Dictionnaire de l’administration française/AVOCAT

AVOCAT. 1. L’avocat est celui qui, ayant obtenu le grade de licencié en droit et prêté le serment requis par la loi, plaide et conseille. L’avocat plaidant est celui qui s’adonne particulièrement à la défense orale ; l’avocat consultant est celui qui donne son avis dans son cabinet et délibère des consultations écrites : ces deux branches de la profession tendent tous les jours à se confondre.

L’ordre des avocats est la réunion des membres du barreau qui exercent près la même cour ou le même tribunal.

sommaire.

chap. i. historique, 2 à 6.
chap.ii. organisation actuelle, 7 à 11.
chap.iii. incompatibilités, 12, 13.
chap.iv. discipline, 14 à 16.
chap.v. prérogatives, 17 à 21.
chap.vi. obligations, 22, 23.
chap.vii. patente, 24.
Bibliographie.
Administration comparée.


CHAP. I. — HISTORIQUE.

2. Antiquité et moyen âge. « Aussi ancienne que la magistrature, aussi nécessaire que la justice »[1], la fonction, si ce n’est le nom, d’avocat est née avec la société. En effet, du jour où les hommes ont chargé des arbitres de trancher leurs différends, ceux qui manquaient de temps ou de lumières ont dû confier à d’autres le soin de leur défense.

Longtemps les défenseurs, comme les juges, ne formèrent pas une classe à part et furent pris indistinctement parmi les citoyens.

3. Dans l’antiquité, le barreau jeta un grand éclat à Athènes et à Rome, où il ouvrait la voie des honneurs publics. Sous les empereurs, il perdit tout caractère politique, mais il ne cessa pas d’être entouré de considération.

4. Dans les siècles de barbarie, où le combat judiciaire terminait presque tous les procès, on n’eut guère besoin d’avocats et la profession ne retrouva quelque importance qu’au xiiie siècle, lorsque le droit romain reprit son empire. (Établ. de S. Louis, l. II, c. 14.)

5. Droit ancien. Nous ne pouvons donner ici la nomenclature et encore moins l’analyse des ordonnances et édits qui depuis Philippe le Bel jusqu’à Louis XVI réglèrent la constitution et la discipline des emparliers, conteurs, chevaliers de loi, etc. Dès l’an 1344, de sévères conditions de science et de moralité étaient exigées. La profession resta toujours libre, et fut entourée de toutes sortes d’honneurs et de priviléges : exempte de la corvée et de toute charge personnelle (Merlin, Rép., v° Avocat, § X, 1), elle conférait la noblesse au bout de cinq ans d’exercice. Les avocats, appelés dans les anciennes ordonnances conseillers et avocats généraux du Parlement, portaient des chaperons fourrés comme MM. de la grand’chambre, et revêtaient aux bons jours la robe d’écarlate ; les anciens prenaient séance sur les fleurs de lys, et avaient le pas sur les conseillers des enquêtes. Avant l’institution du ministère public, le roi se faisait représenter par les avocats du commun, et jusqu’en 1789 les anciens de l’ordre conservèrent le double privilége d’être désignés par le Parlement comme arbitres souverains dans les cas difficiles, et de remplacer, dans toutes les juridictions, les magistrats morts ou empêchés.

6. Droit intermédiaire. Poussant un peu loin l’amour de l’égalité, l’Assemblée constituante étendit à l’ordre des avocats la proscription dont étaient frappées toutes les corporations, et le décret du 2 septembre 1790 défendit même aux « hommes de loi, ci-devant appelés avocats », de continuer à porter la robe. Un décret du 15 septembre 1790 institua des espèces de mandataires appelés hommes de loi, défenseurs officieux, qui n’étaient soumis à aucune condition d’aucun genre ; cependant quelques anciens avocats continuèrent les traditions et formèrent au palais une société à part, connue sous le nom d’avocats du Marais. Enfin la loi du 22 ventôse an XII reconstitua l’ordre, et le décret du 14 septembre 1810 vint bientôt lui donner une organisation en rapport avec la législation nouvelle.

