὰρ Εἰρηναίου τε καὶ Μελίτωνος καὶ τῶν λοιπῶν τις ἀγνοεῖ βιβλία, Θεὸν καὶ ἄνθρωπον καταγγέλλοντα τὸν Χριστόν, voir Eusèbe, H. E., IV, xxvi, 5, t. xx, col. 393. Dans deux passages d’Origène, Ad Psalmi iii inscriptionem, édit. Lommatzsch, t. xi, p. 411, t. viii, p. 49, Méliton est cité, dans le premier, comme ayant vu en Absalon un type du démon révolté contre le royaume du Christ, et, dans le second, comme ayant laissé des écrits sur Dieu anthropomorphe. C’est à Eusèbe que l’on doit les indications les plus abondantes sur l’œuvre littéraire de Méliton. Il donne une longue liste de traités composés par l’évêque de Sardes. H. E., IV, xxvi, t. xx, col. 393.

  1. Μελίτωνος περὶ τοῦ πάσχα δύο. Le début de cet ouvrage transcrit par Eusèbe, ibid., IV, xxvi, 2, col. 393, fournit une donnée pour la chronologie de la vie de Méliton. Il y est parlé de « Servilius (lire Sergius, avec Rufin) Paulus, proconsul d’Asie ». Toutefois on n’est point d’accord sur l’interprétation précise de cette donnée. Waddington, Fastes des provinces asiatiques, p. 226, place le gouvernement de ce proconsul en l’an 164-165 ; Keim, Aus dem Urchristentum, p. 165, en 166 ; Renan, Marc-Aurèle, 1882, p. 198, en 167 ; Hilgenfeld, Der Paschastreit der alten Kirche, 1850, p. 252, en 168. Voir Thomas, Melito von Sardes, 1893, p. 20 ; Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, 1897, t. ii, p. 359. Il est vraisemblable que dans ce traité, Méliton soutint la tradition de l’Église d’Asie Mineure, c’est-à-dire la pratique des Quartodécimans.
  2. Περὶ πολιτείας καὶ προφητῶν. Saint Jérôme, De viris illust., c. xxiv, t. xxiii, col. 644, semble avoir lu Περὶ πολιτείας προφητῶν, car il traduit De vita prophetarum. Cet écrit visait probablement le montanisme. Cf. Bonwetsch, Die Geschichte des Montanismus, 1881, p. 20. Pourtant, il n’est pas aisé de déterminer en quel sens Méliton s’est prononcé. Peut-être, comme saint Irénée, a-t-il gardé une attitude expectante.
  3. Περὶ ἐκκλησίας.
  4. Περὶ Κυριακῆς.
  5. Περὶ πίστεως ἀνθρώπου. D’autres manuscrits, la traduction syriaque et Rufin ont lu περὶ φύσεως ἀνθρώπου.
  6. Περὶ πλάσεως. Rufin traduit De figmento et saint Jérôme De plasmate. Woog, De Melilone, 1744, p. 23, et Piper, Theologische Studien und Kritiken, 1838, P. 81, interprètent ce titre par Creatio mundi. Mais tous les autres auteurs ont pensé qu’il s’agissait, dans ce traité de Méliton, de la création de l’homme.
  7. Ὁ περὶ ὑπακοῆς πίστεως.
  8. Ὁ περὶ αἰσθητηρίων. Les manuscrits grecs d’Eusèbe réunissent ces deux titres dans la formule suivante : καὶ ὁ περὶ ὑπακοῆς πίστεως αἰσθητηρίων. Mais Rufin a traduit De obedientia fidei ; de sensibus, et Nicéphore a séparé les deux titres. D’autre part, le traducteur syriaque a rendu seulement les mots καὶ ὁ περὶ ὑπακοῆς πίστεως, tandis que saint Jérôme ne mentionne que De sensibus librum unum. Il est donc probable qu’il faut, avec la plupart des auteurs, distinguer deux traités.
