Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/VER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(8p. 337-339).
◄  VÊPRE
VERA  ►

VER. s. m. Petit animal, ou insecte rampant, qui n’a ni vertèbres ni os, qui naît dans la terre & dans les eaux, dans les animaux, dans le corps humain, dans les plantes, dans les fruits, &c. Vermis, vermiculus, lambricus. Les vers, comme les autres animaux, viennent d’un œuf.

Il y a un ver aquatique qui a toujours la tête & la queue dans l’eau, & le reste du corps sur terre. C’est pourquoi il se tient toujours sur le bord des eaux tranquilles. Voyez la description de ce ver singulier dans les Mém. de l’Acad. des Sciences, année 1714. Il y a un autre ver aquatique, qu’on appelle à queue de rat ; à cause d’une queue fort longue, eu égard à la longueur de son corps, qui n’est que de 7 ou 8 lignes. Cette queue est l’étui d’une autre encore plus longue, repliée sur elle-même, & qui entre jusque dans le corps de l’animal. Cette seconde queue est le canal de la respiration. En se tenant au fond de l’eau, il peut alonger sa queue jusqu’à la surface, de la longueur de cinq pouces, pour prendre l’air.

Il y a des vers qui s’engendrent dans les fruits. Les prunes, les framboises, les bigarreaux y sont fort sujets. On en trouve rarement dans les cerises & autres fruits acides. Il s’en engendre de même dans les grains & dans les farines. La calandre, le charançon qui ronge les blés, curculio, est une espèce de ver. il n’y a guère de plante qui n’ait son ver, sa chenille, son papillon.

Il s’engendre aussi des vers dans les corps vivans. Les enfans sont sujets aux vers. On appelle vermifuges, les remèdes qu’on emploie pour faire mourir les vers qui s’engendrent dans le corps humain, ou pour les en chasser. Il y a de petits vers dans le foie de quelques animaux, & surtout dans le foie des moutons, dont on voit la description dans le Journal des Savans de l’année 1668. Tous ces vers viennent des œufs de quelque insecte qui ont passé dans le corps, mêlés avec les alimens, ou par quelque autre voie.

M. Andry a fait un excellent Traité de la génération des vers dans le corps de l’homme : il y en a eu deux éditions à Paris, une en 1700, & l’autre en 1714. L’opinion de la plupart des Anciens étoit que les vers se produisoient de pourriture sans aucune semence : M. Andry prétend qu’ils se produisent dans la pourriture, & à l’occasion de la pourriture ; mais par le moyen de germes formés dès la création du monde, & ensuite introduits successivement dans des œufs par le moyen de la génération ; que les œufs des vers peuvent entrer dans notre corps & avec les alimens que nous prenons, & avec l’air que nous respirons : que les vers mêmes qui se produisent dans les corps morts des animaux, y étoient déjà en œufs dès le vivant de l’animal ; que des insectes qui se produisent dans les animaux, quelques-uns peuvent y être entrés avec l’humeur spermatique, qui a servi à la génération des animaux.

Les vers qui se produisent en nous, naissent ou dans les intestins, ou hors des intestins. Dans les intestins il y en a d’ordinaires, & un extraordinaire nommé tenia ruban, à cause de sa figure, ou ver solitaire. Voyez ces mots. Ceux qui naissent hors des intestins, sont de douze classes différentes, selon les lieux où ils s’engendrent. Les encéphales naissent dans la tête, les pulmonaires dans le poumon, les hépatiques dans le foie, les spléniques dans la ratte, les cardiaires dans le cœur, les péricardiaires dans le péricarde, les sanguins dans le sang, les vésiculaires dans la vessie, les helcophages se nourrissent dans les ulcères & dans les plaies, les cutanés sous la peau, les ombilicaux dans le nombril, & les vénériens dans les parties attaquées de la vérole, les rinaires ou nasicoles viennent dans le nez, les auriculaires viennent dans les oreilles, & les dentaires viennent aux dents. Les vers des intestins sont de trois sortes, les ronds & longs, les ronds & courts, & les plats. Les ronds & longs, autrement appelés strongles du mot Grec, qui signifie long & rond, s’engendrent dans les intestins grêles, & pour l’ordinaire dans le duodénum. Les longs & courts se produisent dans le rectum, & s’appellent ascarides du terme Grec, qui signifie agile & remuant, parce que ces petits vers sont dans un mouvement continuel. Le ver plat se nourrit dans le pylore de l’estomac, & se nomme tenia ou ruban. Voyez le Traité de M. Andry sur les vers qui s’engendrent dans le corps humain.

