Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/001-010


Fascicules du tome 1

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 001 à 010

pages 011 à 020


DICTIONNAIRE
UNIVERSEL,
CONTENANT TOUS LES MOTS
DE LA
LANGUE FRANCOISE,
DES SCIENCES ET DES ARTS,
Avec les Termes Latins qui peuvent y convenir.


A


A EST le caractère ou la figure de la première lettre de l’Alphabet François ; c’est aussi la première des cinq voyelles.

Ce caractère peut être considéré ou comme lettre, ou comme mot.

☞ A, pris comme lettre, est le signe du son a : pour le prononcer, il ne faut qu’ouvrir la bouche & pousser l’air des poumons.

Covarruvias & quelques Auteurs ont avancé une absurdité, lorsqu’ils ont dit que les enfans mâles, en venant au monde, font entendre le son de l’a, première voyelle du mot Adam, & les filles le son de l’e, première voyelle du mot Eve. Les enfans, en venant au monde, font entendre différens sons, selon qu’ils ouvrent plus ou moins la bouche.

Le caractère ou la figure dont nous nous servons pour représenter le son a, nous vient de l’alpha des Grecs. Les Latins & les autres peuples de l’Europe ont imité les Grecs dans la forme qu’ils ont donnée à cette lettre.

On dit un grand A, un petit a ; ainsi la dénomination de ce caractère ou de cette lettre est un substantif du genre masculin, aussi-bien que les autres voyelles de notre Alphabet.

Le son de l’a est long en certains mots, & bref en d’autres. Il est long dans grâce, & bref dans place : il est long dans mâtin, gros chien, & bref dans matin, première partie du jour. Aujourd’hui on met un accent circonflexe sur l’a long au lieu de l’s, qu’on écrivoit autrefois après cet a, comme âpre au lieu d’aspre. On ne met point d’accent sur l’a bref ou commun.

Quoique a soit un nom substantif, il ne souffre point d’s après lui, quand il est au pluriel. On écrit plusieurs a, & non plusieurs as.

Il y a certains a qu’on étoit autrefois averti de prononcer longs par une réduplication, comme aage. On y a substitué, ainsi qu’à l’s, un accent circonflexe, âge.

A devant e, avec lequel il fait une diphthongue, n’a point de son, & ne se fait point sentir, comme dans le mot Æole, Æaque, Æther, &c. On prononce Eole, Eaque, Ether. On trouve dans les meilleurs auteurs Æole & Eole, Æther & Ether ; cependant on lit dans le Dictionnaire de l’Académie françoise Ether, & cette orthographe paroît la plus suivie. A l’égard des mots qui dérivent du latin, l’usage semble avoir établi pour régle générale d’en bannir la lettre a : on écrit Cæsar en latin, César en François ; Æstas, Été ; æstimare, estimer, &c. Quand le son de l’a ne doit point se confondre avec celui de l’e, cette dernière lettre doit être marquée de deux points, ce qu’on appelle ë tréma, comme dans Aërien. A l’égard des mots dans lesquels a est suivi de l’y, lorsque cette dernière lettre n’est pas employée pour raison d’Etymologie, comme dans pays, paysan, elle vaut deux ii, dont le premier se joint à l’a pour produire le son , & le second conserve la prononciation naturelle i ; ce qui forme pé i san, comme s’il y avoit pai i san. Voy. I & Y.

A devant i avec lequel il forme une diphthongue, a différens sons ; quelquefois il se prononce comme un e ouvert, par exemple, dans maison, &c… quelquefois il se prononce comme un e muet, par exemple, dans faisois, & les autres personnes du même temps, faisant, &c. prononcez fesois, fesant.

A devant o ou devant e, & ne faisant qu’une même syllabe avec l’o ou l’e & la consonne qui suit, conserve le son qui lui est propre, & absorbe celui de l’o & de l’e : Exemples, Faon, Laon, Paon, Caen ; prononcez Fan, Lan, Pan, Can.

A devant u se prononce presque comme o : exemple, auteur, autorise, authentique. Dans la dernière syllabe d’un mot cet au, suivi d’une consonne, se prononce souvent comme un o long, animaux, chevaux, badaut, saut, haut, &c.

On a fait quelques usages de la lettre a, qu’il est utile d’observer.

A Dans les anciens monumens : cette lettre seule avec un point, A. est pour Aulus, Aula, Augustus ou Augusta, noms propres ; pour Augustalis, impérial ; annus, année ; argentum, aurum, argent, or ; ager, champ ; amicus, amica, ami, amie ; anima, ame ; album, registre ; æs, monnoie, argent ; ærarium, trésor public ; ædes, temple, maison ; ædilis, ædilitas, édile, édilité.

Cette lettre doublée AA est pour Augusti, deux Augustes ; Augustales de la maison de l’empereur. Cette lettre triplée AAA, pour tres Augusti, trois Augustes, ou enfin pour aurum, argentum & æs, or, argent, airain ou monnoie.

A seul ou avec une l après le mot miles, de cette manière, miles A ou miles Al, signifie miles alæ, soldat d’une des ailes de l’armée.

☞ A étoit une lettre numérale chez les Grecs & les Romains. Chez les premiers, A ne marquoit qu’une unité ; chez les seconds, il marquoit cinq cens. Si cette lettre, étoit surmontée d’une ligne droite, de cette façon Ā, elle signifioit cinq mille.

☞ A chez les Romains étoit un signe d’absolution. Quand il s’agissoit d’un jugement pour condamner quelqu’un ou le renvoyer absous, on distribuoit à chaque magistrat ou à chaque opinant trois bulletins, dont l’un portoit un A qui vouloit dire absolvo, j’absous ; l’autre un C qui marquoit condemno, je condamne ; & sur le troisième, il y avoit une N & une L ; ce qui signifioit non liquet, c’est-à-dire, le fait ou le crime en question ne me paroît pas évident.

☞ A signifioit encore, chez les Romains, antiquo, c’est-à-dire, je rejette la loi qui a été proposée. Lorsque dans les assemblées du peuple on proposoit une loi, ceux qui opinoient à la rejetter, se servoient d’un bulletin marqué A, c’est-à-dire antiquo ; & ceux qui approuvoient la loi, se servoient d’un bulletin marqué UR qui signifioit utì rogas, comme vous demandez.

☞ A dans le Calendrier Julien, est la première des sept lettres dominicales. Les Romains s’en étoient servi bien avant le temps de Notre-Seigneur. Cette lettre étoit la première des huit lettres nundinales, & ce fut d’après cet usage qu’on introduisit les lettres dominicales.

☞ A dans les écrivains modernes, veut dire l’an, comme A. D. anno Domini, l’an de Notre-Seigneur.

☞ A (un grand) au revers des médailles antiques, est la marque de la monnoie d’Argos.

☞ A est la marque de la monnoie de Paris. AA est la marque de la monnoie de la ville de Metz.

☞ A dans les régles scholastiques du syllogisme, désigne une proposition générale affirmative : asserit A.… verùm generaliter ; A affirme, mais généralement, disent les logiciens.

☞ A, ã ou ãã. Abréviation dont on se sert en médecine pour ana, c’est-à-dire, pour désigner une égale quantité des différens ingrédiens énoncés dans une formule : par exemple, prenez d’eau de lis & de syrop capillaire ãã une once, c’est-à-dire, de chacun une once.

☞ AAA chez les chimistes, signifie une amalgame, ou l’opération d’amalgamer.

☞ A dans le commerce. A mis seul, après avoir parlé d’une lettre de change, signifie accepté. A. S. P. accepté sous protêt. A. S. P. C. accepté sous protêt, pour mettre à compte. A. P. à protester.

On dit de quelqu’un qui n’a rien fait, rien écrit, qu’il n’a pas fait une panse d’a ; pour dire, qu’il n’a pas fait la moitié d’une lettre. Panse signifie ici ventre, partie de la lettre qui avance.

On dit dans la conversation familière, il ne sait ni A ni B, c’est-à-dire proprement, il ne sait pas lire, & au figuré, il est fort ignorant.

Ci-dessous gît M. l’Abbé
Qui ne savoit ni A ni B.
Dieu nous en doit bientôt un autre
Qui sache au moins sa patenôtre. Menag.


☞ A, considéré comme mot, est la troisième personne du présent de l’indicatif du verbe avoir, & alors on ne doit le marquer d’aucun accent. Il a peur, il a honte. On l’emploie avec le supin des verbes : elle a entendu, elle a vu, à l’imitation des Latins, habeo persuasum.

Dans cette façon de parler, il y a, a est verbe : il qui lui sert de nominatif, est un de ces termes abstraits, que l’on a été obligé d’établir pour donner à l’activité continuelle de l’imagination un objet feint, quand on n’en a pas de réel à lui présenter. Ainsi, quand vous ignorez l’auteur d’un bruit qui se répand, ou d’une action qui s’est passée, vous dites : On dit telle chose, on a abattu cette maison. On est ici un mot qui exprime un être fantastique qui suffit à l’imagination pour lui représenter une personne qui parle ou qui a agi. Dans la façon de parler il y a, le mot il est un de ces termes vagues dont on vient de parler, & sert de nominatif au verbe a. Ainsi au lieu de dire des hommes sont qui, comme on le dit, par exemple, en latin sunt homines qui ; la langue Françoise a établi un être vague désigné par le mot il qui offre à l’imagination un sujet quelconque qui possede, qui a les hommes dont on veut parler ; & le mot y, placé entre ce verbe & son nominatif, désigne le lieu, le point où existe la chose possédée par cet être qu’indique le mot il. Ainsi cette phrase, il y a des hommes qui, analysée, signifie qu’un être métaphysique, que l’on appelle il, possede dans un lieu quelconque des hommes qui, &c.

On désigne souvent le lieu où est cette chose possédée, en ajoutant nommément la dénomination de ce lieu, sans néanmoins retrancher l’y qui devient alors inutile, il y a, dans Paris, des hommes qui, &c.