CHAP. II. — ORGANISATION ACTUELLE.

7. Les avocats sont aujourd’hui soumis aux dispositions combinées du décret de 1810, des ordonnances du 20 novembre 1822 et 27 août 1830, de la circulaire du 6 janvier 1823, du décret du 22 mars 1852, et enfin du décret du 10 mars 1870.

8. Conseil de l’ordre. À la tête de l’ordre est un bâtonnier élu pour un an par la majorité absolue des avocats inscrits au tableau.

9. Le conseil de discipline, plus communément appelé conseil de l’ordre, est élu pour un an, au scrutin de liste et à la majorité absolue, par les avocats inscrits au tableau ; ses membres sont indéfiniment rééligibles. Pour être élu, il faut être inscrit au tableau, à Paris depuis 10 ans, partout ailleurs depuis 5 ans. Le nombre des membres du conseil varie suivant le nombre des avocats attachés au siége. (O. 27 août 1830, art. 2.) Outre les attributions disciplinaires dont nous parlerons plus tard, le conseil veille aux intérêts de l’ordre, présente ses réclamations au procureur général et au garde des sceaux, dirige et surveille les stagiaires, enfin arrête le tableau annuel de l’ordre.

10. Stage. On distingue les avocats stagiaires et les avocats inscrits au tableau.

Pour être admis au stage, il faut être Français, jouir de ses droits civils et politiques, avoir été reçu licencié en droit par une Faculté française ; il faut, en outre, remplir certaines conditions établies par l’usage, résider, et enfin être agréé par le conseil, juge souverain et sans appel en cette matière. Si le candidat est agréé par le conseil, il est présenté à l’audience par un ancien avocat, et, sur les conclusions du ministère public, admis à prêter le serment professionnel ; le serment politique, aboli en 1848, n’a pas été rétabli depuis pour les avocats. L’avocat stagiaire doit suivre les conférences et les audiences pour se former à l’exercice de la profession. Il plaide, consulte et jouit des mêmes droits que l’avocat inscrit, sauf trois ou quatre exceptions qui se présentent rarement dans la pratique. Le stage est de trois ans : il peut être disciplinairement prolongé par le conseil. Le stage commencé devant une cour peut être continué devant une autre cours ou devant un tribunal ; mais le temps passé devant un tribunal ne compte pas devant une cour.

11. Tableau. Lorsque le stage est accompli, l’avocat peut demander son inscription au tableau ; l’ordre est maître de son tableau ; de cette maxime fondamentale il résulte que, l’appréciation des circonstances devant décider, l’admission ou la non-admission d’un avocat au tableau est en principe exclusivement attribuée au conseil. Toutefois, d’après une jurisprudence récente, l’appel devant les cours d’appel est reconnu recevable, lorsque les décisions du conseil portent atteinte à des droits acquis par une inscription antérieure sur un tableau d’avocats, le refus d’inscription équivalent alors à une radiation. La Cour de cassation ne reconnaît, en ce cas, au conseil que le droit de statuer sur la question du rang d’inscription.

CHAP. III. — INCOMPATIBILITÉS.

