Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONSTERNATION

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 843-844).
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CONSTERNATION. s. f. accablement, abattement de courage, causé par un malheur, ou une calamité publique. Consternatio. C’est selon M. de la Chambre, un mouvement de l’appétit, par lequel l’ame se relâche & s’abandonne à la violence du mal. Le même Auteur met la consternation au rang des passions simples.

☞ C’est proprement le dernier degré de frayeur dans lequel on est jeté par l’attente ou la nouvelle de quelque grand malheur. Ce mal arrivé, cause de la douleur ; la consternation est l’effet du mal que l’on craint. La perte d’une bataille répand la consternation dans tout un pays ; on en craint les suites.

☞ L’étonnement, dit M. l’abbé Girard, est plus dans les sens, & vient des choses blâmables ou peu approuvées. La surprise est plus dans l’esprit, & vient des choses extraordinaires. Voyez ces mots. La consternation est plus dans le cœur, & vient des choses affligeantes.

☞ Le premier de ces mots ne se dit guère en bonne part ; le second se dit également en bonne & en mauvaise part ; & le troisième ne s’emploie jamais qu’en mauvaise part. La beauté d’une femme ne cause point d’étonnement, & sa laideur produit quelquefois cet effet. La rencontre d’un ami comme celle d’un ennemi peut causer de la surprise. Un accident qui attaque l’honneur ou qui dérange la fortune, est capable de jeter la consternation.

☞ L’étonnement suppose dans l’événement qui le produit une idée de force ; il peut frapper jusqu’à suspendre les sens extérieurs. La surprise y suppose une idée de merveilleux ; elle peut aller jusqu’à l’admiration. La consternation y en suppose un de généralité, elle peut pousser la sensibilité, jusqu’à un entier abattement. Les cœurs bien placés sont toujours étonnés des perfidies, quelque fréquentes qu’elles soient. Le peuple est surpris de beaucoup d’effets naturels, dont il enrichit la liste des miracles & des sortilèges. Dans les calamités publiques & dans les maux pressans, on est consterné, parce qu’on manque de ressources, ou qu’on se défie de celles qu’on a. Le parfait Chrétien & le vrai Philosophe sont à l’abri de toute consternation, parce qu’ils connoissent la supériorité de la Providence & des causes premières dont ils respectent les desseins & les effets par une entière soumission.