  9. Περὶ ψυχῆς καὶ σώματος. Quelques manuscrits ajoutent ἢ νοός. Cureton, Spicilegium Syriacum, 1855, p. 31-50, et Otto, Corpus apolog. christ., 1872, t. ix, n. xiii, ont publié quelques fragments syriaques de ce traité. G. Krüger, Melito von Sardes oder Alexander von Alexandrien, dans la Zeitschr. für wissensch. Theologie, t. xxx, 1888, p. 434-448 ; cf. Theolog. Litteralurzeitung, 1893, p. 570, a conjecturé que quatre des fragments syriaques publiés par Cureton faisaient partie d’un même traité de Méliton qui aurait été intitulé Περὶ ψυχῆς καὶ σώματος καὶ εἰς τὸ πάθος. Cette hypothèse ne semble pas absolument démontrée. Si Harnack, Geschichte der altchristlichen Litteratur, t. i, p. 251 ; t. ii, part. I, p. 518, et E. Preuschen, dans la Realencyclopädie für protestantische Theologie, t. xii, 1903, p. 561, s’y rallient, Thomas, Melito von Sardes, p. 50, ne se montre pas très favorable et Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Litteratur, t. i, p. 1902, p. 555, se contente de mentionner l’opinion de Krüger.
  10. Περὶ λουτροῦ, c’est-à-dire d’après Rufin, de lavacro, et d’après saint Jérôme de baptismate. Un fragment de ce traité a été publié par le cardinal Pitra (Analecta sacra, t. ii, p. 3-5) et Mercati (Symbolæ Melitonianæ, dans Theologisch Quartalschrift, t. lxxvi, 1896, p. 596-600) a donné, d’après un manuscrit de l’Ambrosienne à Milan, des variantes à ce traité.
  11. Περὶ ἀληθείας.
  12. Περὶ κτίσεως καὶ γενέσεως Χριστοῦ.
  13. Περὶ προφητείας. Beaucoup de manuscrits ont Λόγος αὐτοῦ περὶ προφητείας. Rufin traduit : De prophetia ejus et saint Jérôme : De prophetia sua. Dans un fragment de papyrus trouvé à Oxyrhynque et publié par Grenfell et Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, part. I, 1898, p. 8-9, Harnack a cru retrouver un extrait de l’ouvrage de Méliton περὶ προφητείας. Voir Sitzungsberichte der k. preuss. Akad. der Wissensch. zu Berlin, 1898, p. 517-519. Mais comme l’a très bien fait remarquer Erwin Preuschen, dans la Realencyclopädie fur protestantische Theologie, 1903, t. xii, p. 166, cette identification n’est rien moins que certaine.
  14. Περὶ φιλοξενίας.
  15. Ἡ κλείς, Clavis. Ce titre évoque le souvenir de l’œuvre qui a été considérée comme le travail capital de Méliton, le pendant des Formulæ spiritalis intelligentiæ d’Eusèbe. En 1653, Labbe avait signalé dans la bibliothèque des Jésuites du collège de Clermont à Paris un manuscrit latin, Melitonis Clavis sanctæ Scripturæ. Voir De scriptoribus ecclesiasticis, 1653, t. ii, p. 87. Sirmond connut ce traité. Lequien le copia pour Grabe qui fut empêché par la mort de publier la Clavis dans son Spicilegium. La copie en question est aujourd’hui encore conservée à la Bibliothèque bodléienne à Oxford. Magnus Crusius, cf. Fabricius-Harles, Bibliotheca græca, t. vii, p. 150, et Woog, De Melitone Dissertatio secunda, p. 21, transcrivirent également ce traité. Ni Galland (voir Bibliotheca Patrum, t. i, c. xxiv, p. cxx), ni Routh, Reliquiæ sacræ, 1814, t. i, p. 133, qui connurent l’ouvrage, ne jugèrent à propos d’en entreprendre la publication. Le cardinal Pitra retrouva le manuscrit du collège de Clermont, à Rome, dans la bibliothèque Barberini, qui est aujourd’hui au Vatican, et il fut assez heureux pour découvrir la Clavis’ sanctæ Scripturæ dans sept autres manuscrits. Le patient érudit publia le texte et consacra tous ses efforts à défendre l’authenticité du