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AVERTISSEMENT


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Dans le Dictionnaire dont nous publions aujourd’hui le premier fascicule, nous ne présentons pas tous les mots français qui ont été usités durant les siècles que nous embrassons. Il nous eût été très agréable d’essayer, comme on nous le conseillait de divers côtés, de donner, d’un coup, une œuvre complète. L’immensité des matériaux que nous avons réunis, étudiés et coordonnés depuis plus de trente ans, nous permettait peut-être de concevoir cette ambition. Mais cette immensité même en aurait rendu la publication en un seul corps d’ouvrage à peu près impossible de nos jours. Il fallait courir au plus pressé, et mettre le plus tôt possible à la portée du public la partie de notre travail qui lui est d’une utilité immédiate, le lexique de la vieille langue. Et notre dévouement à la science a été assez grand pour faire taire nos scrupules et nos désirs. Quoiqu’il nous en coûtât, nous avons renoncé sans hésitation, sinon sans regret, à publier d’une seule fois, dans son ensemble, le Dictionnaire historique qui a été et qui reste le rêve de toute notre vie et nous nous sommes résigné à commencer par un fragment, fragment bien vaste encore.

Ce fragment, qui ne forme pas moins de dix volumes in-4o, contient les mots de la langue du Moyen âge que la langue moderne n’a pas gardés. Lorsque nous enregistrerons des mots conservés, ce ne sera que pour certaines significations disparues. Il suit de là qu’il ne faut pas toujours s’attendre à trouver une classification satisfaisante du sens des mots que nous citons, puisque tel sens ancien peut dériver d’une signification encore aujourd’hui vivante que nous supprimons systématiquement.

Nous avons réuni sous un seul chef toutes les formes d’un même mot fournies par les différents dialectes aux diverses époques, sauf à multiplier les renvois pour faciliter les recherches. Nous avons justifié chaque forme, chaque signification, et chaque nuance de sens : par des exemples abondants et variés, empruntés la plupart aux manuscrits les plus authentiques des diverses bibliothèques et archives.

Les manuscrits ne nous ont pas fait négliger les bonnes éditions publiées par de vrais connaisseurs de notre vieille langue en France, en Allemagne, en Belgique, etc. Mais on nous excusera si, ayant d’abord lu les manuscrits, nous n’avons pas toujours recommencé nos lectures pour indiquer la source d’après l’édition. Dans bien des cas il nous a semblé que nous pouvions nous épargner cette peine et cette perte d’un temps réclamé par tant d’autres lectures et par tous les soins d’un travail si compliqué.

Les mots que nous aimons à étudier, ceux pour lesquels nous nous complaisons à prodiguer les exemples, les définitions, les comparaisons, les recherches, ce sont les mots bien faits et durables, les termes consacrés par les meilleurs écrivains, poètes et prosateurs, des XIe, XIIe et XIIIe siècles. Mais, cherchant des mots partout, les poursuivant, pour ainsi dire, chez les auteurs de tout genre, de tout mérite, de toute époque, de toute province, nous en avons recueilli aussi et admis beaucoup de mal faits et de passagers. Il nous a semblé qu’il fallait abjurer tout purisme, quand il s’agissait de dresser le répertoire des mots de l’ancienne langue française comprise dans ses diverses époques, Le côté historique domine ici ; or, un mauvais mot a, comme un bon mot, son intérêt historique.

On trouvera dans ce Dictionnaire un certain nombre d’exemples des XVe et XVIe siècles. Généralement ils ne figurent que pour montrer la persistance de termes anciens. Quelquefois ils ont été accueillis, quoique nous n’eussions pas d’exemples des siècles antérieurs, parce que leur nature et leur forme mêmes nous ont fait croire qu’ils étaient de formation ancienne.

Après avoir tâché de saisir le mot à sa plus lointaine apparition, et l’avoir suivi à travers les divers siècles jusqu’au moment où il semble disparaître de la langue écrite, nous nous efforçons de suivre sa trace dans la langue parlée, et de le retrouver dans les divers idiomes populaires, dans les dénominations de personnes, dans les dénominations de lieux, partout enfin où il a laissé jusqu’à nos jours quelques vestiges.