12. Fonctions incompatibles. On distingue des incompatibilités absolues, et des incompatibilités relatives. Les premières excluent à jamais de la profession : ainsi les agents d’affaires, les huissiers, etc., même après qu’ils ont quitté ces divers états, ne peuvent jamais devenir avocats. Les incompatibilités relatives sont temporaires. Parmi ces dernières on range celles qui résultent de la position de négociant, d’administrateur de sociétés industrielles, d’administrateur de sociétés industrielles, d’employé avec un grade quelconque dans l’administration, surnuméraire, préfet ou directeur général, d’avoué, de notaire, de greffier, de clerc, de militaire, de fonctionnaire de l’ordre judiciaire. En général, on peut regarder comme incompatible avec la profession toute situation qui ne respecte pas ses deux caractères essentiels, l’indépendance et l’irresponsabilité. Une décision du conseil de l’ordre de Paris, en date du 15 mai 1831, a déclaré la profession incompatible avec l’état ecclésiastique ; mais cette décision a été critiquée. Nous ne croyons pas non plus à l’abri de reproche l’usage où sont la plupart des barreaux de province d’admettre au tableau les conseillers de préfecture : ces fonctionnaires ont des fonctions judiciaires que le conseil de l’ordre de Paris juge avec raison incompatibles.

13. Fonctions compatibles. Parmi les fonctions qu’un usage constant excepte de l’incompatibilité, citons celles de ministre, de député, de sénateur, de secrétaire général du ministère de la justice, de juge suppléant près les tribunaux de première instance et les justices de paix, d’auditeur au Conseil d’État, de Conseiller d’État en service extraordinaire, de professeur aux Facultés de droit, de bibliothécaire de bibliothèques publiques, de rédacteurs, mais non de gérants de journaux politiques ou autres.

CHAP. IV. — DISCIPLINE.

14. La discipline est exercée par le conseil et s’étend non-seulement sur les actes accomplis dans l’exercice de la profession, mais sur tout fait capable de diminuer la considération qu’on est en droit d’exiger de l’avocat. Les peines disciplinaires sont : l’avertissement, la réprimande, la privation du droit de faire partie du conseil pendant 10 ans au plus, la suspension, qui ne peut excéder une année, et enfin la radiation.

15. Dans les siéges où il n’y a point de conseil, le tribunal exerce la juridiction disciplinaire ; mais il ne peut prononcer de peine qu’après avoir pris l’avis écrit du bâtonnier, et le ministère public n’est compétent, ni pour citer l’avocat, ni pour donner des conclusions. Les décisions portant suspension ou radiation peuvent seules être frappées d’appel, par l’avocat, tandis que, par une étrange anomalie, les art. 15 et 25 de l’ordonnance de 1822 accordent implicitement au procureur général le droit d’interjeter appel en tout cas. En cas d’appel, la cour statue en assemblée générale dans la chambre du conseil. Une jurisprudence constante décide que le procureur général peut porter directement devant la cour d’appel une affaire dont le conseil n’aurait pu ou voulu connaître. L’avocat rayé peut obtenir son inscription près un autre siége.

16. Enfin, en dehors de l’action disciplinaire proprement dite, les cours et tribunaux connaissent des fautes commises à leur audience.

CHAP. V. — PRÉROGATIVES.

17. Les avocats près un tribunal ne peuvent plaider que devant les tribunaux et la cours d’assises du département ; mais les avocats près une cour d’appel peuvent plaider devant toutes les cours et tous les tribunaux, devant les conseils de prud’hommes, les conseils de guerre, les tribunaux maritimes, les divers conseils et chambres de discipline, les arbitres, etc. Il n’y a d’exception que pour le Conseil d’État et la Cour de cassation. Encore plaident-ils à la Cour de cassation les affaires du grand criminel. Ils sont admis à plaider devant le conseil de préfecture depuis que le débat contradictoire et public y a été établi. Devant les cours et tribunaux, leur droit est exclusif ; cependant la partie peut se défendre elle-même, ou, en vertu de l’autorisation spéciale du président, par un ami ; ces exceptions se présentent rarement dans la pratique.

18. Il y a des cas où les tribunaux ne peuvent juger que sur l’avis écrit d’anciens avocats, ainsi lorsqu’une commune veut transiger avec un particulier sur les droits de propriété. (L. 21 frimaire an XII, art. 1er.)

19. Quand un tribunal n’est pas complet, les avocats sont appelés, selon l’ordre du tableau, à suppléer les magistrats tant en instance qu’en appel.