document découvert et l’identification de la Clavis avec la Κλείς citée par Eusèbe. Voir Spicilegium Solesmense, 1853, t. ii, p. 1-519 ; t. iii, p. 1-307 ; Analecta sacra, t. ii, p. 6-127, 573-585, 623. Toute cette érudition dépensée pendant trente ans de 1852 à 1884 fut en pure perte. Il est certain que la Clavis Sanctæ Scripturæ n’a rien de commun avec la Κλείς de Méliton. Voir G. S. Steitz, dans les Theologische Studien und Kritiken, t. xxx, 1857, p. 584-596 ; G. Salmon, dans A Dictionary of christian Biography, 1882, t. iii, p. 897-898 ; Harnack, Texte und Untersuchungen, t. i, 1883, p. 275-276, et Geschichte der altchristlichen Litteratur, 1892, t. i, p. 254 ; dom O. Rottmanner, dans le Bulletin critique, 1885, p. 47-52 et le Theologische Quartalschrift, t. lxxviii, 1896, p. 614-629 ; Duchesne, dans le Bulletin critique, 1885, p. 196-197 ; Thomas, Melito von Sardes, 1893, p. 66-68 ; Preuschen, Realencyclopädie für prot. Theologie, t. xii, p. 566 ; Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Litteratur, t. i, 1902, p. 555. Toutefois, comme l’étude de la Clavis Sanctæ Scripturæ rentre dans le cadre du dictionnaire, nous en dirons un mot ici. Originairement écrit en latin, ce traité n’est nullement une traduction du grec. Dans les manuscrits, il est intitulé tantôt Anonymus de mystica significatione vocum ac loquutionum biblicarum (manuscrit de Troyes), tantôt Distinctionum quarumdam tractatus (autres manuscrits de Troyes), tantôt Glossæ in varios Sacræ Scripturæ libros de sensu spirituali multorum locorum (manuscrits de Paris). Seuls le manuscrit du collège de Clermont, aujourd’hui à la Vaticane, dans le fonds Barberini, et celui de Strasbourg attribuent à Miletus ou Melitus Asianus episcopus l’ouvrage qu’ils appellent Clavis ou Liber clavorum. Cette attribution et ce titre sont, sans doute, dus à la fausse érudition d’un clerc du xie siècle qui aura lu dans saint Jérôme que Méliton composa un traité intitulé Clavis. L’ouvrage en question se présente sous une double rédaction, l’une complète, l’autre abrégée. C’est une sorte de lexique de la Bible, disposé non point d’après l’ordre alphabétique, mais selon l’ordre des matières, et donnant l’explication des divers sens mystiques auxquels les mots de la Bible peuvent donner lieu. Il y a quatorze chapitres intitulés respectivement : De Deo, de filio Dei secundum carnem, de supernis creaturis, de diebus anni et temporibus, de numeris, de mundo et partibus eius, de signis infructuosis, de variis hominum appellationibus, de variis ædificationum vocabulis, de metallis et aliis sive his quæ ex eis fiunt, de avibus, de bestiis et ceteris animantibus, de civitatibus sive provinciis. La Clavis renferme des emprunts à Denis l’Aréopagite, Grégoire le Grand et même à Paschase Radbert ; elle est donc d’origine relativement récente, peut-être de l’époque des derniers Carlovingiens ou des premiers Capétiens. Quant à l’ouvrage de Méliton, ἡ Κλείς, dont nous ne connaissons que le titre, on a émis de vaines conjectures pour en déterminer le caractère. Schwegler, Der Montanismus, p. 223, a pensé aux clefs du royaume des cieux ; Otto, Corpus apolog., p. 401, à la clef de la science, κλείς τῆς γνώσεως (cf. Luc., xi, 51) ; Harnack, Texte und Untersuchungen, t. i, p. 249, a songé aux clefs de l’Apocalypse (cf. Apoc., i, 8 ; iii, 7 ; ix, 1 ; xx, 1). Toutes ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement.
