Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/LOUP

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(5p. 646-650).
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LOUP. s. m. Louve. s. f. Animal farouche demeurant dans les bois, l’ennemi le plus dangereux du bétail, parce que c’est le plus goulu, le plus carnassier, & le plus fin des animaux, Lupus, Lupa. Il ressemble à un grand chien. Il a un odorat exquis. C’est une espèce de chien sauvage qui a une tête quarrée, & dont les côtes sont posées selon la longueur de son corps, ou paralleles à l’épine du dos. Aller en quête pour le Loup. Saln. Détourner un loup. Id. Forcer un loup. Abl. Lancer un loup. Chasser le loup. Saln.

Vit-on les loups brigands, comme nous inhumains,
Pour détrousser les loups, courir les grands chemins ?

Boileau
.

On appelle cheaux, plus communément louveteaux, les petits de la louve ; & on dit, ligner la louve, pour dire, la couvrir. Le loup ne porte rien à ses cheaux qu’il ne soit saoul, & même il ôte la prébende à sa louve & à ses cheaux. La louve fait le contraire. On dit que la saoulée du loup dure huit jours.

Les Egyptiens avoient en vénération cet animal, parce qu’ils croyoient qu’Osiris s’étoit souvent déguisé en loup. C’est que ce Prince portoit pour habillement de guerre une peau de loup. Le loup étoit même adoré à Lycopolis, qui signifie la Ville du loup. Cet animal étoit consacré à Apollon.

Lactance, Instit. Christ. L. I. c. 10. dit, que les Romains rendirent des honneurs divins à la louve, parce qu’une louve avoit sauvé Remus & Romulus en les alaitant, quand ils furent exposés. Arnobe, L. IV. adv. Gentes, dit que de cette louve, ils firent la déesse Luperca. Voyez encore sur cela Properce, Eleg. IV. L. IV. v. 55. Ovide, Fast. L. II. v. 413,415. Tite-Live, L. I. c. 4. & Plutarque dans la vie de Romulus. C’est que leur nourrice s’appelloit Lupa, qui signifioit louve.

Loup & Louve, sur les médailles signifient ou l’origine de la ville de Rome, fondée par les deux frères Romulus & Rémus, qu’on disoit avoir été alaités par une louve, ou simplement la domination Romaine, à laquelle les peuples étoient soumis. Peut-être désignent-ils le pays où il se trouvoit quantité de loups, comme l’exprime la médaille de Mérida. Souvent on voit les deux frères attachés aux têtes de la louve. P. Jobert.

Il y a trois sortes de loups. Le loup mâtin, qui ne vit que de charogne, Lupus molossus ; le loup lévrier, qui vit de rapine qu’il attrape par sa légèreté. Lupus vertagus. L’un & l’autre sont grands & rablés, ayant une gueule épouvantable à double rang de dents & de crocs qui coupent comme de l’acier. Ils vont toujours deux ensemble. Le loup-cervier ne vit que de gibier qu’il surprend ; il est plus grand que le renard, & habite d’ordinaire les montagnes : Lupus cervarius. Quelques-uns croient que c’est la même chose que le lynx, dont les Auteurs ont parlé, que d’autres croient être un animal fabuleux. Nicod dit que le loup-cervier est un chat sauvage de la grandeur d’un léopard. Herbert dans sa Relation de Perse dit aussi, que les loups-cerviers sont de la race de nos chats, qui changent de nature en changeant de pays, comme les chiens d’Europe ont dégénéré en loups dans la nouvelle Espagne. Borel dit que quelques Auteurs le nomment rhapius ; & que c’est un loup tacheté comme un léopard ; & que ce nom, selon Bochard, est dérivé de l’Hébreu rhaham, qui signifie affamé.

