Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CUIVRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 55-56).
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CUIVRE. s. m. Métal qu’on tire de plusieurs mines de l’Europe, mais particulièrement de Suède. Æs cyprium, cuprum. Il est dur, sec & pesant, & le plus ductile après l’or & l’argent. Il abonde en vitriol & en soufre. Les Chimistes l’appellent Venus, croyant qu’il a du rapport à cette planète. Ils disent qu’il est composé d’un soufre mal digéré, d’un mercure jaune & d’un sel rouge. On le trouve en poudre & en pierres, lesquelles on lave bien pour les nettoyer d’une terre qui y est mêlée. On les fait fondre ensuite par le moyen d’un feu très-vif, & l’on jette la matière fondue dans des moules. C’est le cuivre ordinaire. Pour le rendre plus dur & plus beau, on le fait refondre une ou deux fois ; il s’en sépare à chaque fusion quelques parties grossières & terrestres. On l’appelle alors cuivre de rosette. Toute la fonte ou le bronze est de cuivre avec quelque mélange d’étain ou d’antimoine. Le cuivre jaune est un mélange de cuivre avec de la calamine, qui est une terre jaune que l’on trouve vers le Pays de Liège, avec laquelle on le fond ; & il augmente son poids de dix pour cent. On l’appelle aussi laiton, & en Latin aurichalcum, comme qui diroit æs aureum. On en fait la plupart des ustensiles du ménage & de cuisine. On reblanchit le cuivre jaune avec de l’esprit d’arsenic & d’orpiment. Pline dit qu’il y a du cuivre naturellement blanc, & qu’il se trouve au-dessous de la mine d’argent.

☞ On connoît à la Chine le cuivre blanc & le noir.

☞ Il y a au Japon du cuivre couleur de feu, qui est extrêmement fin & cassant.

☞ Il y a à la Chine un très-beau cuivre vert, qui est par petites aiguilles, velouté & soieux ; on diroit qu’il chatoye.

On appelle cuivre vierge, celui qui fort de la mine, qui n’a point été fondu.

Les Chimistes appellent safran de Venus, celui qui se fait de lames de cuivre stratifiées avec du sel décrépité en poudre dans un creuset, quand on les a éteintes dans l’eau, & ratissées avec des brosses de fer. Ce safran est très-rouge, & on en fait des emplâtres pour mondifier les plaies & les ulcères. On a prétendu que l’esprit de Vénus étoit un véritable alkaëst capable de dissoudre totalement les perles, les coraux, les yeux d’écrévisse, plus facilement que tous les autres dissolvans, sans rien perdre de sa force ; mais l’expérience est contraire. On donne aussi le nom de safran de Venus à l’æs ustum. On appelle le vert de gris ou rouillure de cuivre, ærugo. Le cuivre rouge fondu avec vingt-deux à vingt-trois livres d’étain fin par quintal, est appelé métal, & c’est celui dont on fait les cloches. Quand le cuivre rouge & le jaune sont fondus ensemble quintal pour quintal, alors on l’appelle bronze, & on en fait les figures, les statues, & les autres ornemens. Dans la province de Fokien à la Chine, il y a un lac, disent les Chinois, dont l’eau est verte, & qui change le fer en cuivre. P. le Comte.

M. Beker, premier Apothicaire du Roi de Dannemark, croit qu’il est dangereux pour la santé de manger ou de boire des choses acides dans des vases d’argent commun, où il y a beaucoup de cuivre, & plus dangereux encore de se servir dans ces occasions des vaisseaux de cuivre.

☞ Aucun métal ne se rouille plus facilement à l’air & dans l’eau. Cette rouille qui est verte, & qui s’appelle verdet, communément vert de gris, rend les vaisseaux de cuivre très-dangereux, à moins qu’ils ne soient bien étamés, & si l’eau y a séjourné, elle contracte le goût de cuivre, & en dissout quelque partie, qui peut être très-préjudiciable à la santé.

Les Médecins Indiens font grand cas du talc & du cuivre jaune, qui consume, à ce qu’ils disent, les humeurs les plus visqueuses, & qui leve les obstructions les plus opiniâtres. Let. Cur. et édif. Tom. IX.

Ce mot de cuivre vient du Latin cuprum, ainsi appelé, quasi æs Cyprium, parce qu’il a été trouvé premièrement dans l’Ile de Chypre, comme dit Pline.

Cuivre de Corinthe, ce métal si fameux étoit un alliage d’or & d’argent, ou le cuivre l’emporte. Æs Corinthiacum. Ce mélange se fit à l’embrasement de Corinthe. Les différens métaux fondus formèrent un alliage fortuit qui a gardé le nom de cette ville saccagée.

☞ Plusieurs regardent comme une fable cet alliage accidentel des trois métaux qui se fit dans l’embrasement de Corinthe, suivant quelques Historiens, & prétendent que le cuivre de Corinthe étoit réellement une composition d’un mêlange de cuivre, d’or & d’argent fait par art.

Savot a parlé plus exactement du cuivre de Corinthe, il en marque trois espèces ; l’une où l’or est le métal dominant ; l’autre où l’argent prédomine, & la troisième, où l’or, l’argent & le cuivre sont en égales portions. Il prétend même qu’on imitoit le vrai cuivre de Corinthe en alliant ces trois métaux. Chez les Médaillistes le cuivre, dans la distinction des suites des médailles dont les cabinets sont composés, porte le nom de bronze. On voit plusieurs médailles de cuivre rouge dès le tems d’Auguste, qu’on range parmi le moyen bronze. Il y en a aussi de cuivre jaune parmi le grand & le moyen bronze.

Cuivre. Terme de Carrier. Les Carriers appellent banc de cuivre, une pierre dure & jaunâtre, qui ne peut servir qu’à faire du rabot, & à paver les cours des maisons.