Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DEVINER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 297-298).

DEVINER, v. a. Prédire, pronostiquer ce qui doit arriver. Divinare, hariotari, vaticinari.

D… avoit prédit d’un Prince la naissance ;
Et moi, j’avois prédit que, dès qu’il seroit né,
Méchans vers on verroit paroître en abondance :
Nous avons tous deux deviné.

Deviner, signifie aussi, découvrir une chose cachée, obscure & inconnue, en juger par voie de conjecture. Detegere, indagare, explicare. Deviner une énigme. Il a deviné ma pensée. Les Philosophes passent leur vie à deviner, & à chercher comment la nature remue toutes les machines qu’elle présente à nos yeux. S. Evr. Nous nous voyons incessamment nous-mêmes, & nous sommes encore à deviner comme nous sommes faits. Fonten. Un Amant est d’ordinaire plus piqué d’un amour qu’il devine, que de celui qu’il voit : Id. Nous autres gens de Cour nous sommes tellement dissipés, que très souvent il faut qu’on nous devine. Com. On aime bien à deviner les autres ; mais l’on n’aime pas à être deviné. La Rochef. Nous nous imaginons toujours qu’on devine nos sentimens secrets. S. Real. Une pensée délicate cache une partie du sens qu’elle contient, afin qu’on le cherche & qu’on le devine. Bouh.

Deviner, signifie quelquefois simplement, penser, juger, chercher. Excogitare, augurari, conjicere. Je vous laisse à deviner ce qu’il a pu dire en cette occasion, pour dire, je vous laisse à penser. Je vous en ai assez dit, devinez le reste de ses sentimens. Il faut qu’un Orateur laisse toujours quelque chose à deviner à l’auditeur. Son écriture est si méchante, qu’il faut à tout coup deviner.

On dit aussi, qu’un Commentateur devine, que c’est deviner, conjicere, quand il explique à sa fantaisie un passage d’un Auteur obscur, & auquel on peut donner plusieurs autres sens aussi raisonnables.

On dit, en proverbe, d’un homme qui n’est pas heureux en ses conjectures, que ce n’est pas un grand Devin, qu’il devine les Fêtes quand elles sont venues ; ou de celui qui explique une chose claire, qu’il ne falloit point aller pour cela au devin. On dit aussi, je vous le donne à deviner en dix, en cent, &c. pour marquer qu’une chose est difficile à deviner.