Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COURONNE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 984-989).
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COURONNE. s. f. C’est une marque de dignité : ornement que les Rois & les Souverains mettent sur leur tête pour marque de leur pouvoir absolu, & sur tout dans les grandes cérémonies. Corona. L’antiquité la plus reculée ne déféra les couronnes qu’à la Divinité. Bacchus fut un des premiers qui s’en para : après, les Sacrificateurs en mirent sur leurs têtes, & sur celles des victimes. Athénée, L. XV, & Q. Fabius Pictor, L. I, disent que Janus est l’inventeur des couronnes, que c’est lui qui s’en servit le premier dans les sacrifices. Mais Pline, L. XVI, c. 4, dit que c’est Bacchus. Phérécydes, cité par Tertullien, de Coron. c. 7 dit que Saturne est le premier qui se soit couronné ; Diodore, que ce fut Jupiter après sa victoire sur les Titans ; Léon l’Egyptien, qu’Isis se couronna la première d’épics de blé dont elle avoit appris l’usage aux hommes. Il ajoûte que Claudius Saturnius avoit composé un livre des couronnes, où il traitoit de leur origine, de leurs causes, de leurs espèces, & des cérémonies qu’on observoit à cet égard.

Les premières couronnes n’étoient qu’une bandelette dont on se ceignoit la tête, & qui se lioit par derrière, comme on le voit aux têtes de Jupiter qui sont sur les médailles. Voyez-le sur celles des Ptolomées d’Egypte. Les Rois de Syrie sont aussi souvent couronnés de même. Quelquefois on les faisoit de deux bandelettes ; ensuite on prit des rameaux de différens arbres ; puis on y ajouta des fleurs ; & Tertullien, à l’endroit cité, écrit qu’il paroissoit par le Livre de Claudius Saturnius qu’il n’y avoit aucune plante dont on n’eût fait des couronnes. Pline, L. XXI, c. 3, dit que P. Claudius Pulcher fut le premier qui mit aux couronnes une petite lame ou bande de métal. Les Rois Macédoniens de Syrie sont les premiers qui portèrent sur les médailles la couronne rayonnante, radiata. Les couronnes des Dieux étoient différentes. Celle de Jupiter étoit de fleurs ; elle est souvent de laurier sur les médailles ; celle de Junon, de vigne ; celle de Bacchus, de vigne, de raisins, de pampres, de branches de lierre chargées de fleurs & de fruits ; celles de Castor, de Pollux & des Fleuves, de roseaux ; celle d’Apollon de roseaux ou de laurier ; celle de Saturne, de figues nouvelles & fraîches ; celle d’Hercule, de peuplier ; celle de Pan se faisoit de pin ou d’yèble ; celle de Lucine, de dictame ; celle des des Heures, de fruits propres de chaque saison ; celles des Grâces, de branches d’olivier, aussi bien que celle de Minerve ; celle de Vénus, de roses ; celle de Cérès, d’épics, aussi-bien que celle d’Isis ; celles des Lares, de myrte ou de romarin, &c.

Non-seulement les couronnes furent employées pour les statues & les images des Dieux, pour les Prêtres dans les Sacrifices, pour les Rois & les Empereurs, mais encore on couronnoit les autels, les temples, les portes des maisons, les vases sacrés, les victimes, les navires, &c. les Poëtes, ceux qui remportoient la victoire dans les jeux solennels, les gens de guerre qui se distinguoient dans quelque action.

Eusèbe de Césarée commence ainsi le panégyrique qu’il fit à la dédicace de l’Eglise de Tyr en 315. O ! Amis de Dieu & Pontifes, qui portez la sainte tunique, & la couronne céleste de gloire ; paroles qui montrent que les Evêques avoient des habits particuliers & des ornemens, au moins dans l’Eglise, & pour les saints mystères ; d’autant plus qu’il est souvent parlé de leur couronne. Euseb. L. X, c. 3.

Les Empereurs Romains ont quatre sortes de couronnes sur les médailles. 1o. Une couronne de laurier. 2o. Une couronne rayonnée. 3o. Une couronne ornée de perles, & quelquefois de pierreries. 4o. Une espèce de bonnet à peu près semblable à un mortier, ou au bonnet que les Princes de l’Empire mettent sur leur écu.

