Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/XAGUA

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(8p. 514-515).
XAHRYMA  ►

XAGUA. s. m. Arbre de l’île de Cuba, de la grandeur du frêne, qui a le bois dur, pesant, de couleur grise, tirant sur le fauve. Son fruit est semblable en grosseur & en forme à un rognon de veau. Ovidéo décrit ce fruit d’une autre manière, le faisant semblable à une tête de pavot, à l’exception de la couronne qu’il ne lui donne point. Xagua arbor, ou plutôt Genipa fructu ovato.

Le Xagua d’Oviédo est proprement ce qu’on appelle Genipa dans les îles de l’Amérique. C’est un arbre qui devient presque aussi grand que nos chênes, poussant son tronc assez épais, fort droit, haut, solide, & couvert d’une écorce cendrée & ridée. Ses branches s’étendent d’espace en espace en manière de bras, de même que celles des sapins d’Europe. Les extrémités de ces mêmes branches & de leurs rameaux portent de grandes touffes de feuilles ondées, longues de plus d’un pied, & d’une consistance membraneuse. Elles sont toutes étroites vers le pédicule, & augmentant peu-à-peu jusques par delà la moitié de leur longueur, elles y ont environ quatre pouces de large, & finissent ensuite en pointe. Elles sont un peu plus foncées par dessus, & soutenues par une nervure assez relevée. On voit au milieu de ces touffes de gros bouquets de fleurs très-blanches, le premier jour qu’elles épanouissent, & marquées dans le milieu d’une étoile jaune. Mais le lendemain elles deviennent jaunâtres, & la même étoile devient jaune comme de l’ocre ; chaque fleur est d’une seule pièce en rosette ou cloche fort évasée, étendue assez avant en cinq pointes, & d’environ deux pouces de diamètre ; le calice ressemble à un petit bonnet verdâtre, du milieu duquel il sort un pistil semblable à un petit pilon, & accompagné de cinq étamines crochues. La plupart de ces fleurs coulent sans rien produire ; mais le calice de celles qui restent, devient ensuite un fruit de la grosseur du poing, de figure ovale, également pointue par les deux bouts. L’écorce de ces fruits est un peu épaisse, charnue, gris verte par dehors, & comme couverte de poussière, mais blanche en dedans, & adhérente à une chair assez blanche & assez tendre. Cette même écorce semble diviser par une production cette chair en deux quartiers remplis de quelques semences fort semblables en grandeur & en figure à nos gesses communes. Lathyrus sativus flore & fructu albo C. B. Pin. 543. Etant presque quarrées ou demie rondes fort aplaties, & plus épaisses d’un côté que de l’autre.

Le suc de ces fruits est blanchâtre ; mais cependant il teint si fort en noir, que quelque temps après, ceux qui s’en frottent les mains ou le visage, ne peuvent en effacer la noirceur, quelque peine qu’on prenne à se laver ; mais cette noirceur se dissipe d’elle-même quelques jours après, sans qu’il en reste aucune tache. On se sert de ce fruit contre l’épian, c’est une espèce de maladie vénérienne, & Pison qui l’appelle Janipaha, dans son Liv. IV. Chap. XV. dit qu’il est fort bon pour les chaleurs d’estomac, & pour le cours de ventre. R. P. Plumier Minime.

XAGUA, est aussi le nom d’un petit golfe situé dans la côte méridionale de l’île de Cuba, entre l’île de Pinos & la ville de Spiritu-Sancto ; environ à quinze lieues du port de la Trinidad. Xagua. Les François nomment ce golfe le Grand-Port. Xagua est à 10 ou 12 lieues de la Trinité ; ce port se nomme le golfe de Xagua par les Espagnols : je n’en ai jamais vu un si beau, ni si commode : son entrée est comme un canal de la portée d’un canon de trois livres de balle, sa largeur d’une portée de pistolet, bordée des deux côtés de rochers, qui sont aussi égaux entr’eux que des murailles faites exprès ; ce qui fait une espèce de quai des deux côtés. Il y a assez de profondeur pour y faire entrer les plus grands navires. Au dedans de ce canal on trouve une grande baie environnée de terre haute ; cette baie contient plus de six lieues de circuit, & au milieu il y a une petite île, où les navires peuvent donner carène, & y prendre de l’eau qui est la meilleure du monde. Aux environs de ce port les Espagnols ont des parcs, où ils nourrissent des porcs : ils nomment ces lieux coral ; ils ont ordinairement un paysan avec sa famille pour gouverner ce coral, qui consiste en trois ou quatre grands parcs, faits de certains pieux de l’arbre nommé monbain, lesquels étant plantés en terre prennent aussi-tôt racine, comme les saules en Europe, & de cette manière ils font des palissades, qui par succession de temps deviennent des arbres. Ils tiennent là dedans leurs porcs qui ne leur coûtent rien à nourrir ; car ils ne font des coraux qu’en des lieux où il y a quantité de toute sorte d’arbres qui rapportent de la semence toute l’année ; si bien que quand l’un finit, l’autre commence : ces arbres sont palmistes, lataniers, bignoliers, cormiers, monbains, mamainniers, abricotiers, genipayers, acomas & plusieurs autres dont ces porcs vivent ; de sorte que celui qui gouverne le coral, n’a besoin le matin que de laisser aller ces porcs, & le soir de les appeler ; ils ne manquent jamais de revenir. Quand il n’y a guère de graine, & que tous les arbres n’en fournissent pas également, ils leur donnent un peu de millet.

Il y a des Espagnols à qui ces coraux valent plus de cinq à six mille écus par an, sans faire grande dépense, mais aussi ils courent risque d’être pillés par les Corsaires, qui viennent en enlever les bêtes pour ravitailler leurs vaisseaux ; & quoique cachés au milieu des bois, ils ne laissent pas de les trouver ; car lorsqu’ils prennent quelque Espagnol, ils lui donnent la gêne pour lui faire dire où ils sont, & Les y mener. Oexmelin.