Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONSEILLER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 825-826).
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☞ CONSEILLER, ÈRE. f. C’est en général celui ou celle qui donne conseil. Consiliarius, consiliator, consiliatrix. On le dit aussi figurément des passions & des choses qui servent à régler l’esprit & le cœur. Vous êtes un bon, un mauvais conseiller. La colère, la nécessité sont de mauvaises conseillères. A l’étude des langues, le prince des Asturies joignit celle de l’histoire, la sage conseillère des Princes & des Rois. Mongin.

☞ Le Roi a des Conseillers auprès de sa personne, pour l’aider dans le gouvernement de l’Etat. Plusieurs, sans être auprès du Roi directement, portent le titre de Conseillers du Roi, comme ceux qui sont auprès des Juges royaux. Quelques-uns même, sans faire aucune fonction de judicature, prennent ce titre. Il n’y a pas jusqu’aux Notaires, qui prennent maintenant la qualité de Conseillers-Notaires & Garde-notes du Roi. On a expédié plusieurs brevets de Conseillers, Aumôniers & Prédicateurs ordinaires du Roi, à des gens qui n’ont jamais fait cette fonction. Regis Consiliarius, Regi à consiliis.

☞ Le titre de Conseiller d’Etat, de Conseiller du Roi en tous ses conseils se donnent particulièrement aux Ministres, Secrétaires d’Etat & autres personnes considérables qu’il plaît au Roi d’appeler auprès de sa personne pour les consulter. Voyez Conseil du Roi. Regi sanctioribus à consiliis. Conseiller au Conseil royal, celui qui a entrée au Conseil royal des Finances. Un Conseiller d’Etat ne doit être ni de ces gens hardis qui hasardent trop ; ni de ces timides qui s’allarment de tout. S. Evr, Le Prince doit autoriser lui-même par des manières humaines la sage liberté de ses Conseillers. Id.

Conseiller se dit aussi particulièrement des Juges établis pour l’administration de la justice, dans une compagnie réglée. A Paris, & dans tout le ressort du Parlement, Conseiller en la Cour, signifie absolument un Conseiller au Parlement de Paris. Cette qualification doit se prendre relativement au pays. Supremæ Curiæ, in Supremâ Curiâ Senator.

Au temps du premier établissement du Parlement, on appeloit les Conseillers, Maîtres du Parlement. Dans une Ordonnance de l’an 1321, il y a une défense aux Maîtres de désemparer de la ville, sans la permission du Souverain ; c’est-à-dire, du premier Président. Pasq. Les Conseillers de la Chambre des Comptes ont encore conservé le nom de Maîtres. Un Conseiller aux Enquêtes, à la Grand’Chambre, à la Cour des Aides, au Grand-Conseil, à la Cour des Monnoies. Les Conseillers au Parlement ont été distingués en Jugeurs ou Regardeurs des Enquêtes, & Enquêteurs ou Rapporteurs, aussi-bien que ceux des autres corps, comme les Olim en font foi, & M. de la Mare le prouve dans son Traité de la Police, L. I, T. XI, c. 3.

On le dit encore des Présidiaux & Sièges royaux. Præsidialis Curiæ Senator. Conseiller au Châtelet, au Bailliage du Palais, aux Eaux & forêts, au Trésor, à l’Election. Conseillers de ville, &c.