En France, les Rois de la première Race sa contentoient d’ordinaire d’un diadème d’or : quelques-uns portoient une couronne à pointe, ou radiale, à la manière des Empereurs Romains, comme on le peut voir sur les médailles du bas Empire ; car les Empereurs de la race des Césars ne portoient qu’une couronne de laurier. On remarque sur les monnoies fabriquées sous la seconde Race, que la tête des Rois est toujours couronnée de laurier. Louis VI & Louis VII, de la troisième Race portent une couronne faite en forme de bonnet carré, avec des fleurons ou des fleurs de lis aux extrémités. Le Blanc. Charlemagne fit faire une couronne d’or enrichie de pierres précieuses, & rehaussée de quatre fleurons. On la garde dans le trésor de S. Denis. Sous la II Race, c’étoit la coutume que les Rois dans les grandes fêtes parussent à l’Eglise avec leurs ornemens Royaux, la couronne sur la tête, le sceptre à la main, & revêtus d’un manteau Royal. P. Daniel. Dans le onzième siècle ils la recevoient de la main des Evêques. Ainsi Yves de Chartres témoigne, Ep. 66, 67, 84, que le Roi Philippe reçut une fois à Noël la couronne de la main de l’Archevêque de Tours, & une autre fois à la Pentecôte de quelques Evêques de la Province Belgique. Ce qui n’avoit rien de commun avec le Sacre, puisque Philippe avoit été sacré à Reims l’an 1059, par l’Archevêque Gervais, & que le Sacre ne se faisoit pas deux fois, mais une fois seulement au commencement du règne. On met sur la tête des Rois cette couronne quand on les sacre. Il n’y a que les Rois & les Souverains qui aient droit de porter la couronne sur la tête. Les anciens Ducs, Comtes & Pairs, ou ceux qui les représentent au Sacres des Rois, en portent aussi pendant la solennité seulement. On croit que Charles le Chauve est le premier de nos Rois qui ait accordé la couronne aux Ducs, parce que nos annales disent qu’en 876. étant revenu de Rome à Paris, il y fit Boson son beau-frère Duc de cette Province, en lui mettant sur la tête une couronne Ducale.

Tous les Rois ont une couronne ;
Tous ne la savent pas porter ;
Tous au pouvoir qu’elle donne
Ne savent pas résister. Godeau.

Si vous n’avez pas la couronne,
C’est la fortune qui la donne,
Il suffit de la mériter. S. Evr.

Du Cange dit que l’Empereur recevoit une triple couronne : la première d’argent en Allemagne, la seconde de fer dans le Comté de Milan, & la troisième d’or en divers lieux : & que l’Empereur Frédéric I eut cinq couronnes d’or, la première à Aix-la-Chapelle ; pour le Royaume de France ; la seconde à Ratisbonne, pour celui d’Allemagne, la troisième à Pavie, pour celui de Lombardie, la quatrième à Rome pour l’Empire Romain ; & la cinquième à Monza sur le Lambro dans le Milanois, à trois lieues de Milan, pour le Royaume d’Italie. Au couronnement de Charles-Quint on apporta d’abord la couronne de fer qui est celle du Roi des Lombards, que les Empereurs recevoient anciennement à Milan, & puis ensuite la couronne d’or qui est celle des Empereurs Romains. La Princesse Théodelinde de Bavière ayant fait renforcer d’un cercle de fer la couronne d’or qui fut mise sur la tête d’Agilulphe Roi des Lombards son époux à la cérémonie de son couronnement, qui se fit à Milan l’an 590 ou 591, les Empereurs ont pris de là, selon quelques Auteurs, la coutume de prendre une couronne à leur inauguration, en qualité de Rois des Romains, qui ne s’appelle plus que la couronne de fer, à cause du cercle de fer qui est dedans.

Géliot, dans son Indice Armorial, tient que ce mot de couronne vient de corne, parce que les couronnes anciennes étoient en pointes, & que les cornes étoient des marques de puissance, de dignité, de force, d’autorité & d’empire : & dans la Sainte Ecriture les cornes sont souvent prises pour la Dignité Royale. Corne & couronne en hébreu sont expliqués par le même mot. Couronne corona, vient des Celtes, qui disent Curum & Coron. Pezron. L’invention des couronnes est attribuée par quelques Auteurs à Janus, parce que plusieurs monnoies de Sicile & d’Italie avoient sur le revers l’empreinte d’une couronne & de l’autre côté un Janus à deux têtes, comme le dit Athénée. Charles Paschal, Conseiller d’Etat, a fait un savant ouvrage latin en X livres, de Coronis, imprimé à Paris in-4o. en 1610, & M. Baudelot, dans l’Histoire de Ptolomée Auletes, a fait beaucoup de remarques échappées à Paschal. M. Du Cange a fait une savante & curieuse Dissertation sur les couronnes de nos Rois. Un Allemand, nommé Shmeizell, a fait un Traité sur les couronnes Royales, tant anciennes que modernes.

Couronne antique. C’est une couronne formée par une feuille tournée en cercle, & découpée en grandes pointes jusque vers la base ou cercle qui entoure le front, telles que sont les couronnes des Princes d’Italie. Il y a des espèces d’amaranthe, qui ont les étamines découpées en couronne antique. Dict. de James.

