Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CUNTUR, CONTAUR ou CONDOR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 61-62).

CUNTUR, CONTAUR ou CONDOR. s. m. C’est un oiseau fameux au Pérou, & que les peuples ont adoré comme un de leurs principaux Dieux. Il y en a de si grands, qu’ils ont cinq à six aunes de long, à les mesurer d’une pointe de l’aile à l’autre, & qui sont si furieux, qu’il s’en est trouvé qui ont tué des Espagnols. C’est un oiseau de proie qui n’a aucunes serres comme les aigles. Ses pieds ressemblent à ceux des poules. Il a un bec si fort & si dur, qu’il en perce le cuir d’un bœuf, & que quand ils sont deux, ils combattent un taureau & le mangent. Il est tacheté de noir & de blanc, comme les pies, & a sur la tête une crête faite en façon de rasoir, différente de celle d’un coq, en ce qu’elle n’a aucune pointe. Son vol est si effroiable, que du grand bruit qu’il fait, il étourdit ceux qui le voient fondre à terre. Les Espagnols le nomment condor. Hist. des Incas. Le P. Jeronimo Lobo dit qu’on trouve aussi des oiseaux condor dans la région de Sophala, des Caffres & de Monomotapa, jusqu’au Royaume d’Angola. Ils sont semblables à l’aigle. Ils ont des plumes qui ont vingt-huit paumes de long, & trois de large, dont le tuyau est long de cinq paumes, & de la grosseur du bras, lequel est blanc, & la plume non. Il y en a qui ont la grandeur de deux éléphans joints ensemble, qui ont emporté des vaches & autre bétail, & qui ont d’étendue d’un bout d’une aile à l’autre jusqu’à trente pieds. On en a vu qui ont vomi jusqu’à deux cens livres de chair. C’est peut-être le rouch des Arabes. Cela est tiré de l’Histoire d’Ethiopie du Père Bolivar. On garde dans le Trésor de la Sainte Chapelle, une serre d’oiseau, qui fait voir qu’il y en a de bien grands.