Si l’on a osé créer un être purement imaginaire pour lui attribuer une possession, on a pu faire la même chose en faveur des êtres moraux : ainsi on a dit, la vertu a de grands avantages, le vice a des suites fâcheuses.

☞ A, pris comme mot, est aussi une préposition, & on doit le marquer avec un accent grave, à. Cette préposition vient du latin à, à dextris, & plus souvent encore de la préposition latine ad, loqui ad.

Il faut remarquer que à, considéré comme mot, n’est jamais que la troisième personne du présent de l’indicatif du verbe avoir, ou une simple préposition. On ne doit jamais le regarder comme adverbe, quoiqu’en aient dit plusieurs Grammairiens. Tout adverbe est un mot qui en contient deux ; savoir une préposition & son complément ; c’est-à-dire, le nom relatif à cette préposition, & qui en détermine le sens : ainsi sagement est un adverbe, parce qu’il signifie la même chose que, avec sagesse. Y est un adverbe : J’y suis ; c’est comme si l’on disoit, je suis dans tel lieu. Or jamais à n’est dans le cas de pouvoir être ainsi converti en une préposition & un nom qui signifient la même chose ; & pour peu que l’on fasse attention à sa juste valeur, dans toutes les circonstances où il se rencontre, on trouvera toujours qu’il est ou la troisième personne du verbe avoir, ou qu’il est une préposition précédant un nom.

C’est encore à tort que l’on a regardé à comme une particule qui n’a, dans certaines circonstances, d’autre propriété que de marquer le datif. La langue Françoise n’a ni déclinaisons ni cas. Ce qu’on appelle datif, dans les langues qui, comme la latine & quelques autres, ont marqué par différentes terminaisons, les différentes circonstances où un nom peut se rencontrer, n’est autre chose que l’expression d’un rapport d’attribution par lequel une chose ou une action se termine à une autre comme à sa fin, à son objet. Les bons conseils sont nécessaires à un jeune homme. La nécessité des bons conseils est une chose dont l’existence a pour fin, pour objet, un jeune homme pris génériquement. A dans cette phrase & autres semblables, est donc une vraie préposition qui indique ce rapport, & qui n’a point d’autre fonction que cette indication.

Au reste l’usage de cette préposition pour indiquer ces sortes de rapports, est tellement naturelle, que les langues mêmes qui ont une terminaison uniquement destinée pour les marquer, ne laissent pas de négliger quelquefois cette terminaison, pour avoir recours à la préposition. On dit en latin quod attinet ad me, loqui ad illum, ou illi.

On peut assurer que le rapport exprimé par a, & auquel répond le datif des langues où ce cas est en usage, est la vraie signification de cette préposition. Mais comme on l’a employée dans beaucoup d’autres circonstances, dont le détail seroit immense, il est nécessaire d’établir des régles fixes & générales, & à cet effet de remonter aux principes.

Toute préposition est placée entre deux termes qu’elle joint, & entre lesquels elle marque une relation. Je suis avec vous. Avec annonce que le rapport qu’il y a entre mon existence & la vôtre, est qu’elles se rencontrent dans le même lieu ou dans le même temps. Un bon pere travaille pour ses enfans. Pour déclare que le travail d’un bon pere se rapporte à ses enfans, & qu’ils en sont l’objet, &c.

La nature du rapport marqué par la préposition se connoît, ou par la signification naturelle & primitive de cette préposition, ou par la signification des mots qu’elle unit & qu’elle rend corrélatifs. Ainsi, je suis avec vous, la préposition avec indique par elle-même la relation qu’elle établit entre votre existence & la mienne : sa signification naturelle est de marquer l’assemblage de deux ou de plusieurs choses, soit dans un même lieu, soit dans un même espace de temps.

Souvent aussi les prépositions s’écartent de leur sens propre, & varient dans leurs significations, suivant les circonstances, & la signification des termes qu’elles unissent. C’est alors à l’auditeur ou au lecteur à découvrir le sens que celui qui parle ou qui écrit, a voulu attacher à la préposition qu’il emploie, & qui est indiqué par la signification des deux termes. Ainsi je m’approche de la chose dont la proximité m’est utile ou agréable, & je m’éloigne de celle dont le voisinage m’est nuisible ou désagréable. La préposition de, dans ces deux phrases, marque deux rapports opposés : dans la première, elle marque un rapport de proximité, suffisamment désigné par le verbe je m’approche qui la précéde ; & dans le second, elle annonce un rapport d’éloignement, qui lui est assigné par le verbe je m’éloigne. On pourroit donner un exemple pareil sur le plus grand nombre des prépositions.

Si quelques-uns de nos Grammairiens s’étoient donné la peine d’étudier ce principe, ils se seroient épargné bien des recherches & des distinctions métaphysiques, fausses pour la plupart & toutes inutiles. Ils n’auroient point dit que la préposition à indique un rapport de cause mouvante, comme dans moulin à vent, arme à feu ; un rapport d’effet, comme dans moulin à papier ; un rapport d’instrument, comme dans aiguille à coudre ; un rapport de situation, comme dans cette phrase, Paris est à deux lieues de S. Denis ; un rapport d’époque, comme le déluge est à 1600 ans de la création du monde, &c. &c. Quoique ces rapports, dont l’énumération exacte est impossible, se trouvent entre les mots qui sont joints par la préposition à, elle n’est point destinée à les marquer, & si elle le fait, ce n’est que par accident, par extension & par un abus autorisé par l’usage.

Ce n’est donc point par ces détails minutieux & arbitraires, qu’un Grammairien doit chercher à faire connoître la destination de la préposition à. Il doit d’abord établir sa signification primitive, qui consiste à marquer que l’un des deux termes qu’elle joint, est l’objet, le but, la destination, le pourquoi de l’autre. La préposition à est prise dans son sens naturel en ces phrases. Aller à Lyon : à marque que celui qui fait l’action de se transporter, a la ville de Lyon pour terme de sa démarche. Un instrument propre à cultiver la terre. La propriété de l’instrument dont il s’agit, a pour objet la culture de la terre, &c. & pour peu que l’on y réfléchisse, on trouvera que cette préposition conserve cette signification dans la plûpart des circonstances où elle se rencontre.

C’est ce qu’on va tâcher de faire connoître, en parcourant les différentes positions dans lesquelles la préposition à peut se trouver.

A après un nom substantif.

Air à chanter, est un air destiné à être chanté, plutôt qu’à être joué sur un instrument. Billet à ordre, est un billet fait pour être acquitté, quand celui à qui le créancier l’a transmis, l’ordonnera. Chaise à deux ; chaise faite pour contenir deux personnes. Doute à éclaircir ; doute qui, par l’importance de la chose qui en est l’objet, doit être éclairci, est destiné pour être éclairci. Entreprise à exécuter ; Entreprise que son importance destine à l’exécution. Grenier à sel, c’est-à-dire, destiné à contenir du sel. Habit à la mode, c’est-à-dire, conforme à la mode, dont la couleur ou la façon, &c. sont conformes au goût dominant. Plaine à perte de vue ; plaine dont l’étendue est cause que ses limites échappent à la vue, &c. &c.

A après un adjectif.

Agréable à la vue, chose dont les agrémens sont destinés à flatter la vue. Bon à prendre & à laisser, chose dont la bonté est telle qu’elle n’est pas plus destinée à être prise, qu’à être laissée. Délicieux à manger, c’est-à-dire, qui flatte beaucoup le goût, &c.

A après un verbe.

Un ou deux exemples suffisent pour faire voir que l’action ou la façon d’être, exprimée par un verbe suivi de la préposition à, a presque toujours pour objet ou pour but le sujet qui est après. S’abandonner à ses passions. Les hommes n’aiment point à admirer les autres, ils cherchent eux-mêmes à être goûtés & à être applaudis. La Bruyere. Demander à boire, être à Paris. Dans ces deux derniers exemples, l’action que l’on fait de demander, a pour objet celle de boire ; & l’existence de la chose dont on parle, a Paris pour objet, pour terme. Il en est de même de cette autre phrase, Il est à cent lieues.

A avant une autre préposition.

A se trouve quelquefois avant la préposition de, comme en ces exemples.

 
Allez, en lui jurant que votre ame l’adore,
A de nouveaux mépris l’encourager encore.

Racine.

 
A de moindres fureurs je n’ai pas dû m’attendre.

Idem.

On sent que dans le premier exemple, les mépris sont la cause, le but de l’action que l’on va faire, & cette action est celle d’encourager. Il en est de même des fureurs du second exemple ; elles sont l’objet de l’espérance exprimée par le verbe m’attendre. La préposition, à dans ces façons de parler, conserve donc encore sa signification primordiale.

A l’égard de la préposition de, on expliquera en son lieu, quelle en est la signification dans ces sortes de phrases.

A après des adverbes.

On n’emploie la préposition à après un adverbe, que dans le cas où l’adverbe marque quelque relation, & alors la préposition à sert à indiquer le corrélatif : ainsi on dit conséquemment à, relativement à, &c.

Telles sont les principales occasions où la préposition à se rencontre ; & l’on voit qu’elle y conserve sa signification naturelle. Il en est d’autres cependant où, comme toutes les prépositions, elle perd sa véritable signification, pour en prendre une qui lui est étrangère, mais qu’il est toujours facile de sentir : par exemple, une chose faite à la main. Il est clair que à prend ici la signification de avec. Elle signifie quelquefois après, comme dans ces expressions, arracher brin à brin ; pas à pas, &c.

☞ A, (la préposition) se rencontre encore dans des façons de parler adverbiales, ou qui équivalent à des prépositions, soit de la langue latine, soit d’une autre langue. A toujours, à l’encontre, tour à tour, à pleines mains, à fur & à mesure, à la fin : Suivre à la piste, à cause, &c.

Ce que nous avons dit sur les différentes circonstances où la préposition à peut se rencontrer, suffit, ce semble, pour décider, par analogie, les difficultés qui peuvent se rencontrer à l’occasion de ce mot.

