Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉSERTER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 266).
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DÉSERTER. v. a. Quitter le lieu où l’on est. Migrare, demigrare de loco, locum deserere. Il a déserté le pays, il l’a quitté. Un honnête homme est contraint de déserter un lieu, d’en sortir, quand il se rencontre avec des sots, ou des méchans.

Et l’ennemi vaincu désertant ses remparts,
Au-devant de ton joug couroit de toutes parts. Boil.

Ils y courent en foule, & jaloux l’un de l’autre,
Désertent leur pays pour inonder le nôtre. Racine.

Déserter, est quelquefois employé absolument. Cet homme est si importun, qu’il me fera déserter.

Et lorsque son Démon commence à l’agiter,
Tout, jusqu’à sa servante, est prêt à déserter. Boil.

Déserter quelqu’un. Terme de Marine ; c’est, en punition de quelque crime, le mettre à terre sur une côte étrangère, ou dans une Isle déserte, & l’abandonner. Cela ne se pratique plus.

Déserter, dans l’art militaire, se dit des soldats qui quittent le service sans congé. Sine missionne a signis, a vexillis discedere ; exercitum deserere. Dans ce sens on dit, déserter le service, ou absolument déserter, & déserter d’un régiment. Un soldat convaincu d’avoir déserté est condamné à mort. Il se dit aussi au figuré. Molière a dit d’une coquette. Il lui est dur de voir déserter ses galans.

Déserter, se dit aussi pour dessarter ou essarter. C’est défricher une terre abandonnée depuis longtemps, & pleine de buissons & d’épines, pour la cultiver dorénavant. Agrum incultum colere, rude solum arare. On donne à ceux qui veulent faire de nouvelles habitations dans l’Amérique autant de terre qu’ils en peuvent déserter. Nous ne trouvons point ce mot ailleurs en cette signification.