Les Mémoires de l’Académie des Sciences en donnent des connoissances plus certaines. On y a fait la dissection de celui qu’on a nourri long-temps à Versailles. On a cru jusqu’ici qu’il étoit ainsi nommé, parce qu’il avoit la forme de loup, & qu’il ressembloit en quelque façon au cerf par la couleur de son poil. Mais la vérité est qu’il ne ressemble aucunement au loup, & que le peu qu’il tient du léopard, ou du cerf, lui est commun avec quantité d’autres animaux. Il y a plus d’apparence qu’il a été ainsi nommé, parce qu’il chasse les cerfs, comme le loup les moutons. Il ressemble plus au chat qu’à aucun autre animal. Il a les pieds divisés comme les lions, les ours, les tigres & les chats. Sa langue est couverte de pointes, comme celle des chats & des lions. Ses oreilles sont toutes semblables à celles d’un chat, & ont au haut une houppe de poil fort noir : ce qu’Elien attribue aussi au lynx. Il a le dos roux marqué de taches noires ; le ventre & le dedans des jambes d’un gris cendré, marquetés de mêmes taches, mais plus grandes & plus séparées. Chaque poil dans sa longueur est de trois couleurs, ayant sa racine d’un gris brun, son extrémité blanche, & sa partie du milieu presque rousse. Il y en a de plusieurs espèces, & de poil différent, selon les lieux d’où ils viennent. Le lynx, le thos, les chaos & les panthères des Anciens, ont été pris par quelques Modernes pour le loup-cervier : mais M. Perrault en a bien fait voir la différence. Voyez sur le loup Vossius, de Idolol. L. III, c. 55, 59, 62, 72, 73, 74, 76, 77.

Les Seigneurs amassent leurs paysans pour aller à la chasse au loup, & font un triquetrac, ou des battues. Lupum conclamant. Le loup se prend avec des hausse-pieds ou chasse-pieds, c’est-à-dire, avec des chassetrapes & creux couverts, ou avec autres pièges & amorces. Il est difficile de forcer un vieux loup ; car s’il trouve de l’eau, il courra trois jours & trois nuits. Il n’y a point de loups en Angleterre, depuis qu’ils furent exterminés par Elgarus, ou selon d’autres, par Etheltan, Rois du pays. Alberto Lazari dit qu’Edouard père de Henri Roy d’Angleterre, pour exterminer tous les loups de son Royaume, offrit cent écus de la tête de chaque loup qu’on lui porteroit, & qu’on n’y en a point vu depuis ce temps-là ; quoiqu’il y en ait encore beaucoup dans l’Ecosse. D’autres disent qu’Elgard Roi d’Angleterre au Xe siècle, après avoir subjugué deux fois les habitans du pays de Galles, leur imposa pour tribut 300 têtes de loup tous les ans. Par-là il extermina les loups d’Angleterre, ou les fit fuir en Ecosse, dépuis cette chasse, & on n’en voit plus dans l’Angleterre. Les anciens Grecs appeloient le soleil λυϰος, loup ; non pas du nom λύϰος, loup ; au contraire le nom de λύϰος, loup, étoit pris du nom du soleil. λύϰος, comme on le peut voir aux étymologies : mais de λὺϰη, lumière, crépuscule. Voyez Macrobe, L. I. c. 17.

Le loup, en termes de Blason, s’appelle tantôt passant, tantôt courant ; tantôt rampant & ravissant.

Un Poëte a fait ce mot adjectif dans une fable, faisant parler les brebis au loup qu’elles traitent de votre Majesté louve, & de Monarque loup.

  Prenez, Monarque loup, dit le baîlant troupeau,
  Contre le maître coq, prenez notre défense,
   Prenez sur nous toute licence,
  Et comme il vous plaira, tondez sur notre peau,
  Tout est à vous ; en vous est notre confiance,
   Et votre louve Majesté
   Peut au gré de sa volonté
   Disposer de notre substance.

Loup-garou. C’est dans l’esprit du peuple, un esprit dangereux & malin, travesti en loup, ou un sorcier transformé en bête effrayante, qui court les champs ou les rues pendant la nuit. Opinion aussi ridicule que celle qui établit les revenans, les lutins, les larves, les fées. Cette idée, toute extravagante qu’elle est, subsiste depuis long temps. Pline se moque de ceux qui croient que quelques hommes sont transformés en loups-garous, & reprennent ensuite leur première forme. Aujourd’hui on fait peur du loup-garou à un enfant. Dans bien des endroits le peuple croit que les excommuniés & ceux qui n’ont pas fait leurs Pâques, sont changés en loups-garous. Il y a un arrêt du Parlement de Dôle de 1574, qui condamne au feu Gilles Garnier qui ayant renoncé à Dieu, & s’étant obligé par serment à ne plus servir que le Diable, avoit été transformé en loup-garou.

