Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CRUCIADE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 44).
◄  CRUCHON
CRUCIAL  ►

CRUCIADE. Bulle de la Cruciade. Ce mot se trouve dans l’histoire de Jérôme Acosta, touchant l’origine & le progrès des revenus Ecclésiastiques. Voici ce qu’il en dit, p. 175. Les Rois d’Espagne tirent encore aujourd’hui un très-grand revenu de la Bulle qu’on nomme la Cruciade. L’on sait que les Bulles des Papes pour avoir la permission de manger pendant le Carême, des œufs, du fromage, & quelques autres choses semblables, ont beaucoup de cours en Espagne. Celle de la Cruciade se publie solennellement, & dure trois ans, du jour qu’elle a été publiée. L’on fait trois prédications dont la première s’appelle suspension, parce qu’elle suspend toutes les autres Bulles qu’on auroit pu prêcher ; en sorte que ceux qui veulent jouir des permissions que leur donnent les autres Bulles, sont obligés de prendre celle-ci. La seconde prédication se nomme composition, parce qu’elle contient une clause qui remet l’obligation de restituer jusqu’à la somme de 15. ou 20. ducats, quand on ne se souvient pas à qui l’on doit restituer. On nomme la troisieme reprédication, parce qu’on prêche de nouveau la première & la seconde.

Outre ces prédications, on en ajoute une quatrième, & l’on publie au moins six Jubilés, qui sont taxés à huit maravedis par tête, & à quatre pour les morts. Chaque Jubilé produit au Roi d’Espagne plus de vingt-cinq mille ducats par an. Les Espagnols font monter le revenu que le Royaume tire, tant des Bulles que des Jubilés, pendant les trois ans de la Cruciade, à un million vingt-quatre mille ducats, tous frais faits, c’est-à-dire, sans compter la dépense des Prédicateurs, des Exécuteurs & des Imprimeurs des Bulles.

Les Papes ont souvent accordé aux Rois d’Espagne & de Portugal, des Bulles de la Cruciade, pour lever des décimes sur les Ecclésiastiques, sous prétexte des guerres qu’ils avoient contre les Infidèles. Nous apprenons des Historiens Portugais, que leur Roi Jean II. en ayant obtenu une d’Innocent VIII. pour le secourir dans la guerre qu’il avoit en Afrique, ce Pape la lui vendit bien cher, car il ôta au Royaume la liberté qu’il avoit de ne recevoir aucune Bulle venant de Rome, qu’elle ne fût auparavant examinée dans le Conseil du Roi de Portugal. Voyez Emanuel Telles dans la vie de Jean II. imprimée à Lisbonne en 1689.