Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DEFTARDAR ou DEFTERDAR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 172-173).
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DEFTARDAR ou DEFTERDAR. s. m. Trésorier des Finances dans l’Empire Turc. Quæstor, Meninski l’appelle supremus Thesaurarius, Præses Cameræ, & après Castel, Qui libris accepti & expensi præest, ejusmodi codicum custos & minister ; Quæstor, Grand Trésorier, Camerlingue, Intendant des Finances ; c’est-à-dire, que la charge de Deftardar répond à celle-ci. Le Deftardar est celui qui tient les rôles, & les états de la milice & des finances chez les Persans & chez les Turcs ; c’est une des plus grandes charges de l’Etat, & qui a du rapport à celle de Surintendant ou Contrôleur Général des Finances en France. D’Herb. C’est le Deftardar qui reçoit les revenus du Grand-Seigneur, qui paie les troupes, & qui fournit toute la dépense nécessaire pour les affaires publiques, & par là cette charge est différente de celle du Chaznadar, dont nous avons parlé en sa place, & qui est Trésorier du Serail, de la maison du Prince ; au lieu que le Deftardar est Trésorier de l’Etat. Il y a un Deftardar dans chaque Beglierbeglic ou Gouvernement, & il est un des principaux Conseillers du Beglierbey, ou Gouverneur. Voyez Ricaut de l’Empire Ottoman.

Vigenère en parle aussi dans ses Illustrations sur l’Hist. de Chalcondyle, & il écrit Dephterderi, & non pas Deftardar. Il dit qu’il n’y a que deux Dephterderi, l’un pour l’Europe, & l’autre pour l’Asie, & qu’ils sont Surintendans Généraux des Finances, avant la charge de faire venir au Chasna, ou épargne tous les deniers, tant du Carazzi que des autres impositions & subsides ; qu’ils ont chacun quarante Commis sous eux, & ces Commis grand nombre de Clercs, qui vont & viennent de côté & d’autre pour le recouvrement des deniers, & pour s’informer des malversations ; que le Dephterderi d’Europe a dix mille écus d’état, & sous lui deux Commis Généraux, l’un pour la Hongrie, Transilvanie, Valaquie, Croatie, Servie, Bulgarie, Bosnie, & régions adjacentes ; l’autre pour la Grèce, la Morée & les Îles circonvoisines. Leurs Clercs, ou Sous-Commis, ont cinq ou six cens écus : quand le Grand-Seigneur va commander ses armées en personne, il a coutume de laisser ce Detpherderi d’Europe à Constantinople avec un des Bassas, pour commander en son absence ; que le Detpherderi d’Asie n’a que six mille écus de gages, & deux Commis, qui en ont deux mille chacun, l’un pour l’Anatolie, & l’autre pour la Syrie, l’Arabie & l’Egypte ; qu’ils ont pareillement plusieurs Sous-Commis, ou Clercs appointés comme ceux de l’Europe ; que les Dephterderi ont séance au Divan, & qu’ils entrent chez le Prince avec les Cadileschers, les Beglerbeys & les Bachas, & autres principaux du Conseil.

Ce mot est composè de דפתר, defter, nom Turc, qui signifie livre, cahier, mémoire, regitre, livre de compte où s’écrit la recette & la dépense ; & qui selon la conjecture très-vraisemblable de Méninski, est originairement un nom Grec que les Turcs ont pris des peuples qu’ils ont conquis : car διφθέρα signifie peau, sur laquelle on écrivoit autrefois, parchemin. Le second mot dont Defterdar est composé, est דאר, dar, nom Turc & Persan, qui signifie capiens, tenens, desorte que defterdar signifie celui qui tient le livre de la recette & de la dépense du Grand-Seigneur.

La charge de defterdar s’appelle דפתר דארלק Defterdarlyk.