  1. Περὶ τοῦ διαβόλου καὶ τῆς ἀποκαλύψεως Ἰωάννου. Les manuscrits grecs d’Eusèbe et le traducteur syriaque unissent ces deux traités. Rufin et saint Jérôme les séparent. On a rapproché du traité Περὶ τῆς ἀποκαλύψεως Ἰωάννου le passage de Gennade De ecclesiasticis dogmatibus, c. xxv) : In divinis repromissionibus nihil terrenum vel transitorium expectamus, sicut Meletiani sperant. Par Meletiani, on entendait « disciples de Méliton », et l’on a conjecturé que Méliton aurait enseigné le chiliasme dans son ouvrage sur l’Apocalypse. On pourrait toutefois voir aussi dans les Melitiani ou Melitani les travaux de Mélèce d’Égypte, mais comme rien ne prouve que ceux-ci professaient le chiliasme, on a généralement admis que Gennade visait Méliton de Sardes.
  2. Περὶ ἐνσωμάτου Θεοῦ. Comment faut-il définir ce traité ? Saint Jérôme a gardé le titre grec. Rufin a traduit : De Deo corpore induto. Pitra, Spicil. Solesm., t. ii, p. 11, et d’autres encore ont voulu identifier ce traité avec l’ouvrage de Méliton cité par Anastase le Sinaïte (Hodegos, éd. Gretser, c. xiii, p. 260) περὶ σαρκώσεως Χριστοῦ. Cette assimilation est généralement rejetée (cf. Harnack, Texte und Untersuchungen, t. i, p. 256). C’est ce travail qui a fait reprocher à Méliton l’erreur de l’anthropomorphisme par Origène (voir Théodoret, cap.  20, Quæstionum in Genesim, t. xii, col. 93) et Gennade, De ecclesiast. dogmat., c. iv, t. lviii, col. 982. Ce reproche ne semble toutefois pas absolument justifié. Voir Routh, Reliquiæ sacræ, t. i, p. 134-145 et Salmon, dans A Dictionary of christian Biography, t. iii, p. 898.

Après avoir énuméré les dix-sept traités que nous venons d’examiner, Eusèbe ajoute que Méliton composa Ἐπὶ πᾶσι καὶ τὸ πρὸς Ἀντωνῖνον βιβλίδιον, et il en reproduit trois extraits. Les deux premiers font allusion aux traitements barbares qu’ont à subir les chrétiens d’Asie Mineure ; dans le troisième Méliton rappelle tout le bien que la philosophie chrétienne a fait à l’empire romain, et il oppose à la conduite de l’empereur actuel les écrits favorables aux chrétiens dus à son grand-père Hadrien et à son père Antonin le Pieux. Il y a du même ouvrage un extrait dans la Chronique Pascale. Voir Patr. Gr., t. xcii, col. 632. On admet généralement que l’Apologie de Méliton fut présentée à Marc Aurèle vers 169 et 176. En 1855, Cureton publia dans son Spicilegium syriacum, p. 22-31, un texte syriaque qui porte pour titre : Oratio Melitonis philosophi quæ habita est coram Antonino Cæsare. Il y ajouta une traduction anglaise, ibid., p. 41-51. Le même texte a été republié par Pitra (Spic. Solesm., t. ii, p. xxvii-liii), avec une traduction latine faite par Renan, puis par Otto (Corpus apolog., t. ix, p. 501-66), avec une traduction latine. Il y a eu une traduction danoise de Roerdam, Melitos Tale til Keyser Antonin… oversatte fra syrisk, 1856, une version allemande de B. Welte dans Theol. Quartalschr., t. xliv, 1882, p. 392-410, et une autre de V. Gröne, dans la Bibliothek der Kirchenväter, Kempten, 1853. On ne retrouve pas dans ce texte syriaque les passages de l’apologie grecque cités par