On divise encore les Conseillers en Conseillers d’Eglise, qui sont Ecclésiastiques, & en Conseillers laïques, qui sont les séculiers. Les Conseillers Ecclésiastiques sont appelés communément Conseillers-clercs. Charles IX. par un Edit de 1573, créa un Office de Conseiller-clerc dans tous les Sièges Présidiaux du Royaume ; afin qu’en qualité d’Ecclésiastique il tînt la main à ce que les droits de l’Eglise ne fussent point usurpés. Les Conseillers-clercs jouissent du revenu de leurs bénéfices, quoiqu’ils ne résident pas, parce qu’ils rendent service à l’Eglise par l’exercice de leur charge, en conservant ses droits, & en veillant à ses intérêts. Les Conseillers-clercs n’assistent point aux procès criminels. Il y a quatre anciennes charges de Conseillers-clercs au Châtelet, qui dans la suite se sont trouvées remplies par des laïques. La Roche Flavin observe que la même chose étoit arrivée au Parlement ; que néanmoins ces Charges n’ont été cassées par aucun Edit ; mais qu’autrefois de simples Clercs y ont été admis trop facilement ; & qu’ils les ont fait passer insensiblement dans l’état laïque, en se mariant au préjudice du serment qu’ils avoient fait à leur réception, de prendre les Ordres dans l’année. Lors de la création des Présidiaux, l’on ne pensa point à y mettre des Clercs. Le Clergé s’en plaignit ; ses remontrances réitérées donnèrent lieu aux Edits de création de deux Conseillers-clercs en chaque Présidial, du mois d’Août 1573, & Décembre 1635.

☞ On appelle Conseiller d’honneur, celui qui sans être, ni avoir été titulaire d’un office de Conseiller, a entrée & voix délibérative dans une Cour Souveraine, une séance distinguée au dessus de tous ses Conseillers titulaires. Les Conseillers d’honneur ne rapportent point, & n’ont aucune part aux épices.

☞ Le Conseiller d’honneur né, est celui à la dignité duquel le titre & la fonction de Conseiller d’honneur sont attachés. Il y en a d’autres qui ne le sont qu’en vertu d’un brevet du Prince. L’Archevêque de Paris est Conseiller né au Parlement. Speciali quodam muneris & officii jure Senator.

Conseiller honoraire, celui qui après 20 ans d’exercice, vend sa charge, & obtient des lettres de vétérance qui lui donnent entrée, séance & voix délibérative dans la compagnie, sans pouvoir cependant rapporter ni participer aux émolumens. Senator honorarius.

Conseiller. C’est aussi un titre qu’on donne à dix Seigneurs Vénitiens, qui, conjointement avec le Doge, représentent le Corps de la République de Venise. On les appelle Conseillers de la Seigneurie.

Conseiller Pensionnaire. C’est ainsi qu’on appelle, dans la plupart des villes de Flandre & des Pays-bas, un gradué qui fait le rapport des procès & donne son avis aux Echevins & Officiers municipaux qui, dans ce pays, jugent les affaites en première instance. Le Conseiller Pensionnaire n’a que la voix consultative, & les Juges peuvent prononcer contre son avis.

Conseillers, en termes de commerce, s’entend des Marchands établis dans les villes où les diverses nations de l’Europe ont des Consuls, & qui sont choisis pour les assister de leurs conseils.

On dit à ceux qui se mêlent de donner conseil sans qu’on le leur demande, que les Conseillers n’ont point de gages.

On dit, en termes burlesques & précieux, le Conseiller des graces ; pour dire, un miroir. Mol. On l’appelle aussi le conseiller muet dont les Dames se servent. La Font.

CONSEILLER, v. a. donner conseil. Voyez Conseil. Consilium dare alicui, aliquem consilio juvare. Nous ne nous contentons pas d’ordinaire de conseiller nos amis, nous prétendons les régler. S. Réal. Il y a encore plus de gens qui conseillent, que de gens disposés à suivre ses conseils qu’on leur donne. Ab. Il est dangereux de conseiller les Grands. Vaug. Si ta religion est bonne, elle ne t’auroit pas conseillé une méchante action, dit le Maréchal de Matignon à un Protestant convaincu d’avoir voulu l’assassiner. Cail. Alcibiade crut que conduit & conseillé par l’amour, il pouvoit tout entreprendre. Vill.

Aimez qu’on vous conseille, & non pas qu’on vous loue.

Conseiller (Se) à quelqu’un, expression un peu surannée ; pour dire, prendre ou suivre les conseils de quelqu’un. Aliquem in consilium advocare, in consilio habere.

Conseillé, ée. part. Consilio adjutus, fretus.