Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DEMOISELLE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 214-215).
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DEMOISELLE. s. f. Femme ou fille née de parens nobles. Femina nobilis. Cette personne est Demoiselle, quoiqu’elle soit pauvre, elle est fille de Gentilhomme.

Autrefois on disoit Damoiselle, & on trouve encore ce mot de Damoiselle dans des actes, comme contrats, &c.

Demoiselle, se dit aujourd’hui de toutes les filles qui ne sont point mariées, pourvu qu’elles soient d’honnête famille. Ces deux belles Demoiselles sont filles d’un Marchand, d’un Procureur. Ce nom ne se donnoit autrefois qu’aux filles des Princes & des Grands Seigneurs, des Barons & des Chevaliers, qui n’étoient point mariées. Ce mot vient du Bas-Breton, ou ancien Gaulois, où l’on disoit Demoiselle en la même signification.

Demoiselle, se dit aussi d’une fille qui est à la suite ou au service d’une Dame. Ancilla, famula, assecla. Les Demoiselles suivantes sont les confidentes de leurs maitresses.

Demoiselle, est aussi un ustensile qu’on met dans le lit pour échauffer les pieds d’un vieillard. C’est un fer chaud qu’on met dans un cylindre creux, qu’on enveloppe dans des linges, & qui entretient long-temps sa chaleur ; quelques-uns l’appellent moine. Ferrum calidum cylindro concavo inclusum.

Demoiselle, ou Damoiselle, mais plus souvent Demoiselle ; parce qu’il est plus doux. C’est un outil dont se servent les Paveurs pour enfoncer les pavés. C’est un gros cylindre de bois ferré par le bout & pesant qui a deux anses aux côtés pour le manier & l’élever un peu en l’air. Fistuca. Les Paveurs appellent aussi cet instrument hie. Ils disent en riant faire sauter la Demoiselle ; pour dire, travailler avec la hie, ou enfoncer le pavé avec la Demoiselle.

M. Perrault, dans ses notes sur le ch. 3. du liv. 3. de Vitruve, dit qu’on a appelé cet instrument du nom de demoiselle, à cause qu’il a deux anses qui représentent deux bras.

Demoiselle, Espèce de jambier qui soutient le cheval dont se servent les Scieurs de long.

Demoiselle, en termes de Monnoies, espèce de verge fer ou espadon, qui sert à empêcher que les charbons ne coulent, avec la matière, de la cuillier dans les moules. Encyc.

DEMOISELLE DE NUMIDIE. ou POULE DE NUMIDIE. C’est un oiseau rare d’un plumage gris plombé, qui a des plumes élevées en forme de crête, longues d’un pouce & demi ; mais les côtés de cette crête & le derrière sont garnis de plumes noires & plus courtes. Au coin de chaque œil elle a un trait de plumes blanches qui passant sous l’appendice, lui forme de grandes oreilles de plumes, faites de fibres longues & déliées, comme celle que les aigrettes ont sur le dos. Le devant de son cou a des plumes noires encore plus déliées que celles de l’aigrette, qui lui pendent sur l’estomac. Ses jambes sont couvertes de grandes écailles par devant & de petites par derrière. Ses ongles sont noirs & médiocrement crochus. La plante du pied est grenée comme du chagrin. On croit que c’est le même oiseau que les Anciens ont nommé scops, & les Grecs ὠτίς, qu’Aristote a nommé bateleur, danseur & comédien, & Pline parasite, & baladin ; & on l’a appelé en François demoiselle, parce qu’il semble qu’il imite les gestes d’une femme qui affecte d’avoir de la grace dans son marcher, dans ses révérences & dans sa danse. Athénée le nommoit anthropoeide ; c’est-à-dire, ayant forme humaine, à cause qu’il imite ce qu’il voit faire aux hommes, & il rapporte la manière dont Xénophon dit que les Chasseurs prennent ces sortes d’oiseaux. Ils font semblant en leur présence de se laver les yeux, & au lieu de bassins pleins d’eau, ils en laissent qui sont pleins de glu. Les demoiselles s’approchent de ces bassins, & se collent es pieds & les yeux avec la glu, en imitant les gestes qu’elles ont vu faire aux hommes. On en a nourri dans la Ménagerie de Versailles.

DEMOISELLE. s. f. Espèce de petit insecte. C’est un ver, en forme de nymphe, qui a deux yeux si gros, qu’ils font presque toute sa tête & quatre ailes admirables qui le font tourner avec une grande vîtesse ; parce qu’il prend sa proie en l’air. Il a deux dents renfermées en dedans avec lesquelles il pince très-fort. L’accouplement de ces insectes, se fait, d’une façon bien singulière, en l’air en volant, & en faisant des cabrioles, l’extrémité de la queue de la femelle se courbant vers le milieu du corps du mâle où sa verge est située, & la recevant ensuite dans l’extrémité de sa queue. Cet insecte a aussi deux cornes, & il jette dans l’eau ses œufs, qui ressemblent à ceux des poissons d’où l’on voit sortir une infinité de vers à six pieds. Il s’en forme ensuite un ver volant, qui étoit auparavant rampant & nageant. Chacune de ses six jambes est composée de six parties velues par-tout, dont l’extrémité est armée de deux ongles ou serres. Le ventre se divise en dix anneaux. Du lieu où la poitrine s’unit avec le ventre, sortent quatre boutons qui s’enflent, & renferment ses ailes comme les boutons des plantes contiennent les fleurs. Les Latins l’appellent libella, ou perla. Swammerdam en distingue de dix-sept sortes, & dit que Rondelet mal-à propos l’a nommée cigale d’eau ou cicada aquatica ; au lieu d’une sauterelle d’eau, locusta aquatica, dont parle Moufet. Jonston l’appelle forficula aquatica, qui est ce que Moufet appelle puce d’eau, ou pulex marinus. C’est aussi ce que M. Rédi appelle scorpion aquatique. M. Hombery, pensionnaire de l’Académie Royale des Sciences, a donné des observations sur cette sorte d’insecte, dans l’Histoire de l’Académie de l’Année 1699. On trouve dans le Mercure de Juin 1735. 2e. vol. que suivant l’opinion des Naturalistes, cet animal prend naissance dans le fonds des eaux, enveloppé d’une seule membrane ; qu’il dilate son ventre pour faire entrer l’eau dans l’intestin par l’anus ; qu’ensuite il comprime son ventre pour en chasser l’eau assez loin, aussi par l’anus, qu’il fait rentrer l’eau dans son intestin pour la rejeter comme la première fois, recommençant & continuant si long-temps ce petit jeu qu’il fait circuler l’eau dans un bassin avec assez de vîtesse.

Il y a une espèce de poires qu’on appelle poire de Demoiselle ; ou autrement poire de vigne ; & que mal-à-propos on nomme en quelques endroits Petit-vin. La Quint. Voyez au mot Vigne.