Dictionnaire de l’administration française/BALAYAGE

Berger-Levrault et Cie (p. 208-209).
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BALAYAGE. 1. On lit dans deux ordonnances de Charles IX et de Henri III (1563 et 1577) rapportées par Delamarre (Traité de la police), que les propriétaires ou locataires de maisons seront tenus de nettoyer la rue au-devant desdites maisons deux fois le jour, de ranger les boues en tas près d’un ruisseau, de faire jeter chaque jour deux seaux d’eau pour le moins sur le pavé, de mettre leurs ordures ménagères dans des paniers pour qu’elles soient jetées dans les tombereaux qui enlèveront les immondices, et que ces tombereaux seront munis d’une sonnette pour avertir les habitants. L’exécution de ce règlement est ordonnée « dans Paris et dans toutes les autres villes du royaume en tant qu’elles se pourront, au peu près, conformer à l’exemple de ladite ville ». Déjà le nettoiement des rues avait été prescrit par diverses ordonnances, dont la première fut rendue en 1348 par le prévôt de Paris. Ce service est demeuré depuis lors légalement attaché à la propriété des maisons, et quant aux mesures d’exécution, après avoir varié, elles se retrouvent de nos jours à peu près telles qu’elles étaient réglées il y a trois cents ans dans l’ordonnance précitée.

2. Le nettoiement des voies publiques est rangé par la loi des 16-24 août 1790, titre XI, art. 3, parmi les objets confiés à la vigilance et à l’autorité des corps municipaux, et la loi sur l’administration municipale charge les maires d’ordonner les mesures que comporte ce service, par des arrêtés qui ont leur sanction dans l’art. 471 du Code pénal. D’après le § 3 de cet article, sont passibles d’amende depuis 1 jusqu’à 5 fr., « ceux qui négligent de nettoyer les rues ou passages dans les communes où ce soin est laissé à la charge des habitants », et d’après le § 15, sont passibles de la même peine, ceux qui contreviennent aux règlements faits à ce sujet par l’autorité municipale. À Paris, c’est le préfet de police qui est chargé de veiller au nettoiement des voies publiques.

3. Les règlements municipaux peuvent prescrire le mode et les conditions du balayage ; ils peuvent l’ordonner, soit un certain nombre de fois par semaine (Cass. 28 mai 1825), soit tous les jours à certaines heures (Cass. 28 août 1818) ; ils peuvent ordonner, dans le cas où la voie publique est bordée de chaque côté par des constructions particulières, que le balayage soit exécuté pour moitié de la largeur par chaque riverain, et même pour la totalité par un riverain, s’il n’y a pas de constructions de l’autre côté. (Cass. 30 mai 1856.)

4. Les règlements doivent être appliqués par le juge de police tels qu’ils sont formulés, sans restriction ni distinction. Ainsi, une contravention ne saurait être excusée par le motif qu’il ne serait pas constaté que la balayage était nécessaire (Cass. 22 nov. 1849), ou que la rue n’étant pas pavée, constitue plutôt un chemin (Cass. 10 oct. 1851). Les termes des règlements ne doivent pas non plus être étendus. Ainsi la simple injonction de balayer devant les maisons n’est pas applicable au propriétaire d’un pré où il n’existe pas de construction (Cass. 7 oct. 1853), ni au propriétaire d’un jardin isolé de son habitation (Cass. 17 juin 1847), ou d’une ruelle faisant partie de sa propriété. (Cass. 22 nov. 1856.)

5. Le balayage étant une charge de la propriété des maisons devant lesquelles il doit s’opérer, le propriétaire y est obligé lors même qu’il n’habite pas la maison (Cass. 25 juill. 1845, 7 nov. 1867), ou qu’il est absent (Cass. 28 juin 1861), ou que la maison est entièrement inhabitée (Cass. 6 nov. 1857). Dans une maison louée, soit à un locataire, soit à plusieurs, ce n’est pas contre eux que doivent s’exercer les poursuites en cas de contravention, c’est contre le propriétaire. (Cass. 4 mai 1848, 19 févr. 1858, 7 avril 1864.) Le propriétaire n’échappe pas non plus à la responsabilité en convenant avec un locataire que le balayage sera à la charge de ce dernier ; seulement, s’il est condamné, il a son recours contre son locataire pour se faire indemniser. Mais lorsqu’un règlement prescrit aux propriétaires ou locataires de balayer la voie publique devant les maisons, boutiques, etc., le balayage est mis à la charge des locataires de ces boutiques. (Cass. 28 nov. 1868.)

6. Les propriétaires sont responsables des personnes commises par eux au balayage (Cass. 6 sept. 1822). Ils ne sont déchargés de leur obligation que lorsqu’ils ont un représentant légal, par exemple, un principal locataire. (Cass. 10 août 1833.)

7. Le concierge d’un établissement public est substitué au propriétaire et punissable pour défaut de balayage. (Cass. 30 mai 1846.)

8. Le propriétaire qui traite avec un entrepreneur pour le balayage devant sa maison n’en reste pas moins passible directement des peines auxquelles peuvent donner lieu des contraventions. L’entrepreneur n’est que civilement responsable (Cass. 31 août 1854). Mais lorsque l’autorité municipale a traité avec un entrepreneur pour le nettoiement de la voie publique, ce dernier est passible des peines de police en cas de contravention, lors même que le cahier des charges porterait qu’il serait statué administrativement. (Cass. 27 juill. 1856, 25 juin 1869.) Cette décision est fondée sur ce que l’entrepreneur est subrogé aux obligations des habitants, et sur un arrêt du conseil du 21 novembre 1577 qui, en autorisant le nettoiement des rues par adjudication, rend les adjudicataires responsables de l’inexécution des mesures prescrites.

9. Les villes ont à leur charge le nettoiement des places, des boulevards, des avenues dont la largeur dépasse l’étendue à laquelle est limitée par l’usage ou les règlements l’obligation des riverains. Ce service est fait tantôt en régie, tantôt par adjudication. Les villes peuvent, en outre, se charger du nettoiement de toutes les voies publiques, soit au moyen d’abonnement avec les propriétaires, soit par la conversion de la prestation en nature qui leur est imposée, en une prestation en argent. Ce dernier mode est établi à Paris en vertu d’une loi du 26 mars 1873. Les propriétaires sont affranchis du balayage en payant une taxe suivant un tarif dressé par le conseil municipal après une enquête, et approuvé par un décret rendu dans la forme des règlements d’administration publique. Ce tarif doit être révisé tous les cinq ans. Le conseil municipal ne doit pas tenir compte de la valeur des propriétés dans l’établissement de la taxe ; il a seulement à considérer les nécessités de la circulation, la salubrité et la propreté de la voie publique. La taxe ne peut dépasser les dépenses occasionnées à la ville par le balayage de la superficie mise à la charge des habitants. Le recouvrement s’opère comme en matière de contributions directes (voy. ce mot). Le paiement de la taxe n’exempte pas les riverains des voies publiques des obligations qui leur sont imposées par les règlements de police en temps de neige et de glace.

L. Smith.