Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉFIER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 169).
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DÉFIER. v. a. Faire un appel, provoquer son ennemi au combat, soit aux armes, soit en toutes sortes de disputes, de jeux & d’exercices. Provocare. Les anciens Chevaliers se défioient souvent pour éprouver leur courage. Défier quelqu’un à boire, à chanter, au jeu, au trictrac, à la paume. Marsias osa défier Apollon à qui joueroit mieux de la flûte. Bens. Je m’en vais défier les vents au milieu de l’Océan. Voit.

Dans ce mot l’i & l’e qui sont de suite font deux syllabes différentes dans ces vers :

Et sur le mérite des mœurs,
On pourroit défier les plus fins connoisseurs
De vous souhaiter quelque chose. Me. Des-Houl.

Ce mot vient de diffidare, qui se trouve en plusieurs Auteurs de la basse Latinité. Ménage.

Défier, sert aussi à reprocher à quelqu’un son peu de forces, ou son peu de courage, en le piquant & en l’aiguillonnant. Hoc age, si potes, rem magnam feceris, &c. C’est le tour Latin qu’on doit donner à ces expressions Françoises. Je vous défie d’aller en cette maison où il revient des Esprits. Vous me voulez faire un procès, je vous en défie. Je vous défie de m’oublier entièrement, & vous n’aurez jamais sans moi que des plaisirs imparfaits. Let. Port. Vous ne sautiez m’oublier, il est impossible que, &c.

Défier, en termes de Marine, a plusieurs significations, & est tantôt actif, tantôt neutre, tantôt réciproque. Défier, signifie prendre garde, empêcher que quelque chose n’arrive. Défier l’ancre du bord, c’est empêcher que l’ancre ne donne contre le bord. Défie du vent, est un avertissement qu’on donne à celui qui gouverne, afin qu’il ne prenne pas vent devant. Un vaisseau qui ne se défie que de grains qui paroissent au vent à lui. Un vent qui défie de la côte, c’est-à-dire, qui vient de la côte.

Défier. Déclarer quelqu’un ennemi public. Le Pape Honorius fit en 1225. une Constitution très sévère pour la sûreté des Cardinaux. Si quelqu’un, dit-il, poursuit un Cardinal à main armée, le frappe ou le prend, ou participe en quelle que manière que ce soit à une telle violence, il sera infâme comme criminel de lèze-Majesté, défié & banni c’est-à-dire, ennemi public, incapable de faire testament, ni de succéder à personne, même ab intestat. Fleury. L’Empereur Frédéric défia en 1226. par Edit public seize villes d’Italie, c’est-à-dire, qu’il les déclara ennemies. Id.

Défier est aussi réciproque. Se défier de quelqu’un, n’oser se fier à la fidélité des autres, dans la crainte d’être trompé, prendre des précautions pour n’être pas trompé par quelqu’un que l’on soupçonne de peu de fidélité, de peu de sincérité.

☞ On dit aussi, se défier de ses propres forces, de son esprit, de ses talens, n’avoir pas grande confiance en ses propres forces, en sa capacité. Diffidere alicui. Il se faut défier des flatteurs. Ceux qui ne se défient de rien sont les plus faciles à surprendre. Il faut se défier de l’amour aveugle que les hommes ont pour leurs propres Ouvrages. S. Evr. Je me défie un peu trop de vos promesses. Pasc. Je vous promets de ne vous point haïr : je me défie trop des sentimens violens pour oser l’entreprendre. Lettres Portug..

Défier, signifie aussi prévoir, se douter. Suspicari. Je me suis toujours bien défié que cela arriveroit ainsi. Qui se seroit jamais défié qu’on eût rendu un si méchant arrêt ? pour dire, qui l’eût prévu ? On doute que défier en ce sens soit du beau style.

On dit proverbialement qu’il ne faut jamais défier un fou, quand un homme propose de faire quelque folie, quelque extravagance, & qu’il demande si on l’en défie.

Défié, ée. part.