Couronne, en termes de Blason, se dit aussi de la représentation de ces ornemens qu’on met pour timbre aux armoiries, pour marquer la dignité des personnes. Elles sont même plus anciennes que les casques ; & c’étoit autrefois une marque de Chevalerie, & un symbole de victoire & de triomphe. On appelle couronnes rayonnées, ou à pointes, celles des anciens Empereurs, qui avoient douze pointes, qui représentoient, dit-on, les mois de l’année. Corona radiata. On appelle couronnes perlées ou fleuronnées, celles qui ont des perles, des fleurons d’aches ou de persil, comme étoient autrefois presque toutes les couronnes, même celles des Souverains, qui n’ont été mises sur leurs écus que depuis environ deux cens ans. Corona gemmata, florida. Il y en a de plusieurs sortes.

La couronne papale, est composée d’une tiare, & d’une triple couronne qui environne la tiare, laquelle a deux pendans, comme la mitre des Evêques. Ces trois couronnes représentent le Pape comme Souverain Sacrificateur, comme Juge suprême, & comme le seul Législateur des Chrétiens.

Celle de l’Empereur est un bonnet ou tiare avec un demi-cercle d’or, qui porte la figure du monde, cintré & sommé d’une croix. Elle fait voir son bonnet entr’ouvert sur les deux côtés de son cintre, & elle a par le bas deux fanons ou pendans, comme les mitres des Evêques.

Celle du Roi de France est un cercle de huit fleurs de lis cintré de six diadèmes qui se ferment, & qui portent au dessus une double fleur de lis, qui est le cimier de France. Le Roi Charles VIII est le premier qui l’a porté fermée. François I, l’a portée souvent ouverte. Mais depuis Henri II, tous les Rois de France, & même ceux des autres Royaumes, l’ont porté aussi fermée : ce fut Charles VII qui le premier mit la couronne sur l’écusson des fleurs de lis.

Celle du Roi d’Espagne est rehaussée de grands trèfles refendus, que l’on appelle souvent hauts fleurons, & couverte de diadèmes aboutissans à un globe surmonté d’une croix. Philippe II a été le premier des Rois d’Espagne qui ait porté la couronne fermée en qualité de fils d’Empereur.

Celle du Roi d’Angleterre est rehaussée de quatre croix de la façon de celles de Malte, entre lesquelles il y a quatre fleurs de lis. Elle est couverte de quatre diadèmes, qui aboutissent à un petit globe supportant une même croix.

Celles de la plupart des autres Rois sont de hauts fleurons ou grand trèfles, & aussi fermées de quatre, six ou huit cintres, ou diadèmes, & sommées d’un globe croisé.

Celle du Dauphin de France est de même que celle du Roi, à la réserve qu’elle n’est fermée que de quatre diadèmes, formés par quatre Dauphins. Celles des Enfans de France sont ouvertes par le haut, & ont seulement les huit fleurs de lis. Les Princes du Sang Royal portent seulement quatre fleurs de lis, entre lesquelles sont des fleurons. Boniface VIII est le premier des Papes qui a mis trois couronnes sur sa tiare. Ce n’est que depuis cent ans que les Evêques Comtes ont mis des couronnes sur leurs armoiries.

Le Duc de Savoie, qui se qualifie Roi de Chypre, porte sa couronne fermée de deux demi-cercles couverts de perles, & au dessus un globe surmonté de la croix de Saint Maurice, qui est tréflée.

La couronne du Duc de Florence est ouverte, & rehaussée de deux fleurs de lis épanouis, & de pointes & rayons aigus à la façon des couronnes antiques.

Celle des Archiducs a un seul demi-cercle en cintre, garni de perles, qui porte un globe croisé, & est relevée de huit hauts fleurons enfermans un bonnet rond d’écarlate.

La couronne des Electeurs de l’Empire est une espèce de bonnet d’écarlate, & retroussé d’hermines, diadème d’un demi-cercle d’or, tout couvert de perles, sommé d’un globe surmonté d’une croix d’or, que quelques Souverains d’Allemagne s’attribuent aussi.

Les Républiques de Venise & de Gênes ont aussi des couronnes fermées, à cause des Royaumes de Chypre & de Sardaigne.

Les Seigneurs qui ont des terres en principauté, portent la couronne à l’antique ; un cercle d’or rehaussè de douze pointes ou rayons aigus.

La couronne ducale est toute de fleurons à fleurs d’ache, ou de persil.

Celle des Marquis est moitié fleurons & moitié perles alternés.

Celle des Comtes est de perles sur un cercle d’or. On les appelle perles de compte, parce qu’on ne les vend pas au poids ni à l’once, mais selon leur nombre.

Celle des Vicomtes est composée de neuf perles, de trois en trois entassées l’une sur l’autre.