La préposition au est un composé de la préposition à, & signifie la même chose. Les cas où l’on doit se servir de l’un ou de l’autre, s’établissent par une régle fort simple. A ne s’emploie que dans trois cas : devant un nom sans article : Rendez à César ce qui est à César. Quand le nom suivant commence par une voyelle, & est précédé de l’article masculin le, dont l’e fait élision avec cette voyelle qui commence le mot suivant, ou avec l’h non aspirée. Le soumettre à l’amour. Etre sensible à l’honneur. Enfin quand à précéde l’article feminin ; marcher à la gloire, se rendre à la raison, &c.

Hors ces trois cas, on se sert de au pour le singulier, & cet au équivaut à ces deux mots à le : ainsi quand on dit : être sensible au bien, c’est comme si l’on disoit à le bien. Pour le pluriel, on ajoute un x ; ce qui forme aux qui équivaut aux deux mots à les : aux hommes, à les hommes ; aux femmes, à les femmes.

☞ A comme préposition, entre aussi dans la composition des mots, dont elle forme la première syllabe. Il n’est pas possible de fixer la signification qu’elle prend alors : elle varie suivant les circonstances & la valeur du mot auquel elle est ajoutée ; tout ce qu’on peut dire, c’est qu’elle sert ou à donner plus d’énergie, ou à présenter le simple sous un point de vue différent de celui sous lequel on l’envisage naturellement. Croître, accroître, donner, s’adonner, grandir, agrandir, paroître, apparoître, tirer, attirer : il y a même des composés qui sont restés seuls en usage, & qui ont totalement fait disparoître le simple ; comme accabler, affubler, aguerrir, &c. On double dans quelques mots, la consonne qui suit a, accréditer, afficher, &c.

☞ A. s. m. Petite rivière de France, qui a sa source près de Fontaine en Sologne. Assez près de sa source elle forme une petite île qui a la figure d’un A. On l’appelle aussi Connon ou Baignon.

☞ AA. s. m. Agnio. Rivière de France qui prend sa source dans le Boulonnois, & se jette dans la mer d’Allemagne, un peu au-dessous de Gravelines. Par arrêt du conseil de 1753, le Roi ordonne l’exécution du projet de la jonction de la rivière de Lys avec celle de AA, entre Aire & S. Omer.

Il y a trois rivières de ce nom dans les Pays-Bas, trois en Suisse, & cinq en Westphalie. Ce nom est originairement Grec : Ἄα, dans Hesychius, signifie amas d’eau. D’Ἄα s’est fait Ἄϰα en ajoutant un Κ, de même que de σπέος s’est formé specus. D’Ἄϰα est venu le mot latin aqua, d’où s’est formé en François d’abord aque, ensuite Aigue qui nous restent encore l’un & l’autre dans quelques noms propres, comme Aigues, nom de plusieurs villes de Gascogne ; Aigues-belles, Aigues-caudes, Aigues-mortes, Aigues-perses, &c. De-là enfin le mot eau en usage aujourd’hui.

AA, ou AAS. s. autrement fontaine des Arquebuzades. C’est une source d’eau vive dans le Béarn, laquelle est excellente pour la guérison des coups de feu. Davity.

AACH. Bourg de Souabe, dans le Comté de Nellenbourg, au nord de Schafouse. Ache, Achum.

☞ AACH. s. f. Rivière dans le Comté de Nellenbourg dans la Souabe. Elle a sa source auprès du Bourg du même nom.

☞ AADA. s. f. Rivière qui prend sa source dans le pays des Grisons. Davity.

☞ AADE ou AA. s. f. Petite rivière du Brabant Hollandois. Elle a sa source dans le Comté de Horn, & se perd dans le Dommel à Bois-le-Duc.

☞ AAHUM. s. m. terme de relation. Titre des sept grands officiers du royaume de Siam, & le troisième en ordre : c’est le Généralissime de terre & de mer. Choisy.

AAHUS. Aahusum. Ville de l’Évêché de Munster. Ce nom vient d’Aa, petite rivière de Westphalie, sur laquelle cette ville est située, & de Haus, qui en Allemand signifie maison. Cette ville apparemment a commencé par quelques maisons bâties sur l’Aa.

AALBOURG, AALBURG
  & ALBORG.
Voyez Albourg.

AAM ou HAAM. s. m. Mesure des liquides, dont on se sert à Amsterdam : elle contient 128 mingles.

AAR, ou AHR. s. Aara, Abrinca. Rivière d’Allemagne, qui a sa source dans l’Eiffel, traverse une partie du Diocèse de Cologne & du Duché de Juliers, & se décharge dans le Rhin, près de Lintz. Maty, 1712.

AAR, Arula ou Arola & non pas Arosa, comme on a imprimé dans Maty. en 1712. Rivière considérable de Suisse, qui prend sa source dans le canton de Berne au mont Grimsel, traverse les lacs de Brientz & de Thun, passe à Berne & à Soleure, & se jette dans le Rhin au-dessous de Coblens. Il y a vingt-neuf ponts sur cette rivière qui est fort commerçante.

Ce nom pourroit être Celtique, qui viendroit de l’Hébreu נהר, Near, qui signifie fleuve. C’étoit assez la coutume des anciens peuples d’appeller leurs rivières simplement du nom de fleuve. Ainsi Nilus, le Nil, vient de נהל ; & souvent le Nil & l’Euphrate, dans l’Ecriture sont désignés par le nom appellatif נהל, near, fleuve.

Il y a aussi une île de Dannemarck dépendante de celle de Funen, qui porte le nom d’Aar, Corn.

☞ AAR. Île de la mer Baltique, entre les îles de Funes, de Langerland, & d’Alsen.

☞ AARACK. Ville de Perse, & l’une des principales de l’Hircanie. Corn. & du Val.

AARASSO. Nom de lieu. Aarassus. Il est dans le district du Beglierbey de la Natolie propre. C’étoit autrefois une ville ; ce n’est plus qu’un village situé sur la mer Méditerranée, à quelques lieues du golfe de Satalie.

AARAW. Voyez Araw.

AARBERG. Petite ville du canton de Berne en Suisse. Arberga. Elle est dans une île de la rivière d’Aar, entre Berne & Diemer.

AARBOURG. Petite ville de Suisse. Arburgum. Elle est au confluent de l’Aar & du Wiger, & dépend du canton de Berne. Aarbourg est considérable par ses foires & son commerce.

AARBRER. v. n. Terme ancien qui n’est plus en usage. Ce mot se trouve dans le Roman de Perceval, & veut dire se cabrer. Efferre se, erigere se, pectus arrigere.

AARDALFFIOERD. s. m. Golfe de l’Océan septentrional. Sinus Aardalius. Ce golfe est sur les côtes du gouvernement de Bergen en Norvége, près de la ville de Stavanger. On le nomme aussi Bulen-Fioerd.

AARHUS. Voyez Arhus.

AARON. s. m. Aaron. On prononce, & l’on pourroit écrire Aron. C’est le nom d’un Patriarche, fils d’Amram & de Jocabeb. Il étoit frere de Moyse, plus âgé que lui de trois ans. Il fut le premier grand-Prêtre du peuple de Dieu. Aaron signifie Montagne, à ce que l’on croit communément, ou plutôt Montagnard. D’autres l’interprétent Enseignant, ou Concevant. Conception seroit mieux. C’est l’étymologie la plus vraisemblable.

AARWANGEN. Voyez Arwangen.

AAS. Forteresse du gouvernement d’Aggerhus en Norvége. Aasa. Elle est à l’extrémité de la presqu’île méridionale de Norvége, & elle a un bon port à l’embouchure de la rivière de Lindels. Maty.

AAVORA. s. m. Fruit gros comme un œuf de poule, qui croît avec plusieurs autres en forme de bouquets enfermés ensemble dans une grande gousse attachée à une espèce de palmier fort haut & épineux, qui croît aux Indes Occidentales & en Afrique. Sa chair renferme un noyau très-dur, osseux, gros comme un noyau de pêche, ayant à sa superficie trois trous aux côtés, & deux plus petits proches l’un de l’autre. Ce noyau renferme une belle amande blanche qui est astringente, & bonne pour arrêter le cours de ventre.

☞ AB. s. m. Cinquième mois de l’année Ecclésiastique des Hébreux, & l’onzième de leur année civile, & qui répond à une partie de notre mois de Juillet, & au commencement du mois d’Août.

Ab, en Langue Syriaque, le dernier mois de l’Été. C’est le même nom & le même mois que celui dont il est parlé dans l’article précédent. Il ne faut pas confondre ce mois avec un autre nommé Abib, qui répond à notre mois de Mars. Celui-ci étoit un mois des anciens Hébreux, & se trouve dans l’Écriture, au lieu que Ab ne se trouve que dans le Thalmud & dans les Rabbins.

ABA. Aba ou Abæ, ville de la Phocide que les Abantes y bâtirent, & qu’ils nommerent du nom d’Abas leur Chef, sous la conduite duquel ils étoient sortis de Thrace. Quelques-uns disent que c’est cette Aba, & non pas Abée, qui fut ruinée par Xerxès. Je ne sai sur quoi fondé M. Corneille l’appelle Abée.

Étienne le Géographe met encore une autre Aba dans la Carie, & Ptolomée, une autre dans l’Arabie, au 86e degré 30 minutes de longitude, & au 30e de latitude.

Étienne place encore une ville de ce nom dans l’Italie. Ptolomée la nomme Ἤβα par un changement ordinaire dans le dialecte Ionien, qui met l’η à la place de l’a long.

C’est aussi le nom d’une montagne d’Arménie, d’où sortent l’Euphrate & l’Araxe, & qui fait partie du Mont Taurus. Les Géorgiens l’appellent Caicol.

ABA, ou Anba, Pere ; titre que les Églises Sytiaques, Cophtes & Éthiopiennes donnent à leurs Évêques. Au reste il faut dire Abba.

ABAB. s. m. Terme de Relation. Nom que l’on donne à de jeunes paysans forts & vigoureux, que les Turcs levent en quelques provinces de leur empire, quand ils manquent d’esclaves pour aller sur mer. Rusticus ad remigandum delectus. De vingt maisons on prend un Abab, & les dix-neuf autres lui donnent vingt mille âpres, qui font 500 francs de notre monnoie, pour faire son voyage. Voyez l’Interprête de la Porte.

