Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉSIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 270-271).

DESIR. s. m. Inquiétude qu’on ressent pour une chose absente, & à laquelle on attache une idée de plaisir, passion qui nous porte à vouloir un bien que nous jugeons nous être convenable. Desiderium, cupido. La colère est un desir ardent & opiniâtre de nuire. M. Esp. Vous avez allumé des desirs téméraires dans mon cœur. S. Evr. La piété nous ordonne de renoncer à tous les desirs mondains & criminels, aux desirs de la chair. Le desir de la gloire est ce qui anime le Héros & on lui doit toutes les actions d’un grand éclat. Le desir de trouver la vérité est tout ce qui dépend de nous, la trouver n’est-ce pas plutôt un bonheur qu’un mérite ? Un desir de gloire immodéré & une ambition trop vaste ne lui laissent point de repos. S. Evr. Je connois plus les souhaits que les desirs. M. Scud. Cela est fort judicieusement distingué ; car les souhaits doivent être l’ouvrage de la raison ; & les desirs sont presque toujours des aveugles qui naissent du tempéramment, & j’ai eu plusieurs fois des desirs pour des choses que je n’ai pas souhaitées, par ce que ma raison y est opposée. M. Scud.

☞ La force de la signification de ces deux, dit M. l’Abbé Girard, ne dit rien de bon ou de mauvais ; dans l’objet, elle n’exprime que le mouvement par lequel l’ame se porte vers lui, quel qu’il soit, bon ou mauvais ; mais avec les différences suivantes. Les souhaits & les désirs ne regardent que les choses éloignées ; les souhaits sont plus vagues ; & les désirs plus ardens. Les souhaits se nourrissent d’imagination ; ils doivent être bornés. Les désirs viennent des passions, ils doivent être modérés. On se repaît de souhaits. On s’abandonne à ses désirs. Nous souhaittons ce qui nous flatte. Nous désirons ce que nous estimons. On dit du souhait qu’il est raisonnable ou ridicule ; du desir, qu’il est foible ou violent. Les paresseux s’occupent à faire des souhaits chimériques. Les Courtisans se tourmentent par des désirs ambitieux.

☞ Le desir ajoûte toujours à la vivacité du souhait, qui n’est quelquefois que de pure politesse. Souhaits de la nouvelle année.

Si l’homme n’avoit point péché, l’ame & le corps ne se seroient point importunés par des desirs déraisonnables. Port-R. Les offices des vrais amis ont je ne sais quoi de vif qui va au-devant de nos besoins & qui prévient jusqu’à nos desirs. S. Evr. La mesure des desirs est d’ordinaire celle des inquiétudes & des chagrins.

La raison au milieu des plaisirs.
D’un remords importun vient brider nos desirs. Boil.

Combien de fois sensible à tes ardens desirs,
M’est-il en ta présence échappé des soupirs ? Rac.

Son miroir lui disoit, prenez vîte un mari ;
Je ne sai quel desir le lui disoit aussi. La Font.

On dit, en termes de Pratique, d’un testament, d’un partage, ou autre acte défectueux, qu’il n’est pas fait au desir de la Coutume, de l’Ordonnance, pour dire, qu’il n’a pas toutes les formalités que la Coutume demande.

On dit proverbialement, que les obstacles irritent les desirs, & sur-tout en matière d’amour, pour dire, que nous souhaitons avec plus d’ardeur les choses qui nous sont défendues, ou qui sont difficiles.

DESIR. Nom propre d’homme. Voy. DIDIER.