Celle des Barons est une espèce de bonnet avec tortil ou des tours de perles en bandes sur le cercle.

Les Vidames portent aussi des couronnes qui sont d’or, garnies de perles, rehaussées de quatre croix patées, qui marquent qu’ils ont été érigés pour être les appuis de l’Église.

En Italie, nul ne met la couronne sur ses armes, & le doge de Venise seul y met le bonnet Ducal, qu’on appelle ordinairement le corne. En Allemagne toutes les couronnes des dignités sont également faites de feuilles de persil & à bas fleurons. Les couronnes ne sont pas des preuves d’ancienne noblesse, & ceux qui les portent n’ont pas ce droit en qualité de Gentilshommes, mais seulement comme étant Seigneurs des terres qu’ils possèdent, qui ont titre pour les porter.

Le P. Ménestrier, dans les Origines des ornemens des armoiries, prétend que c’est par les monnoies que s’est introduit l’usage de couronner les écussons ; que l’on commença sous Charles VII à faire des gros dont le revers étoit une couronne, sous laquelle il y avoit trois fleurs de lis sans écusson ; que sous Charles VII, on mit la couronne sur l’écusson de trois fleurs de lis dans l’écu d’or, & qu’on a toujours continué depuis ; qu’avant ce Prince, on ne sçavoit ce que c’étoit que de couronner les écussons, parce qu’ils étoient ordinairement penchés ; qu’aucun noble Vénitien, en quelque dignité qu’il soit, ne peut mettre une couronne sur ses armoiries ; que M. le Prince Henri de Condé est le premier des Princes du sang qui a porté la couronne purement de fleurs de lis ; que ce n’est que depuis 100 ans que les Evêques qui sont comtes ont mis des couronnes sur leurs armoiries.

Couronne est aussi un ornement dont on charge les écus des armoiries. L’écu de Suède est chargé de trois couronnes, pour marquer la Suède, la Norwège & le Dannemark. La ville de Cologne porte aussi trois couronnes, en mémoire des trois Rois qu’on prétend y être enterrés. Plusieurs villes d’Espagne portent aussi des couronnes par concessions des Rois.

Couronne se prend aussi figurément comme synonime à Royaume & à la qualité de Souverain. Regnum. Nous sommes venus pour lui ôter la couronne. Agathocle, fils d’un Potier, parvint à la couronne. Cette maison prétend à la couronne de Castille. Charles V renonça à la couronne, abdiqua l’Empire. On paye un droit pour le joyeux avènement du Roi à la couronne. La couronne de France n’est point héréditaire ; elle appartient au premier Prince du sang par la loi du Royaume, sans qu’il soit héritier, ni obligé aux dettes de son prédécesseur. Louis VIII, quoiqu’il ne gouvernât pas par lui-même, a été l’un des plus jaloux des prérogatives de sa couronne. P. d’Orl. C’est un crime impardonnable que d’avoir touché à la couronne, & avancé la main pour la saisir. De Larrey.

La plus belle couronne.
N’a que de faux brillans dont l’éclat l’environne. Corn.

Plus la haute naissance approche des couronnes,
Plus cette grandeur même asservit nos personnes. Id.

On dit traiter de couronne à couronne, pour dire, traiter de Souverain à Souverain. On le dit aussi figurément & par manière de raillerie, en parlant des personnes particulières, lorsqu’un inférieur veut traiter avec son supérieur, comme s’il étoit son égal. Acad. Fr.

Couronne signifie aussi le corps de l’Etat représenté par le Souverain. Regnum. Il y a eu souvent rupture entre ces deux couronnes. Les biens de la couronne sont inaliénables, & avec le temps sont réunis à la couronne. Le Prince est indispensablement obligé de maintenir les droits de la couronne, dont il n’est que le dépositaire. Le Roi d’Espagne a perdu un des plus beaux fleurons de sa couronne, en perdant la Hollande. Le Connétable, le Chancelier, sont des Officiers de la couronne. Les Secrétaires du Roi se disent Secrétaires de la maison & couronne de France, & des finances.

Couronne Royale, Ordre de Chevalerie. Ordo militaris à corona regia nuncupatus. On prétend qu’il fut institué par Charlemagne. Les Chevaliers portoient sur l’estomac une couronne en broderie d’or. L’Abbé Justiniani en parle, T. I, c. 14, & le P. Hélyot, P. I, c. 33, p. 271. Cet ordre s’appelle l’ordre de la couronne, ou les Chevaliers Frisons ou de Frise ; il fut institué l’an 802. Ils portoient une couronne impériale dorée sur un habit blanc. Voyez Frise. Cet ordre n’a existé que dans l’imagination de quelques écrivains modernes. Voyez le premier tome de l’Histoire des Ordres Religieux par le R. P. Hélyot ; mais il y a eu un véritable ordre de la couronne, institué par Enguerrand VII, Sire de Couci, & Comte de Soissons. Voyez Dom Duplessis, Hist. de Couci, p. 88, 89.