☞ Le plus étrange effet de la force de l’imagination est la craint déréglée de l’apparition des esprits, des sortiléges, des loups garous, & de toutes les autres rêveries des Démonographes. Voyez dans la 3e Partie du P. Malbranche, où il traite de la communication contagieuse des imaginations fortes, quelle est la source de cette crainte, & comment l’on peut avec une imagination déréglée & échauffée se persuader soi-même, & persuader les autres de l’existence de ces prétendus esprits. S’il y a des loups-garous, ce ne peut être que des hommes atrabilaires, qui s’imaginent être devenus loups, par une maladie que les Médecins nomment Lycantropie. Voyez ce mot.

☞ Du Cange dérive ce mot de l’Anglois Were, homme, du Latin vir. Loup-garou, homme loup.

☞ D’autres disent loup-garou, loup dont il se faut se garer ou garder. Aussi dans quelques endroits on l’appelle guère loup. C’est le sentiment des Bollandistes, Acta Sanct. Mart. T. 2, p. 503.

Loup-garou, se dit figurément d’un homme bourru & fantasque, qui vit seul, & éloigné de toute compagnie. Morosus, difficilis, peracerbus. Cet homme vit en loup-garou, il ne veut voir personne, il ne sort que la nuit en loup-garou. Ils nous traitent par-tout comme des loups-garous. Voit. Ils veulent que leurs femmes vivent comme des loups-garous. Mol.

  Je ne prends point pour vertu
  Les noirs accès de tristesse
  D’un loup-garou revêtu
  Des habits de la Sagesse. R.

Loup de mer, ou Loup marin. Poisson qui est semé de taches qui a le dos blanc & bleu, qui est grand, gras, épais, couvert de moyennes écailles, ayant une grande & longue tête, avec une grand ouverture de gueule. Rond. Lupus, ou lucius marinus. Les loups marins de la mer du Sud, y sont en si grand quantité, qu’on voit souvent les rochers couverts autour de l’île de la Quiriquine : ils diffèrent des loups marins du nord, en ce que ceux-là ont des pattes, au lieu que ceux-ci ont deux nageoires alongées à peu près comme des ailes vers les épaules, & deux autres petites qui enferment le croupion. La nature a néanmoins conservé au bout des grandes nageoires quelque conformité avec les pattes ; car on y remarque quatre ongles, qui en terminent l’extrémité, peut être parce que ces animaux s’en servent pour marcher à terre, où ils se plaisent fort, & où ils portent leurs petits, qu’ils nourrissent de poisson, & qu’ils caressent, à ce que l’on dit, tendrement. Là ils jettent des cris semblables à ceux des veaux, d’où vient qu’on les appelle dans plusieurs Relations, Veaux marins ; mais leur tête ressemble plutôt à celle d’un chien, qu’à tout autre animal ; & c’est avec raison que les Hollandois les appellent Chiens marins. Leur peau est couverte d’un poil fort ras & touffu ; leur chair est fort huileuse, de mauvais goût : on n’en peut guère manger que le foie ; néanmoins les Indiens du Chiloé la font sécher, & en font leurs provisions pour se nourrir. Les vaisseaux François en tirent de l’huile pour leurs besoins. La pêche en est fort facile ; on en approche sans peine à terre & en mer, & on les tue d’un seul coup sur le nez. Il y en a de différentes grandeurs ; dans le Sud ils sont gros comme de bons mâtins, & au Pérou on en trouve qui ont plus de 12 pieds de long. Leur peau sert à faire des Balsas, ou balons pleins d’air, dont les Américains se servent au lieu de bateau. Frézier, p. 75. On voit quantité de loups-marins au Chili, tant à terre qu’à la mer. Les Hollandois les appellent Lions marins, & quelques-uns Veaux marins, parce qu’ils jettent un cri semblable à celui d’un veau. D’autres les appellent Chiens marins, parce qu’ils ont la tête assez semblable à celle d’un chien. Les Espagnols les nomment comme nous, loups marins. Ils sont amphibies.

☞ On trouve dans les Mémoires de l’Acad. t. 3. part. I. la description de cet animal. On remarque que ses poumons sont partagés en deux lobes : son cœur est rond & plat, & l’on y voit deux ventricules fort grands. Ces deux ventricules communiquent ensemble par le trou ovale, qui ne se ferme pas, comme dans les animaux terrestres, quelque temps après leur naissance ; mais qui laisse circuler le sang du ventricule droit dans le ventricule gauche sans passer auparavant par les poumons.

☞ D’où l’on doit conclure que le loup marin doit vivre aussi facilement dans l’eau que dans l’air.