Edouard Tyson, Médecin de Londres, & Membre de la Société Royale, a fait aussi une Description des vers plats & larges qui se trouvent dans le corps de l’homme & des animaux. Elle est dans les Transactions Philosophiques d’Avril 1683. & dans le Journal de Leipsick, 1684, p. 149.

Ver à Soie, est un ver qui produit la soie, & qui est une des merveilles de la nature. Bombyx. Il se nourrit de feuilles de mûrier blanc. Il s’enferme dans une coque qu’on dévide, dont on fait la soie, au-dedans de laquelle est une fève qui devient un papillon, & qui fait une infinité d’œufs qui éclosent au printemps. Les vers à soie de la Chine sont des espèces d’araignées, en Latin ser. Le nôtre s’appelle bombyx. Il y a des vers à la Chine qui font de la cire. Un ver à soie avec ces mots, sibi vincula nectit, est la devise d’un Courtisan qui se rend esclave, & qui se fait des chaînes à soi-même aussi-bien que le ver à soie. Bouh.

Ver, se dit aussi de la cochenille, qui est une espèce de ver plat & rond comme une punaise, qui est gris quand il est sec, & qui teint en écarlate. Vermiculus Indicus, quem vocant cocinillam.

Ver luisant, est un certain ver qu’on voit particulièrement en Automne, qui est brillant la nuit comme une chandelle, λαμπυρὶς Lampyris, cicindela femina volans. En effet ; il n’y a que la femelle qui brille. Elle ressemble à peu près à une chenille. Elle a la tête petite, aplatie, pointue vers le museau ; les trompes petites, le corps plat, composé de douze anneaux ; la couleur brune avec une moucheture de blanc sur le bas du dos. La clarté qu’elle jette sort du dessous du corps vers la queue. C’est cette lumière qui guide le mâle au lieu où elle est. Le mâle n’a presque aucun rapport avec elle. C’est un scarabée aîlé, au lieu que la femelle est un insecte rampant. Son corps est oblong & plat, ses aîles courtes, sa tête large & plate, les yeux gros & noirs.

Il y a des vers luisans dans les huîtres, rouges, ou blanchâtres, longs de cinq ou six lignes, & gros comme un petit fer d’aiguillette. Ils ont 15 pieds de chaque côté, & le dos comme une anguille écorchée, & il y en a de plusieurs espèces. On l’appelle en Latin cicindela, sic dicta, quod volans candet, id est, lucet.

Au Brésil il y a un ver luisant, espèce de scarabée nommé Cucuio, & un autre à Surinam, nommé Vieteur.

Ver luisant marin, appelé aussi Scolopendre marine luisante. Nereis phosphorans, nocti luca marina, très-petit insecte, long tout au plus de deux lignes. On en voit beaucoup en tout temps, mais surtout en été, & aux approches d’une tempête, où ils sont fort lumineux. On avoit remarqué depuis bien des siècles qu’il paroissoit pendant la nuit sur la mer, principalement autour des vaisseaux, & dans les eaux bouillonnantes, une lumière qui éclairoit un espace considérable. On en ignoroit la cause. M. Vianelli, célèbre observateur Vénitien la découvrit en 1749, dans ces insectes. Il y a encore ceci de singulier ; si l’on puise de l’eau éclairée par ces vers, & si l’enfermant dans un vase, on a soin de la tenir tiède, elle luira pendant deux jours entiers, & huit heures seulement à l’air froid. Lorsqu’on touche de l’eau où il y a de ces vers, elle est aussitôt éclairée par la seule impression du mouvement que la main produit. Annon. de 1757.