Il est fait mention de cet ordre dans des lettres de confirmation que Louis, Duc d’Orléans, accorda aux Pères Célestins de Villeneuve, après qu’il eut acheté la terre de Couci, & le Comté de Soissons. Ces lettres sont insérées dans le Cartulaire de la Chambre des comptes de Blois, de l’an 1393, fol. 34. vo. Il se trouve un sceau de ce Prince à la Chambre des Comptes de Blois où il est représenté, tenant une couronne renversée, attachée au bras droit à une courroie passée dans une boucle. On voit aussi ses armes au château de Blois & à l’Hôtel de Ville, au bas desquelles il y a aussi une couronne renversée. Cette couronne pourroit être la marque de l’ordre de la couronne, institué par Enguerrand de Couci, que le Duc d’Orléans auroit conservé après être devenu Seigneur de Couci & de Soissons. P. Hélyot, T. VIII, C. 39.

Couronne se dit, par extension, de plusieurs ornemens qu’on met sur la tête pour marques d’honneur ou de réjouissance. Corona. Constantin mit, pour ainsi dire, la couronne sur la tête de l’Église. Herman. On donne aux guerriers des couronnes de laurier, aux amans, de myrrhe ; aux buveurs, de lierre. Les bergers portent des couronnes de fleurs dans leurs fêtes. Quand l’Arioste eut reçu la couronne des mains de Charles V, il fut si transporté, qu’il courut toute la ville, plus furieux que son Roland. Henry Lorit ayant été couronné par Maximilien I, recevoit les étrangers qui le venoient voir dans une salle magnifique assis dans un fauteuil qui lui servoit de trône, la couronne sur la tête, sans leur faire l’honneur de leur dire un seul mot.

Chez les Romains, il y avoit diverses couronnes pour récompenser les exploits militaires. La couronne ovale étoit la première ; elle étoit faite de myrte, & se donnoit aux Généraux qui avoient vaincu des ennemis indignes d’exercer la vaillance romaine, & à qui on décernoit les honneurs du petit triomphe appelé ovation. Ovalis. La seconde étoit la navale ou rostrale, qui étoit un cercle d’or relevé de proues & de poupes de navires qu’on donnoit au Capitaine ou soldat qui, le premier avoit accroché ou sauté dans un vaisseau ennemi. Navalis vel rostrata. La troisième, nommée vallaire ou castrense, étoit aussi un cercle d’or relevé de paux où de pieux, que le Général donnoit au Capitaine ou soldat, qui le premier avoit franchi le camp ennemi, & forcé la palissade. Vallaris, castrensis. La quatrième, murale, étoit un cercle d’or crénelé, qui se donnoit à celui qui, le premier avoit monté sur la muraille d’une ville assiégée, & y avoit arboré l’étendart. Muralis. C’est aussi sur les médailles, l’ornement des Génies & de Déités qui les protègent. C’est pourquoi Cybèle, la Déesse de la terre, & tous les génies particuliers des Provinces & des Villes, portent des couronnes tourelées. La cinquième, civique, étoit faite d’une branche de chêne vert, qui se donnoit à un citoyen qui avoit sauvé la vie à un autre citoyen dans une bataille ou dans un assaut. Civica. Elle étoit fort estimée, & fut même donnée à Auguste, & il en fut fait des monnoies avec cette devise, ob cives servatos. On la donna aussi à Cicéron après qu’il eut découvert la conjuration de Catilina. La sixième étoit la triomphale faite de branches de laurier, qui se donnoit au Général qui avoit gagné quelque bataille, ou conquis quelque province. Triumphalis. On la fit d’or dans la suite. La septième étoit l’obsidionale ou graminée, parce qu’elle se faisoit de gramen, ou des herbes qui se trouvoient sur le terrain. Obsidionalis vel graminea. Elle se donnoit aux Généraux qui avoient délivré une armée romaine assiégée des ennemis, & qui les avoient obligé à décamper. La huitième étoit aussi une couronne de laurier, que les Grecs donnoient aux Lutteurs, & les Romains à ceux qui avoient ménagé ou confirmé la paix avec les ennemis ; c’étoit la moins estimée. Laurea. Les couronnes radiales se donnoient aux Princes, lorsqu’ils étoient mis au rang des Dieux, soit devant, soit après leur mort ; cette sorte de couronne n’étant propre qu’à des Déités, dit Casaubon, je ne prétens pas néanmoins faire de cela une maxime constante ; mais aucun Empereur vivant ne l’a prise avant Néron. Les couronnes Athlétiques étoient destinées à couronner ceux qui remportoient le prix aux jeux publics. On voit la couronne d’ache des jeux istmiens sur une médaille de Néron. Adrien, en faveur d’Antinous, en fit faire une de Lotus à laquelle il donna son nom Αντινοεια, qui se trouve sur des médailles. Il y a des couronnes Sacerdotales ou Pontificales pour les Prêtres. Les Déités ont des couronnes particulières, Bacchus est couronné tantôt de pampre, tantôt de lierre. Hercule en porte une d’un feuillage semblable au lierre. Cérès en porte une d’épics de blé. Flore en porte une de fleurs. P. Jobert. Jupiter est couronné d’un diadème, ou de laurier. Enfin, on se couronnoit de fleurs, de roses, & sur-tout de myrrhe & de lierre dans les festins & dans les parties de divertissemens, tant chez les Grecs que chez les Romains, comme on le voit si souvent dans Anacréon & dans les autres Poëtes. Quoique tous les noms des couronnes dont nous avons parlé soient latins, nos antiquaires & nos médaillistes ne font point de difficulté de s’en servir, ils les emploient tous, & ils sont devenus François. Voy. les Sciences des médailles, par le P. Jobert, Jésuite, p. 269 & suiv. de la dernière édition.

