Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CUIR

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 52).
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☞ CUIR, s. m. On le dit en général de la peau de l’animal, corium, pellis. On dit qu’un homme a le cuir dur, rude. L’âne a le cuir dur & épais. Avoir des sérosités entre cuir & chair. Aqua intercus, aquam intercutem.

On le dit plus ordinairement de la peau des animaux, séparée de la chair qu’on corroie, & qu’on prépare pour servir à divers usages, particulièrement à faire des bottes, des souliers, à couvrir des carosses, des meubles, des livres, &c. Corium. Tous Marchands sont obligés de porter leurs cuirs à la Halle aux cuirs. Les cuirs de Hongrie sont faits de peaux de Bœuf & de cheval ; ceux de Russie, de peaux de Vaches, ceux de Maroc ou de marroquin, de mouton. Le cuir d’un âne est le meilleur pour faire du chagrin. Il y a plusieurs sortes de Marchands de cuir. Les Tanneurs vendent les gros cuirs passés à la tannerie. Les Corroyeurs préparent le cuir avec des des graisses pour le rendre plus maniable. Les Peaussiers vendent des peaux de mouton de toutes sortes de couleurs, des peaux pour faire des gants, & des peaux de truie pour couvrir des coffres & des livres d’Eglise. Les Mégissiers préparent les peaux de mouton, & en ôtent la laine. Il y a aussi des Marchands de marroquin, de vache de Russie, & de mouton de Limoges, qui n’ont point de grain de l’autre côté. On appelle cuirs verts, les cuirs qui n’ont aucune préparation, & tels qu’ils sortent de dessus le corps. Les Romains se servoient dans les commencemens de monnoie de cuir. Philippe de Commines dit qu’après les levées faites pour la rançon du Roi, on fut obligé de se servir en France d’une monnoie de cuir, où il y avoit seulement un petit clou d’argent. Un Arrêt du conseil de 1649, attribue deux muids de sel aux Tanneurs de Paris pour la fabrique des cuirs de Hongrie. M. de la Mare, dans son Traité de la Pol. L. V. T. XX. C. 10. traite ce qui regarde la salaison & la conservation, la vente & le débit des cuirs des abatis de Bouchers.

Cuir vert. Cuit crud, ou Cuir frais. Ce sont certains cuirs qui ne sont point apprêtés, & qui se mettent sur les écoutilles de la sainte Barbe, de crainte du feu ; on en couvre aussi les hunes.

Cuir de Poule. C’est un nom que les Gantiers donnent à une sorte de petit cuir très-mince & très-léger, qu’ils emploient à faire des gants de femmes pour l’été.

Cuir doré. On appelle ainsi des peaux de mouton passées en basanne, sur lesquelles sont réprésentées en relief diverses sortes de grotesques relevées d’or ou d’argent, de vermillon ou autres couleurs. On en fait des tapisseries.

Cuir bouilli. C’est une préparation de cuir, qui par les réglemens de Police, n’appartient qu’aux Gainiers & Bourreliers qui font bouillir le cuir avec plusieurs gommes, résines & colles, dont ils font un secret entr’eux. Corium decoctum, coctum.

☞ Ce mot vient du Latin corium, qui, si l’on en croit Rochefort, s’est dit pour Carium, de caro chair, parce qu’il couvre la chair.

On dit figurément & proverbialement. Rire entre cuir & chair. Jurer entre cuir & chair, pour dire, Rire, Jurer en soi-même, sans oser éclater, sans en faire rien paroître au-dehors. On dit aussi, Faire du cuir d’autrui large courroie ; pour dire, faire largesse aux dépens d’autrui. Ce proverbe est tiré du Latin, De alieno corio ludere. Etre libéral du bien d’autrui. On appelle ironiquement & populairement un Savetier, un Orfèvre en vieux cuir. On appelle un visage de cuir bouilli, un visage extrêmement laid.