20. L’avocat ne donne jamais de récépissé des pièces qu’on lui confie, et lorsqu’il déclare les avoir remises, il est cru sur sa simple déclaration ; il ne peut jamais être tenu de livrer des pièces déposées entre ses mains, et si le parquet croit devoir les faire saisir, l’usage veut que la saisie soit faite par un juge d’instruction en personne. L’avocat n’étant pas un mandataire, il en résulte qu’il ne répond pas plus de ses conseils que le magistrat de ses sentences ; il n’est soumis ni au désaveu, ni aux actions en dommages-intérêts ; et lorsqu’il écrit ou plaide des faits diffamatoires et même calomnieux, à lui déclarés par son client, il n’est passible d’aucune réparation personnelle.

21. Avant 1789, les avocats obtenaient un rang honorable dans les cérémonies publiques ; aujourd’hui, leur rang n’étant plus déterminé, la plupart des barreaux, notamment celui de Paris, s’abstiennent d’y figurer en corps.

CHAP. VI. — OBLIGATIONS.

22. La loyauté vis-à-vis de l’adversaire, l’exactitude dans l’exposé des faits, la discrétion absolue sur tout ce qui lui est confié, sont des devoirs rigoureux. Quoique la loi accorde à l’avocat une action pour le paiement des honoraires, il est interdit par la plupart des barreaux d’exercer ce droit, à peine de radiation. La loi interdit formellement à l’avocat d’acquérir des droit litigieux qui sont de la compétence du tribunal auquel il est attaché ; l’usage lui interdit de stipuler avec le client une part dans le profit devant résulter du gain du procès (pacte de quota lilis).

23. Indépendamment de l’institution de l’assistance judiciaire, toute personne qui a besoin d’être défendue au civil ou au criminel, et ne peut pas payer d’avocat, peut s’adresser, soit au président du tribunal, soit au bâtonnier, et il lui est donné un avocat d’office.

L’avocat désigné d’office ne peut refuser son ministère, à moins d’excuses graves agréées par le magistrat qui l’a commis, ni recevoir aucun honoraire, quand même il lui en serait offert.

CHAP. VII. — PATENTE.

24. Plusieurs fois soumis à la patente, et plusieurs fois dispensés de cette charge, les avocats paient aujourd’hui un droit fixé au 15e de la valeur locative. (L. 18 mai 1850.)

Paul Andra.
bibliographie.

Guide de l’avocat, ou Essais d’instructions pour les jeunes gens qui se destinent à cette profession, par M. Gibault. 2 vol. in-12. Paris, Beaucé ; Poitiers, Catineau. 1814.

Lettres sur la profession d’avocat, et bibliothèque choisie des livres de droit qu’il est le plus utile d’acquérir et de connaître, par M. Camus. 4e édition, augmentée, par M. Loisel ; suivies de deux discours de M. d’Aguesseau ; de l’histoire de l’ordre des avocats, par M. Boucher-d’Argis. La Bibliographie a été revue, corrigée et augmentée d’un grand nombre d’articles nouveaux, par M. Dupin. 2 vol. in-8o. Paris, Warée oncle. 1818-1819.

Dialogue des avocats au Parlement de Paris, par Loisel. Réimprimé par M. Dupin, dans ses éditions des lettres de Camus. 1818 et 1832.

Examen de l’ordonnance du 20 novembre 1822, concernant l’ordre des avocats (pour faire suite à l’histoire de l’ordre des avocats, par Fournel, et aux lettres de Camus), par Daviel. In-8°. Paris, Warée oncle. 1822.

Barreau français ; Collection des chefs-d’œuvre de l’éloquence judiciaire en France. Recueillie par MM. Clair et Clapier. Paris, Panckoucke. 1822.

De l’ordre des avocats, considéré sous le double rapport constitutionnel et d’utilité dans l’intérêt tant de la société en général que des avocats en particulier, par Théodore Regnault. In-8°. Paris, Warée, Dentu, Delaunay. 1831.

