Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONSUBSTANTIEL

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 846-847).

☞ CONSUBSTANTIEL, ELLE. adj. terme de Théologie, dont on se sert en parlant des personnes de la Trinité, pour faire entendre qu’elles n’ont qu’une seule & même nature. Ejusdem cum altero substantiæ, consubstantialis. C’est le mot qui est en usage dans l’Ecole. Le Fils de Dieu est consubstantiel au Père. Ce terme fut choisi & adopté par les Pères du Concile de Nicée, pour exprimer la Doctrine de l’Eglise avec plus de précision, & pour servir de barrière & de précaution contre les erreurs & contre les surprises des Ariens. Le terme de consubstantiel étoit en usage parmi les Pères de l’Eglise pour exprimer ce que nous croyons de la Divinité éternelle du Fils de Dieu, avant que Plotin & Jamblique fussent au monde ; & s’il se trouve dans les Ouvrages de ces Philosophes quelque chose de semblable à ce que les Chrétiens ont dit, c’est de la doctrine des mêmes Chrétiens qu’ils l’ont pris. P. Baltus. s. Denis d’Alexandrie, dans sa lettre contre Paul de Samosate, nous apprend que les SS. Pères qui l’avoient précédé, avoient appelé le Fils de Dieu consubstantiel à son Père. Id.

Le même Père s’en étoit encore servi, en parlant du Verbe, dans l’Apologie qu’il envoya au Pape. Le Concile de Nicée l’employa pour couper pié à toutes les vaines subtilités des Ariens qui avouoient tout, excepté ce que signifie le mot ὁμοούσιος, consubstantiel ; car ils alloient jusqu’à reconnoître que le Fils étoit véritablement Dieu ; mais ils nioient qu’il fût un même Dieu & une même substance que le Pere. Aussi firent-ils toujours tout ce qu’ils purent pour abolir l’usage de ce terme. On persécuta les défenseurs du consubstantiel ; Constantius fit tous ses efforts pour obliger les Évêques à supprimer le terme de consubstantiel ; mais la vérité triompha, & ce terme a été maintenu dans les symboles.

Sandius prétend que le terme de consubstantiel étoit inconnu avant le Concile de Nicée. Mais on l’avoit déja proposé au Concile d’Antioche, lequel condamna Paul de Samosate, en rejettant pourtant le mot de consubstantiel. Courcelles au contraire a soûtenu que le Concile de Nicée avoit innové dans la doctrine, en admettant une expression dont le Concile d’Antioche avoir aboli l’usage. Il est vrai que le mot de consubstantiel fut toujours l’écueil des Ariens, parce qu’il attaquoit l’erreur dans sa source, & qu’il prévenoit toutes leurs distinctions & toutes leurs subtilités. Selon S. Athanase le mot de consubstantiel ne fut condamné par le Concile d’Antioche, qu’en tant qu’il renferme l’idée d’une matière préexistente, & antérieure aux choses qui en ont été formées & que l’on appelle coessentielles. Or, en ce sens le Père & le Fils ne sont point consubstantiel, parce qu’il n’y a point de matière préexistente. L’heureuse fécondité de la langue grecque, accoutumée aux mots composés, fournit aux Peres de cette sainte Assemblée le mot d’homoousios ὁμοούσιος, c’est-à-dire, consubstantiel au Pere ou de même substance que le Pere, qui fermoit la porte aux équivoques des Ariens. Quel bruit ne firent-ils pas dans tout le monde Chrétien pour se soulever contre la nouveauté de ce mot pris, disoient-ils, de la fausse sagesse, inconnu aux Apôtres, & aux trois premiers siècles de l’Eglise ? Ils n’appelèrent plus les Orthodoxes qu’Homoousiens, c’est-à-dire, Consubstantiels ou Consubstantiateurs.