Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONSUL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 847-848).
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CONSUL, s. m. ☞ L’un des Magistrats qui avoit la principale autorité dans Rome ; le premier de la République, quand il n’y avoit point de Dictateur. Consul. Les Consuls étoient les chefs du Sénat, commandoient les armées, & jugeoient souverainement des différends entre les Citoyens Romains ; mais parce qu’ils abusèrent de leur pouvoir, il fut permis par la loi Valeria d’en appeler au peuple, sur-tout lorsqu’il s’agissoit de la vie d’un citoyen. Dans la suite, les Consuls étant trop occupés des affaires générales de l’État, ou à Rome, ou à la tête des armées, on créa d’autres Magistrats pour rendre la justice au peuple à la place des Consuls.

Les Romains, depuis qu’ils eurent chassé leur Roi, furent gouvernés par des Consuls qui furent établis l’an 244 ou 245 de la fondation de la ville, ainsi appelés à consulendo. Brutus & Collatinus furent les premiers élus par l’assemblée du peuple. On désignoit les années par les noms des Consuls. Quand l’un des Consuls mouroit dans le cours de l’année de son consulat, on en élisoit un autre ; mais on continuoit à donner à l’année le nom de celui qui avoit eu le consulat ordinaire ; c’est-à-dire, celui qui avoit été élu au mois de Janvier. On ne pouvoit être Consul qu’à 43 ans. Il y eut encore des Consuls du temps des Empereurs, mais ce n’étoit plus sous eux qu’un titre honorable ; cependant ils affectèrent de conserver cette dignité comme un reste de liberté. Enfin, il s’éteignit insensiblement au temps de Justinien ; ensorte que depuis lui, aucun Empereur n’a fait des Consuls, & n’en a pris la qualité. Basile est le nom du dernier Consul marqué sur les Fastes-Consulaires, en l’année 541. Cette dignité étoit alors tellement avilie, qu’on la conféroit aux dernières personnes de l’Empire. L’Empereur Justin la voulut rétablir 25 ans après, & se créa lui-même Consul ; mais ce dessein n’eut pas de suite. Caligula fit désigner Consul son cheval.

Depuis l’établissement de la République, & le consulat de L. Jun. Brutus & de L. Tarq. Collat. auquel Valerius Publicola fut substitué, jusqu’au consulat de Basile, c’est-à-dire depuis l’an 244 ou 245 de la fondation de Rome, 509 ans avant Jesus-Christ, jusqu’à l’an 1293 de la fondation de Rome, 540 après Jesus-Christ ; pendant 1049, on compta les années par les Consuls ; mais depuis l’année 540 de J. C. que Basile étoit Consul, nous ne trouvons plus de Consuls ni de consulats suivis. On compta dans la suite par les années du règne des Empereurs, & par les indictions. Cependant les années qui suivirent le consulat de Basile sont encore marquées quelquefois ainsi ; post consulatum Basilii 1, 2, &c. jusqu’à la 25e. Voyez les Fastes Consulaires imprimés à Amsterdam en 1705, par M. d’Almeloveen, Jurisconsulte hollandois. Dans cet espace de temps, cet Auteur, compte 1060 Consuls, sans parler des Consuls substitués, suffecti. Cependant, de l’an 509 avant J. C. jusqu’à l’an 541 de J. C. il n’y a que 1049 ans, & conséquemment 1049 consulats ; encore fait-il commencer les Consuls l’an 244, de Rome, quoiqu’ils n’aient commencé qu’en 245, selon Tite-Live ; qui, à la fin de son premier livre, dit que le Gouvernement des Rois dura 244 ans.

Les consulats perpétuels des Empereurs d’Orient, qui composent les fastes Byzantins, commencerent l’an de J. C. 567, & finirent l’an 668, avec la dernière année de Constans, petit fils d’Héraclius. Constantin Pogonate voulut que le consulat fut inséparable de l’Empire, ce qui dura jusqu’à Constantin Porphyrogénète. Dans cette forme de gouvernement, l’Empire & le consulat étoient si étroitement unis, que l’Impératrice Irène voulut prendre le consulat, lorsqu’elle fut Régente. Les Empereurs françois, ceux d’Italie, & les Princes Sarrazins, qui commandoient en Espagne, ayant pris le consulat, comme les Empereurs de Constantinople, ceux-ci méprisèrent ce titre, & le quittèrent parce qu’il étoit devenu trop commun ; de sorte qu’il ne resta plus qu’aux Magistrats des villes, & à certains autres Officiers, ce qui arriva vers l’an 900. Voyez le P. Pagi dans sa Dissertation Hypatique, ou sur le consulat.

Sous les Empereurs, il y avoit des Consuls ordinaires, des Consuls honoraires, & des Consuls subrogés, c’est-à-dire, mis à la place des ordinaires, ou par la mort ou autrement. Il y en eut aussi de cette dernière sorte dans le temps de la République. Ceux qui ont donné des listes des Consuls, sont Tite-Live & Tacite, Dion Cassiodore, Idatius, un Anonyme imprimé par le Cardinal Noris, Onuphrius, Panvinius dans ses Fastes Consulaires, Pighius, le P. Petau dans son XIIIe liv. de Doctrina temporum, & Janson d’Ameloveen, Jurisconsulte hollandois, en 1705, avec des notes.

