Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONTRE-LETTRE

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 871).

CONTRE-LETTRE, s. f. écrit secret & particulier, acte qui détruit un autre acte public, ou plus solennel, qui en altère, ou en diminue les clauses, qui y déroge, ou qui contient une déclaration contraire. Arcana syngrapha alterius vom imminuens, elevans, abrogans, refigens. ☞ Si Titus, par exemple, continue une rente au profit de Mævius ; & que Mævius, par un acte séparé, reconnoisse que la rente ne lui est point due, & que si le contrat a été passé à son profit, ce n’a été que pour lui faire plaisir.

☞ On voit par là qu’il y a une grande différence entre la contre-lettre & la déclaration au profit d’un tiers. La contre-lettre détruit entièrement le contrat ou l’acte, & fait connoître qu’il n’est pas sérieux. La déclaration au profit d’un tiers, ne détruit pas l’acte sur lequel elle est faite : elle fait seulement connoître que le droit de la propriété dudit acte appartient à la tierce personne qui est dénoncée dans la déclaration, & au profit de qui elle est faite.

☞ Ici lettre est prise pour un acte obligatoire. Contre-lettre, acte contraire à la lettre ; contrat qui en détruit un autre.

☞ Les contre-lettres ne font foi que lorsqu’elles sont passées par devant Notaires, ou reconnues en justice ; autrement il dépendroit des parties de se servir d’antidates, au préjudice d’un tiers. Il y a bien des gens qui mettent leur bien à couvert par des fausses obligations, dont ils ont par devers eux les contre-lettres. La coutume de Paris annulle toutes contre-lettres qui sont faites contre la teneur d’un contrat de mariage. Ces pactions particulières qui se font sans la participation de la famille, & qui ruinent les clauses du contrat, sont nulles & prohibées. Il n’y a guère de contre-lettres qui ne soient faites en fraude de quelqu’un, ou contre la foi publique; c’est pourquoi elles devroient être absolument défendues. On approuve les contre-lettres d’un fils à son pere, qui lui a promis un avancement trop considérable, pour lui procurer un mariage avantageux.