☞ Pour s’en convaincre il faut remarquer 1°. que dans les hommes & dans tous les animaux terrestres, le sang va de la veine cave dans le ventricule droit du cœur ; du ventricule droit dans l’artère pulmonaire ; de l’artère pulmonaire dans la veine pulmonaire ; & de la veine pulmonaire dans le ventricule gauche.

2°. Que la poitrine des hommes, comme celle de tous les animaux terrestres, a deux mouvemens, l’un d’inspiration & l’autre d’expiration. Dans le premier elle se dilate, & reçoit l’air extérieur : dans le second elle se retrécit, & elle rend l’air extérieur qu’elle avoit reçu.

3°. Lorsque dans le mouvement d’expiration la poitrine se retrécit, les poumons en même temps se compriment, & le sang qu’ils avoient reçu du ventricule droit du cœur par l’artère pulmonaire, est obligé de se rendre dans le ventricule gauche par la veine pulmonaire. C’est pour cela sans doute que la respiration est absolument nécessaire à la vie de l’homme & de tous les animaux terrestres, puisque sans ces mouvemens alternatifs d’inspiration & d’expiration, le sang n’auroit pas son mouvement de circulation.

☞ Il n’en est pas ainsi du loup marin, & de tous les animaux amphibies. Comme ils ont le trou ovale ouvert, leur sang va du ventricule droit au ventricule gauche du cœur, sans passer auparavant par les poumons. Il a donc son mouvement de circulation dans le temps même qu’ils ne respirent pas, & par conséquent ces sortes d’animaux peuvent vivre dans l’eau.

☞ On peut appliquer ce principe à quelques effets analogiques à celui dont on vient de parler.

1°. Les enfans n’ont pas besoin de respirer dans le sein de leur mère ; parce que leur sang va du ventricule droit au ventricule gauche du cœur par le trou ovale qui ne se ferme que quelque temps après leur naissance.

2°, Veut-on savoir si un enfant trouvé mort est venu au monde mort ou en vie ? On n’a qu’à mettre un morceau de son poumon dans l’eau. S’il va au fond, l’enfant étoit mort avant de naître, & s’il nage, l’enfant est venu au monde en vie.

☞ En effet, si l’enfant étoit venu au monde en vie, il auroit respiré ; s’il eût respiré, il seroit resté de l’air dans ses poumons ; s’il fût resté de l’air dans ses poumons, ils auroient été relativement plus legers qu’un pareil volume d’eau, & par conséquent ils auroient surnagé. On doit donc conclure que s’ils vont au fond, l’enfant étoit mort avant que de naître ; & que s’ils nagent, l’enfant est venu au monde en vie.

3°. Ce qui cause la mort des noyés, n’est pas l’eau qu’ils boivent, puisqu’ils en avalent peu ; c’est qu’ils ne peuvent pas respirer dans l’eau.

4°. Ceux qui demeurent long temps dans l’eau, sans avoir besoin de respirer, tels que sont les Pêcheurs de perles, doivent avoir le trou ovale ouvert.

☞ Pline dit que l’on faisoit voir à Rome des loups marins qui répondoient quand on les appeloit, & qui de la voix & du geste saluoient le peuple dans les Théâtres. Sévérinus dit aussi qu’il y a eu un loup marin qui témoignoit de la joie, quand on nommoit les Princes Chrétiens, & de la tristesse, quand on nommoit les Mahométans. Credat Judaeus.

Dent de Loup, est un outil dont se servent les Graveurs, Orfévres & Doreurs, pour polir leurs ouvrages. Dens laevigatorius. C’est en effet une dent de loup, attachée à un manche.

Loup, est aussi un terme de Libraire, qui signifie un instrument de bois, fait en manière de triangle, dont on se sert pour dresser les paquets, lorsqu’ils sont cordés. Triangulus Typographicus.

Loup des Anciens. C’étoient des ciseaux courbes & dentelés, attachés au bout d’un cordage, avec lesquels on pinçoit le bélier, en le détournant à droite ou à gauche. Cette machine faisoit le même effet que les lacs courans.

Loup, est aussi un petit morceau de latte, au bout duquel les enfans attachent une petite corde, avec laquelle ils font tourner cette latte en l’air ; ce qui faisant un bruit qui a quelque chose du hurlement d’un loup, a été cause que les enfans ont appelé Loup ce morceau de latte. Assiculus rotatilis.

Vesse de Loup, est une espèce de Champignon. Voyez au mot Vesse.

