Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUTER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 1002-1003).
COUTERIE  ►

☞ COUTER, v. n. terme relatif au prix qu’une chose est vendue. Etre acheté un certain prix. Constare. On dit qu’une chose coute peu, beaucoup. Parvi, magni constare. Qu’elle ne coute guères, qu’elle coute trop, plus qu’elle ne vaut. Combien vous coute cela ? Quanti constat, quanti emisti ? La victoire nous coute bien du monde. Constat Victoria plurimorum morte. Le blé est ramendé, il ne coute plus que tant. Il en faut avoir quoi qu’il coute. Est-il nécessaire d’acheter des perruques, lorsqu’on peut porter des cheveux de son crû & qui ne coutent rien ? Mol.

Couter signifie aussi obliger à de grandes dépenses. Constare. Les procès l’ont ruiné, lui ont couté tout son bien. L’exercice de la paume coute beaucoup. Un équipage coute beaucoup à entretenir dans Paris.

Couter se dit aussi figurément en choses morales & spirituelles, de ce qui cause de la peine ou de la douleur. Stare. Cette perte lui a bien couté des larmes & des soupirs. Cet homme n’a pas le génie facile, ses vers lui coutent beaucoup. Pour punition de sa faute, il lui en coute un mois de prison. Ne tenons pas nos sermens, je vous prie, il coute trop de les observer. Les vieillards aiment à conter les histoires de leur temps, parce que quand l’esprit a perdu sa force, il aime à dire ce qui ne coute rien à penser. S. Evr. C’est acheter trop cher le ménagement de nos intérêts, lorsqu’il en coute des bassesses. Id. Son amitié coute cher, en parlant d’une personne dont il faut essuyer les caprices & les méchantes humeurs. On achète les choses bien cher, quand il en coute un repentir. Idem.

Il me coute assez cher, l’ingrat, pour être à moi,
Et tel mot, pour avoir réjoui le Lecteur,
A couté bien souvent des larmes à l’Auteur.

C’est à ceux-là à combattre qui peuvent mourir sans qu’il en coute rien qu’à eux ; mais vous donc la vie renferme la destinée de tant de monde, vous ne devez point courir au danger. Bouh. La tranquillité publique entretenue vaut mieux que ces victoires qui coutent d’ordinaire tant de sang & tant de larmes. Fléch. Rien ne coute plus que ce qui paroît n’avoir rien couté : je veux dire cet air simple & naturel, mais noble & poli, en quoi notre langue est si différente des autres. Bouh. Le nécessaire d’une langue ne coute guères, mais les délicatesses sont difficiles. Ch. de Mer. L’esprit n’est point piqué agréablement, quand il lui coute trop de peine à démêler l’obscurité d’une pensée. Bouh.

Après les noirs forfaits que votre amour vous coute,
Votre ame doit frémir de la paix qu’elle goûte. Qui.

De tant de duretés que j’étale à regret,
Chaque mot à mon cœur coute un soupir secret. Corn.

Et quand par mes efforts je pourrais l’attendrir,
Mes jours ne valent point qu’il m’en coûte un soupir. Campistron.

Couter signifie aussi faire une chose à regret, avec répugnance. Ægrè ferre aliquid. On peut aussi se servir du verbe constare & stare. Jamais résolution n’a tant couté à prendre. Voit. Quand il faut qu’un honnête homme fasse des soumissions, flatte les Grands, tout lui coute. Quand il faut servir ses amis, rien ne lui coute. On dit aussi d’un prodigue, que l’argent ne lui coute rien. On dit en amour :

Tout est doux, rien ne coute,
Pour un cœur qui sçait aimer.

On le dit aussi des autres choses dont on est mauvais ménager. Ce Capitaine expose trop ses soldats, la vie des hommes ne lui coute guère. La peine de ses valets ne lui coute rien. On dit proverbialement qu’une chose coute plus cher qu’au marché ; pour dire, qu’elle coute trop cher. On dit, dans le même sens, qu’elle coute poil & bourre.