On verra quel profit nous avons tiré des documents d’archives cherchés pour ainsi dire aux quatre vents du ciel. Indépendamment d’une innombrable quantité de chartes françaises, nous avons dépouillé beaucoup de chartes latines très anciennes pour y retrouver, à des dates reculées, une multitude de mots français insérés dans ces chartes avec leur forme française, ou légèrement modifiée par une finale latine, pour y chercher aussi un certain nombre de termes qui n’apparaissent pas ou n’apparaissent guère ailleurs.

Çà et là nous nous sommes contenté d’enregistrer sans explication des termes — généralement des termes techniques — dont : le sens a échappé à toutes nos recherches, et sur lesquels les savants français et étrangers que nous avons consultés n’ont pu nous fournir les lumières qui nous manquaient. Nous laisserons à de plus habile ou à de plus heureux le soin de débrouiller ces obscurités, suivant en cela l’exemple de Du Cange qui, dans son Glossaire, a consigné tant de mots sans explication aucune.

Les sources de nos exemples sont indiquées très exactement et avec des détails inaccoutumés ; si dans quelques cas extrêmement rares, ces indications sont moins complètes et moins rigoureuses, c’est que, malgré tous nos efforts, toute notre peine et tous nos sacrifices, nous n’avons pu encore réparer entièrement un malheur qui nous est arrivé pendant la Commune, la destruction d’un précieux et volumineux registre où, depuis l’origine de nos travaux lexicographiques et littéraires, nous avions pris soin, jour par jour, d’inscrire toutes nos lectures, en accompagnant ces relevés de toute sorte de notes bibliographiques ou philologiques.

Nous avons fort simplifié l’orthographe dans notre publication, nous n’employons’que l’accent aigu sur les e fermés, non suivis d’un s ou d’un z, à la fin des mots, et, pour l’uniformité, nous ramenons à cette orthographe tous les textes imprimés dont nous faisons usage. Ce système nous a paru le plus prudent, vu l’incertitude qui règne encore sur cette matière des accents appliqués à l’ancienne langue.

Nous maintenant exclusivement sur le terrain des faits authentiques, nous avons, quant à présent, écarté l’étymologie, étude à part, qui est devenue de nos jours une science spéciale, et qui renferme souvent un élément conjectural peu à sa place dans un travail dont la certitude est le caractère essentiel.

Dans une œuvre si longue, si difficile, si complexe, les erreurs et les oublis sont inévitables. C’est pourquoi, dès que le premier volume aura paru, nous commencerons la publication d’un supplément, que nous enrichirons avec bonheur de toutes les communications qui auront pu nous être faites, de toutes les rectifications qui auront pu nous être adressées et que nous sollicitons instamment.

Dès aujourd’hui nous signalerons plusieurs mots et plusieurs exemples qu’un dérangement fâcheux dans la mise en page ou un trouble dans la copie nous a obligé de renvoyer au supplément :

AAISEMENCE, s. f. commodité :

Ne sai comment vos cuers endure
Que de fain muir en vo presence.
S’avois si bien l’aaisemence
De moi repaistre
(J. DE CONDE, La messe des oisiaus 546, Scheler, III, 18)

ABERRUCIER (S’) V. réfl. Se hérisser :
Lors leva li vilains s’aumuse
Frotte ses ieuz, si s’aberruce,
Fronce le nez, les ieuz roille.
(Rosc. Richel 1573)

ABHORISSEMENT.

— Ajouter pour second
exemple ;
Avorissement, objet d’horreur.(XIVe s., ap. Darmesteter, Glosses et glossaires hébreux-français, p. 44.)
ABSCONSER.
Ajouter pour premier exemple :
D’uns part Gant es le (s) vos asconses.
(Auberi. p. 31, Tobler.)

Que le lecteur bienveillant pardonne à l’auteur, dont la tâche est si vaste et si rude, les fautes plus graves qu’il pourra remarquer.