Ver se dit aussi d’un insecte qui vit dans la terre, qui rampe sur la terre, qui est menu, long & sans os. Lumbricus. Il y a des vers qui n’ont point de pieds, d’autres qui en ont six, & d’autres un plus grand nombre. On fait de l’huile de vers, qui est bonne à plusieurs choses. On fait aussi une trempe d’acier qui est très-forte avec de l’huile de vers. Les Naturalistes les appellent intestina terræ. Ils sortent d’un œuf, & après ne souffrent plus aucun changement.

Ver, se dit aussi d’une certaine tigne, ou petit animal qui s’engendre dans les étoffes, ou dans les bois qui sont vieux. Le ver se met dans les tapisseries d’Auvergne, parce que les laines n’en ont pas été bien dégraissées. On met des chandelles dans le drap qu’on enferme, pour empêcher que les vers ne s’y mettent. En Latin tinea, teredo. Les vers qui se mettent dans les navires, & que les Latins nomment teredines, sont un peu plus gros que les vers à soie ; fort tendres, & luisant d’humidité. Ils ont la tête noire & fort dure, & rongent incessamment, & trouent les planches & membres d’un vaisseau. Le Journal des Savans de l’an 1668, fait mention de certains vers qui rongent des pierres. On a découvert par le microscope, qu’il sont noirs, longs d’environ deux lignes, larges de trois quarts de ligne, & enfermés dans une coque grisâtre. Ils ont trois pieds de chaque côté, qui ressemblent à ceux d’un pou, & sont proche de la tête, laquelle est fort grosse. On voit dans leur gueule quatre espèces de mandibules en croix qu’ils remuent continuellement, qu’ils ouvrent & ferment comme un compas à quatre branches. Ils ont dix yeux fort noirs & ronds. Le mortier est aussi mangé par une infinité de petits vers gros comme des mittes de fromage, qui sont noirâtres, & ont quatre pieds assez longs de chaque côté : ce qu’on ne doit point trouver étrange, puisqu’on voit des branches de corail, & les plus beaux coquillages percés de vers, & qu’on a vu même un morceau de verre vermoulu, & qu’on a tiré plusieurs vers de ses trous.

Ver de Palmier. s. m. C’est un petit animal que l’on trouve dans l’île de Mévis. Les Anglois l’appellent Palm-Worm. Il est remarquable par le nombre infini de ses pieds, qui sont comme des soies de porc sous son ventre. Lorsqu’on le poursuit, il se sauve en rempant avec une vîtesse incroyable. Il est long d’un pied & à demi couvert d’écailles noirâtres, dures, & jointes ensemble comme les tuiles d’une maison. Il a une pointe à la tête & à la queue, dont il perce les maisons. Il empoisonne tellement les plaies, qu’il fait qu’on en souffre de vives douleurs pendant vingt-quatre heures.

Ver de palmiste. Insecte qui naît dans le cœur du palmiste quand il est abattu. Voyez Palmiste. Il provient d’un scarabée de la grosseur du hanneton, noir, armé d’une trompe très-dure. Cet animal s’introduit dans l’intérieur d’un palmiste quand il est abattu, & y fait ses œufs qui éclosent en peu de temps. Il en provient des vers qui sont de la grosseur du doigt, quand ils ont acquis toute leur croissance, & longs d’environ deux pouces. Il vivent de la substance du palmiste jusqu’au temps de leur transformation où ils se changent en chrysalide. Douze ou quinze jours après, ils sortent du palmiste sous la forme de hanneton noir dont nous avons parlé.

Ces vers dans leur état de perfection, avant leur métamorphose, sont un mets friand pour les habitans de la Martinique & de la Grenade. Ils sont alors, comme nous l’avons dit, de la grosseur du doigt & de la longueur de deux pouces. La tête est noire & attachée au corps, sans paroître distinguée du cou. On ne remarque aucune distinction de parties dans le corps de cet animal, ni entrailles ni intestins. Il semble que ce ne soit qu’un peloton de graisse enveloppée d’une membrane : mais quand on l’a ouvert, & qu’on le regarde avec un microscope, ou seulement avec une loupe de verre, on distingue ses parties que leur petitesse déroboit à la vue. On les enfile dans une brochette pour les tourner devant le feu, on les saupoudre avec de la croûte de pain râpée, mêlée avec du sel, du poivre & de la muscade. Cette poudre retient toute la graisse qui s’y imbibe, & quand ils sont cuits, on les sert avec un jus d’orange ou de citron. Voyez le P. Labat. On en fait aussi des étuvées aromatiques.