Sur les médailles, les couronnes des Empereurs, depuis Jules César, sont ordinairement de laurier, le droit de les porter lui fut accordé par le Sénat, & depuis continué à les successeurs. Justinien est le premier qui a pris une espèce de couronne fermée, qui tantôt est plus profonde en forme de bonnet, & tantôt plus plate, approchant du mortier de nos Présidens, excepté qu’il est surmonté d’une croix, & souvent bordé de perles à double rang. C’est ce que M. du Cange appelle Camelaucium.

En termes de Théologie, on dit la couronne de gloire, ou la couronne du ciel ; pour dire la béatitude éternelle. Corona gloriæ, corona cælestis. La couronne du Martyre ; pour dire la récompense certaine qui est due aux Martyrs. Laurea Martyrum. Voyez le Jésuite Rosweid dans son savant Onomasticon. On orne aussi la tête des saints d’une couronne de rayons, quand ils sont canonisés. Corona radiata. Les Historiens parlent de la couronne d’épines dont Jesus-Christ fut couronné. Corona spinea. Ils assurent que Baudouin, Empereur des Latins à Constantinople, en fit un présent à Saint Louis, qui la fit transporter en France avec beaucoup de pompe & de cérémonie. Il en distribua dévotement quelques morceaux aux églises qu’il affectionnoit. On la conservoit avec vénération dans la Chapelle Impériale à Constantinople. Cependant aucun Auteur plus ancien que le XIIe siècle n’en a parlé. Cet Auteur affirme qu’elle subsistoit de son temps, & que les épines en étoient toujours vertes. Hist. de S. Louis. S. Louis dégagea à les frais la couronne d’épines de N. S. & un morceau considérable de la vraie croix, & d’autres précieuses reliques, qui avoient été engagées par Baudouin, Empereur de Constantinople, pour une très-grosse somme d’argent. La couronne d’épines fut quelque temps après apportée en France, & placée dans la Sainte Chapelle, où l’on la garde encore aujourd’hui, comme un des plus riches trésors qu’il y ait dans le monde. P. Daniel, T. 2, p. 30. Elle est enfermée dans une chasse qui est derrière l’autel, soûtenue de quatre colonnes. Quelques auteurs, après Clément Alexandrin, prétendent qu’elle étoit de ronce, ex rubo. D’autres, qu’elle étoit de burgépine, ou nerprun, ex rhamno. D’autres, d’épine blanche, & d’autres, de jonc marin. Ceux qui l’ont vu à la Sainte Chapelle sont de ce dernier sentiment.

Couronne se dit aussi de la tonsure cléricale que l’on fait sur le haut de la tête des Ecclésiastiques. C’est un petit rond de cheveux qu’on rase au sommet de la tête, qu’on fait plus ou moins grand, selon la dignité des Ordres qu’on a reçus. Corona Clericorum. Celle de Clerc est la plus petite. Celle des Prêtres & des Moines est la plus grande. Une couronne monacale. La couronne cléricale n’étoit autrefois qu’un tour de cheveux, qui représentoit véritablement une couronne ; on le remarque aisément dans plusieurs statues & autres monumens anciens. Quelques Religieux la portent encore ainsi, comme ceux de S. Dominique & de S. François. Grégoire de Tours dit que S. Pierre Apôtre fut Auteur de cette couronne, en mémoire de la couronne d’épines de N. S. On appelle en quelques rituels la première tonsure, Benedictio coronæ. Voyez Ratrame dans son IIe Livre contre les Grecs, c. 5, où il parle de la couronne cléricale. Anciennement on coupoit les cheveux en forme de couronne aux Religieuses & aux Vierges qui se consacroient à Dieu. Il y en a un exemple du septième siècle dans l’Histoire des Chanoinesses de Nivelle. Voyez le P. Hélyot, T. VI, c. 54.

