Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DALMATIQUE
DALMATIQUE. s. f. Ornement d’Eglise, espèce de tunique que portent les Diacres & les Soudiacres, quand ils assistent le Prêtre à l’Autel, en quelque Procession, ou autre cérémonie. Dalmatica. On peint S. Etienne revêtu d’une dalmatique. Du Cangedit que les Empereurs & les Rois, dans leurs sacres & autres grandes cérémonies, étoient vêtus de dalmatiques. Cet ornement n’appartenoit autrefois qu’aux Diacres de l’Eglise de Rome. Les autres ne la pouvoient porter que par un indult & concession du Pape dans quelque grande solemnité : depuis on l’a accordée même aux Moines, quand ils ont reçu le Diaconat, comme on le peut voir par un Pontifical rapporté par le P. Martenne, dans son ouvrage des anciens rits de l’Eglise ; & c’est aujourd’hui l’usage qu’ils la reçoivent lorsqu’on les fait Diacres, & lorsqu’ils assistent le Prêtre à l’Autel. Herbert dit que la tunique étoit le propre des Soudiacres, la dalmatique des Diacres, & la chasuble des Prêtres. Le Pape Zacharie avoit coutume de la porter sous sa chasuble, & les Evêques en portent encore. C’étoit un ornement sacerdotal qu’on a pris souvent pour la chasuble, qui étoit blanc moucheté de pourpre, & c’étoit autrefois un habit militaire, à ce que dit Amalarius. Alcuin dit que le Pape Silvestre en introduisit le premier l’usage dans l’Eglise ; mais elle étoit différente de celle d’à présent. Elle étoit faite en forme de croix, avoit du côté droit des manches larges, & du côté gauche de grandes franges, lesquelles signifioient, suivant ce que dit Durandus, les soins & les superfluités de cette vie. On n’en mettoit point par conséquent au côté droit, à cause que l’autre vie en est exempte. C’est aujourd’hui l’usage de donner aux Diacres une dalmatique dans la cérémonie de leur ordination : cet usage, selon le P. Martenne, n’est universellement établi que depuis environ cinq cens ans ; d’où il conclut, contre Médina, que donner la dalmatique n’est point une chose essentielle à l’ordination des Diacres. On trouve dans l’ouvrage du P. Martenne plusieurs Pontificaux ou Rituels des Eglises de Rome, de Mayence, de Besançon, de Tours, où la cérémonie qu’on fait, & les paroles qu’on récite ou qu’on chante en donnant la dalmatique aux Diacres, sont marquées. C’étoit la coutume au tems de Saint Grégoire, lorsqu’on portoit en terre le corps du Pape, le peuple le couvrît de dalmatiques, qu’il partageoit ensuite, & qu’il gardois comme des reliques. Saint Grégoire le défend dans le Concile Romain tenu en 595. Il paroît qu’à la fin du VIe siècle les Evêques de France n’avoient point le droit de porter de dalmatiques ; car S. Arige, Evêque de Gap, ayant demandé cette grâce à S. Grégoire, ce Saint Pape lui en envoya, à lui & à son Archidiacre, en 585. avec la permission de s’en servir ; il en parle comme d’une grace qui ne s’accordoit pas aisément.
La dalmatique est un vêtement dont l’usage est venu originairement de Dalmatie. Capitolin, dans la vie de Pertinax, c. 8. dit qu’on tenoit parmi les meubles de l’Empereur Commode, tunicas, penulasque, lacernas & chiridatas Dalmatarum. Lampride, dans la vie de Commode, c. 8. dit de ce Prince, qu’il parut en public vêtu d’une dalmatique : Dalmaticus in publico processit ; ce qui passoit alors pour une chose infâme, les gens graves & modestes ne paroissant jamais avec des dalmatiques : & le même Historien assure, c. 24. de la vie d’Héliogabale, que cet Empereur avoir souvent paru sur la place en dalmatique après son soupé. Dalmaticatus in foro post cœnam. Mercure, Mai 1733.
Les chappes des Crieurs & des Maîtres de Confrairie sont faites en forme de dalmatiques ou de tuniques. En Berry & en Touraine on l’appelle courtibaut. Les paysans de Berry & autres lieux au-delà de la Loire ont des habits faits en forme de casaques longues, qu’ils appellent daumais, ce qui apparemment est un mot corrompu de dalmatique. Voyez dans les Acta Sanct. Propyleum Mens. Maii Conat. Chronol. pag. 89. & pag. 97. la forme des dalmatiques anciennes. Voyez encore, Tom. VII. Maii Paral. pag. 97 & 108. des dalmatiques de Diacre.