☞ ABABA. Nom moderne du Penée, rivière de Grece dans la Thessalie.

ABABIL, ou ABABILO. s. m. Oiseau inconnu, ou plutôt fabuleux, dont parle Samuel Bochatt, Hieroz. Part. poster. l. 6. c. 14. Un Auteur Mahométan a écrit que l’année que naquit Mahomet, Dieu envoya ces oiseaux contre les Abissins qui alloient assiéger la Mecque.

AB ABRUPTO. Terme Latin, qui s’est francisé. Il signifie sur le champ, sans préparation. Il a parlé ab abrupto, ou ex abrupto, c’est-à-dire, sur le champ.

☞ ABACA. Île de l’Asie, une des Philippines : elle est à 145 degrés 13 minutes de longitude, & à 10 degrés 35 minutes de latitude.

ABACA. s. m. Espèce de lin ou de chanvre que l’on recueille dans quelques-unes des Îles Manilles. Il y en a de deux sortes, le blanc & le gris. Cette plante est une sorte de Platane des Indes.

ABACARE. s. m. & f. Abacar, is : ou Abacarus, a, um. Peuple de l’Amérique méridionale, qui habite le long de la rivière de Cayenne, au septentrion des sources du Paraguay, dans un pays qui n’est pas encore bien connu des Européens. Maty.

☞ ABACE, ABÉCE. Vieux mot, du Latin Abacus. Voyez Abaque.

☞ ABACH, ou ABBACH. Abacum ; petite ville d’Allemagne, dans la basse Bavière, est de la régence de Straubing & sur le Danube. Il y a des eaux minérales fort renommées. On croit que c’est l’ancien château d’Abaude, Abadiæcum, où naquit l’Empereur Henri II.

ABACHER. s. m. & nom d’homme. Abbacyrus. Ce nom est moitié Syriac & moitié Grec, composé d’Aba, Pere, Abbé, & du nom propre Grec, & signifie l’Abbé Cyrus. On n’en fait qu’un mot. Abbacyrus, dont les Cophtes ont fait S. Abacher, & les Italiens, S. Appassara. Chastel. 5. Janv.

ABACO. s. m. Abacus. Ce mot se trouve dans Rouillard, pour signifier l’Arithmétique. Les Italiens disent aussi Abaco, pour exprimer la même chose. C’étoit une petite table polie, sur laquelle les Anciens traçoient des figures, ou des nombres. Elle servoit à apprendre les principes de l’Arithmétique. Ils l’appelloient Table de Pythagore.

ABACOA. Île de l’Amérique méridionale. Abacoa. C’est une des Lucayes. Elle est dans la mer du nord au midi de la Lucayonnéque.

ABACOT. s. m. Ornement de tête que portoient anciennement les Rois d’Angleterre. Il avoit la forme de deux couronnes par en haut. Harris.

ABADA. s. m. Animal farouche du pays de Benguela, dans la basse Éthiopie. Il ressemble à un cheval par la tête & par le crin. Il est un peu moins grand. Il a la queue d’un bœuf, excepté qu’elle est moins longue. Ses pieds sont fendus comme ceux du cerf, & plus gros. Il a deux cornes, l’une sur le front, & l’autre sur la nuque. Les Négres tuent ces animaux à coups de flêche, pour en prendre la corne, qu’ils regardent comme un spécifique contre le poison. On prend cet animal pour le Rhinocéros.

☞ ABADAN ou ABBADAN. ville d’Asie dans l’Iraque Babylonienne, sur le Golfe Persique, à l’embouchure du Tigre, 84 degrés longitud. 29 degrés 20 minutes latitud. septentrion.

ABADDON. s. m. C’est dans l’Apocalypse, c. 9. v. 11. le nom du Roi des Sauterelles. S. Jean explique lui-même ce qu’il signifie. Elles avoient pour Roi l’Ange de l’Abyme, qui s’appelle en Hébreu Abbadon, en Grec Appollyon (ἀπολλύων) & en Latin Exterminans. Tous ces mots signifient la même chose, chacun dans sa langue ; & Abaddon vient de אבד, Abad, perdre, exterminer.

ABADIR, ou ABADDIR ; car Priscien, qui nous a conservé ce nom, dit l’un & l’autre, & même ABDIR, selon la remarque de Vossius, De Theol. Gent. L. VI. C. 39. terme de Mythologie. C’est le nom d’une pierre que Saturne dévora. Car, soit que son frere Titanus ne lui eût cédé l’empire du monde, qu’à condition qu’il n’éleveroit point d’enfant mâle, soit que les destinées portassent qu’il seroit un jour détrôné par un de ses enfans, il les faisoit tous périr dès qu’ils étoient nés. Enfin Cybele, ou Ops sa femme le trompa, & lui fit avaler cette pierre, au lieu de l’enfant dont elle étoit accouchée. Vossius prétend que ce mot vient de Βαιθὶλ, Béthel ; car il faut remarquer que les Grecs appellent Βαίσυλος la pierre que Saturne dévora, au lieu de l’enfant que Rhée avoit mis au monde. Or on sait d’où vient ce mot Béthel, & ce qu’en dit Moyse dans la Genèse, XXVIII. 10. & suiv. Jacob allant en Mésopotamie, s’arrêta un jour près de Luza, ville des Chananéens, pour y reposer & pour y passer la nuit. Pendant son sommeil, il vit en songe l’échelle mystérieuse, & le lendemain comprenant qu’il étoit dans un lieu saint, il prit la pierre qui lui avoit servi d’oreiller, & l’érigea en monument, en y répandant de l’huile, & appella la ville voisine Béthel, c’est-à-dire, Maison de Dieu. Vossius, après avoir dit que cette pierre avoit été en si grande vénération chez les Payens, que quelques-uns lui avoient rendu les honneurs divins : ce qui fit que ce lieu qui s’appelloit Béthel auparavant, fut nommé depuis Béthave, Maison de mensonge, par les vrais Israëlites, qui eurent ce culte idolâtrique en horreur : Vossius, dis-je, observe que la connoissance confuse que les Payens eurent de cette pierre & de l’histoire de Jacob, leur fit dire que c’étoit cette pierre, que Saturne avoit dévorée au lieu de Jupiter, & ils la nommerent Βαίτυλος, du mot Hébreu Béthel. Puis, ajoutant un A au commencement du mot, & changeant L en R, ils ont fait Abadir. Il falloit ajouter, & changeant encore le th en d.

Tout cela n’est pas fort évident, & paroît bien forcé : ce n’est rien cependant en comparaison de la seconde étymologie. Toute cette fable de Saturne renferme, dit-on, des mystères qui se découvrent par le moyen de la langue Phénicienne, qui étoit alors en usage. En Phénicien Aben, en mettant un Aleph devant ben, comme font les Arabes, signifie également un fils & une pierre. Le mot Achal, dans les langues orientales, signifie tuer & manger : de sorte que pour dire que Saturne tuoit les enfans que Rhée lui faisoit remettre entre les mains, on a dit qu’il mangeoit des pierres. On a appellé ces prétendues pierres Abaddir : ce qui est un mot formé de ces deux, Abendir, qui signifient l’enfant d’un autre ; car dir peut être la même chose que zar, c’est-à-dire, alienus, parce que le daleth & le zaïn se changent facilement, & que l’on n’a aucun égard aux voyelles dans les étymologies orientales. Combien de suppositions ridicules. Comment s’ensuit-il que, parce que les Arabes disent Ibu pour fils, les Phéniciens ont dit Aben ? Dans quelle Langue orientale Achal signifie-t-il tuer ? Comment prouve-t-on que ceux qui ont les premiers inventé cette fable, parloient Phénicien ? Est-ce Cadmus & ses compagnons, qui l’ont apportée en Gréce ? Mais quel est ce Saturne qui tuoit tous ses enfans, & dont ces Phéniciens raconterent les aventures en Gréce ? Comment s’ensuit-il enfin que, parce que le ד & le ז se changent quelquefois en Chaldéen, & dans des siècles bien postérieurs, ils se soient changés de même dès le commencement en Phénicien ? On ajoute, les Grecs nommoient cette pierre Βαίτυλος : ce mot vient de batal, ou batil, comme écrivent les Arabes, qui veut dire faux & méprisé : ce qui convient fort-bien, dit-on, avec l’histoire que l’on vient de rapporter, puisque les enfans que Saturne faisoit mourir, n’étoient pas de Rhée, mais apparemment de quelque esclave. Tout cela quadre mal avec la mythologie, qui nous apprend que Saturne mangeoit les propres enfans de Rhée. Enfin batal, dans le sens qu’on lui donne, est purement Arabe, il n’est point Hébreu : grand préjugé qu’il n’étoit point non plus Phénicien. Quel mélange monstrueux de prétendu Phénicien, de Chaldéen, d’Arabe !

Bochart, dans son Chanaan, L. II. C. 2. nous fournit encore une autre étymologie. Il dit que Abaddir est formé du Phénicien aben, pierre, & dir, sphérique ou rond. Il tire cette dernière signification non-seulement de l’Arabe, mais encore de l’Hébreu, où דור, dur, ou plutôt dour, signifie pila, une balle, & דר, dor, margarita, une perle, & par conséquent un corps rond. Il montre que ce nom convient à la pierre Βαίτυλος, ou abaddir, parce que Damascius & Pline nous apprennent qu’elle étoit ronde. Il faut louer les efforts de tous ces Savans, pour nous éclaircir une antiquité si reculée, sans se livrer aveuglément à toutes leurs opinions. Je m’étonne que personne n’ait dit que Abaddir venoit de abad, perdre, & dour habitation, demeure. Car cette pierre fut cause qu’il perdit le Ciel, son séjour & sa demeure.