Eusèbe. Il n’est donc pas du tout certain que le texte publié par Cureton, soit de Méliton. Celui-ci et Salmon, A Dictionary, t. iii, p. 895, ont cru qu’il s’agissait d’une apologie de Méliton différente de celle mentionnée par Eusèbe. D’après Ewald, dans les Göttingische gelehrte Anzeigen, 1856, p. 658, on pourrait identifier l’apologie syriaque avec l’ouvrage intitulé : Περὶ ἀληθείας. Mais le texte syriaque semble bien être un original et ne point dériver du grec. Voir Nöldeke, dans les Jahrbücher fur prot. Theologie, t. xiii, 1887, p. 345, 351. D’après Bardenhewer, Geschichte der altkirchlichen Litteratur, t. i, p. 554, la question de l’attribution du texte de l’apologie à Méliton devrait encore être examinée de plus près. Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 396, cite également de Méliton un recueil d’extraits des Livres Saints, Ἐκλογαί, en six livres. De ce traité en six livres, dédiés à un certain Onésime, Eusèbe, H. E., iv, 26, col. 396, donne le commencement. Ce passage est du plus haut intérêt, il constitue la plus ancienne liste des livres de l’Ancien Testament sortie d’une plume chrétienne. Il faut peut-être rattacher aux Ἐκλογαί quatre scolies portant le nom de Méliton dans les chaînes sur la Genèse. Voir Routh, Reliq. sacræ, t. i, p. 122-124 ; Otto, Corpus, t. ix, p. 416-418. Deux ouvrages de Méliton sont mentionnés par Anastase le Sinaïte ; l’un est intitulé εἰς τὸ πάθος, et Anastase (Hodegos, c. xii, Patr. Gr., t. lxxxix, col. 197) en cite l’extrait suivant : Θεὸς πέπονθεν ὑπὸ δεξιᾶς Ἰσραηλίτιδος. Les fragments syriaques publiés par Cureton donnent aussi ces extraits. Il a été question plus haut de l’autre traité signalé par Anastase, [texte grec]. Il reste à dire au sujet des travaux de Méliton que les quatre lignes du fragment arménien ex Melitonis epistola ad Eutropium publiées par l’abbé Martin, dans Pitra, Analecta sacra, t. iv, p. 16 et 292, ne sont pas du tout de l’évêque de Sardes. Autant faut-il en dire de la passion latine de saint Jean, Acta Joannis, qui dans certains manuscrits porte le nom de Mellitus ou de Melito, de la pièce intitulée De transitu B. Mariæ virginis et de la Catena in Apocalypsin. Tous ces ouvrages sont fort postérieurs à l’époque de Méliton. La passion de saint Jean date d’au delà du vie siècle et dérive des actes gnostiques de Cet apôtre ; le récit de la mort de la Sainte Vierge est une compilation récente de sources grecques, et la Catena in Apocalypsin ne remonte pas au delà du xiiie ou du xive siècle. Nous ne dirons rien de la doctrine de Méliton. On trouvera les éléments de cette étude dans les ouvrages qui ont été cités. Bon nombre des appréciations émises à ce sujet sont arbitraires et conjecturales. L’œuvre de Méliton n’est pas suffisamment connue pour qu’on puisse émettre sur elle un jugement sûr et définitif. Pour la même raison, on n’est pas davantage fondé à formuler contre Méliton certaines accusations qui reposent sur de simples soupçons. Nous n’avons pas non plus donné à Méliton le titre de saint, qui est fort discutable. Cf. Acta sanctorum, aprilis t. i, p. 102.

J. van den Gheyn