Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DIDON

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 330-331).

DIDON. s. f. Nom de femme, Dido Didus, ou Didonis au génitif. Didon fut fille de Belus II. Roi des Tyriens, appelé autrement Métrès. Elle épousa en premières noces un Prêtre d’Hercule, nommé Sichée. Sichée étoit fort riche. Pygmalion, frère de Didon, pour se rendre maître des trésors de son beau-frère Sichée, le tua une nuit. Didon, avertie de ce meurtre dans un songe, rassembla ce qu’elle put trouver d’ennemis de Pygmalion, & ayant tiré de terre les trésors de son mari, s’embarqua avec eux la nuit pour fuir la tyrannie de son frère, & vint surgir à la côte d’Afrique, à l’endroit où est aujourd’hui le Royaume de Tunis, un peu à l’occident de l’endroit où est la ville de Tunis. Elle y acheta autant de terre que le cuir d’un bœuf en pouvoit entourer. Virg. Enéide L. I. v. 371. Silius Italicus, L. I. v. 24. Ayant coupé le cuir d’un bœuf en une aiguillette, ou en une bande très-peu large, mais fort longue, elle entoura un grand espace de terrein, où elle bâtit une ville, dont on montre encore les ruines sur la côte du Royaume de Tunis à l’embouchure du Magrada, un peu plus au midi que le Porto Farina : elle nomma sa nouvelle ville Carthage, & la citadelle Byrsa.

Joseph, dans son premier livre contre Appion, dit que ce fut 144 ans après la fondation du Temple de Salomon, & par conséquent, près de deux cens ans plutôt que Velleius Paterculus ne place cet événement, mais toujours près de 400 ans plus tard que Virgile ne l’a feint dans son Enéïde. Joseph paroît plus croyable que Paterculus. Il cite sur cela les Annales des Tyriens & Ménandre d’Ephèse, d’où il a tiré ce qu’il avance. Aussi le P. Pétau, le P. Salien, &c. suivent Joseph. Bien des Savans croient que Didon ne bâtit que la citadelle appelée Byrsa, autour de laquelle, dans la suite des temps, se construisit la ville qu’on nomma Carthage. Iarbas, Roi de Gétulie, demanda Didon en mariage ; &, comme elle le refusa, il lui déclara la guerre, & se mit en devoir de l’y forcer par les armes. Pour l’éviter, Didon se tua elle-même, aimant mieux mourir que de violer ou de partager par des secondes noces l’amour qu’elle avoit pour Sichée. C’est cette mort qui a donné lieu à Virgile de feindre, par un anachronisme de plusieurs siècles, qu’elle s’étoit tuée, parce qu’Enée l’abandonna après l’avoir épousée. Sur quoi Ausone a fait cette épitaphe de Didon.

Infelix Dido, nulli bene nupta marito :
Hoc pereunte fugis, hoc fugiente peris.

☞ Qui a été heureusement rendue par les vers suivans, malgré la faute qui se trouve dans le premier.

Pauvre Didon, où t’a réduite
De tes maris le triste sort !
L’un en mourant cause ta fuite,
L’autre en fuyant cause ta mort.

Ce nom Didon vient du Phénicien דיר, dilectus, דריה, dilecta. Servius dit que Didon, en Phénicien, signifie virago. L’Etymolgiste & Phavorius l’interprètent errante, vagabonde ; & Eustathius, dans ses Notes sur Denis le Géographe, v. 195. Ἀνδροφόνος, Homicide.

Didon fut aussi appelée Elize, Eliza, & fut honorée à Carthage comme une Déesse, ainsi que le témoignent Justin & Paterculus. Consultez Voss. de Idol. L. I. c. 32. p. 124.

Didon. s. m. Nom d’homme. Il y a un Didon, Evêque de Poitiers ; & un autre, Evêque de Châlons, dans le VIe siècle.