Priscien rapporte qu’Abaddir étoit aussi le nom d’un Dieu. Isidore dans ses gloses, & Papias témoignent la même chose : Et S. Augustin, écrivant à Maxime de Madaure, dit que les Carthaginois avoient des Dieux nommés Abadirs. Il semble que ce nom n’étoit pas un nom propre, mais un nom appellatif qu’on donnoit aux Dieux plus grands & plus considérables ; car Ab-addir sont deux noms purement Hébreux & Phéniciens, signifiant Pere magnifique. C’est ainsi que les Grecs ont distingué les Dieux & les Démons, δαίμονες ; & les Romains, Dii majorum gentium, & Dii minorum gentium.

Quoiqu’il en soit de tout ceci, il est certain qu’en Orient bien des peuples ont adoré des pierres informes, ou de la figure d’un cône. On le dit des anciens Arabes. On en trouve sur les médailles de Séleucie de Syrie ; témoin celle de M. Antonin Pie, au revers de laquelle se voit un temple à quatre colonnes, dans lequel paroît une pierre en forme de cône, que l’on prend pour la figure du mont Casius & de Jupiter Casius, qui étoit honoré sur cette montagne. L’Inscription est : ΚΕΛΕΥΚΕΩΝ ΠΙΕΡΙΑΚ, & dans l’exergue : ΖΚΥΚ ΚΑΚΙΟΚ, en deux lignes. La Vénus de Paphos étoit aussi représentée par une pierre taillée en forme de cône. Voyez au mot Venus.

ABAEUZ. s. m. & adj. Terme de Coutume. Biens Abaeuz. Bona vacantia. Il en est parlé dans l’ancienne coutume du Poitou. Ce sont, dit Ragueau, des biens vacans, ou les biens de ceux qui vont de vie à trépassement, & ne délaissent aucuns parens ou lignagers qui leur doivent ou veuillent succéder ; auquel cas lesdits biens appartiennent au Bas-Justicier, en la Seigneurie duquel lesdits biens étoient au temps de son décès, si le défunt n’avoit testamenté, ou autrement ordonné de ses biens.

☞ ABAGAMEDRI. Royaume de l’empire des Abissins. Voyez Bayember.

ABAIBES, ou ABIBES. s. m. pl. Montagnes de l’Amérique méridionale. Abaïbæ montes. Elles se trouvent dans le gouvernement de Carthagène, en terre ferme, près du golfe d’Uraba, & sont célébres à cause de leur hauteur excessive. Maty.

ABAISER, v. a. Vieux mot qui signifie Appaiser. Sedare, componere.

 Mais ne pot souffrir tel desroi,
Pallas qui la noise abaisa.

ABAISSE. s. f. Terme de Pâtissier. C’est la pâte qui fait le fond, le dessous d’une pièce de pâtisserie.

ABAISSEMENT. s. m. Diminution de hauteur. Depressio. L’abaissement de ce mur, qui ôtoit la vûe à cette maison, l’a bien égayée.

On dit par extension, abaissement de la voix. C’est l’opposé d’élévation. Voyez ce mot.

Abaissement, se dit figurément en choses morales, pour humiliation, diminution de crédit & de grandeur ; diminution de mérite, ou de réputation ; état d’avilissement & de misère. Demissio, submissio. L’abaissement devant Dieu est le plus nécessaire des devoirs du Chrétien. Cette pieuse princesse travailloit à humilier sa grandeur par des abaissemens volontaires. Flech. On approuve tout ce que disent les Grands par un abaissement extérieur de l’esprit, qui plie sous le faix de leur grandeur. Port-R. Les ambitieux veulent exciter des mouvemens de terreur, de respect & d’abaissement sous leur grandeur. Port-R. Il déchiroit la réputation de ces grands hommes, comme si leur abaissement contribuoit à sa gloire. Ablanc. Jesus-Christ a paru sur la terre dans un profond abaissement. Ce triste abaissement convient à ma fortune. Racine.

Abaissement. Terme de Blason. Voyez Abattement.

Abaissement du pôle. Terme d’Astronomie. Il est opposé à l’élévation du pôle. Voyez ces mots.

Abaissement d’une étoile sous l’horizon. C’est la quantité de degrés, dont elle se trouve au-dessous de l’horizon ; ou, si l’on veut, l’arc du cercle vertical qui se trouve compris entre cette étoile & l’horizon.

Abaissement (des équations) en Algèbre. C’est leur réduction au moindre degré dont elles soient susceptibles.

ABAISSER. v. a. Faire aller en bas. Deprimere. Il se dit de choses faites pour en couvrir d’autres, mais qui étant relevées les laissent à découvert. Abaisser le dessus d’une cassette ; abaisser les paupières. Syn. fr.

Il signifie quelquefois Diminuer de la hauteur. Abaisser une muraille. Dict. de l’Acad. Voyez la remarque suivante de M. l’Abbé Girard.

Abaisser, ne se dit bien que des choses qui sont faites pour en couvrir d’autres, & qui étant relevées les laissent à découvert. On abaisse le dessus d’un coffre, une trape qu’on avoit levée. On abaisse les paupières, sa coiffe, sa robe. Ses opposés sont lever & relever, suivant les occasions où ils sont employés. Baisser se dit des choses qu’on place plus bas, de celles dont on diminue la hauteur, & de certains mouvemens du corps. On baisse une poutre, on baisse les voiles d’un navire, on baisse un bâtiment, un toit trop élevé, un mur trop exhaussé. On baisse les yeux, la tête. Dans tous ces exemples abaisser seroit très-mal.

Abaisser, signifie aussi, Diminuer le prix. Minuere. Le bon ordre de la police a fait abaisser le prix du blé ; c’est-à-dire, qu’il est diminué. Ce mot en ce sens n’est pas du bel usage ; il faut dire rabaisser. Voyez Rabaisser.

On s’en sert figurément dans le même sens. L’envie abaisse par ses discours les vertus qu’elle ne peut imiter. S. Evr. Abaisser la majesté du Prince. L’usage, comme la fortune, chacun dans leur jurisdiction, éleve ou abaisse qui bon lui semble. Vaug. Les grands noms abaissent, au lieu d’élever ceux qui ne savent pas les soutenir. Rochef.

Abaisser, signifie aussi en morale, Ravaler l’orgueil de quelqu’un, le mortifier. Abjicere, reprimere, contundere. Les Romains se vantoient d’abaisser les superbes, & de pardonner aux humbles. S. Evr. C’est ce que Virgile fait dire par Anchise dans le 6e Livre de l’Enéide.

 
Tu regere imperio populos, Romane, memento…
Parcere subjectis, & debellare superbos.

Il faut abaisser les esprits hautains. S. Evr.

Abaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie alors s’Humilier, se soumettre, se ravaler. Abjicere se. Il faut s’abaisser devant la Majesté divine. S’abaisser à des choses indignes. S’abaisser jusqu’aux plus lâches complaisances. L’humilité n’est souvent qu’un artifice de l’orgueil, qui ne s’abaisse que pour s’élever. Rochef. On le dit encore par respect d’une personne éminente en dignité, lorsqu’elle semble rabattre de sa grandeur, en descendant jusqu’à des personnes fort inférieures ; lorsqu’elle sait se proportionner aux personnes qui lui sont inférieures par la condition ou par l’esprit. Le prince s’est abaissé jusqu’à moi, en prenant soin de ma fortune. P. de Cl. Les Grands ne s’élevent jamais plus haut que lorsqu’ils s’abaissent, dit Costar en écrivant à Madame Servien. Il avoit tiré ce passage du Panégyrique de Pline : Scilicet qui verè maximi sunt, hoc uno modo possunt crescere, si se ipsi submittant, securi magnitudinis suæ. De Roch.

Les Auteurs du nouveau Vocabulaire veulent que l’on dise dans un sens littéral s’abaisser, pour se Comprimer, se retirer, diminuer de hauteur. Dans les sécheresses, disent-ils, les fleuves & les terres s’abaissent ; après la pluie le vent s’abaisse. Nous n’adopterons pas une décision aussi contraire au bon usage. Les rivières baissent, les terres s’affaissent, le vent diminue, tombe. Le mot abaisser avec le pronom réciproque prend toujours le sens figuré. M. l’Abbé Girard, qu’ils ont pourtant consulté sur cet article, le dit bien expressément ; & c’est ainsi qu’écrivent les bons Auteurs.

Abaisser une équation, terme d’Algèbre. C’est la réduire au moindre degré dont elle soit susceptible.

On dit en Géométrie, Abaisser une perpendiculaire sur une ligne. C’est le synonyme de tirer. Lineam perpendicularem ducere.

Abaisser, terme de jardinage. C’est couper une branche près du tronc. Abaisser une branche.

Abaisser, terme de Pâtissier. C’est applatir la pâte avec un rouleau de bois, & la rendre aussi mince que l’on veut.

Abaisser l’oiseau, terme de fauconnerie. C’est retrancher à celui qui a trop d’embonpoint une partie de sa nourriture, pour le rendre plus leger, & le mettre en état de bien voler.

ABAISSÉ, ÉE. part. Depressus.

Abaissé, en termes de Blâson, se dit du vol des aigles, & du vol en général des oiseaux, dont la représentation ordinaire est d’être ouvert & étendu ; ensorte que le bout de leurs aîles tende vers les angles ou le chef de l’Ecu ; mais, lorsque ce bout est en bas, & vers la pointe de l’Ecu, ou que les aîles sont pliées, on l’appelle vol abaissé.

On dit aussi, un chevron, un pal abaissé, une bande abaissée, quand la pointe finit au cœur de l’Ecu, ou au-dessous, & ne monte pas plus haut. On dit aussi qu’une pièce est abaissée, lorsqu’elle est au-dessous de sa situation ordinaire, comme le chef, la fasce, &c. Et ainsi les Commandeurs de Malte, qui ont des chefs dans leurs Armoiries, sont obligés de les abaisser sous celui de la Religion.

ABAISSEUR. adj. m. Épithète que les Médecins donnent au second muscle des yeux, qui les fait mouvoir en bas, & fait regarder la terre. On l’appelle aussi l’Humble, humilis. Dionis.

