Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CYMBALE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 76-77).
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CYMBALE. s. f. L’instrument que les Anciens appeloient cymbale, en Latin cymbalum, & en Grec κύμϐαλον, étoit d’airain comme nos tymbales ; Josephe le dit expressément, & souvent les Poëtes l’insinuent, mais il n’étoit pas si grand : il en avoit la forme. C’est pour cela que Cassiodore & Isidore les appellent acétabules, c’est-à-dire, l’emboîture d’un os, la cavité ou la sinuosité d’un os dans laquelle un autre os s’emboîte, parce qu’elle ressembloit à cette sinuosité. C’est encore pour cela que Properce les appelle des instrumens d’airain qui sont ronds, & que Xénophon les compare à la corne d’un cheval, qui est creuse. Cela paroît encore, parce que cymbale s’est pris, non-seulement pour un instrument de malique, mais encore pour un bassin, un chaudron, un gobelet, un casque, & même pour un sabot, tels que ceux qu’Empédocle portoit, & qui étoient de cuivre. Du reste ils ne ressembloient point à nos tymbales, & l’usage en étoit tout différent. Les cymbales avoient un manche attaché à la cavité extérieure : ce qui fait que Pline les compare au haut de la cuisse, coxendicibus, & Raban à des phioles. On les frappoit l’une contre l’autre en cadence, & elles faisoient un son très-aigu. Selon les Payens, c’étoit une invention de Cybèle. De-là vient qu’on en jouoit dans ses sacrifices & dans ses fêtes : hors de-là il n’y avoit que des gens mous & efféminés qui jouassent de cet instrument. V. Ciceron, Or. in Pison. n. 20. & 22.

M. Lampe en attribue l’invention aux habitans du mont Ida dans l’Île de Crète. Les Corybantes, milice qui formoit la Garde des Rois de Crète, les Curètes, peuple de Crète, les Telchiniens, peuple de Rhodes, & les Samothraces, ont été célèbres par le fréquent usage qu’ils faisoient de cet instrument, & leur habileté à en jouer.

Raban décrit les cymbales dans son commentaire sur Judith, Laurent Pignorius, dans ses commentaires, de Servis. Le P. Abraham, Jésuite, en traite dans ses Notes sur l’endroit de Ciceron, dont j’ai parlé. M. Lampe donna en 1703. à Maestricht un Traité sur cette matière, en trois livres, qu’il acheva à l’âge de 17. ans & qu’il imprima à 19. Frederici- Adolphi Lampe de cymbalis veterum libri tres. V. encore Turnebe, Advers. L. XXVI. c. 33. & la 29e note du P. Goar, sur le Ve C. de Codin, où ils marquent une plante dont les feuilles représentent la figure de la cymbale. C’est le nombril de Vénus. Cotylédon.

Ce mot cymbale vient du Latin cymbalum, qui venoit du Grec κύμϐαλον, que l’Étymologiste de Sylburgius tire de trois racines différentes. Car 1o. il dit qu’il est dérivé de κυφίς, courbe. 2o. De κύπελλον, une tasse, un gobelet ; car il faut remarquer avec Saumaise, Reinesius & M. Lampe, que souvent les Grecs ajoutoient ou retranchoient le μ devant le β, ou les lettres qui y répondent, comme le π. Témoin κύμϐη & κύϐη, la tête ; κακαμϐη & κακαϐος, qui se trouvent dans Paul d’Egine pour signifier un plat, un bassin ; dans Homère & dans Catulle, τύπανον, pour τύμπανον, & cent autres. Ainsi de κύπελλον s’est pu faire, selon l’Etimologiste, κύπαλον, κυϐαλον, κύμϐαλον. 3o. Il le tire de φωνή, voix, parce qu’une cymbale résonne. Isidore, L. III. c. 21. tire cymbalum de cum, avec, & ballematica, danse immodeste, qui se dansoit en jouant de cet instrument. La véritable étymologie de ce mot est κύμϐος, cavité.

Dans les siècles postérieurs de la basse Latinité, & chez les Auteurs Chrétiens, cymbale, cymbalum, ne signifie souvent que cloche, & la cloche de l’Eglise & celle du réfectoire y sont appelées cymbales. On en trouvera des exemples dans le Glossaire de Mr Du Cange.

Les Juifs avoient aussi des cymbales qu’ils appeloient צלצלים ou מצלתים, ou du moins un instrument que les anciens Interprêtes Grecs & Latins nomment cymbales, Ps. CL. 5. Et quoique, selon la remarque de De Muis sur cet endroit, il soit impossible au juste de savoir ce que c’étoit que cet instrument, il semble néanmoins qu’il étoit plus approchant des nôtres, que ceux des Grecs & des Romains. Car De Muis lui-même, & tous les Commentateurs conviennent qu’il faisoit beaucoup de bruit, & que c’est le sens de l’épithète que David leur donne à l’endroit que j’ai cité, ou il les appelle צלצלי שמג, tseltseli schemag, des cymbales, qui se font entendre & font beaucoup de bruit ; aussi-bien que celui de l’Apôtre qui l’appelle tinniens, ce que l’on croit revenir à l’Hébreu צלצל תרוע, tsaltsal thervaa, qui signifie une cymbale qui fait un bruit éclatant, un grand bruit. Au reste, si les מצלתים, Metsilthaim, dont il est parlé 1. Paral. XV. 19. étoient, comme on le veut communément & avec beaucoup de raison, le même instrument, ils n’étoient point d’airain chez les Hébreux, mais de fer ou d’acier, נהשת, comme ajoute l’Auteur sacré : mais on jouoit avec deux ensemble, comme on le fait encore à présent. Ce duel מצלתים semble ne pouvoir pas en laisser douter.


En vain je parlerois le langage des Anges ;
En vain, mon Dieu, de tes louanges
Je remplirais tout l’Univers :
Sans amour ma gloire n’égale
Que la gloire de la
cymbale
Qui d’un vain bruit frappe les airs.

Nouv. ch. de vers.

La cymbale moderne est un instrument dont les gueux accompagnent le son de la vielle. Cymbalum. C’est un fil d’acier de figure triangulaire, dans lequel sont passés cinq anneaux, qu’on touche, & qu’on promene dans ce triangle avec une verge de fer, dont on frappe de cadence les côtés de ce triangle.

Cymbale, se dit aussi de deux jeux de l’orgue. La grosse cymbale a trois tuyaux sur marche, dont le premier est ouvert, & long d’un pied, le second de huit pouces & demi, & le troisieme de demi-pied.

Il y a une seconde Cymbale, qui a deux tuyaux sur marche, dont le premier est ouvert, long de deux pieds, & le second de quatre pouces. Durandus dit que les Moines ont aussi appelé cymbale, le timbre qui est suspendu dans le Cloître pour les appeler au réfectoire.