Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORINTHE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 915-916).
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CORINTHE, Corinthus, ville de Grèce, dans le Péloponnèse, ou la Morée, près de l’Isthme, ou de la langue de terre qui joint le Péloponnèse à la Grèce, entre le Golfe de Lépante & celui d’Enghia. Corinthe fut fondée par Sisyphe fils d’Éole, ou selon Paterculus, L. I, c. 3, environ cent ans après le Sac de Troye, par Halètes, fils d’Hippotes, & le sixième des Héraclides depuis Hercule leur chef. Homère en parle, Iliad. L. II, v. 570. Elle s’appela d’abord Ephyre, dit Paterculus. On croit qu’elle prit le nom Corinthe, de Corinthe fils de Marathon, ou, selon d’autres, de Pélops, qui la rétablit. Ç’a été une des plus importantes villes de la Grèce. Elle eut d’abord des Rois : ensuite elle se fit république. Lucius Mummius la prit pour les Romains, & la pilla l’année même que Scipion détruisit Carthage, c’est-à-dire, l’an de Rome 607 ; & par conséquent 147 ans avant Jesus-Christ. Elle subsista, selon Paterculus, 852 ans. Le feu que le Consul Mummius y fit mettre en la réduisant en cendre, fondit toutes les statues, & les ouvrages de différens métaux, qu’il y avoit en très-grande quantité ; & ce mélange de tous ces différens métaux fondus ensemble produisit l’airain de corinthe, si estimé chez les Anciens. Jules César la rétablit, & du temps de S. Paul elle étoit encore florissante. Etienne dit qu’elle s’est appelée Epope, Pagos Ephyta, Heliopolis, & Acrocorinthus. Ce dernier nom ne se donnoit proprement qu’à la citadelle ; elle étoit si élevée, & d’un accès si difficile, qu’il avoit passé en proverbe de dire des choses difficiles. Il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe. Non omnibus licet adire Corinthum. C’étoit proche de Corinthe que se faisoient les jeux Isthmiques. Voyez Vigenere sur César. Quand cette ville fut Chrétienne, elle devint le Siège d’un Archevêque soumis au Patriarchat de Constantinople. Dans la suite elle fut soumise aux Vénitiens, par la concession que leur en firent les Despotes. Elle obéit au Turc depuis 1458, que Mahomet II la prit aux Vénitiens.

Après Mummius, Corinthe fut 100 ans sans être habitée. Elle a été deux fois le théâtre des cruautés d’Amurat II, & de Méhémet son fils. Ces Ottomans l’ont tellement ruinée, qu’elle ne contient pas vingt maisons, encore ne sont-ce que des mazures. Je n’y ai rien vu de plus entier que 12 colonnes, qui n’ont assûrément subsiste, que parce qu’elles n’ont pas de beauté. Elles ne sont que de grosses pierres ; & je pense qu’elles ont été faites avant que les ordres de l’Architecture fussent inventés. Elles ont pour le moins 5 piés de diamètre, & n’en ont pas 20 de hauteur, & pour chapiteau il n’y a dessus qu’un simple cordon fait comme un bourlet. Elles sont si vieilles, qu’elles sont toutes rongées par le temps, & ne sont qu’à 15 piés les unes des autres

On voit assez proche de ces colonnes un reste d’Eglise dont la voûte & les murailles sont revêtues de brique, & les inscriptions qui sont en dedans sur un pilier nous en pourroient apprendre quelque chose, si elles n’étoient tellement effacées, qu’il est impossible de les lire.

Dans un champ voisin de cette Eglise, j’ai remarque une grosse tête de marbre blanc tout-à-fait gâtée & méconnoissable, & une table de pareille matiere, sur laquelle étoit taillée en bas relief, d’une sculpture admirable, un reste de bataille, dont le principal personnage est un jeune cavalier armé à la Romaine, grand à demi-nature.

Ce morceau est tout ce que je vis dans Corinthe qui me pût satisfaire après la vue de la situation qui est merveilleuse. Elle est à un quart de lieu de la mer sur une colline faite en amphithéâtre, dont les degrés vont insensiblement se rendre au port Léchée, où il y a encore une tour qui servoit de fanal autrefois.

Pour l’Acrocorinthe, au pié duquel la ville étoit, ni les Romains ni les Turcs ne l’ont pas détruit. C’est un rocher fort haut, qui a deux pointes & une Forteresse bâtie dessus, que tiennent les Turcs, & qui est inaccessible de tous côtés, si ce n’est de celui du port Cenchrée qui fait la meilleure partie de la ville. Les Turcs ont peuplé le reste de Nègres. Du Loir, Let. X, p. 342, 343.

Auprès de Corinthe est un bois de Cyprès que les Anciens appeloient Craneum, vers lequel étoient autrefois les sépulchres de Laïs & de Diogène le Cynique. On nous dit qu’il y avoit encore dans ce bois un grand bâtiment de marbre blanc ruiné, qui pourroit être le temple de Bellérophon, ou celui de Vénus de Ménalide.

Le territoire de Corinthe n’est pas moins fertile qu’agréable. Son golfe lui sert de canal, m’ayant pas plus de 8 à 10 milles de large, si ce n’est en quelque endroit, comme vers Crissa, où il s’étend un peu davantage. Sinus Corinthiacus.

Corinthe. s. f. est aussi le nom d’une sorte de raisin, dont le grain est petit, serré & fort bon. On l’appelle raisin de Corinthe, & le corinthe. Le chasselas, le cioutat & le corinthe, sont de bons raisins. La Quintin. Raisin de Corinthe, petit raisin à grain menu, qui a l’eau fort douce & agréable ; il y en a de deux ou trois couleurs. Id. Le corinthe blanc est un raisin fort doux, les grapes en sont petites & longues, les grains en sont menus, très-pressés, & n’ont point de pépin, le rouge n’est pas meilleur que le blanc. Id.