On donne le même nom à différens muscles dont l’action consiste à abaisser ou à porter en bas les parties auxquelles ils sont attachés, comme ceux des levres, des mâchoires, &c.

☞ ABALIÉNATION. s. f. Terme du droit Romain : sorte d’aliénation par laquelle les effets qu’on nommoit res mancipi, savoir les bestiaux, les esclaves, & autres possessions dans l’enceinte des territoires de l’Italie, étoient transférés à des personnes en droit de les acquérir. Ceux qui avoient ce droit, étoient les citoyens Romains, les Latins, & quelques étrangers à qui on permettoit spécialement ce commerce.

ABALLON. s. m. Contrée de l’Île de Terre-neuve, dans l’Amérique septentrionale. Aballonia, Avallonia. Les Anglois ont dans l’Aballon une colonie qu’ils nomment Ferryland.

ABALOURDIR. v. a. Vieux mot, & hors d’usage, qui signifioit autrefois, Abrutir, rendre stupide. Hebetem reddere. Il se trouve dans plusieurs Coutumes.

☞ ABALOURDI, IE. part. Il a la même signification que le verbe, & est peu usité.

ABANA. s. m. Rivière de Syrie, dont il est parlé dans l’Ecriture, IV. Rois, v. 12. les LXX. de l’édition de Complute l’appellent Amana, conformément au Kéri ou Variante, quoique l’Hébreu porte Abana, & le manuscrit Alexandrin Naubana. Abana. Elle prend sa source dans le mont Liban, & baigne les murs de Damas du côté du midi & de l’occident : c’est pour cela qu’elle est aussi appellée fleuve de Damas. Elle coule dans la plaine d’Archadab, parallèlement au Pharphar, autre fleuve de Damas, & se décharge dans la mer de Syrie, au midi de l’embouchure du Pharphar. Sanutus, Secret. Fidel. Crucis, L. III. c. 2. dit que ce fleuve passe dans la ville de Valania, qui est, selon Etienne de Byzance, la ville appellée Leucas, & qu’il se jette dans la mer près du château nommé Margath. Il s’appelle quelquefois Valania, du nom de cette ville.

ABANBO. s. m. Rivière de la haute Ethiopie. Abanbus. On met ses sources sous la ligne, au levant des montagnes d’Amara, & on la fait décharger ses eaux dans le Nil, un peu au-dessus de l’Île de Guéguère. La source & le cours de cette rivière ressemblent si fort au Nil des Modernes, qu’on ne peut pas douter que ce ne soit le même. Maty. Quelques Auteurs prétendent que ce n’est autre chose que le commencement du Nil. Ce qu’il y a de certain, c’est que dans la Carte d’Ethiopie faite sur les lieux par les Peres Manuel d’Alméyda, Alfonso Mendez, Pero Pays & Jérôme Lobos, Jésuites Portugais, qui avoient demeuré long-temps dans ce pays, & qui découvrirent les sources du Nil, il n’y a aucune rivière nommée Abanbo. Ainsi c’est plutôt la rivière que ces Peres appellent R. Maleg, dans leur carte des sources du Nil.

Ptolomée l’appelle Astapus, & Strabon Astapas ; & ces deux Auteurs le distinguent du Nil, dont Mela & Pline ont cru qu’il étoit un surnom ou une branche. Selon Hofman, quelques-uns l’appellent Abanhus, ou même Abantia, selon d’autres.

ABANCAI, ou ABANCAYO. Nom d’une rivière & d’un bourg de l’Amérique méridionale. Abancaius. La rivière d’Abancaï prend sa source dans des montagnes de l’Audience de Lima, & se jette dans le fleuve des Amazones. Elle donne son nom au bourg d’Abancaï ou Abancayo, situé sur son bord méridional, peu loin de son confluent avec le Maragnon ou rivière des Amazones.

ABANDON. s. m. Etat où est une personne, une chose délaissée ; délaissement de quelque chose. Derelictio, destitutio. Neglectus rei alicujus. Il n’est point du bel usage. On ne le trouve guère que dans Moliére, lequel dit, en parlant des coquettes qui renoncent par nécessité au monde qui les quitte :

 Dans un tel abandon, leur sombre inquiétude
Ne voit d’autre recours que le métier de Prude.

Il n’est supportable qu’en termes de Pratique. Le débiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses créanciers. Abandonnement vaut mieux. Voyez ce mot.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d’une ame désintéressée, qui s’abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n’est que l’abnégation ou renoncement de soi-même. Fenel. Les Quiétistes ont abusé de ce terme dans un sens impie très-justement condamné.

Abandon, (à l’) se dit adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. Direptioni permittere, dare. On a dégarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s’en sert peu, excepté dans le discours familier. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité ; disant que bandum se prenoît souvent pour arbitrium, pro re derelictâ ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c’est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, la laisser à quiconque voudra s’en emparer.

☞ ABANDONNEMENT. s. m. Délaissement ; Etat, situation d’une personne délaissée. On le dit également de la personne qui abandonne, & de la chose abandonnée. Il est dans un abandonnement général. Abandonnement de biens. Dans la désertion & l’abandonnement général de ses amis, il se livre tout entier aux chagrins & aux réflexions de la solitude. S. Evr. Derelictio.

Il se met aussi pour Résignation, vertu pour laquelle nous nous remettons de tout entre les mains & à la conduite de Dieu. A moins d’un abandonnement entier dans la main de Dieu, la vie se passe dans le mécontentement & dans l’amertume. Ab. d. l. Tr.

☞ ABANDONNEMENT, quand il est mis sans régime, signifie par extension, prostitution, déréglement excessif dans la conduite, dans les mœurs. Vivre dans l’abandonnement. Le pécheur est dans un grand abandonnement lorsqu’il ne sent plus de remords.

☞ ABANDONNEMENT de biens, terme de Palais, en général, est un acte par lequel un débiteur cede & abandonne à ses créanciers généralement tous ses biens, meubles & immeubles, de quelque nature qu’ils soient, pour être vendus, & le prix provenant de la vente distribué entre les créanciers, selon le privilége d’un chacun d’eux, ou l’ordre de leurs hypothèques. Ferr. Cet abandonnement est volontaire ou forcé. Le volontaire, est un contrat fait pardevant Notaire entre un débiteur & ses créanciers, par lequel il leur cede & abandonne tous ses biens, à l’effet de demeurer quitte envers eux, quand bien même ces biens, par l’événement, ne seroient pas suffisans pour acquitter totalement le débiteur envers eux. Ce contrat doit être accordé & accepté par les trois quarts des créanciers, eû égard aux sommes qui leur sont dûes, & non au nombre d’iceux. L’abandonnement forcé ou judiciaire est celui qui se fait par ordonnance du Juge, malgré l’opposition des créanciers. La cession volontaire se fait à l’amiable ; la cession judiciaire se fait en jugement sur la demande du débiteur dont les affaires sont tombées dans le désordre par cas fortuits. Voyez dans Ferriere les autres différences de ces deux sortes d’abandonnement.

☞ ABANDONNEMENT d’héritage, est le déguerpissement & la rénonciation faite à un héritage ou autre immeuble. Quoique ces mots abandonnement & déguerpissement soient souvent pris comme synonymes dans nos coutumes, ils ont cependant des significations différentes.

L’abandonnement, délaissement ou renonciation, est proprement le quittement que fait le tiers détenteur de l’héritage chargé de rente ou autre charge réelle, sans la charge de laquelle il a été vendu ; à l’effet de n’être point tenu ledit acquéreur ou détenteur desdits héritages, desdites rentes ou charges réelles imposées sur l’héritage, dont il n’avoit point connoissance. Le déguerpissement, au contraire, ne se doit faire par le détenteur, que lorsqu’il veut être déchargé de la rente ou charge réelle à laquelle l’héritage a été donné.

Abandonnement, est aussi un contrat maritime qui se fait lorsqu’un Marchand ou autre particulier, à qui appartiennent des marchandises chargées sur un vaisseau, les abandonne au profit de l’assûreur.

Abandonnement, abdication, renonciation, désistement, démission, synonymes. Voyez aux articles particuliers les nuances qui distinguent ces mots. L’abandonnement, l’abdication, la renonciation se font : le désistement se donne : la démission se fait & se donne. Syn. Fr.

☞ ABANDONNER. v. a. Terme qui a plusieurs acceptions différentes. Considéré comme synonyme de délaisser, deferere, derelinquere, il marque l’action de s’éloigner de quelqu’un qu’on laisse sans secours, sans appui ; cesser de donner ses soins, son secours. Il faut seulement remarquer qu’abandonner se dit également des choses & des personnes, au lieu que délaisser ne se dit que des personnes. Nous abandonnons les choses dont nous n’avons pas soin. Nous délaissons les malheureux à qui nous ne donnons aucun secours. Souvent nos parens nous abandonnent plutôt que nos amis. Quand on a été abandonné dans l’infortune, on ne connoît plus d’amis dans le bonheur, on ne compte plus que sur sa propre conduite, & l’on ne congratule que soi-même de tous les services que l’on reçoit alors de la part des hommes.

On dit qu’un pere a abandonné son fils, qu’il l’a entièrement abandonné ; pour dire, qu’il ne prend plus aucun soin de lui, qu’il ne s’en met plus en peine.

On dit par extension, que les Médecins ont abandonné un malade ; pour dire, que désespérant de sa guérison, ils ont cessé de le voir.

M. l’Abbé Girard remarque qu’on se sert plus communément du mot d’abandonner, que de celui de délaisser, & que le premier est également bien employé à l’actif & au passif ; au lieu que le dernier a meilleure grâce au participe qu’à ses autres modes. Une remarque aussi judicieuse, fondée sur le bon usage, ne plaît pas aux Auteurs du nouveau Vocabulaire. Ils veulent que l’on dise également bien : Ce généreux citoyen ne délaissa pas ou n’abandonna pas ces deux infortunés. Ceux qui savent réduire les termes à leur juste valeur, ne souscriront pas à cette décision.

