Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COUCHER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 953-954).
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☞ COUCHER, v. a. étendre un corps, ou le poser de niveau à terre ou sur une surface, selon la plus grande de ses dimensions. In planum collocare. Coucher une pièce de bois, une sablière, sur un fondement à rez-de-chaussée, pour élever dessus un pan de charpente, la coucher de plat ou de champ.

Coucher, signifie aussi abattre ce qui est élevé, ou à plomb, pour le mettre à fleur de terre. Sternere, prosternere, evertere. Il faut coucher par terre ces arbres, les couper. En ce sens, on dit qu’un lutteur a couché par terre son homme ; qu’un combattant a couché par terre son ennemi, qu’il l’a couché sur le carreau. La grêle, la pluie, ont couché les blés ; pour dire, qu’elles les ont abatus & versés. On dit, en ce sens, coucher une bouteille sur le côté ; pour dire, la vider.

Coucher en joue, signifie mirer avec une arme à feu ou de trait, pour tirer sur quelque chose. Ferream fistulam in aliquem dirigere, collinare. Il a couché en joue son ennemi par trois fois, & il n’a osé lâcher son coup. En ce sens, on le dit au figuré de ceux qui visent à quelque chose d’avantageux qu’ils tâchent d’obtenir. Aliquid spectare, ad aliquid apirare. Il y a long temps qu’il couche en joue cette fille pour l’épouser. Il couche en joue cette charge, il observe quand elle sera vacante.

La villageoise est belle & jeune, je l’avoue,
Dom Alphonse en passant peut la coucher en joue. Scar.

Coucher, signifie aussi étendre tout de son long sur terre ou sur quelqu’autre chose. S. Laurent fut couché sur un gril. Sternere, prosternere.

Coucher signifie aussi mettre quelqu’un au lit, l’aider à se déshabiller. Alicui vestimentum detrahere, aliquem in lecto collocare. Les Valets-de-chambre couchent leurs Maîtres. Les garçons de la noce viennent coucher la mariée.

Coucher, avec le pronom personnel, se dit particulièrement des hommes & des animaux qui s’étendent tout de leur long sur la terre. Procumbere terræ, in terram, sterni terræ, in terram. Ce cheval est vicieux, il se couche dans l’eau, il se couche au lieu d’avancer. Equus cubitor. Ces troupeaux étoient couchés sur le gazon. C’est une erreur des Anciens de croire que les éléphans ne se couchent point, & qu’ils n’ont point de jointures. Les chameaux sont dressés à se coucher pour recevoir leur charge.

Coucher, v. n. signifie être étendu pour prendre son repos. Coucher dans un lit, sur un matelat ; coucher sur la dure. A la ville on est couché bien mollement entre deux draps. A la guerre on se couche souvent sur la paille, sur la terre. Avec le pronom personnel, il signifie se mettre au lit, s’étendre sur quelqu’autre chose. Se coucher sans souper. Se toucher sur le trazon.

Coucher, (Se) en Astronomie, se dit du soleil, des étoiles & des planettes qui disparoissent. Le soleil se couche, est couché, c’est-à-dire, descend, ou est descendu sous l’horison, Occidere.

☞ On dit qu’un mouchoir de cou, une cravate, un ruban, &c. se couchent bien ; pour dire, qu’ils prennent un bon pli, & qu’ils s’ajustent comme il faut sur la personne. On le dit aussi de ce qui s’affaisse, de ce qui devient plat. Deprimi, considere. Les plumes, les garnitures de rubans se couchent, s’affaissent dans les temps humides.

Coucher signifie aussi gîter, passer la nuit en quelqu’endroit. Cubare. La Vierge fut contrainte de coucher dans une étable, parce qu’il n’y avoir point de place dans les hôtelleries. Cet homme a couché en ville, il a couché dehors, parce que les portes étoient fermées ; il a couché au cabaret, il y a passé la nuit à jouer & à boire. On dit en ce sens, coucher à l’enseigne de la lune, à la belle étoile ; pour dire, coucher dehors, n’avoir point de gîte. Sub dio pernoctare. On dit encore en ce sens, qu’une porte a couché ouverte, pour dire, qu’on ne l’a point fermée de toute la nuit.

On dit figur. & prov, qu’un homme a couché dans son fourreau comme l’épée du Roi, ou simplement, qu’il a couché dans son fourreau, pour dire, qu’il a couché tout vêtu. On dit prov. que pour boire de l’eau & coucher dehors, il ne faut demander congé à personne. On dit proverbialement, ceux qui n’en voudront pas, qu’ils se couchent auprès, en parlant de ceux qui refusent une offre qu’on croit raisonnable.

Coucher signifie aussi avoir habitation charnelle avec une femme, soit de jour, soit de nuit ; avoir commerce avec elle. Concubare. Ces amans ont couché long temps ensemble avant que de déclarer leur mariage.

Coucher, v. a, en termes de Jardinage, se dit des branches de quelque plante que ce soit qu’on incline en terre ; c’est-à-dire, que l’on fait pencher en terre, & que l’on couvre de terre pour faire prendre racine. Il faut coucher les branches de ce figuier, pour en faire des marcottes. Le sarment veut qu’on le couche pour en faire des provins. Vineam in terram prosternere, propagare vites in sulcos. Voyez Provin.

Coucher, en termes de Tondeurs de draps, signifie ranger le poil sur la superficie de l’étoffe, après qu’elle a été tondue à la fin.