On appelle Saut de loup, un fossé assez large pour n’être pas franchi par un loup, & qu’on creuse au bout des allées d’un parc, pour les fermer, sans leur ôter la vue de la campagne.

Loup, se dit figurément en Morale, d’un Hérétique, d’un hypocrite, ou d’un ennemi de l’Église. Jésus-Christ nous avertit de nous garder de ceux qui viennent avec des habits d’agneaux, & qui dans l’intérieur sont des loups ravissans. Qui veniunt ad vos in vestimentis ovium, intrinsecùs autem sunt lupi rapaces. Le peuple les appelle des Pattes de loup, des pattes pelues.

Loup, se dit figurément aussi des personnes malignes, médisantes. médisantes, ou qui déchirent impitoyablement les autres. Les hommes sont des loups les uns aux autres. Homo homini lupus.

Puisqu’entre vous, humains, vous vivez en vrais loups,
On ne me reverra de ma vie avec vous. Mol.

Loup, en Chirurgie, est une espèce de maladie qui vient aux jambes ; ulcère chancreux qui ronge & consume les chairs voisines. Carcinoma, cancer crurum.

Loup, en Chimie, est un des noms qu’on donne à l’antimoine, parce qu’il divise & dissout tous les métaux avec lesquels on le fait fondre, excepté l’or & l’argent.

Loup, est aussi une espèce de masque de velours noir, que les femmes ont porté pendant quelque temps pour se préserver du hâle. Il n’étoit point attaché, & elles le tenoient avec un bouton dans la bouche. Il pendoit depuis le front jusques sous le menton, à la différence des masques carrés qu’elles portoient auparavant. Elles lui ont donné ce nom, parce que d’abord il faisoit peur aux petits enfans.

Loup, ou la Panthère. Terme d’Astronomie. Constellation méridionale. On l’appelle aussi bête du centaure, parce que le centaure la traverse. Lupus. Cette constellation est composée de 19 étoiles : deux de la troisième grandeur, onze de la quatrième, & six de la cinquième.

Loup, se dit proverbialement en ces phrases. Il est décrié comme le loup blanc. On dit que la faim chasse le loup hors du bois, pour dire, que la nécessité contraint les gens à travailler, ou à mendier. Villon dit en son Testament ; nécessité fait gens méprendre, & fait saillir le loup du bois. On dit qu’on met les gens à la gueule du loup, pour dire, qu’on les expose à des périls évidens. On dit, qui se fait brebis, le loup le mange, pour dire, que quand on est trop facile ou patient, on est sujet à être pillé, ou insulté. On dit ironiquement, qu’une chose est sacrée, comme la patte d’un loup. On dit d’un homme enrhumé, qu’il a vu le loup : ou plutôt on devroit dire, que le loup l’a vu le premier, suivant ce mot des Bucoliques de Virgile, Lupi Mœrim videre priores. C’est une erreur populaire fondée sur un passage de Pline ; mais ce passage de Virgile fait voir que l’erreur est plus ancienne que Pline. On le dit aussi de celui qui a vu le monde, qui est aguerri & expérimenté. On dit encore, que des gens vont queue à queue comme les loups, quand ils s’entresuivent, quand ils arrivent l’un après l’autre. Car on dit que quand la louve est en chaleur, il y a une grande traînée de loups qui la suivent queue à queue, comme dit Phœbus de Foix en son livre de la Chasse. On dit encore, qui parle du loup en voit la queue, lupus in fabula, quand quelqu’un arrive dans une compagnie dans le temps qu’on parloit de lui. On dit aussi, Marcher à pas de loup, pour dire, doucement, & pour surprendre quelqu’un. On dit aussi, Entre chien & loup, quand il fait obscur, au temps qu’on ne peut discerner si c’est un chien ou un loup. Entre chien & loup ; cette expression est ancienne en France, elle se trouve dans Marculfe. Infra horam vespertinam, dit-il, inter canem & lupum, &c. On dit qu’on a couru un homme comme un loup gris, pour dire, qu’il a été vivement poursuivi. On dit qu’on tient le loup par les oreilles, quand on est embarrassé dans une affaire douteuse, & où l’on envisage du péril de tous côtés. Auribus teneo lupum. Ter. On dit que la lune est à couvert des loups, qu’elle est en sûreté. Ce proverbe vient du Latin, Luna tuta à lupis. On dit aussi, Donner les brebis à garder au loup, comme on dit, Au plus larron la bourse, pour dire, Mettre une chose en une main infidèle. Ce proverbe est encore tiré du Latin, & se trouve dans Térence. On dit aussi, qu’il faut hurler avec les loups, pour dire, qu’il faut s’accommoder à l’humeur de ceux avec qui on a à vivre. On dit encore, que la guerre est bien forte, quand les loups se mangent l’un l’autre, ou que les loups des bois ne s’entremangent pas, pour dire, que les gens d’une même profession s’entresoulagent : ce qui se dit des Auteurs ou des gens de même profession, lorsqu’ils se déchirent, ou qu’ils plaident les uns contre les autres. On dit en Chirurgie, qu’on enferme le loup dans la bergerie, quand on laisse refermer une plaie sans l’avoir bien fait suppurer, pour empêcher qu’il ne s’y forme un sac qui obligeroit à la rouvrir. On dit aussi, le loup mourra dans sa peau, pour dire, qu’il arrive rarement qu’un méchant homme s’amende. On dit aussi, A brebis comptées, le loup les mange, pour dire, que quelque soin que l’on ait de garder ce qu’on a, & d’en savoir le compte, on ne laisse pas quelquefois d’être volé. On dit aussi qu’un homme est connu comme le loup, pour dire, qu’il est extrêmement connu, & cela ne se dit que d’un homme de qui on peut se donner liberté de dire ce qu’on en pense. On dit aussi savoir la patenôtre du loup, pour dire, savoir de certaines paroles magiques pour empêcher que le loup n’étrangle les brebis. On appelle une femme débauchée, une louve. On dit : Qui sauroit les coups, on prendroit les loups, pour dire, Que si l’on savoit deviner, on feroit de belles choses & de beaux profits.

