Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONDAMNER

Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 779).

CONDAMNER, v. a. Prononcer un arrêt, une sentence ; donner un jugement contre quelqu’un qui porte quelque peine, perte, ou dommage ; soit à l’égard de son honneur, soit à l’égard de sa vie. Damnare, condemnare. On ne doit condamner personne sans l’entendre. Les Ecclésiastiques ne peuvent condamner personne à mort. Il a été condamné à l’amende, & aux dépens, dommages & intérêts. Condamner par défaut, par contumace.

Faites rougir les Dieux qui vous ont condamnée. Rac.

Condamner se dit aussi pour assujettir quelqu’un à quelque loi, le réduire à la nécessite de faire quelque chose. Nous sommes tous condamnés à mourir.

Jésus-Christ en mourant nous a tous condamnés
A l’imiter dans sa souffrance. L’Abbé Tétu.

Que ferez vous, hélas ! d’un cœur infortuné
Qu’à des pleurs éternels vous avez condamné. Rac.

Condamner, signifie, par extension, blâmer, désapprouver. Vituperare, arguere, reprehendere. Il y a des actions indifférentes qu’on ne peut condamner sans injustice. Les gens de bien sont souvent condamnés par les méchans. Les ignorans condamnent tout ce qu’ils n’entendent point. On est bien aise de trouver que les malheureux sont coupables, afin de les abandonner, & de les condamner avec quelque apparence de justice. Port.-R.

Il faut se regarder soi-même un fort long-temps,
Avant que de songer à condamner les gens. Rac.

Condamner se dit aussi de certaines pensées, & de certaines façons de parler, qu’on ne juge pas dignes d’entrer dans les beaux discours, & dans le beau langage. Damnare, reprehendere, proscribere. On ne se sert guère de la raison, quand on condamne un mot sans lequel on ne sauroit raisonner. Vaug. R. N.

Fuis ce soin trop exact,
Qui pour un mauvais mot condamne une pensée.Vill.

Elle a, d’une insolence à nulle autre pareille,
Après trente leçons, insulté mon oreille,
Par l’impropriété d’un mot sauvage & bas,
Qu’en termes décisifs condamne Vaugelas. Mol.

Condamner soi-même, (Se) se dit de ceux qui parlent contre eux-mêmes, qui se contredisent, qui disent quelque chose qui leur est préjudiciable. En avançant cette proposition, vous vous condamnez vous-même. Tuo te mucrone jugulas.

On dit figurement condamner une porte, une fenêtre ; pour dire, la fermer en sorte qu’on ne la puisse plus ouvrir ; en interdire l’usage. Obserare.

On dit proverbialement & figurement, qu’un homme a été condamné aux dépens, quand il a fait quelqu’entreprise qui ne lui a pas réussi.

Condamner un vaisseau, en termes de Marine, c’est le juger incapable de tenir la mer.

Condamné, ée. part.