Il paroît encore que délaisser dit quelque chose de plus qu’abandonner, il désigne un abandon plus général. M. l’Abbé Girard observe lui-même qu’au participe il a par lui-seul une énergie d’universalité, qu’on ne donne au premier, qu’en y joignant quelque terme qui la marque précisément. Un pauvre délaissé, généralement abandonné de tout le monde.

Il signifie encore, Livrer en proie. La ville fut abandonnée à la fureur du soldat. Elle n’ose abandonner son cœur à l’amour. M. Scud.

Abandonner au bras séculier, c’est renvoyer un Ecclésiastique devant des Juges laïques, pour y être condamné à des peines afflictives que les Tribunaux Ecclésiastiques ne peuvent infliger.

En parlant de quelque chose à boire ou à manger, qu’on veut laisser à la discrétion des domestiques, après en avoir bû & mangé autant qu’on a voulu, on dit prov. & figur. Il faut l’abandonner au bras séculier. Acad. Fr.

On l’emploie avec le pronom personnel, pour dire, se livrer à quelque chose, s’y laisser aller sans réserve. Tradere se, committere se. Quand les gens austères viennent à goûter les voluptés, alors la nature lasse des peines, s’abandonne aux premiers plaisirs qu’elle rencontre. S. Evr. Il s’abandonna à la tristesse & à son désespoir. Il s’est abandonné à la colère & à ses désirs. On dit aussi s’abandonner à la Providence, s’abandonner à la fortune ; pour dire, se confier à la Providence, à la fortune, & attendre tout de Dieu, ou du hasard & du bonheur. S’abandonner à la joie ; c’est-à-dire, en goûter tout le contentement, & en ressentir tous les plaisirs. S’abandonner à l’oisiveté ; c’est-à-dire, s’éloigner absolument de toutes les affaires, sans vouloir s’occuper d’aucun des exercices honnêtes de la vie. Il faut s’abandonner à son feu, & ne rien refuser de ce que l’imagination présente. Bouh. Il se trouvoit malheureux d’être abandonné à lui même, & à ses propres pensées, sans avoir quelqu’un qui pût le plaindre, & lui donner de la force. P. de Cl. il est plus sûr de s’arrêter à l’autorité de l’Eglise, que de s’abandonner aux foibles efforts de notre misérable raison. Nicol.

On dit d’une femme qui se prostitue, qu’elle s’abandonne à tout le monde. On le dit quelquefois absolument. Le mauvais exemple porte une fille à s’abandonner.

Abandonner, signifie encore, Quitter, jetter là. Abjicere. Il abandonna ses armes.

Abandonner, signifie encore, Quitter un lieu, en sortir. Deferere. Il a abandonné le pays. On lui fit abandonner la ville. Abandonner la maison.

Abandonner, signifie encore, Laisser, donner une chose à quelqu’un, lui permettre d’en faire ce qu’il lui plaira, lui en laisser l’entière disposition. Dans une traduction en prose où l’on abandonne tous les termes de la langue au Traducteur, il demeure souvent au-dessous de l’original. S. Evr. Je vous abandonne cette affaire, je vous en laisse le maître. Je vous abandonne à vous-même & à votre propre conduite. Je vous abandonne tous les fruits de mon jardin.

Abandonner, signifie encore, Exposer, commettre à. Abandonner quelqu’un à la haine publique. S’abandonner au danger de perdre la vie pour la Religion.

Abandonner, se dit aussi pour Renoncer à quelque profession, à quelqu’entreprise. Abandonner une entreprise. Un Marchand abandonne le commerce. Ce Magistrat a abandonné les affaires pour vivre dans la retraite. C’est le génie de l’erreur, qu’aussitôt qu’elle se sent pressée, elle reprend ce qu’elle avoit abandonné. Peliss.

Abandonner, dans le commerce. Faire cession de ses biens à ses créanciers. Ce Marchand a abandonné ses biens à ses créanciers.

On le dit de même du délaissement volontaire d’un Propriétaire. Un pere abandonne ses biens à ses enfans.

On le dit encore de la résignation que nous faisons à Dieu de nous-mêmes, & de tout ce qui nous touche. Il abandonne tout à la Providence. Il a abandonné sa vie, son honneur entre les mains de Dieu.

Abandonner l’oiseau, terme de fauconnerie : c’est le mettre libre en campagne, ou pour l’égayer, ou pour le congédier, & s’en défaire entièrement.

Abandonner un cheval, terme de manége : c’est le faire courir de toute sa vîtesse, sans lui tenir la bride.

ABANDONNÉ, ÉE. part. pass. & adj. Il a toutes les significations de son verbe. Derelictus, destitutus, permissus. On le dit des choses auxquelles on renonce ; dont on cesse de prendre soin ; des personnes qu’on laisse sans appui, sans secours, &c. Maison abandonnée. Le mérite ne sert de rien quand il est abandonné de la fortune. B. Rab. L’amitié généreuse court aux personnes abandonnées, pour essuyer leurs larmes. M. Esp.

On dit aussi, abandonné des Médecins ; pour dire, que la guérison de quelqu’un est désespérée. Abandonné à son sens réprouvé. C’est une expression de l’Écriture, pour désigner un homme qu’on laisse à ses égaremens, & à la perversité de son cœur. On ne doit pas attendre des lumières bien pures de ceux que Dieu a abandonnés aux ténébres inséparables des grands crimes. Nicol. On dit aussi, qu’une cause est abandonnée ; pour dire, qu’elle est déplorable & insoutenable. On dit absolument : c’est un abandonné, en parlant d’un débauché, d’un libertin. On dit de même, c’est une abandonnée : on dit mieux, une femme abandonnée, prostituée. M. Paschal a dit, il faut que vous soyez les plus abandonnés calomniateurs qui furent jamais : c’est-à-dire, des gens déterminés, capables d’employer les moyens les plus odieux pour noircir la réputation d’autrui.

Abandonné, en droit, se dit des biens auxquels le Propriétaire a renoncé volontairement, & qu’il ne compte plus au nombre de ses effets.

On appelle aussi abandonnées, les terres dont la mer s’est retirée, & qu’elle a laissées à sec.

On dit, en termes de vénérie, un chien abandonné, qui prend les devans d’une meute, en poursuivant la bête.

Oiseau abandonné, cheval abandonné, termes de fauconnerie & de manége. Voyez le verbe.

☞ ABANGA. s. m. Nom que les Habitans de l’Île Saint-Thomas donnent au fruit du Palmier. Ce fruit est de la grosseur d’un citron, auquel il ressemble beaucoup d’ailleurs.

ABANHI. s. m. Voyez Abanbo. C’est le nom que les Abissins donnent au Nil.

ABANNAS. Voyez Abaunas.

ABANO. Village de l’État de Venise en Italie. Aponum, Aponus, Aquæ Aponi, Aquæ Patavinorum. C’est un lieu célébre dans l’antiquité par ses eaux. On les appelle aujourd’hui Bagni d’Abano, les bains d’Abano. Il y a des inscriptions anciennes qui en font mention. Abano est environ à six milles de Padoue : Voyez le Comte Charles Sylvestri, dans le Raccolta d’Opusculi, imprimé à Venise, tom. VI. p. 353. & suiv. Ce nom ne se trouve qu’aux cas obliques dans les Anciens ; ainsi on ne sauroit décider s’il faut dire en latin Aponum, avec M. le C. Sylvestri ; ou Aponus, avec les autres Modernes.

Suétone dit que Tibére allant en Illyrie, consulta l’oracle de Géryon, proche de Padoue, par l’ordre duquel, pour connoître l’avenir, il jetta des dez d’or dans la fontaine d’Abano, & que de son temps on voyoit encore ces dez au fond de l’eau. Théodoric la fit environner de murailles, comme nous l’apprend Cassiodore. Suétone la nomme Fons Apon. De Seine, dans son voyage d’Italie, dit qu’il y a une autre fontaine à Abano qui pétrifie tout ce que l’on met dedans.

ABANTÉENS. Abantæi. Les peuples d’Argos sont ainsi appellés dans Ovide, Met. XV. v. 164. du nom de leur Roi Abas.

ABANTES. s. m. plur. Abantes. Peuples de Thrace, qui passerent en Gréce, & y bâtirent une ville qu’ils nommerent Abée, dont nous parlerons ci-après. Xerxès l’ayant ruinée, ils se retirerent dans l’île de Négrepont, qu’ils nommerent Abantides. Les Abantes sont les habitans de l’Euboée, ou d’une grande partie de l’Euboée, c’est-à-dire, de l’île que nous appellons aujourd’hui Négrepont. Ils avoient pris leur nom, selon Etienne de Byzance, d’un Abas, fils de Neptune. Ils ne laissoient croître leurs cheveux que par derrière, de peur que leurs ennemis ne pussent les prendre pardevant, & les terrasser. Ils tenoient, dit-on, cette coutume des Curétes, qui s’étoient établis avant eux dans la même île.

ABANTIDE, ou ABANTIADE. s. f. L’Euboée, ou Négrepont dans Étienne de Byzance, ou la partie de l’Euboée qu’occupoient les Abantes, s’il est vrai, comme Hérodote semble le dire, qu’ils n’en occupassent qu’une partie. Abantis, Abantias. Au reste il faut dire en François Abantiade ou Abantide, & non Abantias ou Abantis.

On appelle aussi Abantide un pays de l’Épire, où les Abantes furent jettés, aussi-bien que les Locriens, après la prise de Troye, & où ils s’établirent. Voyez Pausanias.

ABANVIWAR. s. m. Province de la haute Hongrie. Abanvivaria, Abanvivariensis Comitatus. Elle est située dans les monts Krapaks, entre les Comtés de Saros, de Torna, de Semlim & d’Ungwar. Abanviwar qui donne le nom à ce Comté, & Cassovie Capitale de toute la haute Hongrie, sont les principaux lieux qu’on y remarque. Maty.

☞ ABAQUE, s. m. Abacus. Petite table couverte de poussière, sur laquelle les anciens Mathématiciens traçoient leurs plans & leurs figures.