Couronne, en termes d’Anatomie, c’est la base du gland. On remarque autour de la couronne, des corps gros comme une soie fine de porc, longs d’une demi-ligne, de figure presque cylindrique, posés parallèlement sur cette couronne, selon la direction du gland, & éloignés les uns des autres d’un tiers de ligne. On entrevoit à l’extrémité postérieure de chacun des corps, un petit trou par où j’ai souvent fait sortir une matière blanche & épaisse, qui, en sortant, se forme en filets, comme celle qu’on exprime des glandes des paupières. Ce qui prouve évidemment que les petits corps de la couronne du gland sont des glandes, aussi bien que celles des paupières, & non pas des mamelons de la peau gonflés, comme quelques-uns croient, puisqu’il ne sort aucune matière par les mamelons de la peau. Littre, Acad. des Sc. 1700. Mém. p. 308.

Couronne est aussi un petit chapelet qu’on dit à l’honneur de la Vierge, qu’on appelle la couronne. Corona Beatæ Virginis.

En termes de guerre, on appelle ouvrage à couronne, ou ouvrage couronné, ou couronnement, des dehors avancés vers la campagne pour éloigner l’ennemi, & couvrir d’autres ouvrages de la place. Opus coronatum. Cet ouvrage est composé de deux demi-bastions aux extrémités, d’un bastion entier au milieu, avec deux courtines.

Couronne, en termes d’Architecture, se dit de la partie plate, supérieure, & la plus avancée de la corniche, qu’on nomme autrement larmier, gouttière, ou mouchette. Corona.

Couronne, terme de Charpenterie & d’autres Arts. On appelle couronne de pieu, la tête d’un pieu qui est souvent garnie d’un cercle de fer, pour l’empêcher de s’éclater quand on l’enfonce.

Couronne, en Géométrie, est un plan terminé ou enfermé par deux circonférences parallèles de cercles inégaux ayant un même centre, & qu’à cause de cela on appelle cercles concentriques. Circuli quitus commune centrum est.

Couronne, terme d’Astronomie. Corona. Il y a deux constellations de ce nom. La couronne septentrionale, est une constellation de l’hémisphère septentrional, composée d’environ vingt étoiles. La couronne septentrionale est entre le Dragon, Hercule, le Serpent & Bootes : cette couronne est un amas d’étoiles en forme de couronne. La couronne méridionale, est une constellation de l’hémisphère méridional, composée de treize étoiles.

En termes de Verrerie, on appelle couronne, une espèce de petit dôme qui porte sur les arcades du four. Tholus.

Couronne foudroyante, c’est une couronne remplie de feux d’artifice, dont on se sert dans les sièges contre les ennemis. Corona fulminea.

Couronne, petite monnoie d’argent d’Angleterre, que les Anglois nomment Crowon, & que les François prononcent Corone ; c’est comme qui diroit à Paris un écu blanc. La couronne vaut cinq schelings, c’est-à-dire, trois livres 15 sous de France.

Couronne, c’est aussi une monnoie d’argent de Dannemarck.

Couronne, terme de Papetier, papier qui a pour marque une couronne. Papyrus coronæ signo impressa. Donnez-moi du papier à la couronne.

Couronne, en termes de Manège, est une marque, qui demeure à un cheval qui s’est si fort blessé au genou, que le poil en est tombé, soit par chûte, soit autrement

Couronne est aussi la partie la plus basse du paturon du cheval qui règne le long du sabot, qui se distingue par le poil, qui joint & qui couvre le haut du sabot. Equinæ suffraginis corona.

Couronne, en termes de Fauconnerie, est le duvet qui couronne ou environne le bec de l’oiseau à l’endroit où il se joint à la tête. Faultr. Rostri orbiculus, corolla.

Couronne, en termes d’Orfèvre, est la partie d’une lampe d’Eglise qui porte le verre. Circulus.

Couronne ardente, terme de Fleuriste, tulipe blanche & par le milieu de couleur d’agriote ; printanière. Morin.

