Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DAPHNÉ

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 105-106).

DAPHNE. Nom d’un fauxbourg d’Antioche, dans lequel il y avoit un Temple & un Oracle fameux d’Apollon. Daphne. Il étoit du côté du midi de la ville. Il en est parlé Machab. II. IV. 33. C’étoit un lieu délicieux près de l’ancienne Antioche. Ce lieu étoit en Syrie ce qu’étoit Bayes en Italie, & Canopus près d’Alexandrie en Egypte, c’est à dire, très-agréable ; mais très-décrié pour la débauche & la dissolution des mœurs. S. Jean Chrysostome, dans son homélie sur Saint Babylas, & Sozomène disent qu’un homme qui avoit de l’honneur & de la pudeur n’y pouvoit aller.

☞ Tout conspiroit à faire de ce lieu un séjour délicieux : l’air y étoit le meilleur du monde ; le territoire admirable de sa nature, le devenoit encore plus par l’art, & fournissoit toutes sortes de fruits ; des bois de haute futaie, de petits bosquets, des eaux excellentes, toutes les commodités de la vie y attiroient une infinité de ces gens qui veulent goûter les douceurs d’une vie tranquille & aisée, de-là le proverbe : Daphnicis moribus vivere.

Il y a plusieurs loix ou rescrits des Empereurs, dans le Code, qui défendent de couper ce bois, qui étoit composé principalement de cyprès & de lauriers. On y voyoit une Idole fameuse d’Apollon qui rendoit des oracles, & qui fut rendue muette, comme Sozomene le rapporte, L. V. c. 18. Il y avoit un autre temple consacré à Diane. Les Juifs y avoient aussi une fameuse Synagogue, dont S. Jean Chrysostome parle souvent dans ses Homélies contre les Juifs d’Antioche.

Ce nom fut apparemment donné à ce lieu du mot Grec Δάφνη, laurus, parce qu’il y avoit beaucoup de lauriers. Bochart, dans son Chanaan, L. I. c. 1. prétend que ce mot est Hébreu & Phénicien, & qu’on a dit Daphne pour Taphne, les Grecs ajustant les mots Hébreux, de sorte qu’ils semblent être nés chez eux. Quoi qu’il en soit, ce lieu changea de nom dans la suite, & prit celui de Nero, qui, quoi qu’en dise Hoffman, ne vient pas vraisemblablement du Grec Νηρόν, qui signifie un lieu humide & aquatique, ni du Syriaque נר, qui ne se dit peut-être point, mais de l’Hébreu נהר, nathar, dans la forme Syriaque, נהר, nehar, & נהרא, nehara, qui signifie un ruisseau, une rivière, & figurément, un lieu bien arrosé.

Daphné, est aussi un lieu d’Egypte proche de Péluse, dont parle Etienne de Byzance.

Daphné est encore une montagne de l’Attique, ainsi nommée à cause de la quantité de lauriers-roses qui y croissent. Il y a un Monastère de Caloyers, aussi appelé Daphné, du nom de la montagne. Voyez M. Spon, dans son Voyage de la Grèce, P. II. pag. 275. & Wheler, Voyage d’Athènes, T. II. Liv. III.

Daphné. s. f. Terme de Mythologie. Fille de Tirésias, dont parle Diodore, prophétisa à Delphes, & y acquit le nom de Sibyle. On dit qu’elle n’employoit dans ses réponses que des vers d’Homère.

Daphné. Fille du Fleuve Pénée, laquelle fut métamorphosée en Laurier.

Daphné, autre Nymphe de la montagne de Delphes, qui fut choisie, selon Pausanias, par la Déesse Tellus, pour présider à l’Oracle qu’elle rendoit en ce lieu, avant qu’Apollon en fût en possession.