Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DIALECTE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 317-318).
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DIALECTE. s. m. Langage particulier d’une Province, corrompu de la langue générale, ou principale du Royaume, ou de la nation. Dialectus, loquendi genus. Homère pouvoit parler dans un seul vers, cinq langues différentes ; c’est à-dire, cinq sortes de Dialecte ; le Dialecte Attique, Ionique, Eolique, Dorique, & la langue commune des Grecs. Cette bigarrure de Dialectes est desagréable ; & qui useroit du même privilége en François, feroit des vers ridicules. Le Champenois, le Picard, sont des Dialectes François. Le Boulonnois, le Bergamasque, sont des Dialectes Italiens.

On appele proprement Dialectes, les différences particulières qu’il y a encre les mots, relativement à la langue commune. C’est une manière particulière de parler, de prononcer certains mots, qui n’est pas la même que dans la langue principale. L’Idiotisme tombe sur une phrase entière, le Dialecte sur un mot.

On auroit tort de dire que le Gascon, le bas-Breton ; &c. sont des Dialectes François, parce que ce sont autant de langages particuliers, qui n’ont rien de commun avec la langue Françoise. Au reste ce mot n’est en usage parmi nous, qu’en parlant de la langue Grecque.

Le genre du mot de dialecte n’est point équivoque, ou incertain, c’est le masculin, on doit dire un dialecte, le dialecte. M. Ménage, M. Huet, M. l’Abbé Régnier, Scaliger, le Vayer, parlent ainsi ; l’Académie Françoise dans son Dictionnaire donne le genre masculin au mot de dialecte : c’en est plus qu’il ne faut pour l’emporter sur l’autorité de l’Abbé Danet, de Richelet, & de quelques autres, qui font ce nom de dialecte de genre féminin. La contraction n’est pas une raison pour faire un dialecte différent. Il n’y a point de dialecte commun, ni de langue commune. Ménage. Les divers dialectes d’une même langue se moquent les uns des autres. Scaliger. Son dialecte est tout-à-fait Ionique. La Motte le Vayer, parlant d’Hérodote. Ce fut dans Samos qu’Hérodote se forma au dialecte Ionique. Id. On trouve des exemples du même genre dans la Grammaire de M. l’Abbé Régnier, & dans les lettres imprimées de M. Huet.

☞ Ce mot dialecte est composé du Grec λέγω, dico, & de la préposition διά.

Dialecte Sacrée, s. f. Nous apprenons d’un passage de Manéthon, qu’il y avoit non-seulement des lettres & caractères sacrés, mais aussi un dialecte ou langage sacré. Car ce que Manéthon appele ici dialecte sacrée, ἱερὰ διάλεκτος, dans un autre endroit, où il interpréte un mot de cette dialecte, il l’appelle langage sacré, ἱερὰ γλῶσσα. Selon Monsieur Warburton, la dialecte sacrée étoit un langage que les Prêtres Egyptiens s’étoient formé, & un des derniers expédiens qu’ils avoient trouvé pour se réserver à eux-mêmes leurs connoissances. Je conçois que la Dialecte sacrée s’est formée, en donnant aux choses le nom de celles qui représentoient les figures hiéroglyphiques. Par exemple, Yk signifioit un Serpent dans la langue Egyptienne ; & la figure d’un Serpent, dans les Hiéroglyphes, marquoit un Roi ; Yk, signifia un Roi dans la dialecte sacrée, comme le dit Manéthon. C’est ainsi que leurs Hiéroglyphes devinrent un fond pour une nouvelle langue toute entiére. Essai sur l’Hist. Hiéroglyphique, p. 175.