Profession d’avocat. Recueil de pièces concernant l’exercice de cette profession., par M. Dupin aîné. 2 vol. in-8o. Parix, Alex. Gobelet et B. Warée aîné. 1830-1831.

Des rapports de la magistrature et du barreau. Discours prononcé par M. Philippe Dupin, bâtonnier de l’ordre des avocats. In-8°. Paris, impr. de Dezauche, 1834.

Annales du barreau français, ou choix des plaidoyers et mémoires les plus remarquables, par une société de jurisconsultes et de gens de lettres. In-8°. Paris, B. Warée aîné. 1834.

Manuel des étudiants en droit et des jeunes avocats. Recueil d’opuscules de jurisprudence, par M. Dupin. In-18. Paris, Joubert. 1835.

Règles sur la profession d’avocat, suivies des lois et règlements qui la concernent, etc., par M. Mollot. In-8°. Paris, Joubert. 1842.

La magistrature et le barreau, par M. le vicomte de Métivier. In-8°. Bordeaux, Lafargue. 1845.

De la profession d’avocat, par Félix Liouville. 3e édit. 1864. Paris, Cosse et Marchal.

Règles de la profession d’avocat, suivies des lois et règlements qui les concernent. Paris, Durand. 1866. In-8°. Édition in-12.

Voyez aussi : Merlin, Répertoire de jurisprudence ; Ph. Dupin, Encyclopédie du droit ; Dalloz, Répertoire de législation ; v° Avocat. Voy aussi la bibliographie du mot Assistance judiciaire.

administration comparée.

En Angleterre, l’organisation du barreau diffère complétement de celle du continent. Il existe quatre associations (Inns of Court) dont on peut retracer l’origine jusqu’en 1307, époque vers laquelle se formèrent des sociétés libres de jeunes apprentices of law, bientôt appelés barristers, parce qu’ils s’exerçaient à parler hors (ou devant) la bar, et que les juges les autorisèrent à plaider. Ces associations étaient destinées à fournir aux jeunes gens le moyen d’apprendre le droit en suivant les cours de professeurs spéciaux et en entrant comme secrétaires chez des avocats en exercice. Plus tard, les cours cessèrent, mais chaque aspirant avocat dut se faire recevoir membre d’un Inn (ou plus exactement Inn of Court, hôtel ou auberge de la cour), et pendant une certaine époque, assez longue, il suffisait d’avoir pris part à un nombre de dîners fixés par l’usage pour être admis dans la compagnie.

Sous Guillaume IV on établit un examen préalable (avant l’admission à l’Inn) ; en 1851, les quatre Inns se réunirent pour former un conseil de l’enseignement du droit (Council of legal education) qui institua des chaires. Par suite des enquêtes de 1846, puis de 1854 et de 1863, on adopta un règlement définitif (Consolidated regulations), mais qui ne semble pas avoir satisfait à toutes les exigences de l’époque moderne. Les tentatives faites postérieurement pour améliorer le régime de la profession n’ont pas encore réussi et le corps des barristers reste sous le règlement qui s’est établi par la coutume et par les décisions de ce qu’on peut appeler le conseil de l’ordre (Benchers).

Actuellement, pour devenir membre du barreau anglais, il faut avoir été admis à une Inn of Court, être âgé de 21 ans, passer un examen en droit romain et en droit civil, et avoir été depuis au moins cinq ans membre de la société (de l’Inn). Si le candidat est bachelier ès lettres ou magister artis, trois ans suffisent. Le barrister, comme l’avocat français, ne peut pas intenter à son client une action en paiement d’honoraires. Il est vrai qu’il est d’usage de payer d’avance l’avocat. Le juge peut toujours, s’il y a des motifs, interdire à une avocat de plaider devant lui.