Abaque de Pythagore. Abacus Pythagoricus. Table de nombres inventée par Pythagore, pour apprendre plus facilement l’arithmétique.

Abaque, chez les Anciens ; espèce d’Armoire, de table, ou de buffet, destinée à différens usages, suivant les lieux où elle étoit placée.

Abaque, est encore une espèce d’auge dont on se sert dans les mines, pour laver l’or.

Abaque. Abacus. Terme d’Architecture. C’est la partie supérieure, ou le couronnement du chapiteau de la colonne. Il est quarré au Toscan, au Dorique, & à l’Ionique antique, & échancré sur ses faces aux chapiteaux Corinthien & Composite. Dans ces deux ordres, dit Harris, ses angles s’appellent cornes, le milieu s’appelle balai, & la courbure s’appelle arc, & elle a communément une rose en sculpture au milieu.

Les ouvriers, dit Mauclerc, appellent aussi Abaque un ornement Gothique, qui a un filet ou chapelet, lequel est la moitié de la largeur de l’ornement, & que l’on nomme le filet ou chapelet de l’abaque. Harris.

Dans l’ordre Corinthien l’abaque est la septième partie de tout le chapiteau. Id.

Andrea Palladio appelle Abaque la plinthe qui est autour de l’ove, ou quart de rond appellé Echine. Il sert comme de couvercle à la corbeille ou panier de fleurs qu’elle représente. On l’appelle autrement Tailloir, parce qu’étant quarré, il ressemble aux assiettes de bois, qu’on nomme Tailloirs. Il se met en plusieurs sortes d’endroits. Ce mot vient du Grec ἄϐαξ, qui signifie Buffet, crédence ou table. Étienne Guichard remonte plus haut, & tire Abacus & ἄϐαξ de l’Hébreu אכך, extolli, elevari, être élevé : de sorte que abaque signifie proprement une chose élevée pour servir de siége, & répositoire de diverses choses : ou bien de אבף terre, poussière bien menue, parce que l’abaque étoit une table où l’on étendoit de la poussière bien menue, sur laquelle les Mathématiciens traçoient leurs figures.

ABARANER. Petite ville, ou grand bourg de la Turcomanie, en Asie. Abaranum. L’Archevêque de Naksivan, qui est Arménien, fait sa résidence à Abaraner.

ABARAUS, ou ABARAAS. Petite ville d’Afrique. Abaraum. Elle est dans la Guinée, sur la rivière de Volta. Maty.

ABARE. s. m. Abaricus. Nom de peuple. Voyez Avare. M. de Cordemoy & le P. Daniel écrivent Abares. C’étoient les restes de la nation des Huns. Sigebert ayant appris les courses du Roi des Abares, alla au-devant de lui dans la Thuringe. La seule figure de ces Huns avoit de quoi épouvanter des gens moins intrépides que les François. Ils étoient pour la plûpart d’une taille qui approchoit de la gigantesque, d’un regard farouche, & d’une laideur à faire peur. Ils avoient de grands cheveux rejettés sur les épaules, séparés avec des cordons & par tresses, qui rendoient leurs têtes assez semblables à celles de ces Furies qu’on nous dépeint toutes hérissées de serpens. P. Dan.

ABAREMO-TEMO. s. m. Arbre du Brésil. Il est d’une hauteur médiocre ; il croît sur les montagnes ; ses feuilles sont d’un vert triste & petites ; il jette des gousses d’un rouge noirâtre, courbées en différentes manières. Son écorce est couleur de cendre ; le bois au-dedans est d’un rouge foncé. On attribue à ses feuilles des qualités astringentes. Son écorce, qui est amère, quand on la réduit en poudre, ou qu’on la fait bouillir, sert à faire des fomentations, qui guérissent les ulcères invétérés, & même les cancers.

☞ ABARGALE. Contrée de l’Abissinie, avec titre de gouvernement, dans le Royaume de Tigré.

ABARIM. s. m. Mons ou Montes Abarim. Vulg. Montagne de l’Arabie, à l’orient du Jourdain, vis-à-vis de Jéricho, dans le pays des Moabites. C’est l’avant dernière station des Israëlites dans le désert, & le lieu d’où Moyse vit la Terre-promise. Nombres XXVII. & où il mourut. Deut. XXXII. Une de ces montagnes s’appelle Nébo, & l’autre Phasga, ou Phisga. Montez sur cette montagne d’Abarim, & considérez de-là la terre que je dois donner aux enfans d’Israël. Sacy. Nomb. XXVII. 12.

Ce nom est purement Hébreu, & vient du Verbe עבר, abhar, passer ; d’où se fait עבר, ebher, passage, & au pluriel עברים, Abharim, les passages. A la manière dont les Septante ont traduit au Livre des Nomb. Ch. XXVII. v. 12. Ἁνάβηθι εἰς τὸ ὄρος τὸ ἐν τῷ πέραν το‍υ ὄρο‍υς ναβάν ; ou comme d’autres exemplaires portent : ἐν τῷ πέραν ο‍ῦ Ἰορδάνο‍ῦ ; il semble que les Interprètes aient crû que ce nom avoit été donné à ces montagnes, ou parce qu’elles étoient au-delà de la montagne Nébo, ou parce qu’elles étoient au-delà du Jourdain. Ni l’un ni l’autre ne paroît vrai. Le premier sur-tout ne paroît pas soutenable, puisque Nébo, qu’ils appellent Ναβαν, ou Ναβάο‍υ, étoit une de ces montagnes. Maty prétend qu’elles ont eu ce nom de ce que les Israëlites allant prendre possession de la Terre-promise, passerent par ces montagnes ; mais il semble certain qu’elles ont eu ce nom avant le passage des Israëlites. La véritable raison de cette dénomination, si je puis parler ainsi, est que ces montagnes étoient vis-à-vis d’un gué du Jourdain, & que dans les cols de ces montagnes, étoit le grand chemin qui y aboutissoit, & par lequel on passoit de l’Orient dans la terre de Chanaan. Il est encore moins raisonnable de chercher dans le Syriac une étymologie à ce nom, & de dire que dans cette langue il signifie froment : car outre que c’est en Hébreu & non en Syriac, que ces montagnes sont nommées Abarim, c’est que froment en Syriac n’est point abhar ni abher, mais ועברא, abhourro, qui assurément n’auroit point au pluriel Abarim.

ABARIME, ou ABARIMON. s. Abarimon. Grande vallée que forme le mont Imaüs dans la Scythie. Pline. L. II. C. 2.

ABARIS. s. m. Scythe de nation, contemporain de Crésus & de Pythagore : il étoit Prêtre d’Apollon l’Hyperboréen. On dit que ce Dieu lui fit présent d’une fleche d’or, qui avoit une vertu merveilleuse ; car Abaris étoit porté sur sa fleche au milieu de l’air.

ABARO. Abarum. Bourg, ou petite ville de Syrie, située dans l’anti-Liban, apparemment dans un col ou passage de cette montagne ; car c’est la signification de ce nom en Syriac & en Arabe. Voyez ce que nous avons dit sur Abarim.

☞ ABARTICULATION. s. f. Terme d’Anatomie. Abarticulatio. C’est ainsi qu’on appelle une articulation des os évidemment mobile. On dit plus communément Diarthrose.

ABAS. s. m. Poids dont on se sert en Perse pour peser les perles. L’abas de Perse est d’un huitième moins fort que le carat d’Europe. Cet abas, ou carat Persien, est ce que les Espagnols nomment quitale, dont les Marchands & Joailliers, sur-tout les Espagnols, se servent ordinairement pour peser les pierres précieuses. Il est d’abord divisé en quatre grains : chacun de ces grains se divise en demi-quitale, en quart de quitale, en huitième de quitale, en seizième de quitale ; & c’est avec ces divisions que les Marchands & Joailliers peuvent donner précisément la juste valeur aux pierres précieuses, & aux perles.

ABASOURDIR. v. a. Etourdir, consterner, jetter dans l’abattement. Le bruit des cloches abasourdit. Cette nouvelle, cet événement l’a abasourdi. Ce verbe est vieux, & ne peut passer que dans le discours familier. Les Auteurs du grand vocabulaire auroient dû nous en avertir ; mais la remarque n’étoit pas faite dans les autres Dictionnaires.

ABASSE, ou ABASCE. s. m. & f. Abassus, Abascius. Habitant de l’Abassie. Les esclaves Abasses sont recherchés en Turquie, à cause de leur industrie & de leur beauté. Les Abasses enferment leurs morts dans un tronc d’arbre creusé, dont ils leur font une bière, qu’ils attachent ensuite aux plus hautes branches d’un grand arbre.

ABASSI, ou ABASSIS. s. m. Monnoie d’argent qui est ronde, & qui a cours en Perse & en Orient, qui vaut un peu plus de dix-huit sous six deniers. Il faudroit écrire Abbassi, parce que ce mot vient d’Abbas, nom de deux Rois de Perse, au nom desquels cette monnoie a été frappée. En leur montrant un Abassi, qui est une monnoie d’argent de la valeur de deux réales de Castille, ils firent espérer une récompense à ceux qui leur voudroient servir de guide. Wicqefort.

ABASSIE, ABASSINIE, ABASSINS. Voyez Abissinie.

ABASSIE. s. f. Abassa. Pays de la Géorgie prise en général. Il a la Mingrélie au levant, la Circassie noire au nord & au couchant, la Mer-noire au midi. Quelques Géographes la confondent avec l’Avogasie ; d’autres les distinguent & mettent l’Abassie au levant, & l’Avogasie au couchant.

ABASSIE, ou ABASCIE. s. f. Rivière de la Mingrélie, en Asie, Abascia. On prétend que c’est le Glaucus des Anciens. Elle se décharge dans le Fasso ou le Phâse.

☞ ABASTER. s. m. Terme de Mythologie. C’est, selon Bocace, le nom d’un des trois chevaux qui tiroient le char de Pluton. Ce mot signifie noir ; le second