Coucher se dit aussi des enduits de couleurs qu’on étend sur quelque chose. Inducere. Il faut coucher une telle couleur avant cette autre sur cette menuiserie. Il faut coucher une feuille d’or, de l’émail sur cette montre, coucher du vernis sur cette carte. C’est un grand art de savoir bien coucher les couleurs les unes après les autres.

Coucher, terme de jeu, signifie mettre au jeu, parce qu’en effet on couche, on étend de l’argent sur une table, sur une carte. Deponere in folium lusorium nummos, pecuniam deponere. On a couché d’abord une pistole sur une carte, & on a renvié à la fin jusqu’à dix. Il est grand joueur, il couche gros.

☞ Dans ce sens, on dit figurément & familièrement coucher gros, en parlant de ceux qui s’engagent trop, qui promettent ou avancent des choses au dessus de leurs forces. Multa & præclara minari, sibi multùm fumere. Il parle de faire agir les Puissances ; il couche gros. Ce jeune homme ne demande pas moins qu’une fille de cent mille écus en mariage, il couche gros.

En termes de Manège, on dit qu’un cheval se couche sur les voltes ; pour dire, qu’il porte la tête & la croupe en dehors, comme lorsqu’en maniant la droite, il a le corps plié & courbé, comme s’il alloit à gauche. Inclinare.

Coucher la pâte, terme de Boulanger, c’est mettre le pain sur la couche ; c’est-à-dire, sur un morceau de grosse toile, où l’on met le pain au lait, pour le faire gonfler & revenir, & l’enfourner ensuite. Collocare panem. Couchez ce pain.

Coucher, terme de Chapelier. Coucher un chapeau, c’est le mettre dans la feutrière avec le lambeau.

Coucher se dit figurément des écritures, du style. Scribere, scriptis mandare. C’est un homme qui couche bien par écrit, qui explique bien ses pensées. Dans ce sens, il est vieux & populaire.

Coucher, en Jurisprudence & en matière de comptes, c’est employer, comprendre dans un acte, dans un compte. Aliquid verbis exprimere. On a couché cette clause expressément dans cette donation. La décision de cette affaire est couchée en termes formels dans le texte de cette loi, dans les registres de la Cour. Il a couché cela en recette, en dépense, dans les articles de son compte. On dit en ce sens, qu’un homme a été couché sur l’Etat ; pour dire, qu’il a été mis & employé sur l’état, sur le catalogue de ceux qui doivent être payés de quelques gages, appointemens, pensions, &c. Alicujus nomen in rationes Regis stipendiarias referre.

COUCHÉ, ÉE. part. On dit, il est venu à soleil couché ; pour dire, un peu après que le soleil est couché. On dit de même avant & après soleil couché. Antè ou post occasum solis.

On dit prov. & populairement, qu’on est plus couché que debout ; pour dire, que le temps que dure la vie est peu considérable, en comparaison de celui qui la suit. Acad. Fr.

Couché, en termes de Blason, se dit du cerf, du lion, du chien & autres animaux. Caminga en Frise porte d’or au cerf couché de gueules.

☞ COUCHER. s. m. c’est en général la manière de se tenir couché, posture dans laquelle on se tient au lit, soit en santé, soit en maladie. Cubatio, cubatus.

Coucher se dit à peu près dans le même sens pour l’usage du lit. On dit d’un homme qu’il est délicat sur le coucher. Quand on couche dehors, il n’en coûte rien pour le coucher.

Coucher signifie encore l’action de celui qui couche. On lui a interdit le coucher avec les femmes, à cause de la foiblesse de sa poitrine. C’est en ce sens qu’on se sert de cette maxime de Coutume : au coucher se gagne le douaire, pour dire, qu’il n’est point acquis à la femme, que le mariage ne soit consommé. Concubitus.

Coucher se dit non seulement de l’action de se coucher, mais encore du temps où l’on se couche. Ainsi l’on dit se trouver au coucher de quelqu’un. Assister au lever & au coucher du Roi. Apporter le vin du coucher. On appelle à la Cour, le petit coucher du Roi, l’espace de temps qui s’écoule depuis que le Roi a pris sa chemise, & donné le bon soir aux personnes de la Cour qui se trouvent présentes, jusqu’au moment où il se met au lit. On dit, être du petit coucher du Roi. Etre au petit coucher du Roi, ou simplement au petit coucher. Cela fut dit au petit coucher.

Coucher se dit aussi de la garniture d’un lit. Matelas, lit de plume, &c. On dit en ce sens, un bon, un mauvais coucher.

En termes d’Astronomie, le coucher du soleil & des astres se dit du tems où ils se cachent sous l’horison. Occasus. A l’égard des astres, il y a trois sortes de lever & de coucher ; le cosmique, le chronique & l’héliaque ou solaire. Le cosmique ou véritable est quand un astre se couche en même temps que le soleil monte sur l’horison. Le chronique est quand un astre se couche avec le soleil. L’héliaque ou coucher apparent est lorsque l’astre entre dans les rayons du soleil, & en est offusqué & effacé ; en sorte qu’il commence à disparoître, & à cesser d’être vu.

Coucher vient de cubare. Nicod. Ménage, après de Valois, le dérive de collocare. Du Cange est de même avis, eò quod nosmetipsi in lecto collocemus.