Couronne impériale. Plante à qui on a donné ce nom, parce que ses fleurs sont disposées, pour ainsi dire, en couronne surmontée d’un bouquet de feuilles. Lilium persicum, Corona imperialis. C’est une plante bulbeuse qui a ses fleurs pareilles à celles du lis ordinaire. Sa racine est une bulbe épaisse, arrondie, blanchâtre, composée de plusieurs membranes ou tuniques collées les unes sur les autres ; & d’une odeur désagréable ; elle pousse quelques feuilles approchantes de celles du lis blanc. Entre ces feuilles s’élève une tige grosse comme le doigt, arrondie, lavée d’un pourpre foncé, haut de trois piés environ, & garnie de feuilles placées sans ordre & plus petites que celles du bas. Ses fleurs ne différent de celles du lis blanc que par la couleur & par la figure du fond de ces mêmes fleurs. On trouve le plus souvent six pétales à chaque fleur, & ces fleurs sont toujours penchées & disposées en manière de couronne à l’extrémité de la tige, qui est surmontée par un toupet de feuilles plus larges que celles de la tige. Le pistil devient un fruit divisé en trois loges qui renferment chacune deux rangs de semence. Il y a des Couronnes impériales à fleurs jaunes & à fleurs rouges, celles-ci sont les plus ordinaires. Celles qui donnent double rang de fleurs, ou des fleurs doubles, sont les plus rares.

Cette plante fleurit au mois d’Avril. Elle est encore appelée le Lis Royal ; ses fleurs ressemblent à des lis, bien qu’elles n’aient pas les bords renversés, & qu’ils ne s’écartent pas tant à l’ouverture. Elles ne viennent pas toujours dans un nombre égal, quelquefois il en fleurit peu, & quelquefois beaucoup. L’ordre & l’arrangement de son tour change aussi-bien que la couleur de ses fleurs. Il y en a à un, à deux & à trois étages. Chaque feuille de cette fleur a dans le fond une certaine humeur aqueuse, qui forme comme une perle très-blanche, qui distille peu à peu des gouttes d’eau très-nettes & très-claires. Voyez Morin, de la Culture des fleurs. La couronne impériale ne veut de soleil que médiocrement, une terre à potager, la profondeur & la distance de quatre doigts. Comme l’oignon n’a point de robe, & qu’il est fort tendre, il ne faut le lever de terre que pour en détacher les cayeux ; ce qui se fait au mois de Septembre ; & on les replante aussi-tôt. Si on les veut tenir hors de terre, il faut les serrer dans des boîtes & les envelopper dans du papier. Morin.

Dans un Recueil de Dissertations critiques sur des endroits difficiles de l’Ecriture, &c, imprimé à Paris en 1715, l’Auteur montre dans la IIe Dissertation que si c’est une fleur qui se voit au revers de quelques médailles d’Hérode I, c’est une fleur de couronne impériale ; que la couronne impériale est le Lis de l’Ecriture, ou le שושן des Hébreux, qui croissoit dans la Terre-Sainte ; qu’elle nous est venue de Perse ; qu’on l’y appelle Thusai ; que ce sont les Turcs qui l’en ont apporté ; & que de Constantinople elle a passé dans ces pays-ci ; que les Arabes ont porté son nom en Espagne, & l’ont donné au Lis qu’on y appelle Acucena ; que le Thusai des Perses est le Lis Royal des Anciens, & que le Lis Royal est la couronne impériale ; que c’est le lilium repandum de S. Jérôme dans la Vulgate ; & enfin que l’eau qu’elle distille est la myrrhe que Salomon dit distiller du שושן ou du Lis des Hébreux. Cant. v. 13. Voyez cette Dissertation.

Couronne, en termes de Physique, se dit d’un météore qui paroît en forme de cercle lumineux autour du soleil & de la lune, quand leur lumière est réfléchie sur des nuées médiocrement épaisses. Corona. Les couronnes sont ordinairement de quatre & cinq degrés de diamètre ; mais quand le ciel est serein, elles en ont jusqu’à 45. Elles sont terminées à l’extérieur par une couleur rougeâtre-obscur. A l’intérieur elles tirent un peu sur le bleu. M. Mariotte, dans son IVe Essai de Physique, dit que les grandes couronnes qui se voient autour du soleil & de la lune sont causées par de petits filamens de neige médiocrement transparents, qui ont la figure d’un prisme triangulaire équilatéral.

Couronne, en termes de Jardinage, se dit de certaines grosses branches à l’extrémité & autour desquelles sont crues plusieurs autres petites branches par la malhabileté de ceux qui conduisent les arbres : alors on dit ironiquement, voilà de belles couronnes. Cet arbre ne manque point de couronnes. Liger. Arbor bene coronata.

☞ On emploie aussi ce mot dans les descriptions de Botanique. Coronula, petite couronne en forme de godet qui s’observe au bout de quelques semences. Cette partie forme un calice propre à chaque fleuron.

☞ Il y a aussi une manière de greffer, que les jardiniers appellent greffer en couronne. Voyez Greffer.

Couronne d’Ethiopie, nom d’une des espèces de coquillages marins. Corona Æthiopiæ. Une couronne d’Ethiopie brune. Gers.

Couronne Papale, nom d’une espèce de coquilles. Voyez Coquille.