On appelle ver-coquin une espèce de chenille qui ronge les seps de vigne.

On donne le même nom à une espèce de ver qui s’engendre dans la tête de certains animaux, comme les moutons, qui après leur avoir causé une violente agitation, les fait enfin mourir. On le donne encore à une sorte de ver qui s’engendre dans la tête des hommes, & leur cause des vertiges.

Il y a aussi des vers qui s’engendrent l’hiver entre la nappe & la chair des bêtes fauves, & qui se coulent le long du cou aux cerfs, aux daims ; & aux chevreuils entre le massacre & le bois, pour les ronger & leur faire mettre bas leurs têtes.

On appelle figurément ver rongeur le remords de la conscience, parce qu’il est comme un ver qui nous ronge sans celle le cœur. Vermis, vel conscientiæ stimulus. Et c’est en ce sens que l’Écriture nous parle d’un ver qui ne meurt point, & qui fera une des peines des damnés. Vermis eorum non moritur. Les choses dont ils faisoient leurs délices, deviendront pour eux un ver qui les déchirera. Saci. C’est ce qui cause cet orgueil qui fait le ver des richesses. Nic.

Ver se dit proverbialement en ces phrases. Il est nud comme un ver. Nudus ut vermis. On dit aussi figurément d’un homme dans un état abject, que c’est un misérable ver de terre. On dit aussi, qu’on l’écrasera comme un ver, pour dire, qu’il est facile de le détruire. On dit aussi, qu’un ver se recoquille, quand on le presse, pour dire, qu’il n’y a point de si petit animal qui ne cherche à se défendre. On dit aussi figurément tirer les vers du nez à quelqu’un, pour dire, le faire parler pour savoir son secret, sa pensée.

VER. s. m. Nom d’homme. Verus. Baronius, en ses Notes sur le Martyrologe Romain au premier Août, dit qu’il y a eu à Vienne trois Évêques de ce nom ; l’un à qui le Pape Pie adresse des Lettres ; l’autre qui assista au second Concile d’Arles, sous Constantin, le troisième à qui S. Grégoire écrivit diverses Lettres. Mais personne ne révoque en doute que ces Lettres de Pie ne soient supposées ; & tout le monde sait que c’est le premier, & non le second Concile d’Arles, qui a été tenu sous Constantin, & qu’on ne trouve aucune Lettre adressée à un Ver de Vienne dans tout le Registre de S. Grégoire. Aussi toutes les anciennes listes ne reconnoissent que deux Evêquesde Vienne du nom de Verus. Le premier de ces deux ne peut être que celui qui étant accompagné de Bede l’Exorciste, alla à Vienne au premier Concile d’Arles, comme il est marqué aux Actes de ce Concile, tenu en 314. L’autre est celui que le Martyrologe Romain marque au 13 de Janvier, & que le Roi Childebert d’Austrasie choisit entre les Sénateurs, dit S. Grégoire de Tours, pour successeur d’Avance. Le culte de ce dernier est le plus ancien ; car il est le seul qu’Adon nomme Saint. L’Église de Vienne fait à présent mémoire des deux ; du premier, le premier Août ; du second, le 13e janvier. Voyez les Notes de M. Chasselain sur ce jour.

VER. Vieux s. m. Mot purement Latin, dont nos Ancêtres se servoient. Printemps. Ver, verna tempestas.

Ce fut après la Pâque que Ver vet à déclin.

R. D’Aïe d’Avignon.

Ver. adj. m. Vieux mot. Grand. Magnus de Vernervéto, c’est-à-dire, ville, & Vernetum, Temple. Borel.

Ver. Menu ver. Vieux mot. Vair de Armoiries vient delà. R. de la Rose.

Où mantiau n’est pas penne vère.

C’est-à-dire, Au manteau n’y avoit pas de drap vair. Borel.

De menu ver donc & de saines
Des croupes & des toutes vaines,
Et un beau manteau de regnards. Pathelin.