Consul se dit aussi, dans les Auteurs du moyen âge, pour Comte, & Proconsul ou Vice-Consul, pour Vicomte ; ainsi que M. de Marca l’a montré dans son Hist. de Bearn. L. III, c. 3, par plusieurs Auteurs, & beaucoup d’exemples. Epelman a fait la même remarque dans son Glossaire.

Consul signifie aussi les principaux Officiers d’un bourg ou d’une petite ville dans les provinces méridionales de France, qui ont soin des affaires publiques de la communauté, comme les Echevins en d’autres endroits. Ce sont les Consuls qui reglent les impositions, les logemens de gens de guerre, &c. Voyez les notes de Durand sur les Origines de Clermont en Auvergne, p. 37 & 291. Les Echevins y ont été appelés d’abord Consuls, & jusqu’en 1536.

Consul se dit aussi des Juges qui sont élus entre les marchands pour régler les affaires du commerce, suivant les privilèges à eux accordés. Charles IX étant un jour entré dans la Grand’Chambre du Parlement de Paris, & ayant ouï prononcer sur un différend qui étoit entre deux marchands qu’on envoya hors de Cour & sans dépens, après avoir consumé dans une poursuite de dix ou douze années, le meilleur de leur bien, fut si sensiblement touché de voir que les longueurs de la chicane, en ruinant les marchands, détruisoient le commerce, qu’il fit un édit au mois d’Octobre, l’an 1565, par lequel il érigea dans les principales villes du Royaume, comme il y en avoit déjà dans Marseille & dans Rouen, des juridictions particulières de Juges Consuls, tirés du corps des marchands, où l’on décidât promptement les différens qui arrivent sur le commerce. D’autres disent que cette juridiction fut établie d’abord à Paris en 1563, & puis en 1566, par un édit général, dans toutes les bonnes villes du Royaume. Il y a un titre dans la dernière ordonnance de 1675, qui regle la Juridiction des Juges-Consuls. Les Consuls jugent des affaires de marchand pour le fait du négoce, dont ils se mêlent seulement. Les sentences des Consuls portent contrainte par corps. A Paris il y a un Juge & quatre Consuls. En d’autres villes, il n’y a qu’un Juge & deux Consuls. Ils jugent en dernier ressort, jusqu’à la somme de 500 livres, suivant l’article 8 de l’édit de création. Dans les Parlemens de Rouen & de Toulouse, au lieu de Juges & Consuls, on les appelle Prieurs & Consuls.

Consul est aussi un office établi en vertu de commission du Roi, dans toutes les échelles du Levant, ou autres villes de commerce, pour faciliter le négoce, protéger les marchands de la nation, & juger tous les différends qui naissent entre les marchands françois, en se conformant, tant en matière civile que criminelle, aux capitulations faites avec les Souverains des lieux de leur établissement.

☞ Les appellations des jugemens des Consuls, tant aux échelles du Levant, qu’aux côtes d’Affrique & de Barbarie, se relevent au Parlement d’Aix, & les appellations des jugemens des autres Consuls, au Parlement le plus proche du consulat où les sentences ont été rendues.

☞ En matière criminelle, quand il n’échet aucune peine afflictive, ils peuvent juger définitivement, pourvû que les jugemens soient rendus avec les députés, & quatre notables de la nation.

☞ S’il échet peine afflictive, l’instruction faite, ils sont tenus d’envoyer le procès avec l’accusé dans le premier vaisseau faisant son retour en France, pour être jugé par les Officiers de l’amirauté du premier port où le vaisseau fera sa décharge.

L’Ordonnance de la Marine veut qu’un Consul soit âgé de trente ans, & que tous les actes expédiés en pays étrangers ne fassent point de foi en France, s’ils ne sont légalisés par les Consuls. Il y a des Consuls à Alep, à Alexandrie, à Smirne, à Soïd, à Tripoli, à Alger, &c. Le Consul du Caire est celui qui fait le trafic du séné qu’on vend en Europe. Le nom de Consul est demeuré à des Juges de la Marine, lequel, chez les Auteurs du moyen âge, signifie un Juge ordinaire, aussi-bien que celui de Comte, ainsi qu’a remarqué d’Argentré en son Histoire de Bretagne, & M. de Marca en celle de bearn.

Consul se dit du chef de l’Académie de Florence. Le Jurisconsulte Altoviti fut fait Consul de cette Académie en 1723.

On dit aussi Vice-Consul, Vice-Consulis pro Consule. Il y a des Vice-Consuls à Leopoli & à la Carale. L’Ambassadeur du Roi à la Porte ordonna au Consul de Smyrne d’envoyer incessamment à Scio un Vice-Consul. Jean Toubeau, Imprimeur Libraire, & ancien Juge Consul de la ville de Bourges, a fait les institutes du droit consulaire, la Jurisprudence du droit des marchands. C’est un commentaire sur le droit établi par Charles IX, & sur les ordonnances qui le concernent, dans lequel il est traité des droits, titres d’honneur, & prééminences des Juges-Consuls.