Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DRACUNCULES ou DRAGONNEAU

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 456-457).
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DRACUNCULES ou DRAGONNEAU. s. m. Terme de Médecine. Dracunculi. Maladie des enfans, dans laquelle ils sentent une grande démangeaison, causée, à ce qu’on croit, par de petits vers qui s’engendrent sous la peau, au dos, aux épaules, aux bras, & qu’on appele dracuncules. Les enfans qui ont des dracuncules, ou dragonneaux, deviennent presque étiques, & ils ne se nourrissent point, quoiqu’ils mangent de fort bonnes choses, ils sentent au dos, & quelquefois aux autres parties extérieures, une démangeaison insupportable, qui vient de ce que sous la peau il se forme des vers d’une matière visqueuse, qui ne se dissipe point par la transpiration. Cette maladie n’est pas tellement propre des enfans, que les personnes plus âgées ne l’aient quelquefois, puisqu’on dit que l’Empereur Henri V. en mourut : il l’avoit eue de naissance. En Pologne, les femmes guérissent de la manière suivante les enfans qui ont des dracuncules. On baigne, & on lave les enfans dans de l’eau chaude, dans laquelle on a jeté une mie de pain en miettes, & une poignée de cendres ; on fait écouler l’eau, & l’on ramasse en une masse la mie de pain : si on la divise le premier jour, on y voit une quantité prodigieuse de poils très-fins, que quelques-uns appellent poils de chien, & d’autres, poils de vers : c’est à ces poils, ou à ces vers, qu’on attribue la cause du mal. Après avoir donné aux enfans ce bain, on leur frotte les épaules & les bras de farine détrempée dans du vinaigre, ou de farine de froment détrempée avec du miel, & aussi-tôt il paroît sur la peau de petits tubercules, semblables à des graines de pavot de couleur cendrée : on appelle ces tubercules têtes de vers : il faut les racler aussitôt qu’ils paroissent ; car autrement ils rentreroient sous la peau. On réitère l’opération jusqu’à ce qu’il n’en paroisse plus ; car, à chaque fois qu’on frotte, & qu’on racle, on s’apperçoit que le nombre de ces tubercules diminue. Cette maladie est rare, & peu de Médecins en ont parlé. On ne la connoît point en France. Voyez André Dudithius, épître 12 liv. 3. Sennert dans sa Pratique, liv. 2 ch. 24. Vucirius, liv. 2 des Observations ; Dégori, trésor, &c.

Les Auteurs du Journal de Leipsik parlent de cette maladie dans le tome du mois d’Octobre 1682. pag. 316. Ils disent que ces poils, qui sortent des pores après le bain, sont comme de gros cheveux, corpuscula pilorum crassiorum instar densa & spiffa ; & non pas des poils très-fins, comme dit Dagori. Ils ajoutent que cela a fait donner le nom de crinones à ces petits corps ; qu’on les appele aussi Comedones, parcequ’ils mangent, ils dévorent l’aliment qui nourrit les enfans ; que George-Jérôme Velchius les nomme vers capillaire des enfans, dans une Dissertation très-curieuse & très-utile aux Médecins, qu’il a faite, sous le titre de Exercitatio de Vermiculis capillaribus infantium, & qu’ils louent & recommandent beaucoup, comme contenant tout ce qui s’est dit sur cela, tant pour la curiosité & la théorie, que pour l’usage & la pratique, & pouvant suppléer à tous les ouvrages qui ont paru sur cette matière. Quant à la nature & à la figure de ces petits corps, le microscope a décidé la question ; ce sont de véritables animaux vivans, qui sont d’un cendré tantôt plus, tantôt moins foncé ; qui ont deux cornes longues sur la tête, deux gros yeux ronds, avec une queue longue, & qui est terminée par une touffe de plusieurs poils ; qu’il est difficile de tirer entiers en frottant le corps de l’enfant, parcequ’ils sont si tendres, que le moindre frottement les écrase. Les quatre figures qui en sont gravées, montrent de plus qu’ils ont beaucoup de poils aux côtés. La grandeur naturelle de l’animal entier, est d’environ deux lignes.