Jusqu’en 1846, les serjeants-at-law (ou sergents, serviens at legem) pouvaient seuls plaider dans la Cour des common pleas ; les serjeants sont nommés par le Gouvernement, parmi les barristers en renom et prêtent serment. Ce n’est plus qu’un grade honorifique ; autrefois, c’était parmi eux qu’on choisissait les juges ; maintenant, le choix, depuis 1873, peut s’étendre aux barristers.

Les avocats anglais ne peuvent pas être en même temps avoués (sollicitor ou attorney). Aux États-Unis, les deux fonctions sont généralement réunies. Un auteur anglais dit que la République américaine n’est pas assez peuplée pour supporter la séparation de ces fonctions. En Prusse, les fonctions sont toujours réunies dans les mêmes mains, en ce sens que le nombre des places ou d’études d’avoué est limité, mais ces places sont toujours données à des avocats, qui conservent leur droit de plaider. Il y a donc des avocats-avoués et des avocats simples. Il faut naturellement que les avocats aient fait leur droit. Dans la plupart des provinces (car la législation n’est pas encore uniforme), ils sont nommés auprès d’un tribunal, par le ministre de la justice, au nom du roi. Leur nombre est limité, il est proportionnel à

l’importance du tribunal (au nombre des affaires) ; ils ont un conseil de discipline élu. Ils peuvent en même temps être notaires.

Sous Frédéric II on avait fait un essai de remplacer les avocats par des « conseils d’assistance » payés par le gouvernement ; ils assistaient les parties qui étaient obligées de paraître en personne devant le tribunal. Ce système cessa en 1783, on ne s’en était pas bien trouvé.

En Bavière aussi, et dans la plupart des autres États allemands, les avocats sont encore nommés par le gouvernement ; mais de nombreuses voix ont plaidé la cause de la liberté. Il est probable que la liberté l’emportera. En Saxe, un arrêté ministériel du 21 nov. 1864 admit au barreau tous ceux qui, au moment de leur demande d’admission, remplissaient depuis au moins trois ans les conditions de capacité et d’honorabilité voulues ; cette mesure n’a été alors prise que pour deux ans, mais il est entendu que tous les ans le ministre nomme de nouveaux avocats selon les besoins. En Wurtemberg, il faut une autorisation, mais elle est accordée à tous ceux qui remplissent les conditions d’études. Dans le grand-duché de Bade, il suffit de passer un examen pour être admis au barreau. (Voy. Holtzendorf, Rechtslexicon.) En Allemagne, les parties ne sont pas (ou sont rarement) obligées d’avoir un avocat, mais l’usage n’en est pas moins général comme en France et en Angleterre.

En Suisse, l’avocat doit passer un examen déterminé par le règlement du 30 nov. 1858. Ses droits et ses devoirs sont exposés dans la loi du 10 déc. 1840. Les avocats ont un privilége exclusif pour toute procédure écrite, et un privilége restreint pour la procédure orale, c’est-à-dire qu’ils peuvent seuls signer des pièces et prendre des conclusions, mais que d’autres personnes peuvent encore être admises à plaider. Leur privilége est exclusif devant la cour supérieure. Ils sont en même temps avocats et avoués. Ils sont placés, pour la discipline, sous la cour supérieure et ils prêtent serment.

En Russie, pendant longtemps, l’avocat était inconnu. Peu à peu on put se faire aider, des hommes se donnèrent la spécialité de la défense, et le gouvernement se chargea de faire passer un examen aux candidats. Mais comme ces derniers étaient peu nombreux, on leur donna un titre privilégié, comme avocat reconnu. Il y eu cependant encore beaucoup de défenseurs-hommes d’affaires ; on les désigna comme avocats privés. Enfin, une loi de 1874 posa les conditions nécessaires pour se faire inscrire soit comme avocat reconnu, soit comme avocat privé, de sorte qu’il y a maintenant en Russie un double barreau, de 1er et de 2e rang.

Maurice Block.

  1. D’Aguesseau.