Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CROSSE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 38-39).
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CROSSE. s. f. Bâton crochu, ou recourbé par le bout, avec lequel les enfans jouent & s’échauffent en hiver, en poussant & se renvoyant une balle, une pierre. Baculus extremorum altero recurvus.

Crosse, est aussi la partie du fût du mousquet, d’un fusil, qu’on appuie contre l’épaule en tirant. Sclopeti majoris pars incurva. Ce soldat a achevé de tuer son ennemi avec la crosse de son mousquet.

Crosse, est aussi un bâton Pastoral que portent les Archevêques, Evêques & Abbés réguliers, ou qu’on porte devant eux dans les cérémonies. C’est un bâton d’argent ou d’or, recourbé & ouvragé par le haut. Pedum Pontificum, Pontificale, Pastorale. C’est le symbole de la correction Episcopale. Les Evêques, les Abbés, Abbesses, la font porter devant eux ; & ils la tiennent à la main, quand ils donnent la bénédiction en cérémonie. La crosse d’Evêque d’un côté est pointue, & l’autre courbe : ce qui est signifié par ce vers.

Curva trahit mites, pars pungit acuta rebelles.

L’usage de porter un bâton pastoral devant les Evêques est très-ancien, comme il paroît par la vie de S. Césaire d’Arles, L. II. n. 22. ce Saint vivoit vers l’an 500. & par la vie de Saint Germain, Evêque de Paris qui mourut en 576. Mais on ne trouve point de mention de crosse avant le XIe siècle. Chez les Grecs il n’y avoit que les Patriarches qui eussent le droit de porter la crosse. Les premières crosses n’étoient que de simples bâtons de bois, qui d’abord eurent la forme d’un Tau, T. & dont on se servoit pour s’appuyer. Ensuite on les fit plus longues, & peu-à-peu elles ont pris la forme que nous leur voyons. Consultez le P. Thomaissin. Discipl. Eccles. Tom. I. L. II. C. 58. §. 2. Coquille rapporte cette espèce de proverbe qui étoit de son tems dans la bouche du Peuple.

Au tems passé du siècle d’or,
Crosse de bois, Evêques d’or,
Maintenant changent les loix,
Crosse d’or, Evêque de bois.

Les Abbés Réguliers peuvent officier avec la crosse & la mitre. La lanterne d’une crosse.

Du Cange dit qu’on l’a appelée en Latin, cambuca & cambuta, ou cambucum & petalum ; & Sambuca, ou Cambucarius, celui qui porte la crosse, ou la croix. On l’a appelée aussi en latin pedum & crocia, & crossa dans la plus basse Latinité, Acta SS. Mart. T. I. p. 122. E. Papias croit que ce mot vient à similitudine Crucis. Les crosses, comme on l’a dit, n’étoient anciennement qu’un long bâton de bois, qui par en haut se terminoit en croix. De là vient que dans la basse Latinité on appelle du même nom crossa & crucca, croca, crocia, croccia, les béquilles, ou potences donc les gens perclus se servent pour marcher en les mettant sous leurs aisselles, & s’appuyant dessus. Cambotta, qui étoit le nom propre d’une crosse, se prend aussi pour une béquille, par Gocelin, Moine de la fin du XIe siècle, dans l’Histoire de la Translation de S. Augustin, Archevêque de Cantorberi, C. 3. Acta SS. Maii. T. V. p. 418. A. Tout cela montre que Papias a raison. Cependant quelques Auteurs prétendent qu’il vient de camoc, qui en ancien Saxon signifie quelque chose de courbé. D’autres veulent que l’on ait dit cambota, qui vient de κάμπτω, je courbe. Voyez Durand, Rationale Off. L. III. 15 & le Glossar. Archæolog. de Spelman.

Crosse se dit, en termes d’Anatomie, des parties des vaisseaux du corps animal, qui se recourbent en forme de crosse ou de demi-cercle. Curvatura. La crosse de l’aorte ascendante. La crosse de l’aorte descendante. La crosse droite, la crosse gauche de l’artère du poumon. Toutes ces expressions sont de M. Du Verney, dans sa description du cœur de la tortue.

Crosse d’Eguière, c’est une anse d’éguière en forme de crosse. Ansa. Les éguières à crosse sont à la mode.

Crosse, terme de Rivière, pièce de bois qui sert au gouvernail d’un bateau foncet.