Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CROC

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 22-23).
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CROC. s. m. (le c final ne se prononce point.) Ustensile de cuisine qui a plusieurs pointes recourbées où l’on attache de la viande. Uncus. Un croc toujours bien garni de volaille, de gibier. C’est un ancien mot François qui se trouve dans la Loi Salique. Ménage.

Croc se dit généralement de tout instrument à plusieurs pointes courbées dont on se sert pour y pendre ou pour y attacher quelque chose. Uncus, Hamus. Pendre quelque chose au croc.

On dit figurément & populairement, pendre les armes au croc, son épée au croc, pour dire quitter le métier de la guerre.

On dit de même qu’un procès est pendu au croc, pour dire qu’on ne le poursuit plus. Les vers & la prose sont au croc. Gomb. C’est-à-dire, qu’on ne veut plus écrire ni en vers ni en prose.

Le Paradis vous est hoc ;
Pendez le Rosaire au croc. Furet.

Croc, se dit aussi de tout autre instrument de fer ayant des pointes recourbées, avec lequel on tire, on arrête, on pêche quelque chose. Harpago, hama. Les Bateliers tirent, poussent, arrêtent les bateaux avec des crocs. Les crocs des Bateliers ont une pointe de fer alongée outre le croc qui leur donne leur nom. Le seau étoit tombé dans le puits, on l’a pêché avec un croc. On le dit aussi des harpons & mains de fer. Les crocs de la ville, dont on le sert pour arrêter le cours du feu, en abattant les endroits où il a pris.

On appelle crocs, de grandes moustaches recourbées en forme de crochet.

Arquebuse à croc, est une arme à feu plus pesante que l’ordinaire, qu’on tiroit autrefois sur une fourchette, ou par les petites ouvertures d’une muraille. On l’appeloit ainsi, parce que le fût étoit recourbé. Ferrea fistula furcillæ superposita.

Crocs, en termes de Manège, sont quatre dents au-delà des coins, situées sur les barres, où elles poussent à chaque côté des mâchoires deux dessus & deux dessous, & cela entre trois ou quatre ans. Dentes unci, uncinati. On les appelle aussi crochets.

On dit en termes de Marine Croc de Pompe ; c’est un crochet de fer qui est au bout d’une longue vergue, qui sert à retirer l’appareil de la pompe, quand on y veut raccommoder quelque chose. Croc de candelette, est un croc avec lequel on prend l’ancre pour la remettre à sa place. Crocs de Palans, sont deux crocs de fer mis à chaque bout d’une corde fort courte, que l’on met au bout du palan, quand on a quelque chose à embarquer. Crocs à bressins ou crocs de palans de canon, sont des crocs attachés au bout des palans ; ils servent à arrêter les canons par le moyen des autres crocs qui sont à la herse de l’affût, ou aux côtés des sabords, auxquels on les accroche. Crocs de palanquins, sont de petits crocs de fer qui servent à la manœuvre dont ils portent le nom.

On le dit aussi des dents pointues qui viennent aux chiens. Canini dentes uncinati. Et à l’égard des hommes, on le dit de certaines petites pointes qui restent d’une dent rompue sur les gencives.

Croc, est aussi un terme bachique, qui exprime l’action de celui qui avale promptement un verre de vin, ou quelque gros morceau. Statim, repentè, in ipso puncto temporis. Il a avalé cela croc. On l’emploie en plusieurs chansons bachiques. Ainsi Colletet a dit de Flotte à table :

Et toi faisant cric & croc
Plus que tout le monde,
Paroîtras-là comme un roc
Qui méprise l’onde.

Il sert aussi, dans le style familier, à exprimer le bruit que les choses séches & dures font sous la dent quand on les mangé : & alors le C final se prononce fortement.

Croc, s’est dit figurément de ce qui accroche, qui fait tomber. Comme on voit dans cette vieille Epitaphe Picarde.

Croc de la mort qu’escaper ne pouvons,
Croqua l’Elû Croquet qui croquoit les capons.

Le sens est que la mort a accroché ou pris l’Elû Croquet, comme il accrochoir les chapons. Croqua signifie ici accrocha, & croquoit, accrochoit. Les Picards disent croquer pour crocher, comme ils disent au composé accroquer pour accrocher ; escaper, au lieu d’échapper, & capon, au lieu de chapon.

Croc-en-Jambe, est un tour d’adresse dont se servent les Lutteurs pour renverser leur adversaire, en lui accrochant les jambes. Adversarii crus crure implicare ad eum prosternendum.

Croc-en-Jambe, se dit figurément & familièrement d’un tour d’adresse de ceux qui ruinent un projet, une affaire, la fortune de leur ennemi, de leur rival, de leur compétiteur. Fraus, dolus, fallacia, insidia. Il a donné le croc-en-jambe à Cupidon. Ablanc.

Donner le croc-en-jambe à quelqu’un, c’est le supplanter. Supplantare.

D’un tour d’adresse tout nouveau,
En lui donnant le croc-en-jambe,
La traîtresse le fit tomber dans le tombeau. Mén.

CROC-AU-SEL. Voyez CROQUE-AU-SEL.

CROC. s. m. filou, Escroc. Au lieu d’Escroc, on dit populairement Croc par une apherèse ou soustraction qui arrive quelquefois dans les langues. Je me trouvai avec trois ou quatre crocs qui avoient bien envie de me bonneter. Il y a néanmoins quelque différence encre ces deux termes. Celui d’Escroc n’est pas si injurieux. Un Croc est un filou de profession, qui s’entend avec d’autres qu’il ne fait pas semblant de connoître, qui fréquente les Académies de Jeu, pour y chercher des dupes, qui prend beaucoup de mesures pour tromper, qui ne s’occupe que de cela, & qui n’a point d’autre métier. Un Escroc ne s’associe avec personne, & ne travaille que pour lui : il attend plus patiemment les occasions, & sait seulement en profiter, lorsqu’elles se présentent.

Croc, se dit aussi des suppôts de mauvais lieux & de jeux défendus.