Quiconque est loup, agisse en loup :
C’est le plus certain de beaucoup. La font.

Danser le branle du loup, est un proverbe qui ne se trouve point dans nos Dictionnaires. En voici l’explication. Cosme. Tu parles haut, comme si j’étois sourd. Simplicien. Par-là vous pouvez connoître que je ne danse pas le branle du loup, la queue entre les jambes, c’est à dire, que je n’ai point de peur. Cosme. Il est vrai que le loup étant un animal cruel & lâche, porte ordinairement la queue entre les jambes, qui est un signe de sa lâcheté & de mauvaise nature, aussi-bien que de celle du chien, duquel un Poëte a dit que les chiens de mauvaise race replient leur queue sous le ventre.

Degeneresque canes caudam sub ventre reflectunt.

Voyez CHIEN.

On disoit anciennement, leu, & on le dit encore en Picardie. Il en reste des marques dans un jeu de petits enfans appelé, à la queue leu, leu ; & dans le nom de Saint Leu & Saint Gilles. Sancti Lupi & Ægidii.

On disoit aussi autrefois loin, pour signifier la même chose. L’Abbaye de Ville-Loin est appelée Villa-Lupa. La rivière de Loin, ad Lupam.

Îsles aux Loups Marins. Il y a sur la côte de l’Acadie, dans la nouvelle France, des îsles qu’on appelle les îsles des Loups marins, parce que les loups marins vont là faire leurs petits. Ils y viennent pour mettre bas vers le mois de Février, montent sur les rochers, & se mettent autour des îles, où ils font leurs petits, qui sont en naissant plus gros que le plus gros porc que l’on voie, & plus longs. Ils ne demeurent à terre que peu de temps, après quoi leurs père & mère les emmènent à la mer ; ils reviennent quelquefois à terre ou sur des rochers, où la mère les fait téter. La pêche s’en fait au mois de Février, lorsque les petits y sont : on va tout autour des îles avec de forts bâtons, les père & mère fuient à la mer, & on arrête les petits qui tâchent de suivre, en leur donnant un coup de bâton sur le nez, dont ils meurent. L’on va le plus vîte que l’on peut, car les père & mère étant à la mer, font un grand bruit, qui donnant l’alarme par-tout, les fait tous fuir ; mais il se sauve peu de petits : on ne leur en donne pas le temps. Il y a des journées que l’on en tue jusqu’à six, sept, & huit cens. Ce sont les petits qui sont les plus gras, car les père & mère sont maigres. L’hyver il faut bien trois ou quatre petits pour faire une barique d’huile ; qui est bonne à manger, étant fraîche, & aussi bonne à brûler que l’huile d’olive, & n’a point d’odeur en brûlant, comme les autres huiles de poisson, qui sont toujours pleines de lie épaisse, & de saletés au fond des bariques.